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Perdus

RER A vers 18h à Nanterre préfecture. Normalement il devrait être climatisé, mais est-ce dû au fait qu'il s'arrête à La Défense (RER A coupé entre La Défense et Nation pour travaux), la clim ne fonctionne pas et la rame est une fournaise. A La Défense, message: «la ligne 1 est surchargée, veuillez emprunter la ligne L pour Paris-St-Lazare puis la ligne 14».
Impavide je remonte le long du terminus de la ligne 1 en provenance de Paris et m'installe dans les voitures surchauffées qui se vident de leurs passagers. La rame repart avant que les petits hommes verts de la RATP n'aient réagi. Elle accélère dans le tunnel, s'arrête il me semble bien plus tôt que d'habitude, et repart dans l'autre sens charger la foule amassée sur le quai en direction de Paris.
Correspondance ligne 6. Je m'endors. Il fait toujours aussi chaud.
Métro aérien, la Seine, la tour Eiffel, Pasteur, Montparnasse, je me rendors.
Brutale sonnerie à Raspail, trois stations avant mon but: «Malheureusement j'ai une mauvaise nouvelle, tout le monde descend ici, je dois évacuer la rame».
— What happens ? demande un jeune Anglais.
— I don't know. Just wait here and take the next one.

Je sors dans l'espoir de prendre un Mobike. Rien. Je marche en direction de Denfert: H. a proposé que j'attende immobile qu'il arrive en voiture mais je suis si énervée que je préfère user mon agacement en marchant.
Je repère un homme qui ressemble à Poutine en plus jeune et plus musclé, avec ce développement des épaules qui donne l'air aux nageurs de ne pas avoir de cou (je déteste ça) et une fillette de dix ou douze ans sortie tout droit d'un calendrier des PTT. Il a un sac en papier à la main, léger, elle tient un smartphone. Je continue à remonter le boulevard.

A quelle occasion m'ont-ils abordée? Me suis-je arrêtée pour remettre mon livre dans mon cartable? Je ne sais plus. Quoi qu'il en soit, ils m'ont demandé leur chemin: le Campanile avenue du Maine, sans que je sache s'ils parlaient anglais ou français. Un coup d'œil sur le téléphone de la fillette (qui ressemblait à l'affiche de Soleil trompeur) m'a fait comprendre son air suppliant et l'exaspération du père: 4 ou 5% de batterie, le nom des rues en cyrillique, et visiblement c'était elle qui avait insisté pour rentrer à pied par les rues de Paris… Ils étaient perdus, fatigués et bientôt sans carte.

J'ai sorti mon téléphone (pour économiser sa batterie), commencé à rechercher sur Citymap, un peu ennuyée de si mal maîtriser le fonctionement des cartes sur téléphone (je suis désorientée entre les applis qui conservent le nord en haut de la page et celles qui s'obstinent à vous présenter un chemin droit devant vous, tournant la carte quand vous tournez le téléphone dans la tentative désespérée de remettre le nord en haut de l'écran).
Ce n'était pas très loin, j'ai tenté de montrer le chemin avec les mains, l'homme a soudain vu son salut dans une station de taxis — mais pas de voiture (le taxi aurait-il accepté une course aussi courte?), j'ai commencé à me dérouter pour les guider, pensant que H. n'arriverait pas tout de suite et que j'aurais le temps de remonter ensuite à Denfert — mais non, il a appelé, rendez-vous au Campanile avenue du Maine «— mais qu'est-ce que tu fais là? — Je t'expliquerai, je raccroche» — nous avons continué le long des trottoirs à l'ombre, c'était plus loin que prévu. L'amusant a été de voir passer deux fois H. dans sa voiture-jouet au ras de la route, une fois devant nous, concentré sur la route il ne m'a pas vue, une autre fois à une intersection lointaine — toutes les rues en sens unique vers l'est tandis que nous allions vers l'ouest.
Soudain les Russes ont reconnu leur hôtel au loin, soulagement et reconnaissance, traversée imprudente du boulevard, je suis montée dans le cabriolet rouge garé devant la porte en me disant que tout cela était fort cinématographique.

Complainte des transports en commun pendant le retour:
— Ça marche de plus en plus mal. Si je n'avais pas peur du ridicule, je penserai à des sabotages. (Je pense aussi aux coupures du 27 juillet.)
— Peut-être.
— Ou alors il manque d'électricité? Ils ont arrêté des tranches de centrales? (Je voulais dire: dans une volonté écologique, mais H. répond:)
— Oui. Il fait trop chaud, ils n'arrivent plus à les refroidir.

(Bon. Cela n'explique rien. L'électricité de la capitale ne dépend pas des centrales sur le Rhône et l'Isère, plutôt de celles de la Loire.)

Le tourisme noir

Après Le Berry républicain, extraits d'un article de La Nouvelle République.
Entre génocides et tsunamis le tourisme a ses adeptes.

[…] Depuis quelques années, des tour-opérateurs emmènent les touristes sur ces théâtres de catastrophes, partout à travers le monde.

Se fondant au milieu de ces curieux fascinés par la mort, le photographe Ambroise Tezenas a sillonné le globe pendant quatre ans pour réaliser sa série de clichés Dark Tourism. Ou tourisme noir. Le déclic, il l'a eu au Sri Lanka, en 2004, au moment du tsunami. «J'ai passé une semaine à Telwatta après le déraillement d'un train qui avait fait 1.700 morts », se souvient-il. Quelques mois plus tard, « je suis tombé sur un article disant que le train était toujours là et que des touristes venaient se faire photographier devant».
Comme Telwatta, des dizaines de lieux figés par une catastrophe ont été pris d'assaut par les touristes ces dernières années. Et plus encore par les tour-opérateurs, qui ont flairé un nouveau marché. L'agence britannique Disaster Tourism propose ainsi depuis 2010 des «séjours catastrophe » sur mesure. En juillet, elle s'est empressée d'envoyer un groupe à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, après l'accident de train qui a coûté la vie à 79 personnes. Son site internet s'adresse aux personnes ayant épuisé «leur forfait de vacances banales».

D'autres sociétés font défiler des photographes amateurs sur l'île du Giglio, en Toscane, où gît l'épave du Costa Concordia. Les plus téméraires se rendent à Fukushima, malgré la radioactivité ambiante. Dans la province chinoise du Sichuan, le gouvernement propose des excursions au milieu des ruines laissées par le séisme de 2008. Aux États-Unis, des «Katrina tours» sont organisés à la Nouvelle-Orléans depuis après le passage de l'ouragan en 2005, tandis que Ground Zero est entré dans les guides touristiques.

Ces sites fascinent d'autant plus qu'ils ont acquis une certaine célébrité. «L'attirance pour le macabre grandit proportionnellement à l'intérêt croissant que lui portent les médias et les productions cinématographiques», écrit ainsi le père du concept de dark tourism, le sociologue britannique John Lennon. A sa sortie, La Liste de Schindler, le film de Steven Spielberg, aurait ainsi fait bondir de 15% les entrées au camp d'Auschwitz.

[…]

Dans l'Hexagone aussi, Verdun ou Oradour-sur-Glane font recette. Plus récemment, des centaines de curieux ont afflué sur les côtes vendéennes après la tempête Xynthia, qui avait fait 29 morts en 2010. Une société a même envisagé de créer un train touristique pour sillonner les zones noires. Le projet a dû avorter face aux critiques. Preuve que la France n'est pas encore prête à s'ouvrir au tourisme noir.

Chloé Bossard
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