Billets qui ont 'Apple' comme nom propre.

Encore

Encore un changement d'ordinateur. Depuis mars je travaillais sur deux portables, ayant reçu en cadeau un MacBook Air auquel je me suis beaucoup attachée: exactement la bonne taille pour mes mains, le bon poids pour mon sac, les bonnes dimensions pour la discrétion, le rêve. J'ai pris l'habitude de l'emmener partout, alors que l'autre a toujours été beaucoup plus fixe car plus lourd.
Les fichiers sur lesquels je travaillais étaient dans deux dropboxes synchronisées avec le portable principal qui conservait également mes photos et iTunes.

C'est fini, tout a été rapatrié sur le "petit" (dit bien évidemment "my precious") et le grand va être vendu. Il va falloir que je m'habitue à Lion. Je perds le compte des ordinateurs que j'ai eus, mais j'espère que celui-ci va durer (Je les use. Ils paraissent inusables, juste suceptibles d'obsolescence, mais je sais que je les use. Je les sens s'essouffler progressivement sous mes doigts, se mettre à souffler et perdre souffle.)

(Dans l'autre sens nous venons de remplacer le téléphone de la maison par un téléphone filaire: fatigués de courir après les récepteurs abandonnés dans les étages, fatigués des batteries déchargées, fatigués de mal entendre. J'ai réussi à trouver un câble RJ9 de cinq mètres, fil en spirale.)

Qui sont ces gens ?

Hier, H. s'est fait voler son iPhone par un pickpockett. Comme c'était un téléphone d'entreprise, il a aussitôt été remplacé par un autre, plus avancé, à qui l'on peut parler et qui vous répond (chaque fois je pense aux lois robotiques d'Asimov):
— Tu te rends compte? Je lui demande le temps qu'il va faire demain, il me répond «Il va pleuvoir demain». Et après-demain? «Le temps pour après-demain n'est pas sûr.» Tu te rends compte? Il a rapproché la deuxième question de la première, il a fait un raccourci sémantique pas du tout évident, ça c'est de la technologie, on n'est plus dans de l'informatique de gestion…

Sa curiosité le console un peu de sa perte (parce que malgré tout, il est malheureux de ce vol, comme chaque fois que nous sommes confrontés à la méchanceté du monde). Il fait des tests:
— Appeler ma femme.
— Je ne sais pas qui est votre épouse. (La voix est un peu mécanique. Elle continue:) d'ailleurs, je ne sais pas qui vous êtes.

Le service après-vente de l'Apple Store, quelque chose du trombone de Microsoft Office

Le Trombone, pour mémoire.


Applestore du Carroussel du Louvre.

— Vous avez un rendez-vous?
— Euh non, pourquoi, il faut un rendez-vous?
— Ah oui, c'est comme chez le médecin, il faut prendre un rendez-vous.
— Ah je ne savais pas, mon problème est tout simple.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Le chargeur ne marche pas. C'est bien le chargeur, j'ai testé la batterie à la maison avec d'autres chargeurs.
— Il va falloir prendre un rendez-vous.
— Mais vous ne pouvez pas au moins vérifier que c'est bien ça qui ne va pas?
Il hésite.
— Oui bon d'accord.

Il s'en va. Le temps passe. Je n'ose prendre un livre, car je crois que si je ne croise pas ses yeux de temps en temps je vais disparaître de sa mémoire. De loin je le vois discuter avec un grand black à propos de ce qui paraît être un iPhone. Est-ce qu'il a pris un rendez-vous? je suis à deux doigts d'aller poser la question mais je me dis que ce ne serait pas de la plus haute diplomatie. Un autre vendeur passe, je lui fais part de ma peur d'être oubliée, il va se renseigner, revient, je ne dois pas m'inquiéter.
J'attends.
Le premier vendeur revient
.
— Alors qu'est-ce qu'il y a?
— C'est un ordinateur tout neuf acheté il y a une semaine, et le chargeur ne marche pas.
— Il va falloir prendre un rendez-vous.
— Mais vous ne vérifiez pas mon diagnostic? Vous voulez la facture?
Je commence à farfouiller dans mon sac, il m'arrête, grand seigneur:
— Non non, on ne travaille pas comme ça.

Il branche le chargeur, essaie le connecteur, tâtonne, vérifie l'absence de faux contact, prend un autre chargeur, vérifie qu'il s'allume aussitôt.

— Ah oui, c'est le chargeur, il va falloir prendre un rendez-vous.
— Mais vous ne pouvez pas le changer tout de suite? Comment je fais sans chargeur?
— Vous en achetez un, vous prenez rendez-vous, et on vous le remboursera.
— Vous plaisantez.
— Non, il faut prendre un rendez-vous.
— Mais je ne veux pas acheter de chargeur; je n'ai pas confiance.
— Alors il faut prendre un rendez-vous.
Je commence à trouver cela vraiment drôle à force d'être stupide.
— Bon, allons-y.
— Votre nom? dit-il en s'emparant de son iPad.
— Euh... Vous ne m'avez pas proposé d'horaires. Vous avez besoin de mon nom pour accéder aux plages horaires? Elles dépendent de mon nom?
— Non, chez Apple on ne fonctionne pas comme ça. J'ai besoin de votre nom pour prendre un rendez-vous.
Je m'empare de l'iPad, je tape mon nom. Nous sommes lundi, les premiers rendez-vous sont dans une semaine. Il note quelque chose dans la zone de texte libre, je lis.
— Vous n'avez pas précisé que c'est un MacBook Air, si vous voulez préparer la pièce — car j'essaie comprendre, et la seule explication sensée que je vois à ce délire, c'est qu'il y ait gestion de stock, préparation de la pièce pour échange standard, etc.
— Non, c'est inutile, on a la pièce en stock, vous savez.
— Mais alors, pourquoi on ne l'échange pas tout de suite?
— Parce qu'il faut prendre rendez-vous.
— Et vous trouvez normal de déranger quelqu'un deux fois pour un échange de pièces qui prend dix minutes?

Je n'ajoute pas que nous sommes en train de dépasser les dix minutes et que s'il m'avait échangé le chargeur tout de suite, je serais partie depuis longtemps. C'est trop difficile à expliquer à quelqu'un qui veut absolument me faire revenir alors qu'il pourrait règler mon problème immédiatement. Mais je ne comprends pas, je ne comprends pas, je ne comprends pas.

— Ah, je ne sais pas pourquoi on vous a fait venir la première fois…
— La première fois, c'est celle-là. La deuxième, ce sera lundi prochain. Qu'est-ce que vous allez faire lundi prochain, pourquoi me faites-vous revenir?
— Ne vous inquiétez pas, on ne fera rien, on changera le chargeur.
— Mais alors…

Je pars, ahurie.

PS. Apple a confirmé mon rendez-vous. Youpi.

mise à jour le 8 avril : problème résolu en passant hier à l'Applestore de Carré Sénart. Sans rendez-vous.

Mon precious

H. m'a offert le plus petit des Macbook Air. A priori je vais pouvoir abandonner papier et crayon. Et si vraiment je peux avoir du wifi partout, je crains que H. ne tarde pas à le regretter?
(C'est très amusant de mettre au point la synchronisation de deux ordinateurs à base de dropbox et d'evernote. Il va falloir que je me perfectionne. Le ménage sur le grand frère devient plus que jamais urgent.

Steve Jobs (1955-2011)

C'est bizarre, tout le monde le connaît à présent, à cause (ou grâce) à l'iPod et l'iPhone. Quand l'iPod avait connu le succès, j'avais ressenti la même impression que lorsque Umberto Eco était tombé dans le domaine public avec Le Nom de la rose.

Mes souvenirs de Steve Jobs, c'est le Newton et le lancement de NeXT. Je devrais sans doute le mettre dans l'autre sens, d'ailleurs, NeXT France ayant précédé le Newton. Mais si l'on excepte le lancement de NeXT à la Défense , cela n'a compté qu'après (dans ma vie, je veux dire).

Le Newton, ce sont des week-ends de solitude avec C. qui savait à peine marcher, pendant que H. allait développer des "applis" chez et avec un ami. Evidemment, vu les ventes du Newton en France, cela ne nous a pas rendu «rêches et célibres», selon notre expression de l'époque. (Je me souviens d'un dessin, d'une pomme en train de tomber sur la tête de Newton, avec une bulle: «Soit je rebondis, soit c'est le grand splash.» La pomme n'avait pas l'air très rassurée.)
Sans doute cette solitude m'a-t-elle fait souffrir davantage que je ne le pensais (en fait je n'avais pas conscience de souffrir, je considérais tout cela avec bienveillance, amusée d'être perpétuellement trompée avec l'informatique (je n'ai jamais accepté un portable dans mon lit, comme quoi la symbolique doit être plus profondément enracinée que la boutade pourrait le laisser croire)), car lorsque l'iPhone a commencé à connaître le succès que l'on sait et que H. a évoqué l'idée de "développer des applis" pour lui, j'ai explosé. J'ai dit non, surprise moi-même par la violence des sentiments qui remontaient, et que j'ignorais jusque alors (entre les deux dates, il y a douze à quinze ans).

NeXT, c'est différent. Nous n'avions pas les moyens d'en acheter, et pourtant, je ne sais combien de NeXT il y a eu à la maison, plus ou moins en pièces détachées, les uns servant de donneurs d'organe aux autres. H. était en extase devant leur système d'exploitation, régulièrement je l'entends soupirer «l'informatique n'a fait aucun progrès depuis le NeXT, quand on l'allume, on voit que tout y était». Je n'ai jamais compris pourquoi il ne s'était pas lancé à corps perdu dans l'aventure. La peur de réussir ou la peur d'échouer ou la peur d'être déçu par ce qu'il aimait profondément? (et le savoir aigu que Steve Jobs avait un caractère impossible, dictatorial). J'aurais dû lui poser la question à l'époque, je regrette de ne pas l'avoir fait.
J'ai été heureuse d'apprendre un jour que NeXT était le père d'internet (enfin, ne disons tout de même pas trop de bêtises dans un domaine que je ne maîtrise pas: la machine qui a porté le premier réseau internet, cf. le lien donné plus haut).

Il me reste aussi un T-shirt. Je ne l'ai pas jeté, même si franchement il est dans un état lamentable.




J'ai pensé à «Roll the dice. Mourning will commence at dawn».

Mon pismo prend sa retraite

Ce billet N'est PAS de la publicité pour Apple. :-)


Je n'arrive pas à me souvenir du moment où j'ai hérité du pismo. Je l'utilisais déjà en septembre 2002, j'en suis sûre. C'était un ordinateur de récup: à partir du moment où nous sommes sortis des perpétuelles fins de mois difficiles, H. a acheté un nouvel ordinateur (un nouveau Mac) quasiment tous les ans en trouvant à chaque fois un prétexte (s'il me lit il va être furieux), des gens prêts à lui racheter le précédent, quelqu'un de la famille intéressé par un ordinateur gratuit (assez rarement, en fait, car la famille est anti-Apple), la nécessité d'acheter un portable, etc.
En 2002, je fus donc la personne qui héritai du pismo, avec un clavier et une souris extérieurs pour m'en servir en ordinateur fixe (je ne m'en suis pratiquement jamais servi comme d'ordinateur portable).

Je n'arrive plus à démêler les années. Il y eut la fois où je provoquai un court-circuit en tirant sur le câble d'alimentation: une carte grilla, je me retrouvai sans ordinateur. Une carte fut commandée, installée, l'ordinateur démarrait mais le son ne fonctionnait plus. Quelques bidouilles plus tard, le son sortait à nouveau, mais uniquement sur des hauts-parleurs externes qu'il fallait brancher sur le portable.
Le pismo avait été promis à C.; entretemps était sorti l'iMac, le coma de mon pismo avait été l'occasion de se procurer cette bête de course: un ordinateur neuf rien que pour moi (septembre ou octobre 2004, puisque par la même occasion H. m'offrit un iPod, le dernier joujou à la mode. Je n'en voulais pas (mon snobisme consiste à mépriser ce qui est à la mode), je m'y habituai très vite. J'espère qu'il va vivre encore longtemps.)
Je ne me suis jamais vraiment entendu avec mon iMac, je ne sais pas pourquoi. Trop beau, trop neuf, le syndrome de «C'est beaucoup trop beau pour un chien». En tout cas, nous n'étions pas destinés à vieillir ensemble. Pour une raison inexplicable, il a grillé sous mes doigts en janvier ou février 2006. Il paraît que c'est rarissime. Est-ce parce que j'ai éternué du thé sur le clavier? J'ai un don avec les ordinateurs et les programmes. Je trouve toujours le défaut.

Chance pour H., cela correspondait à la sortie du Mac mini. Il m'avait déjà annoncé qu'il fallait absolument que nous en eussions un à la maison, qu'il fallait qu'il le teste, que l'idée était géniale (et c'est vrai que...), que c'était destiné aux gens qui avaient déjà un écran et un portable, etc. Je ne voulais pas, toujours pas, de quelque chose bien trop beau (trop grand, trop puisssant, disproportionné par rapport à mes besoins) pour moi. Le Mac mini fut installé dans le salon pour les enfants et je récupérai mon pismo chéri, qu'il fallut faire passer sous Tiger ou Leopard ou Panter, je ne sais. C'était un peu lourd pour lui, mais toujours compatible.

Il y a quelques mois, H. s'est offert le plus grand écran que propose Apple, un 30 pouces (taquinerie à part, il faut tout de même que j'écrive ici que vu ce qu'il programme, c'est justifié). J'ai alors hérité de son 23 pouces. Le pismo a eu du mal. Il a fallu lui rajouter une carte vidéo. Il mettait plusieurs secondes pour passer en veille, il en sortait en affichant un voile rouge. Il fallait le ménager, je pris l'habitude de ne jamais laisser plus de trois applications ouvertes à la fois (le mail, internet, et une troisième). C'était une contrainte. Peu à peu j'avais l'impression de voir vieillir une personne âgée, une personne pouvant de moins en moins se permettre de bouger. Son état se dégradait.
Le pismo est devenu muet. La dernière vidéo que j'ai vue et entendue, c'est celle de la quinte juste. Je n'ai jamais osé avouer à Zvezdo que je n'avais pas écouté les illustrations de ses billets que je lis avec beaucoup d'attention et de plaisir (et maintenant, je vais aller écouter le billet sur Peter Grimes. C'était frustrant, tout de même.).
Mais pas simplement muet, aveugle, aussi. Impossible depuis l'été de regarder les vidéos de Tlön ou de Matoo.
Mon pismo était également asmathique, et j'aimais bien. Je l'entendais souffler quand je lui demandais quelque chose qui demandait de la ressource. Je n'aime pas abandonner les choses usées qui m'ont beaucoup servie. Il me semble que je leur dois quelque chose (Objets inanimés,...), avec eux disparaît un peu de nous-mêmes, aussi. Je ne disais rien à H., mais je savais que le pismo était en train de mourir.

La prochaine version du système d'exploitation ne sera pas supportée par le pismo. H. a acheté le dernier Mac mini (le premier a été vendu pour être évidemment remplacé par le dernier iMac Core duo, vous vous en seriez douté) et a remplacé mon pismo jeudi, sans rien me dire. Le plus étrange est que je ne m'en suis pas aperçue (je dois expliquer que le pismo était invisible, posé sous le bureau). Il m'a envoyé une vidéo, m'a demandé de la regarder. J'ai protesté qu'il y avait longtemps que je ne pouvais plus regarder de vidéo. Puis j'ai essayé. Ça a marché, je me suis réjouie, sans m'étonner. Je ne me suis pas étonnée non plus de ne plus entendre le bruit de l'ordinateur, pas étonnée que la carte-son fonctionne à nouveau. Je me suis dit que j'avais de la chance. Je suis absolument disposée à croire aux miracles, aux fées et aux trois vœux.
Je n'aurais toujours rien vu si H. n'avait pas fini par me le dire.
Cet aveuglement, lui, m'étonne à chaque fois, cette inaptitude à voir ce qu'on ne veut pas voir, cette aptitude à considérer le réel comme figé tant que rien n'indique formellement qu'il a été modifié...

Je suis soulagée. J'avais peur que mon portable s'éteigne un jour, un jour sans sauvegarde bien entendu. J'étais arrivée aux limites de l'exercice, même si je ne voulais pas l'avouer.
Je suis contente de pouvoir aller regarder les vidéos chez les uns et les autres, de pouvoir faire des recherches sur Youtube comme tout le monde, de lancer les radioblogs de Zvezdo. Je vais pouvoir rapatrier ma bibliothèque iTunes qui était sur un autre ordinateur car trop lourde pour le pismo.
J'espère que cet ordinateur-là me durera plus longtemps que l'iMac.


Ça fait un peu étalage, tant pis, ou plutôt tant mieux, ce billet était un billet d'adieu, mais aussi une recension. Je sais que nous avons toujours les derniers produits Apple à la maison, H. dit que c'est faux, en écrivant ce billet j'ai réalisé à quel point c'était vrai (et je n'ai pas parlé de l'ordinateur qui supporte le réseau, ni des deux titanium successifs, ni des iPod mini, nano, shuffle, offerts aux anniversaires et Noëls des uns et des autres, je n'ai parlé que de ce qui me concerne directement.)

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