Il est deux heures moins dix, il ne reste que moi dans le salon, "ma" coiffeuse me coupe paresseusement quelques mèches. Elle s'adresse à l'autre (la troisième est partie faire les courses):
— Tu ne veux pas mettre la radio? Il paraît qu'il y a eu un attentat, j'ai entendu un bruit qui disait ça…
— La radio ne marche plus, c'est pour ça qu'il y a de la musique…

Elle sort son téléphone, cherche, lit en ânnonant imperceptiblement: «Une fusillade à Charlie hebdo… douze morts…»
Je suis abasourdie: — Douze morts ?!!
Je n'y crois pas.
Elle continue : — ce doit être un théâtre… il parle de théâtre…
Tout cela est tellement irréel qu'elle parvient à me faire douter: — Non, c'est un journal.
— Ah oui, ce sont les blessés qu'ils ont emmené dans un théâtre…
— Vous ne connaissez pas Charlie hebdo?
— Euh… non…

Alors j'explique, le dessinateur danois, la reprise des dessins, les menaces, déjà une bombe. Je fais simple, mais je me dis qu'il faut qu'elles comprennent avant d'écouter la presse, Dieu sait comment tout cela va être présenté:
— C'était des dessins, bon, pas toujours très fins, parfois lourdingues, mais bon, que des dessins…

Je rentre au bureau, prends mon téléphone, regarde twitter.
Charb, Wolinski, Cabu, Tignous.
Ça n'a aucun sens. Cabu et Wolinski martyrs. Absurde. Ça les aurait bien fait rigoler.


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Grande émotion dans le pays ce soir, grande solidarité. Rassurant. Consolant. Mais quel choc. Tuer les clowns. Ils tuent les clowns. Mais quels cons.