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Le fils prodigue

Deux figures me retiennent dans la Bible : celle du frère du fils prodigue qui ne se réjouit pas, celle de Jonas qui ne veut pas aller à Ninive car il désapprouve la mansuétude divine et ne veut pas se fatiguer à prêcher alors que Dieu est prompt au pardon.

Autre figure: le père du fils prodigue.
Il n'y a pas à tortiller, je suis plus rancunière.
Ou : j'ai la mémoire plus longue, la méfiance à fleur de peau, d'autant plus à fleur de peau que je combats ma naturelle tendance à faire confiance.
Ou : le fils prodigue ne paraît pas avoir fait montre de beaucoup de repentir.


C. est accepté à 42. Cela ne parvient pas à me réjouir. Je l'ai vu abandonner trop de cursus aux environs de février-mars. Je commencerai à y croire un peu en juillet prochain.

Actualités

En ce moment, ça se passe ici ou ici ou encore ici.

Mes cours ont repris la semaine dernière avec Yara Matta. C'est un pur bonheur difficile à transmettre. C'est un tissu de références et de citations croisées, non plus des allusions obscures et déstabilisantes à des textes en akkadien, égyptien ou assyrien, mais une circulation rapide dans les textes du Talmud, Targum, etc. Circuler de versets en versets via un mot ou un thème lors d'un commentaire rabbinique s'appelle "faire un collier".
Et tandis que Yara Matta nous explique le contenu des offices à la synagogue et leur évolution, la similitude avec la liturgie latine éclate (deux lectures, introduction d'un psaume après 70 (concile de Yabneh), une homélie). Cela ne semble pas avoir deux mille ans mais cinquante ou dix, c'est hier ou aujourd'hui. La liturgie comme immobilisation du temps, éternité. Nos deux traditions si proches sont sœurs et la douleur de la destruction des juifs d'Europe remonte, tant de haine tant de siècles, à l'image des nombreux frères ennemis de l'Ancien Testament, et tout cela alors que nous sommes les mêmes, nés des mêmes récits.
Il y a une douleur et une joie dans ces cours, dans ce cycle de théologie, que je ressens très profondément mais que je ne sais pas exprimer. La façon dont le temps boucle, de l'an zéro aux années 1940, est pour moi une évidence. Nous vivons après la fin du monde, ou d'un cycle.

Deux références:
La traduction du Targum du Pentateuque (Torah en araméen) en français par Roger Le Déaut
et Ephraïm Urbach, Les sages d'Israël, qui, selon les termes de Yara Matta, est «à lire l'été. C'est un gros pavé mais très agréable à lire, qui couvre la période des Tanaïm jusqu'au 5e siècle».

Moonrise Kingdom

Moonrise Kingdom : drôle, beau, inattendu, enlevé, émouvant, stylisé… Et la musique.


Ma serviette 42 est arrivée. Elle est très discrète.

Towel day

Programme du jour de la serviette vendredi 25 mai 2012 (des explications ici).

Cette année j'ai commandé ma serviette.



ajout le soir: vu Babycall. Film fantastique. On en sort secoué, mais aussi avec l'impression vague d'avoir été floué: la tentative de démêler ce qu'on vient de voir ne donne pas satisfaction. Visage mobile de l'actrice aussi contrasté que le ciel, du sourire à l'angoisse.

42

Vendredi soir, en allant aux cruchons, dans un des nouveaux wagons du RER B (je le note, ça fera un point de repère quand nous nous demanderons: «Mais quand donc la ligne B a-t-elle changé de wagons? Tu te rappelles, les wagons sales à lumière jaune?»)

Donc voilà, la lumière est blanche.

Quelques instants plus tard, cet homme s'est mis à rire tandis qu'il avançait dans les dernières pages du Dernier Restaurant avant la fin du monde, deuxième tome de la série de Douglas Adams.



Towel day : rendez-vous aux arènes de Lutèce

Pour les 10 ans du Towel Day le Grand Ordre de la Serviette organise un événement inoubliable sur Paris.

LE PROGRAMME COMPLET :

1- Combat de serviette

2- Lancer de serviette

3- Course à la serviette

4- Tir à la Serviette

Entracte — défilé de belles serviettes

Pièce "La Serviette" du fameux poète latin Plaute (254-184 av JC)

Remise des coupes, médailles, diplômes (enfin ce qu'on trouvera!) aux grands vainqueurs des susdites compétitions.

Rendez vous à 19h30 aux Arènes de Lutèce (dans le quartier latin), un somptueux endroit, idéal pour un towel day ensoleillé. Après on ira finir la soirée dans un pub du coin à boire des cacahuètes et manger des bières (ou l'inverse - à voir).

Le jour de la serviette : hommage à Douglas Adams

Le 25 mai, tous les amoureux du Guide galactique1 se promèneront avec une serviette: c'est towelday. Les fans de [Douglas Adams| célèbrent ainsi sa mort, survenue le 11 mai 2001: le temps de se donner le mot, et quinze jours plus tard naissait le premier towel day.

Lundi, les Parisiens et banlieusards les plus accros pourront se retrouver gare du Nord à 20h30. Pourquoi une serviette? Parce que c'est l'objet le plus important quand vous faites du stop à travers la galaxie. Par cet objet vous renvoyez une image de sérieux, d'auto-stoppeur à qui l'on peut faire confiance.





La serviette … est sans doute l'objet le plus vastement utile que puisse posséder le routard interstellaire. D'abord par son aspect pratique : vous pouvez vous draper dedans pour traverser les lunes glaciales de Jagran Bêta ; vous pouvez vous allonger dessus pour bronzer sur les sables marbrés de ces plages irisées de Santraginus V où l'on respire d'entêtants embruns ; vous pouvez vous glisser dessous pour dormir sous les étoiles, si rouges, qui embrasent le monde désert de Karafon; vous en servir pour gréer un mini-radeau sur les eaux lourdes et lentes du fleuve Mite; une fois enfilée, l'utiliser en combat à mains nues ; vous encapuchonner la tête avec afin de vous protéger des vapeurs toxiques ou bien pour éviter le regard du hanneton glouton de Tron (un animal d'une atterrante stupidité: il est persuadé que si vous ne le voyez pas, il ne vous voit pas non plus — con comme un balai, mais très très très glouton) ; en cas d'urgence, vous pouvez agiter votre serviette pour faire des signaux de détresse et, bien entendu vous pouvez toujours vous essuyer avec si elle vous paraît encore assez propre.

Plus important, la serviette revêt une considérable valeur psychologique: si pour quelque raison, un rampant (= non routard) découvre qu'un routard a sur lui une serviette, il en déduira illico que ce dernier possède également brosse à dents, gants de toilette, savonette, boîte de biscuits, gourde, boussole, carte, pelote de ficelle, crème à moustiques, imperméable, scaphandre spatial, etc. Mieux encore, le rampant sera même heureux de prêter alors au routard l'un ou l'autre des susdits articles (voire une douzaine d'autres) que ledit routard aurait accidentellement pu "oublier"; son raisonnement étant que tout homme ainsi capable de sillonner de long en large la galaxie en vivant à la dure, de zoner en affrontant de terribles épreuves et de s'en tirer sans avoir perdu sa serviette ne peut être assurément qu'un homme digne d'estime.

Douglas Adams, Le Guide galactique, p.40-41
Alors à vos serviettes!


Note
1: Philippe Gloaguen, le fondateur du Guide du routard, a interdit que le livre s'appelle en français le Guide du Routard intergalactique, ce qui devrait être son titre.

Ma pire expérience professionnelle

En 1991, j'ai été trois mois responsable paie chez Cedi sécurité (nom commercial: Alarme 2000), une PME familiale à Aubervilliers.

Ce fut très instructif. J'y ai appris que certains commerciaux (nombreux) payés à la comm' se voyaient remettre des bulletins de paie à zéro tandis que d'autres (très peu, deux ou trois) roulaient en Porsche, que la famille du patron avait toujours raison, que les quarante-deux francs nets reversés à l'origine pour contre-balancer l'impact de la CSG ne devaient être décomptés qu'à partir de huit heures de travail (quota que n'atteignaient pas certains étudiants venant tenter le télé-travail) et qu'ils étaient ensuite proratisés en fonction du nombre d'heures de travail et arrondis (ce que ne savait faire aucun logiciel), que les soldes de tout compte devaient être calculés de plusieurs façons afin d'utiliser la plus favorable au salarié, que les trente jours de congés payés étaient des jours ouvrables, que le nombre d'heures de travail par mois était égal à 52 semaines / 12 mois x 39 heures (à l'époque), etc, etc.
J'en ai conservé une profonde horreur de la fonction paie et un grand respect pour les personnes chargées de cette tâche ingrate et très technique.

Les frères du patron travaillaient dans les ateliers, sa belle-sœur dans le bureau en face du mien. Elle était méchante et raciste et fumait comme un poêle (lorsqu'une stagiaire noire est arrivée, elle a mis un petit panneau sur l'une des portes des toilettes: «réservé aux CDI»). Son cocker dormait à ses pieds. Un jour il avait pissé sur le bas de pantalon d'un salarié, et sa maîtresse en riait encore quand elle racontait l'anecdote. Je pense souvent à elle: a-t-elle eu un cancer du poumon?

Mon supérieur hiérarchique m'avait expliqué qu'il y avait tout intérêt à embaucher des personnes de 55 ans: elles avaient si peur de perdre leur emploi qu'elles étaient parfaitement dociles et l'on était sûr de ne pas s'encombrer pour plus de cinq ans au cas où il faille "alléger la masse salariale", comme on dit pudiquement.

Nous allions déjeuner dans un restaurant arabe au milieu des garagistes carrossiers maquilleurs de voitures volées (le mur (de Berlin) était tombé deux ans plus tôt, le vol de voitures était en plein essor), j'avais l'impression de me retrouver à Levallois dans un roman de Gustave Lerouge ou Léo Mallet, c'est l'époque où Gainsbourg est mort, mars ou avril, la serveuse du restaurant a gagné quatre millions de francs au quinté+ avec une copine.


Il y a deux ou trois ans, j'ai rencontré B. par l'intermédiaire de H. (Il est devenu l'autre actionnaire de "ma" société.) Par hasard et par extraordinaire, il avait travaillé chez Cedi comme commercial, vendant des systèmes de surveillance en porte à porte.
Il nous a raconté les pratiques apprises en formation chez Cedi (le forcing, l'intimidation des vieilles dames, etc.) Il nous a donné les critères qu'on leur recommandait de prendre en compte pour choisir leur potentiel client victime durant leur porte à porte: le nain de jardin et la parabole. «Et s'il y avait en plus un portail électrique, nous n'avions pas droit de rater la vente!»

Je pense souvent à cette entreprise. J'en rêve la nuit.

Random things (miscellanées)

Finalement, c'est facile :

32/ Ce matin, une jeune fille à vélo remontait le boulevard Malesherbes à gauche de la voie de gauche.

33/ J'ai vu un moineau. Ils sont en voie de disparition.

34/ La main sur un flanc comme sur une encolure.

35/ Je me souviens du ciel au-dessus de la Loire à l'automne.

36/ J'appartiens à la Loire.

37/ En quatre occasions au moins, j'ai vu des hommes se branler en public: sur un pont au-dessus d'une voie rapide, sur le quai du RER D, sur les bords de la Loire (moi étant sur la Loire), dans des toilettes de train porte ouverte.

38/ Dans ces cas-là je reste impassible.

39/ J'ai cassé la vitre permettant l'accès à la clé de l'aile condamnée du lycée. Je me suis souvent réfugiée dans cette aile contenant les lits en vrac de l'ancien internat.

40/ J'ai vu un caneton très jeune tomber du trottoir le long du jardin Jean XXIII sur le flanc de Notre-Dame. D'ou venait-il?

41/ Je ne sais pas ce que je veux.

42/ Etre lue est toujours une surprise.

43/ Hier j'ai rencontré un fantôme de mon passé, variété "Oscar-dans-les choux". On a parlé du bon vieux temps. Je connais les légendes de l'assurance, de 1945 à 1960, le temps des "boîtes à chaussures" et des aristocrates devenant agents d'assurance.

44/ Je n'ai pas encore abandonné l'espoir de croiser une fée ou un lutin.

45/ Les gens sont si sérieux pour des choses qui n'en valent pas la peine.

46/ Je ne comprends pas pourquoi on raconte tant de bobards sur la mort, sur le mort présent, la présence du mort: le vide est sidérant, l'absence absolue.

47/ J'ai appris que Louis XVI et Marie-Antoinette étaient en deuil quand ils ont été arrêtés: ils venaient de perdre un enfant.

48/ J'avais une ou deux choses à dire que j'oublie pour la deuxième fois.

49/ A huit ans, j'avais un plan pour rejoindre Agadir à pied à partir de Blois: suivre la Loire jusqu'à l'Atlantique, puis suivre l'Atlantique jusqu'à Agadir (Tanger posait un problème).

50/ A seize ans, c'était plutôt les rails de chemin de fer que j'envisageais de suivre lors d'une fugue (vers la Suisse. Pourquoi la Suisse? je ne sais plus.)

51/ Si je ne vais pas chercher mon café, il va être froid.

52/ Je n'ai pas envoyé deux cartes de vœux importantes. J'ai des remords. Il faut que j'écrive aujourd'hui.

53/ Si je ne reprends pas en main la paperasse, je cours à la catastrophe; j'ai déjà raté une échéance importante samedi dernier.

54/ Je pense que notre aîné est en train de nous rouler dans la farine (trop évasif): à quel sujet? (j'ai une idée).

55/ J'ai acheté les billets allers pour Venise, j'oublie depuis trois jours d'acheter les billets retour. Est-ce volontaire ?

56/ J'aime les gants, je pourrais dépenser des fortunes en gants.

57/ Mais aussi en vaisselle, porcelaine, voilage, linge de maison, tapisseries.

58/ Je n'aime pas l'odeur de la cigarette sur les gants.

59/ De toute façon, je suis censée ne plus fumer depuis deux ans.

60/ Je m'en fous.

61/ Je vais avoir 42 ans. C'est un bon chiffre, la réponse à toutes les questions.

62/ Je veux une serviette "Don't panic" pour mon anniversaire.

63/ Je ferais sans doute mieux de m'en occuper moi-même. D'un autre côté, ce serait bête de me retrouver avec deux serviettes "Don't panic".

64/ Je me laisse pousser les cheveux pour le plaisir littéraire de pouvoir utiliser l'expression "en cheveux".

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