Alice du fromage

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Billets qui ont 'Grenade' comme ville.

vendredi 15 avril 2016

Grenade

Matin : jardin du Generalife, palais de Charles Quint (la famille Tendilla), Alcazaba; midi, taberna de Jam; nuit : Alhambra.
Omniprésence des sources et des fontaines.
Il fait très beau.

jeudi 14 avril 2016

Le désert de Tabernas

Ce matin, j'étais décidée à partir seule à Tabernas, partant du principe que si H. finissait aujourd'hui, nous pourrions visiter l'Alhambra ensemble demain.
Mais un bon gag réserve des rebondissements, et pris d'un doute à cause d'une phrase non cohérente avec le contexte, H. passa un coup de fil à quelqu'un de l'équipe chargée des installations: le développement urgent à finir ce soir pour débuggage dans les deux jours et installation lundi a en réalité été ajourné sine die mais les différentes équipes n'ont pas été prévenues: bref, H. a gâché sa journée d'hier pour rien (à cela près que le travail fait est fait). Well, well, well.

Nous partons vers dix heures, il fait très beau, c'est à cent quarante kilomètres, en chemin j'explique où nous allons. Nous ouvrons le dépliant sur mon portable, commençons à lire… Les indications ne sont pas très claires, sauf qu'il faut un 4x4 et non un cabriolet surbaissé, des chaussures de marche et non des tongs… Adieu piste d'Indiana Jones.
Je passe sur deux erreurs de direction (la première nous permet de voir un coyote, la deuxième un panneau (à l'usage des ouvriers d'un chantier qu'on voit au loin, probablement) que je regrette de ne pas avoir photographié: "araignées, serpents, scorpions venimeux dans le sable. Ne pas quitter la piste" (en anglais ou en espagnol, je ne sais plus). Nous remontons en voiture, tentons une autre direction, vers Tabernas, rond-point, tournons à la première pancarte indiquant "Western Leone".

Tout ce qui est raconté ici est vrai, le prix exhorbitant, l'endroit désert. Ce qui manque, mais l'auteur de ces lignes ne l'a peut-être pas vécu, c'est la dimension humaine: quel drame se joue dans ce village, ou n'est-ce que dans nos têtes?
Western Leone est donc deux décors accolés, celui d'un village de l'ouest (bois brun) et celui d'un village mexicain (pierre blanche). Tout cela tourne lentement à la ruine, attaqué par la pluie, le soleil et le vent. Il est impossible de rentrer dans la plupart des décors, nous photographions les planches du cimetière, la silhouette de la colline pelée. Cinq à six chevaux attendent sous un porche, dont un sellé. Un chien minuscule aboie quand nous passons, une perruche dans une cage trop petite pousse des cris. Des gens vivent ici, une famille peut-être, sont-ils salariés, et employés par qui?

Une consommation est comprise dans le prix du billet, nous entrons dans le saloon, un très vieux pousse un grognement pour appeler une très vieille; nous faisons simple et commandons un café. Elle comprend que nous sommes français et appelle; le vieux quitte son fauteuil, quitte le saloon; un jeune homme arrive dans un pull bleu ciel, vingt-cinq ans, les cheveux blonds trop longs, la lèvre tremblante, Klaus Kinsky plus mince, plus fiévreux, plus frêle; un instant je me sens découragée, oh non, c'est déjà difficile de faire face aux malades mentaux dans sa propre langue comment allons-nous faire en espagnol, qu'est-ce que c'est que ce freak; il saisit un gros livre sur le cinéma souvent feuilleté, il parle français, avec une certaine assurance même si son tremblement le rend incompréhensible, il ouvre à une page, nous montre la maison de l'assassinat du début d'Il était une fois dans l'Ouest, c'est ce saloon, il nous montre la pente du toit, oui, c'est bien ce toit, les autres maisons ont dû être construites plus tard ou le cadrage les cacher. C'est irréel, nous sommes dans le film sans y être, rien ne correspond, il ne s'agit pas du tout de la sensation éprouvée lorsqu'on rencontre des personnes rencontrées auparavant dans un livre: car ces personnes ont une vie autonome, alors que là, il n'y a rien — et il y a autre chose, ces gens dont on ne comprend pas ce qu'ils font ici, vivent-ils vraiment ici, dans la poussière et le silence? Cela ressemble à une malédiction, les oubliés du temps. (Et maintenant que j'écris quelques jours plus tard, il me semble que ce que je conserve de ce voyage, c'est l'image de ce garçon tremblant, disgracié, intelligent.)

Nous reprenons la route pleins d'interrogations, décidons de poursuivre vers Tabernas et arrivons à "Mini Hollywood", beaucoup plus professionnel (ou Disney amateur!). Plus cher aussi: il y a un zoo. Aucun doute, c'est la banque de Pour quelques dollars de plus. Nous comparons nos souvenirs, les miens sont flous, nous visitons longtemps l'ensemble de la ville (c'est magique, naïf et magique) puis une partie du zoo. Là encore, ce récit est digne de foi (je l'avais vu mais pas vraiment lu, compris, avant le voyage).



Vers trois ou quatre heures nous errons dans Tabernas pour déjeuner. Nous trouvons un restaurant, je fais l'erreur de commander du poulpe grillé, pensant obtenir à peu près ce que j'avais mangé au Portugal, je vois arriver un calamar entier de vingt-cinq centimètres, tentacule et bec compris… C'est fort en goût, très salé, un peu écœurant. Je fais l'effort de tout manger, pour ne pas désobliger la cuisinière qui a interrompu son propre repas dans la salle commune pour nous servir. H. est mort de rire.

Au lieu de faire demi-tour, nous continuons vers Almeira.



Bord de mer, ciel bleu, décapotable. Glaces, coup de soleil, arrêt en catastrophe pour acheter de l'écran solaire. Retour, mer de serres à perte de vue, incroyable (tentative de photo avec un téléphone: ça ne rend pas grand chose).



Traversée de la Sierra Nevada, la nuit tombe, il commence à faire froid, le vent soûle.
Retour au parking, retour à la Taberna de Jam. C'est décidément un merveilleux restaurant, par la qualité des produits et la gentillesse des serveurs (propriétaires?)

mercredi 13 avril 2016

Grenade

Chambre d'hôtel. Aujourd'hui H. a cinquante ans. Il m'a annoncé au petit déjeuner qu'il devrait travailler toute la matinée. Soit. Puis je l'ai vu répondre à un SMS qu'il enverrait une version débeuguée ce soir tard. Ah. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

Je pourrais aller visiter seule. Mais en réalité ça me va bien de rester ici. J'ai plein de trucs en retard, j'ai amené du grec, j'ai un oral à préparer. Ça fait juste un peu cher de la journée enfermés; à ce prix-là, autant rester chez soi. Je le saurai pour la prochaine fois (je regrette de n'avoir pas tout simplement pris une chambre à Corinthe ou Tarente en face de la mer.)

En fait tout cela ne me gêne pas vraiment. C'est ma vie depuis toujours, H. en train de programmer, perdu dans un autre monde. Ce qui manque, c'est quand il n'est pas comme ça. Et je savais que je prenais un risque en organisant cette semaine, que cela avait une chance sur deux de ne pas coller. J'avais réussi à éviter qu'il soit jetlagué. Je ne savais pas comment éviter qu'il passe son temps au téléphone (ça, ça va). Je n'avais pas prévu qu'il aurait une livraison (produit à déployer chez un client) de plantée.

Je me souviens avoir vu La Boum tardivement, après mes trente ans. (Pour donner un repère, ce film est sortie quand j'étais en troisième. C'est le film que tous mes copains et copines allaient voir, avaient vu.) Je me souviens m'être dit que ce film ne correspondait à aucun de mes souvenirs personnels, mes souvenirs d'ado et de post-ado n'avaient aucun lien avec ce film, à une exception près: la grand-mère en train d'expliquer comment elle rencontrait son mari dans les gares, toujours en se croisant, toujours sur des trajectoires différentes. Mes souvenirs de vingt ans ressemblent rarement à ce que retracent les films, c'est pour cela que j'aime tant The big bang theory. Les nerds (plus que les geeks, qui sont la version gentille, accessible à tous).


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Interludes parce que mon nerd est gourmand:
- une tentative à la Taberna de Jam (devant laquelle nous étions passé la veille: Plaza de los Campos, 1) vers quatre heures. Je ne sais pas si c'était réellement ouvert, mais ils nous ont très gentiment servis, s'adaptant à notre absence d'espagnol, nous proposant de goûter des plats devant notre vive curiosité, nous consacrant tout le temps nécessaire;
- le soir repas d'anniversaire dans un restaurant marocain plus connu, le restaurant Arrayanes, (Cuesta Marañas, 4: goûtez absolument la limonade menthe-citron).
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