Tout est dans le titre.

Nous sommes à l'hôtel près du terminus de la ligne orange, à New Carrolton. Nous mettons quelques minutes à déterminer s'il nous faut des billets ou un forfait journée, pour finalement opter pour des billets qui ne sont pas des billets, mais plutôt des sortes de Monéo que l'on charge du montant que l'on souhaite, et qui se décharge à chaque passage dans les portillons.
En effet, il n'y a pas de prix fixe de billet, il varie en fonction des jours de la semaine et des heures creuses ou de pointe. (Une autre façon de gérer les heures de pointe est à l'œuvre sur certaines highway: la file la plus à gauche est réservée aux voitures contenant deux personnes ou plus. Il s'agit de favoriser le covoiturage.)

Bibliothèque du Congrès. En arrivant je suis amusée par les sacs transparents longs comme des sacs à pain destinés aux parapluies mouillés.





L'intérieur est splendide, nous repérons côte à côte dans des cartouches mitoyens Poe et Whitman, ce qui nous fait deux sur deux, les enfants sont ravis (il faut encourager les troupes). Nous déambulons. Nous sommes très fiers de nous être entendus répondre qu'en tant que Français, nous n'avions pas besoin de participer à un tour (visite guidée), qu'il nous suffisait de nous promener, notre culture générale suffirait (n'empêche que je n'ai reconnu Estienne que parce que Dolet était à ses côtés) et que certains noms (Petit, il me semble, par exemple: qui est Petit?) ne me disent rien.

En exposition, LA une Bible de Gutemberg. 1455. Je n'en reviens pas. Elle se compose de trois tomes, exposés tour à tour (tous les six mois) pour ne pas exposer les mêmes pages à la lumière trop longtemps. Température contrôlée, lumière basse fréquence, photos strictement interdites, lutrin absorbant également le poids du livre pour ne pas abîmer la reliure. Vendue en 1930 par l'Autriche.
— Mais comment peut-on vendre ça? Tu crois que c'est la crise des années 30 qui les y a obligés?
— Je ne sais pas, mais tant mieux, ça lui a permis d'éviter la guerre et les bombardements.

Nous voyons la salle de lecture de la galerie surplombante, entièrement vitrée pour ne pas déranger les chercheurs (la salle est pratiquement vide).

Nous voyons deux expositions, une sur l'exploration des Amériques et ses conséquences avec des cartes magnifiques.
Je reste interloquée devant trois globes successifs, le premier aux environs de 1507, le suivant vingt ans plus tard: sur le premier l'Amérique est une longue bande de terre, sur le deuxième, la forme générale du Nord et du Sud est donnée, leur rattachement par un isthme, le décalage selon la longitude (l'Amérique du Sud plus proche de l'Europe ou de l'Afrique), la baie du Saint Laurent bien dessinée. Travail extraordinaire en si peu de temps avec les moyens de l'époque.%%% — En vingt ans les Espagnols ont cartographié le monde.

L'autre exposition concerne les livres qui ont donné forme à l'Amérique ou qui ont formé l'image de l'Amérique aux yeux du monde extérieur. Jusqu'au aux années 1920 je connais pratiquement tout et j'en ai lu un tiers ou la moitié, ensuite cela devient plus difficile. Je constate avec amusement que certains me sont connus grâce au blog de tatouages que j'aime bien.

La dernière salle expose les livres vendus par Jefferson à la bibliothèque après sa destruction par les Anglais. Un tiers sont d'origine, un tiers sont des dons de la BNF, un tiers provient de divers achats et donations (la bibliothèque a de nouveau brûlé dans les années 1850).

Pas d'accès à la salle de lecture, mais on peut la contempler d'en haut, à partir d'un balcon, sans faire de bruit. Je n'arrive pas à reconnaître le décor de Quand l'esprit vient aux femmes. Je lis le nom des bustes tout en haut sous la coupole mais je les ai oubliés (Moïse, il y avait sans doute Moïse, ce serait trouvable sur internet).

Un tunnel relie la bibliothèque au Congrès. Pas le temps de finir. Je mets cela en ligne en attendant, parce que je finis par douter de pouvoir rattrapper mon retard. Il faudrait d'autres vacances pour tenir mon blog.
Je reprends le 7 avril 2013. Les anecdotes vont être moins précises, tant pis.


Je me souviens qu'il fallait jeter tout liquide contenu dans les sacs à dos entre la bibliothèque et le Congrès. Finalement, il n'y aura qu e dans les monuments officiels de Washington que nous aurons droit à des mesures de sécurité telles qu'on les connaît à Paris.
Nous déjeunons au sous-sol dans un self qui ressemble beaucoup à celui du Met. En catastrophe au milieu du repas nous allons acheter un tee-shirt souveuniir à O. qui a aspergé son tee-shirt blanc de sauce bolognaise. Comme toujours nous avons froid, la clim est insupportable.

Tout est gratuit, il suffit de s'inscrire, de prendre un ticket, d'attendre le guide qui se chargera de notre groupe. C'est très bien organisé, à la fois efficace et bon enfant, sans nervosité.
Nous attendons dans un vaste hall, je regarde les statues, hommes politiques, Américains célèbres, Indiens. Je contemple avec plaisir la statue d'Anne Keller (j'ai songé à Matoo (moi je connais le livre depuis mes années de collège — pas le film (plus tard notre guide nous dira que cette statue constituait deux premières: la première statue d'enfant au Congrès, et la première statue d'handicapée)) et celle de Sacagawea dont j'avais entendue parler quelques jours auparavant par Ruth: c'est l'Indienne qui accompagna l'expédition de Lewis et Clark; Ruth avait émis l'idée que nous allions voir la statue à eux dédiée, mais le projet n'avait pas abouti.





La visite commence par un film qui raconte l'histoire du Capitole, la décision de le construire, les incendies qui l'on détruit, la construction de la coupole ininterrompue par Lincoln pendant les années de la guerre de Sécession. Comme le résumera O. en sortant (ce n'est pas si facile pour lui, il n'a qu'un an d'anglais derrière lui): «Si je comprends bien, ils employaient des esclaves pour construire le Capitole pendant qu'ils faisaient la guerre contre l'esclavage».
Oui, il a bien compris.

Nous montons dans les étages, passons près d'une étoile blanche dans le sol qui porte bonheur si l'on met le pied dessus.
Nous visitons la salle aux statues dans laquelle je repère Webster. Six mois plus tard je me souviens surtout de deux choses: notre guide ne pouvait concevoir la vie sans la climatisation et bénissait chaque jour le sénateur ou le représentant (j'ai oublié son nom) qui avait décidé de climatiser le Congrès («Vous imaginez! Travailler ici sans clim!» Et l'on sentait que toute son admiration allait à ces vaillants pionniers, ou encore «Vous pouvez visiter la coupole et monter dans la galerie (tout là-haut sous le plafond), il suffit de s'inscrire quelques semaines à l'avance, mais attention, il n'y a pas d'ascenseur ET PAS DE CLIM». Et l'on sentait qu'il en transpirait rien que d'y penser); et deuxièmement, il vouait une admiration sans borne aux films patriotiques de Clint Easwood.

Il nous indique qu'il faut écrire à son député pour visiter la salle des représentants. Nous sommes désappointés, mais H. décide de ne pas se laisser décourager et aborde le bureau des visites: si les Américains doivent écrire à leur représentant, que doivent faire les étrangers?
Réponse: rien, ils peuvent entrer immédiatement (!!!)

Pour entrer dans la salle des représentants, il faut de se débarasser de tous ses objets, téléphone, appareil photo, mais aussi portefeuille, papier d'identité, sac à mains, tout ce dont on ne se sépare pas volontiers aux mains d'inconnus. Les objets sont recueillis dans des sortes de grandes boîtes à chaussures en échange de ticket de vestiaire (cela m'a marqué, d'une part parce que le sentiment de nudité est assez étrange, d'autre part parce qu'un homme sortira paniqué de la salle des représentants: ticket perdu, aucun moyen de prouver son identité, et la perspective que toutes ses affaires aient été récupérées par un autre).
La salle est plongée dans la pénombre. Au ras du plafond des portraits, parfois surprenants (Moïse, Napoléon 1er, Hammurabi, Saint Louis, Maïmonide). Nous nous asseyons sur des sièges et écoutons des explications qui ne m'ont guère marquées.

Je ne sais plus où nous avons dîné le soir. Mais je me souviens m'être dit à un moment: «Mais nous sommes dans un hôtel pour Noirs!», non seulement parce qu'il n'y avait que des Noirs, ce que je n'aurais sans doute pas spécialement remarqué, mais à cause de leurs réactions: ils avaient l'air surpris et très heureux, l'un d'entre eux dans l'ascenseur m'a demandé d'où nous venions.
Je me suis dit qu'il devait y avoir des codes non écrits qui devaient désigner ces hôtels, codes et signes auxquels nous étions ou serions totalement imperméables en tant que non initiés.
Mais il s'agit d'une supposition gratuite.