Déjà le quatrième jour. Temps de "reprise" sur les trois premiers jours, c'est-à-dire que nous sont posées deux questions (j'ai oublié la première, mais la seconde est «qu'est-ce que je souhaite vraiment?», question qui me laisse toujours muette mais à laquelle l'esquisse de réponse varie lentement), nous y réfléchissons dix minutes seuls puis nous nous retrouvons en groupe pour "échanger" (entre guillemets car je crois que c'est du jargon catho. Mais peut-être que c'est du jargon de "team management"). Evidemment, nous disons ce que nous voulons, il n'y a aucune obligation de parler.

Je ressors de ces trois jours la liberté de parole et l'abandon progressive de mes préventions: en toute honnêteté, j'avais peur de venir ici, car si je me retrouvais parmi des «Manifs pour tous», qu'aurais-je eu de commun avec ces gens? Qu'aurais-je eu à leur dire?
Mais tout est beaucoup plus nuancé que cela, je suis rassurée, il est possible de parler — ou de se taire — sans s'étouffer d'indignation, je m'en suis aperçue dans le bus ou au petit déjeuner.
A ma grande surprise, pour des raisons différentes, chacun évoque la bienveillance de l'assemblée; apparemment chacun est arrivé un peu en repli, un peu méfiant (pas forcément à cause de ce qu'il avait peur de trouver, mais aussi à cause de situations difficiles en France), et est soulagé devant la non-agression généralisée.

Les conférences reprennent; comme d'habitude je vous livre des bribes et je note ici quelques références pour les avoir à disposition à tout moment.

Conférence d'Amaladoss. Karma et réincarnation. (Amal, comme nous l'appelons, intervient sur la religion hindouiste, vous l'aurez compris).
Je vous livre une parenthèse sans rapport avec le cœur du sujet mais qui m'a fait rire: «Nous on dit : la chatte porte ses petits, le petit singe s'accroche à sa mère: Dieu est-il du côté du singe ou du côté du chat? C'est ce qu'on dit à propos des dominicains et des jésuites: les dominicains sont du côté des chats, les jésuites du côté des singes.» (J'aurais tendance à penser que c'est à chacun de nous de nous demander si nous sommes petit chat ou petit singe).

Marc intervient sur le serviteur souffrant dans les quatre chants d'Isaïe.
(Gustav Janouch : Conversations avec Kafka
Question de Janouch : Et le Christ?
Réponse de Kafka: Le Christ, c'est un abîme empli de lumière sur lequel il ne faut pas se pencher.)

Je passe sur l'exposé de Marc riche de références interbibliques. Je note ce qui me frappe: ce que paraît chercher Marc en fin d'exposé, c'est de quelle façon, par quel moyen, la part humaine de Jésus a-t-elle réussi à comprendre et à discerner ce qui était attendu de lui. Marc cherche la réponse dans les Ecritures et l'histoire juive, et c'est une question, effectivement, vertigineuse.

Catherine Broc-Schmezer nous présente Œdipe à Colonne et en profite pour nous expliquer la structure d'une tragédie (rôle du chœur, etc…).

Sieste sous les pins, plage.
Dîner à la table du père Gabriel. Nous parlons de la Grèce, il confirme que les Grecs ont beaucoup consommé, emprunté, qu'on les y a poussés dans les années 80 et après, et qu'ils ont tout de même une certaine tendance à rejeter les responsabilités sur les autres (l'Europe, l'Allemagne, la crise, etc).

Messe dans la nuit, j'observe les insectes. Maurice nous raconte une histoire vécue dont je vous donne la conclusion : «il nous a dit: "j'ai appris un mot, c'est "miséricorde": ça veut dire être tiré de sa misère par une corde». (Il s'agissait d'un jeune défavorisé insupportable qui avait fini par tomber dans une crevasse et avait dû en être sorti par les autres).