Billets qui ont '2020-08-19' comme date.

Anniversaire

Nous fêtons l'anniversaire de mon père mais nous ne faisons plus de photos (nous le regretterons. Je ne sais pas pourquoi ils refusent (ou oublient) désormais de faire des photos).
Ma tante D. et ma fille A. arrivent dans la matinée. L'ambiance devient plus électrique car elles sont très bavardes, avec comme conséquence que ma sœur se ferme. (Dommage. Nous nous parlons si peu que je suis avide des détails sur sa vie.)

Toujours ce moment de gêne au moment où nous nous souvenons qu'il ne faut pas nous toucher alors que nous ne nous sommes pas vus depuis des mois. C'est étrange.

Matinée à bloguer sur la terrasse. H. aide ma tante à résoudre un problème de connexion: comme elle utilisait la touche capslock au lieu de la touche majuscule, elle avait transformé sans le savoir un chiffre en caractère spécial; donc quand elle indiquait son mot de passe au technicien informatique censé l'aider, celui-ci n'arrivait pas à se connecter.
Problème solved, mais je me demande comment elle aurait pu s'en rendre compte sans qu'on la voit, physiquement, taper son mot de passe.

On écoute A. bavarder avec quelque chose de l'ordre du désespoir devant ses longs tunnels de conversation: impossible de le lui dire, impossible de lui expliquer qu'il faut laisser de la place aux autres, elle a toujours l'impression d'être brimée, qu'on lui coupe la parole, qu'on l'empêche de parler.
Il faudrait enregistrer la conversation. Se rendrait-elle compte?

A part, je lui pose quelques questions. Son lapin le plus âgé (lapine) est mort. Elle s'en veut. Elle a vu les symptômes mais n'a pas voulu déranger le véto le week-end.
Je sais qu'on ne peut rien contre le remords, que lui dire que la lapine était âgée et arrivait en fin de vie ne sert à rien. Je suis désolée.

Il fait chaud

Nous sommes partis vers 15 heures. Journée noire de départ en vacances, c'est idiot, comment nous sommes-nous débrouillés? Recherche des routes en forêt, Milly, Malesherbes, vallée de l'Essonne, 38°, rien à faire il faut traverser la Beauce. Arrêt à Jargeau, ville très agréable, commerçante à l'ancienne, c'est-à-dire avec tout en centre ville.

Ma sœur et ma filleule. Ma filleule me montre les basketts que je lui ai offertes pour ses vingt ans (ô le temps de la montre ou du stylo-plume), ma sœur m'a apporté mon cadeau de Noël: un parapluie samouraï. Il est magnifique. J'espère faire flipper les agents de sécurité du RER et des grands magasins.

Apéro. Apparemment le virus a simplifié l'année de prise de fonction de ma sœur en tant que proviseur adjoint: elle n'a pas eu d'examens à organiser (une dizaine car elle est en lycée pro).
Moi : — Et le bac en contrôle continu… Jamais je l'aurais eu comme ça.
Ma sœur : — Il y en a plein. Il y en a plein qui ne fichent rien et comptent sur les épreuves finales.
Ma mère : — Le contrôle continu, ça permet de descendre les élèves qu'on n'aime pas.
Ma sœur, d'un ton égal : — Ça n'est pas professionnel.

Nous dormons à l'hôtel, afin de faciliter la gestion des chambres et ne pas avoir trop chaud (éviter le Charybde et Scylla du «Il fait trop chaud. Ouvre la fenêtre. Y a des moustiques.»)

Les impôts

— Ah tiens, j'en ai profité pour aller payer les 55 euros d'impôts qu'ils me réclamaient. Tu sais, le truc que je ne peux pas régler moi-même par virement sans faire sauter tous les abonnements qui permettent à mon comptable de payer à ma place? Il y avait noté « Paiement par virement ou par carte bleue ». Et tu sais quoi?
— ??
— Ils n'ont pas de lecteur de carte bleue !
— Lool ! Fais un chèque, on le postera en partant.
— Surtout pas ! J'ai posé la question, le mec m'a dit qu'il ne fallait surtout pas faire ça. La perception est autant destinée aux particuliers qu'aux entreprises, les chèques sont tous encaissés sur le compte "particuliers", ceux qu'ils ne savent pas affecter — donc ceux des entreprises — sont mis en compte d'attente et toi, tu continues à recevoir des relances.

Impressions

Au sens propre : j'ai passé la journée au bureau à Nanterre à imprimer des documents, pour les assurés, l'ACPR, le commissaire aux comptes.
Canicule.
J'ai lancé sur mon téléphone la saison 2 d'Hindafing. Les situations sont à la limite de trop exagérer pour ne pas lasser, mais c'est parfois si stupide que ça fait rire, et le héros est attachant. Comme c'est en français (Arte oblige), je suis tout cela d'un œil, ce n'est pas le genre de séries qui demande beaucoup de concentration.

Journée bien remplie

Un saut à Moret dans l'après-midi pour faire signer un avenant à la promesse de vente. Dans notre grand optimisme nous avions prévu de passer devant le notaire le 4 août pour verser 7% du prix: je ne serai tranquille qu'une fois que nous aurons donné de l'argent pour officialiser nos engagements réciproques. Las, il faut que les diagnostics (thermique, inondation, Carrez,… il y en a dix) soient à jour or ceux du vendeur datent de 2008: la signature est donc repoussée à septembre et nous, procéduriers peut-être mais surtout échaudés, nous venons faire signer un avenant officialisant le déplacement de la date. «Courant septembre» est la formulation souple retenue.

Je revois le loft avec plaisir, tout est une question d’équilibre entre se projeter et ne pas faire preuve d’ubris… La dernière fois, il me plaisait tant que j’avais fait attention à ne pas trop regarder, ne pas trop m’attacher, car je ne savais pas ce qu’en pensait H, aujourd’hui je regarde les détails en essayant d’imaginer nos meubles. Jamais toutes nos affaires ne tiendront, c’est une évidence. Trier, donner, jeter. Je songe au vieux monsieur de Là-haut («Monsieur Fredericksen»): c'est la condition pour un nouveau départ.
Le dernier étage qui sera mon fief est magnifique, lumineux, c’est une merveille.

Le propriétaire nous a également proposé de nous vendre des meubles. Nous faisons la liste de ce qui nous plaît, il va faire une évaluation — mais il parle de meubles signés, je suis persuadée que cela sera trop cher pour nous.

Retour. Forêt de Fontainebleau, écurie. Pour la première fois je me dis que j'ai envie de remonter à cheval.
Supermarché : c’est la première fois que H. y remet les pieds depuis le confinement et retour à la maison. Il fait très chaud.

Tard dans la nuit je boucle le dossier ACPR qui aurait dû être rendu le 30 juin. Je n’avais pas connaissance de cette date dérogatoire (normalement c’est le 30 avril), mais depuis que mon boss est parti en vacances l’année dernière pendant mon opération du pied sans respecter aucune des échéances (je lui avais tout préparé, il n’avait plus qu’à envoyer — sa prédécesseur serait morte sur place plutôt qu’agir ainsi), je n’ai plus de scrupule. A quoi bon être plus consciencieux que sa hiérarchie?

Je découvre ahurie des photos de l'explosion au Liban.

La constellation des livres

Une amie a posté cet article sur FB: L’intérêt de posséder plus de livres que vous ne pouvez en lire.

L'article a l'air de supposer que tous les livres contiennent de la connaissance. C'est tout à fait faux. Il y en a quand même beaucoup qui sont des non-livres qui ne devraient même pas exister.

Sinon, posséder plus de livres que je ne peux en lire ne me fait pas culpabiliser : la présence de livres m'apaise. Je les vois, je vais mieux.

Qui ici se souvient des étoiles quand on les voyait encore? Le jeu consistait à regarder entre deux étoiles jusqu'à l'oeil en discerne une nouvelle et de recommencer, et toujours une nouvelle étoile apparaissait et la nuit se creusait et plus on trouvait d'étoiles plus le noir s'approfondissait, c'était vertigineux et c'était bien.

Les bibliothèques me font le même effet. Que je passe devant, je sens la présence d'un monde sous chaque couverture, monde de la diégèse mais aussi monde de l'auteur qui s'est assis à sa table pour écrire, et sur l'étagère une multitude de mondes repose, et d'étagère en étagère ils se multiplient.
Je contemple des galaxies.

A vendre

Choc en arrivant à JRS ce matin : pas de petit déjeuner, tout le monde porte un masque qu'il faudra garder même pendant les cours. C'est la conséquence du discours présidentiel, c'est cela ou l'école d'été s'interrompt.

Aujourd'hui j'ai davantage d'élèves, un journaliste syrien, un Afghan qui aime la cuisine et est passé par la Russie, des Iraniens. Je fais cours avec Paul, un baby-jéz (jésuite en cours de formation) qui vient de Côte d'Ivoire.
Celui qui est passé par la Russie (et donc parle russe) posera une question qui me laissera interdite: comment faire pour rencontrer des filles en France?
— En Russie c'était facile, on allait dans les bars. Mais ici, tout le monde reste en groupe.1
— Je ne suis pas la bonne personne à qui poser cette question. Je n'ai jamais fait ça, je me suis mariée à dix-neuf ans (ce qui est faux au sens strict, mais vrai sur le fond: j'ai simplifié). A mon avis il vaut mieux choisir un hobby, la musique ou le sport… mais ça coûte de l'argent, il faut s'inscrire en club. Attention, si vous choisissez la religion et que vous êtes musulman, renseignez-vous. Faites attention à l'imam que vous choisissez. Jamais vous n'aurez vos papiers si vous fréquentez une mosquée fondamentaliste. Si vous ne savez pas, demandez ici, ils vous renseigneront.

Le sujet du jour ne m'inspire pas beaucoup, il s'agit de l'actualité. J'ai découvert avec étonnement les ressources proposées: TV5 et RFI.
Nous visualisons un journal télévisé de trois minutes, nous voyons le vocabulaire. C'est compliqué avec le masque.

Je repère un reportage de trois minutes sur Louis de Funès. Je n'aime pas beaucoup les mimiques de cet acteur, ses exagérations me gênent, et j'ai été très surprise de son succès pendant le confinement qui a mené à la rediffusion de beaucoup de ses films.
Je lance la vidéo. Parmi les extraits se trouve un extrait de Rabbi Jacob que je prends le parti de commenter, car je sais que le sujet juif est sensible pour beaucoup d'entre eux. Il me semble important de les sensibiliser à la façon occidentale d'envisager les choses.
— Comment, Salomon, vous êtes juif? Ça ne fait rien, je vous garde quand même.
Je leur demande ce qu'ils en pensent. Seule Ndeye, qui est en France depuis longtemps, dit que c'est raciste.
— Oui. Je ne pense pas qu'on le dirait aujourd'hui. En fait il y a plusieurs niveaux dans ces phrases. «Salomon» est un prénom très juif, personne en France dans les années 70 n'appellerait son fils Salomon sans être juif. Donc le patron n'a pas fait l'association, ce qui peut s'interpréter de deux façons: soit il ne fait absolument pas attention à son chauffeur, soit le fait d'être juif a si peu dimportance pour lui qu'il n'y pense jamais. La deuxième partie de la phrase est plus proche de l'antisémitisme: «je vous garde quand même», comme si le fait d'être juif avait pu être une raison valable de licencier son chauffeur. A l'époque, en 1970, ça faisait rire parce que tout le monde savait que c'était de l'humour, qu'être juif n'était pas une raison pour être licencié. Aujourd'hui c'est devenu compliqué, certains sont capables de ne pas voir l'humour, car le fait que ce ne soit pas une raison de licenciement n'est plus évident pour tout le monde.

Je reprends mon souffle. Je les regarde, juste les yeux au-dessus des masques. Je parle trop mais ça me paraît si important s'ils regardent la télé et tombent sur les manifs pro-Traoré.
— C'est devenu compliqué en France, il faut faire attention. Quand vous voyez des manifs pour un noir mort pendant une arrestation, vous pensez quoi?
— Que c'est une manif contre le racisme?
— Oui. Mais dans la même manif, il peut y avoir des pancartes contre les juifs. Donc c'est de l'antiracisme sélectif, pas universel. Donc il faut faire très attention quand on veut soutenir une cause en France. Il faut bien regarder qui soutient qui.

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Repas avec ma collaboratrice. Nous ne nous sommes pas vues depuis mars. Je lui ai donné rendez-vous au restaurant pour papoter également de sujets perso, famille, vacances, etc. Team time. Je ne lui dis pas que je vais déménager. Je n'y crois pas encore complètement.

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La pipelette de ce soir-là est agente immobilière. Elle est passée faire une estimation de la maison. L'intérieur lui a beaucoup plu, sauf le salon qu'elle trouve étriqué.
Il va falloir repeindre la façade. Moi qui ai toujours détesté la couleur jaune de ma maison, je vais la quitter quand elle sera blanche.
Nous mettrons en vente dès qu'elle sera repeinte. L'agente pense pouvoir vendre rapidement. Il paraît que depuis le confinement les Parisiens fuient Paris.

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Le soir je prends le train pour Moret. C'est un test. C'est un peu plus long mais c'est CLIMATISÉ. Et propre. Et vide. Sacrées différences par rapport au RER D. Reste à savoir si les rames sont à l'heure. Le pari, c'est aussi la poursuite du télé-travail, et surtout le changement de boulot. Adieu Nanterre Préfecture.

Je rejoins H. et les deux enfants venus prendre les mesures de l'appartement pour commencer à imaginer où placer nos meubles (et savoir de quoi il nous faut nous débarrasser). H. a également apporté une promesse d'achat. L'idée de laisser un chèque d'engagement nous a fait traiter de fous par l'agente immobilière: «vous lui avez demandé sa carte d'identité? Vous êtes sûrs qu'il est propriétaire? L'argent doit toujours passer par un notaire!»
Bon, bon. (J'ai repensé au type qui avait vendu la Tour Eiffel).

Le "propriétaire" (noté SB par la suite) nous a recommandé le restaurant des Lys à Moret. (Nous lui avions demandé des adresses, que ce soit pour une cantine de tous les jours ou un événement à fêter.) C'est délicieux. Nous en profitons pour fêter l'anniversaire de H. qui est tombé en avril.



Note
1 : La société russe serait-elle plus ouverte que la société française? J'ai posé la question à H. qui met cela sur le compte de la disparition des classes populaires: «Les gens de la classe moyenne restent chez eux ou restent entre eux, ils ne vont pas papoter au café.»
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