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Le jour des morts

La Toussaint est le jour des saints. Le jour des morts, c'est le 2 novembre.
Je le sais mais je l'oublie; et donc surprise quand je découvre en arrivant à Saint-Eloi que la messe n'a pas lieu dans la chapelle mais dans la nef, vaste volume aux poutres de métal. Le vent souffle en rafales (tempête Ciaran à l'ouest) et le soleil illumine l'autel au gré des nuages.

Jour de fête et donc mise en scène particulière, une mince cierge et une feuille de chant pour chacun.

Si je vous raconte tout cela, c'est à cause du chant d'entrée. Depuis ma formation en théologie, j'ai découvert que ces chants qui me paraissaient tous les mêmes ont souvent des intentions théologiques précises et renvoient à des textes spécifiques.
En gardant à l'esprit qu'il s'agit d'une messe pour tous les morts, voici la dernière ligne du quatrième couplet:
Sur les peuples de la nuit et du brouillard que la haine a décimés.
Quelle évolution depuis le peuple déicide.

Pour ceux que ça intéresse, mes notes sur Nostra Ætate, fin janvier 2015.

Pessimisme ecclésial

Il paraît que je suis pessimiste.
C'est la conclusion de mes camarades d'atelier de rédaction de mémoire de théologie (cinq «de» : record battu). (Principe: nous lisons nos travaux réciproques et apportons nos commentaires, conseils, incompréhension…)

Je le confesse. Entre les catholiques très respectueux des normes qui ne supportent pas qu'on touche à quoi que ce soit (le pompon revient aux évèques américains qui traitent le pape François d'hérétique — mais la plupart d'entre vous auront en tête la Manif pour tous); les catholiques qui pensent qu'il faudrait s'attacher plus à l'esprit qu'à la lettre, c'est-à-dire davantage aux pauvres et aux étrangers qu'aux pratiques sexuelles de chacun dans et hors mariage (les scandales sexuels de l'Eglise se présentant dans ce contexte comme une hypocrisie insupportable); et les autres, croyants, athées, bouffeurs de curés, qui regardent l'Eglise avec ahurissement (au mieux) ou haine (hélas), j'ai l'impression que l'Eglise est dans le même état de tension et de crise qu'en 1960, avant Vatican II.

J'ai présenté une ébauche de plan, trop détaillée et pas assez articulée pour être vraiment un plan. Ce qui m'a frappée, c'est que le diacre qui anime l'atelier m'a dit quelque chose comme «Pas la peine de parler de ce qui va mal, inutile d'insister», mais à mi-voix, en passant, et je ne sais pas s'il voulait parler des scandales sexuels. (J'ai été si surprise (car par ailleurs l'ICP organise des soirées et débats sur le sujet) que le temps que je réagisse et pense à demander des précisions, nous étions passés à autre chose.)
Je ne vois pas de quoi d'autre il pouvait s'agir. Mais pourquoi ne faudrait-il pas en parler? Pourquoi avoir peur de ce qui est vrai, avéré? N'est-ce pas à la condition d'avoir un discours vrai sur ce sujet qu'il sera possible de restaurer une certaine crédibilité de l'Eglise? Ou en creux, refuser d'avoir un discours vrai sur ce sujet, n'est-ce pas se condamner à perdre toute crédibilité sur tous les autres sujets?


J'ai repéré ce livre pour mettre un peu d'optimisme dans ma conclusion.

Journée catholique

A midi je retourne pour la première fois depuis longtemps à la messe à la Défense (erreur de débutant: comme l’année d’ecclésiologie m’a fait prendre conscience de l’importance de la notion de «paroisse» ou «communauté» («faire Eglise»), je m’étais dit que j’irais à la messe dans ma ville, le samedi soir ou le dimanche soir. Après quelques mois, l’expérience prouve que je ne fais pas, par flemme ou pour ne pas déranger le rythme familial. Erreur de débutant: arrêter quelque chose « qui marche » pour mettre en place quelque chose, certes mieux en théorie, mais qui « ne marche pas ».)
Nous sommes en période de carême et j’ai la surprise de voir des adultes faire leur première étape de baptême (***) afin d’être baptisés le jour de Pâques.
C’est vraiment quelque chose qui m’étonnera toujours: des adultes qui se convertissent, qui viennent à la fois. Cela me paraît inconcevable dans notre monde actuel, tellement méprisant pour la foi (à moins d’être tombé dedans quand on était petit…)


Le soir, étrange écho, Hervé me propose d’aller au cinéma et je propose Spotlight: cela fait six semaines qu’il passe, j’avais peur d’un film bêtement (brutalement, systématiquement) anti-catholique comme le sont certains de mes amis FB, mais je n’ai rien lu nulle part sur ce fim (ni blog, ni twitter, etc), et quand un film tient six semaines, c’est qu’il est bon, ou tout au moins qu’il a quelque chose à dire.

En fait c’est un très bon film par sa retenue même. Il s’attache avant tout au travail des journalistes, c’est lent, sans éclat, comme le sont certains films sur le travail policier.
Ce qui m’a le plus frappée, c’est la prédiction d’un psychologue: «Il devrait y avoir 6% de pédophiles parmi les prêtres, c’est la moyenne statistique», et son explication: «le vœu de chasteté n’est pas respecté dans la moitié des cas; cela crée dans l’Eglise une habitude du silence et du mensonge qui mène à couvrir des conduites plus graves.»
Il n’y a aucune raison que ces 6% ne soient pas universels, ils doivent être valables en Europe, en France. Si c’est le vœu de chasteté qui mène à cela, il faut accepter le mariage des prêtres (ce qui posera le problème du divorce, il faut l’admettre, l’Eglise le sait. Ce n’est pas pour rien que l’Eglise orthodoxe est plus souple avec le divorce.
En un mot, de nombreuses remises en cause. Mais c’est inévitable.

D'une question à l'autre

L'étude de Vatican II amène à passer de la question assez classique "Comment changer sans perdre son identité?" à la question plus inattendue "Comment changer pour garder son identité?"

La permanence d'Israël, une question pour l'Église

TG sur les rapports des Juifs et de l'Eglise. Comment interpréter la permanence d'Israël. Je dois avouer que cette question ne m'a jamais effleurée: il me semble tellement humain de refuser de se convertir, par fidélité.
Mais en fait, comme je mets en ligne ce billet deux semaines plus tard, le TG suivant a fait naître quelques réflexions: le Messie était destiné aux Juifs, et "nous", l'Eglise, les chrétiens, sommes finalement la preuve d'un échec. Comment vivre avec cette preuve que nous n'étions pas élus, mais que nous sommes un pis-aller? Cela peut-il expliquer la rancœur chrétienne envers les juifs? Mais cela ne peut-il pas être le contraire, une cause de rancœur juive puisque nous leur avons volé leur héritage?).

Histoire de l'écriture de Nostra Ætate dans le contexte politique de l'époque. Vatican II comme le lieu d'une diplomatie intense. Moyen-Orient, déjà. Les évêques des pays arabes, soucieux de ne pas monter les autochtones contre les chrétiens par un soutien trop clair à Israël. Différence entre Israël-peuple de Dieu et l'Israël politique de 1962. Et cependant le même. Et la résonance de tout cela aujourd'hui… Mais après tout, c'est aussi pour cela que j'ai entrepris ces études. Comment se douter en 2011 que l'urgence ne ferait que croître (mais en réalité, c'était prévisible. La forme que cela allait prendre (Daech ou Charlie) ne l'était pas, mais le fond était perceptible).

Phrase extraordinaire sur le décret dans un extrait de René Laurentin.
Plus profondément, le texte sur les juifs, qu'on tenta d'intégrer successivement à la liberté religieuse, puis à l'œcuménisme, puis à l'Église, puis à l'ensemble des religions, révéla sur chacun de ces terrains une incidence significative. Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits. On pourrait d'ailleurs en dire autant du problème connexe de la liberté religieuse qui fut rattachée successivement aux schémas sur l'Église et sur l'œcuménisme et révéla, dans les deux cas, un point névralgique, sinon essentiel.

R. Laurentin, «Histoire. Les origines (1960-1962)», L'Église et les juifs à Vatican II, p.28 Paris, Casterman, 1967
«Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits»: quelle phrase extraordinaire, qui peut s'appliquer exactement aux juifs. Personne ne l'a relevée durant le TG.

En sortant j'achète un Thomas Bernhard d'occasion, par hasard.


Sieste. Puis rangement, encore.

Les conséquences de la manif pour tous

Mes beaux-parents sont arrivés trois quart d'heure en retard au restaurant pour fêter les 70 ans de ma belle-mère en famille.


(Tout cela me fait penser à une phrase de Michel Evdokimov lors d'un colloque sur "la réception de Vatican II, cinquante ans après". Parlant du schisme avec l'Eglise orthodoxe, il a dit la voix pleine de regrets: «le schisme a provoqué la rupture du lien de charité. Nous avons commencé par nous détester, puis nous avons justifié cette détestation par des arguments théologiques. Il faut retrouver l'amour.»
Mille ans environ pour arriver à ces paroles. En voyant la "manif pour tous", je ne peux que songer à cela: nous sommes en train de rompre (ou l'Eglise a d'ores et déjà rompu) le lien de charité.

«Eminence Révérendissime»

…Ça fait tout de même un choc la première fois que l'on entend cela (je ne connaissais pas l'existence de cette formule).
Vu et entendu le cardinal Zen ce soir. La situation en Chine n'est guère brillante pour les libertés, et visiblement elle se dégrade: par exemple, la torture qui avait disparu des prisons il y a quelques années réapparaît.

Ce qu'il a pu nous dire est assez bien résumé ici. Ce qui est impressionnant, c'est le contraste entre le calme du corps, les cheveux blancs, et la vivacité de l'expression, l'emportement au fur à mesure qu'il expose la situation et ses convictions. Profonde révérence envers le pape et beaucoup de reproches à faire à la congrégation pour l'évangélisation, considérée comme trop prompte à trouver des compromis.
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