Il y a au dernier étage de l'aile Sully quelques salles dédiées à trois donations. Ce sont devenues mes salles de prédilection, parce qu'en peu d'espace on traverse les siècles (foin des kilomètres de couloir à arpenter), tout en s'imaginant que ces tableaux ont été pendus à de vrais murs, aimés par de vrais propriétaires.

La donation Carlos de Beistegui propose un petit Fragonard roux, poupin et luxurieux au titre évocateur, Le Feu aux poudres.

Un angelot semble allumer le sein de la jeune femme avec sa torche, à moins qu'il n'allume sa torche à la pointe du sein: c'est indiscernable. De même, la trace rousse aux creux des cuisses est-elle flamme ou toison? Une seule tache de couleur dans les deux cas permet de figurer deux possibilités, éveillant la curiosité et une certaine frustration de ne pouvoir décider: voyons, que vois-je exactement?

Et il me semble représentée en ce tableau du XVIIIe la souplesse de la langue française à son apogée, son élégance et sa finesse, et sa terrible propension à laisser percer les allusions et les double-sens libertins sous les tournures les plus innocentes ou les plus sérieuses.

Finalement, la langue anglaise est peut-être l'art de la litote, du [je-dirais-même-moins|https://vehesse.eu/dotclear/index.php?2004/04/26] tandis que le français serait l'art du double-sens, de l'amphibologie.