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Fièvre

Arrivée à 7h30 au bureau pour donner le coup d'envoi à une formation qui commence à 8 heures.
J'ai oublié mon téléphone, je n'ai pas de quoi payer, je passe la journée sans manger.
J'ai un bon rhume. Réunion le matin, réunion l'après-midi. Je me sens de plus en plus mal, je mets un masque l'après-midi. 38°2 le soir, après un doliprane dans l'après-midi.
Test par acquis de conscience: H. est malade depuis dix jours mais n'est pas positif, donc ça devrait aller.

Patatras.
Positif sans hésitation en trois secondes.
J'espère que je n'ai contaminé personne.

Mon coiffeur est raoultiste

C'est un coiffeur qui coiffe très bien (très très bien : le sens du cheveux rue du Mont Thabor) et qui coûte un pogon de dingue (vraiment: je n'y vais qu'une fois par an car j'ai honte de dépenser autant pour une coupe — mais une très belle coupe, qui donne une structure à l'ensemble de la chevelure pour un an.)

Cela a également un coût psychologique. Il fait de la coiffure «énergisante» en suivant la médecine chinoise et il faut supporter de s'entendre dire par exemple que vos cheveux tombent parce que vous n'avez pas accompli un deuil («un deuil, c'est la perte, pas forcément d'une personne»).
«Evidemment, raconté-je à H., c'est peut-être vrai. C'est juste invérifiable.»

Et tandis qu'il a quasi fini de me coiffer, que donc je vais le quitter (après le couvre-feu) et remettre mon masque, que nous évoquons la période actuelle, mon coiffeur m'annonce:
— Tout ça pour une maladie que nous savons guérir.
— … ???!!?
— Mais oui, le professeur Raoult, ils l'ont fait taire, ils guérissaient les gens, j'ai des amis à Marseille [je ne sais plus comment j'ai interrompu cette phrase].

La conversation a continué dans cette veine.
Le coiffeur : — Tout ça pour engraisser les labos.
Moi : — Les labos, ce sont aussi ceux qui font de la recherche. Moralité, avec ce genre d'état d'esprit en France, la recherche, elle se fait ailleurs.

C'est un combo : anti-vaxx, anti-agriculteurs, etc.
Il énonce comme une évidence: — Ce n'est pas avec des vaccins qu'on est parvenu à sept milliards de personnes sur terre.
Je m'étrangle : — Bien sûr que si! Et que nous soyons parvenu à les nourrir est une merveille de la révolution agricole! Vous vous rendez compte? On a doublé la population en cinquante ans et nourri tout le monde! Vous vous rappelez les famines au Sahel, au Bangladesh? Les vingt millions de Chinois morts de faim au moment du grand Bond en avant?
— Nous ne voyons vraiment pas le monde de la même façon.

Tout cela très calme, très feutré.
Ce qui m'effondre intérieurement, c'est la capacité d'inversion dans les raisonnements logiques. Une fois que j'ai entendu «Ce n'est pas avec des vaccins qu'on est parvenu à sept milliards de personnes sur terre» (j'était si estomaquée que je n'ai pas pris le temps d'écouter quelle était donc la cause de cet accroissement. Je le regrette.) je me dis qu'il faut tout reprendre depuis l'âge du CP à peu près, et que c'est trop loin, trop difficile, trop humiliant à exposer, aussi. C'est irréparable, en tout cas par moi. Je n'ai pas le courage.


Coïncidence, tard le soir H. regarde le documentaire d'Arte sur le scandale du tabac. Je découvre qu'il s'agit pour une fois d'un vrai complot, monté par l'industrie du tabac, pour cacher et falsifier des résultats scientifiques. Et ce vrai complot est le père de toutes les théories complotistes. Le reportage s'appelle La fabrique de l'ignorance.
Ce titre me met en rogne. En réalité, c'est de la tromperie organisée, pas de l'ignorance.
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