Billets qui ont 'BNP' comme nom propre.

AG de l'association des amis de Cerisy

Je crois bien y être allée avant tout pour voir la bibliothèque de l'Arsenal (las, point de photo, plus de batterie, pas assez de lumière).
(Mais aussi, je m'en suis avisée mélancoliquement, parce que toujours j'attends et j'espère: je n'arrive pas à croire que je suis la seule à m'intéresser à Cerisy, Coutances, à Joyce, à Proust,… Que sont mes amis devenus, mes professeurs, mes camarades de classe… Vraiment, je ne croiserai jamais personne venu du passé? Et pourquoi attendre cela, alors que je m'entendais si mal avec eux? au nom de la littérature, au nom du désir, au nom du désir d'avoir la preuve que tout cela n'était pas qu'illusion, pas que snobisme et prétention, que pour quelques-uns, au moins, c'était sérieux, important, engageant… (C'est ridicule, quel pourcentage de chances de croiser au hasard des gens si longtemps après dans des lieux aussi spécialisés? — Mais justement, parce que ce sont des lieux spécialisés…)). Mais bon.

Je vous laisse découvrir le programme ici. Kafka m'intéresserait, mais hélas… ni temps ni argent. Une amie, blogueuse par ailleurs, intervient dans le colloque Poésie et politique au XXe siècle (et donc je vous le recommande chaleureusement).

Rapport moral, rapport financier. La Poste, la SNCF, la RATP ont regagné un ou deux points dans mon estime (ce qui ne les fait pas monter bien haut) car ils participent au financement de Cerisy via un "Cercle des Partenaires". (La BNP devrait bien en faire autant pour ses péchés.)

Histoire drôle pour terminer: impossible de mener des travaux à Cerisy sans avoir l'accord des Monuments historiques. Après des décennies d'expérience, cela se passe plutôt bien. Cette année est parue une nouvelle procédure dans le cadre de la simplification des rapports avec l'administration. Accord suspensif donc lorsque l'association demande l'autorisation de remplacer la porte des Escures (anciennes écuries transformées en chambres doubles (auxquelles je dois la connaissance d'Elisabeth)) par une porte identique: il faut… un permis de construire.
L'épais dossier est constitué. Réponse de l'administration: vous êtes une personne morale, il nous faut… un plan d'architecte. Qu'à cela ne tienne, Cerisy avait un architecte sous la main (en train de travailler au projet d'aménagement d'une salle accessible aux handicapés). L'architecte fit un beau dessin, le dossier retourna à l'administration concernée… où il attend encore.
La porte sera-t-elle remplacée avant l'été?

Hep, les blogueurs influents, vous ne voudriez pas sauver une librairie ?

Ou au moins faire un peu de bruit pour embêter la BNP ?

Il y a quelques temps nous nous émûmes (sur FB) de la très probable disparition de la librairie de France à New York, institution qui valait Shakespeare and Co en France.

La même chose est en train de se passer inversement en France, fort discrètement :

Mais où sont les funérailles d'antan, chantait Brassens, un thème que ne reprendra sûrement pas la librairie Brentano's, fondée en 1895 par Arthur Brentano, et mise en liquidation judiciaire par son propriétaire, BNP-Paribas depuis le 12 juin dernier.
« Nous sommes désolés de vous informer de la fermeture définitive du magasin », peut-on lire sur des feuilles A4 scotchées sur les vitrines de la boutique.
Située avenue de l'Opéra, cette librairie historique et anglophone a été prise à la gorge par le propriétaire des murs, BNP-Paribas, donc et n'a pas pu payer un loyer réévalué de 7000 € à 20.000 €, selon les informations de MédiaPart.
C'est à la suite d'une décision judiciaire datant de 2006 que la cour d'appel de Paris a accepté l'augmentation de loyer, sur la demande de la banque.
« Merci de votre soutien et de votre fidélité pendant toutes ces années », achève laconiquement l'équipe de la librairie. Nous avons tenté de contacter l'établissement, mais en vain.
Depuis lundi, le magasin a ainsi fermé ses portes.
source : fabula

Bon évidemment, je comprends qu'entre Roland Garros et la librairie Brentano's, la BNP n'hésite pas. Vendre des balles de tennis au profit des jeunes en difficulté est plus médiatique que leur offrir des livres (surtout des livres en anglais (sachant que la partie française de la librairie a été fermée en mars 2007)).

Des souvenirs personnels m'attachent à cette librairie (dans laquelle j'ai essayé de me procurer en vain le Raul Hilberg avant qu'il ne soit traduit), mais également des traces littéraires : une fois encore je mets en ligne ces quelques lignes de la préface à Cartes postales, de Heny Jean-Marie Levet :

Il y avait Maroussia, dont j'ai oublié le nom de famille. Je l'ai emmenée un jour à la librairie Brentano pour lui montrer les portraits de Walt Whitman. En sortant, le vendeur, qui était mon ami, me fit un sourire en hauteur et me lança un clin d'yeux qui me laissa tout déconcerté, et dont je n'ai pas encore compris le sens exact. J'aimais beaucoup la librairie Brentano; même, de mes dix-huit ans à mes vingt-et-un an, elle a été mon principal lieu de plaisir. J'aimais à me sentir dépaysé, à la façon de des Esseintes dans les bars et les brasseries anglaises de la rue d'Amsterdam. Du reste, nous éprouvions tous le besoin de nous dépayser; nous affections de ne considérer Paris que comme une de nos capitales, et secrètement nous nous apppliquions la phrase de Nietzsche: «Nous autres Européens». Ce n'était pas pour rien que notre revue allait s'appeler: «L'Œuvre d'Art International»! Oh, les belles Américaines que je frôlais parfois —Excuse me— entre les corps de bibliothèque de chez Brentano! Je rêvais, non seulement de me faire aimer d'elles, mais aussi de leur faire connaître la littérature française contemporaine, de leur traduire, en quel anglais et avec quel accent effroyable, tu vois ça d'ici, les «Moralités légendaires», ou même «Maldoror». Mais elles étaient peu préparées pour cela, je crois; peut-être même qu'elles ne connaissaient pas Whitman! C'était probable en effet, car en fait de poètes américains, c'était surtout Ella Wheeler Wilcox qu'elles achetaient. J'étais un des rares clients français de Brentano, je veux dire des clients assidus, qui venaient trois ou quatre fois par semaine. Après avoir eu à mon égard une attitude très réservée, on finit par m'admettre, et par me laisser fouiller partout, même au sous-sol. A vrai dire, presque tout l'argent dont je disposais passait là!

Valery Larbaud, conversation avec Léon-Paul Fargue, en préalable à Cartes postales (Gallimard poésie), p.48

Avis aux amateurs (parisiens) : on brade

En passant rue Danièle Casanova hier soir, je remarque une grande affiche blanche dans la vitrine de Brentano's. Au feutre est inscrit en grandes lettres maladroites «Pléiade - 20%».
Je m'approche, un avis orange est scotché sur la vitrine, qui dit en substance: «Notre propriétaire, la BNP, ayant de décider de doubler notre loyer, nous sommes obligés de réduire notre surface et de recentrer notre activité. Le rayon littérature va être abandonné.» A l'intérieur du magasin, le déménagement a commencé.

Donc si vous avez le temps de passer chez Brentano's (avenue de l'Opéra) aujourd'hui… (Pour ceux qui ne connaissent pas, il y a également énormément de livres de poche et de livres grand format dans cette librairie). N'empêche, cela me fait de la peine. Quand je pense que la BNP "communique" sur son mécénat culturel…
Il y avait Maroussia, dont j'ai oublié le nom de famille. Je l'ai emmenée un jour à la librairie Brentano pour lui montrer les portraits de Walt Whitman. En sortant, le vendeur, qui était mon ami, me fit un sourire en hauteur et me lança un clin d'yeux qui me laissa tout déconcerté, et dont je n'ai pas encore compris le sens exact. J'aimais beaucoup la librairie Brentano; même, de mes dix-huit ans à mes vingt-et-un an, elle a été mon principal lieu de plaisir. J'aimais à me sentir dépaysé, à la façon de des Esseintes dans les bars et les brasseries anglaises de la rue d'Amsterdam. Du reste, nous éprouvions tous le besoin de nous dépayser; nous affections de ne considérer Paris que comme une de nos capitales, et secrètement nous nous apppliquions la phrase de Nietzsche: «Nous autres Européens». Ce n'était pas pour rien que notre revue allait s'appeler: «L'œuvre d'Art International»! Oh, les belles Américaines que je frôlais parfois — Excuse me — entre les corps de bibliothèque de chez Brentano! Je rêvais, non seulement de me faire aimer d'elles, mais aussi de leur faire connaître la littérature française contemporaine, de leur traduire, en quel anglais et avec quel accent effroyable, tu vois ça d'ici, les «Moralités légendaires», ou même «Maldoror». Mais elles étaient peu préparées pour cela, je crois; peut-être même qu'elles ne connaissaient pas Whitman! C'était probable en effet, car en fait de poètes américains, c'était surtout Ella Wheeler Wilcox qu'elles achetaient. J'étais un des rares clients français de Brentano, je veux dire des clients assidus, qui venaient trois ou quatre fois par semaine. Après avoir eu à mon égard une attitude très réservée, on finit par m'admettre, et par me laisser fouiller partout, même au sous-sol. A vrai dire, presque tout l'argent dont je disposais passait là!

Valery Larbaud, conversation avec Léon-Paul Fargue, en préalable à Cartes postales (Gallimard poésie), p.48
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