Alice du fromage

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Billets qui ont '2016-10-19' comme date.

dimanche 16 octobre 2016

Dimanche radieux

Ramer le samedi ne semble pas s'insérer naturellement dans mes semaines. Hier, encore un empêchement. Ce matin, un doute, y aller ou pas? Mais il faut y aller chaque fois que c'est possible puisque je ne peux prévoir ce qui surgira à la fin de la semaine suivante. Prendre ce qui peut être pris. Le héron. (La Fontaine)

J'arrive vers neuf heures moins le quart. Déjà le quatre de pointe vétérans est en train de rentrer, mais à quelle heure sont-ils sortis?

Nous sommes quatre, Bruno ne peut pas ramer, une rameuse préfère l'ergo (drôle d'idée), Philippe et moi sortons en skiff.

Le temps est magnifique. je n'ai pas vu passer septembre, les arbres commencent à se différencier, quelques rouges éclatants (une sorte de vigne), des jaunes, les verts foncent. Jambes nues encore, manches longues. Au retour, je regrette de ne pas avoir pris de casquette, quand la lumière se reflétant sur l'eau éblouit de face. Philippe et moi ramons à la même vitesse. Je le soupçonne de ne pas être très à l'aise (il plume) mais avoir préféré cela à monter en double avec moi dont il ne connaissait pas le niveau. Tant mieux, j'ai vraiment envie de faire un maximum de kilomètres en skiff avant l'hiver, le courant trop fort, le gel, le brouillard…
Encore cet ennui d'avoir abandonné "ceux de dix heures", je leur en veux de ne pas avoir davantage d'ambitions techniques, de désir de progresser, mais je sais que ce n'est que le reflet de mon sentiment de trahison: leur en vouloir est plus simple.

Cela me permet d'arriver à la messe de onze heures et demie. C'est un nouvel horaire proposé depuis deux ou trois ans, je n'en reviens pas du nombre de messes à Yerres : quatre chaque week-end. Le prêtre vient d'Amérique latine. J'avoue ici que cela me permet d'aller à la messe "invisiblement": je suis partie à l'aviron alors que tout le monde dormait, je reviens à midi passé comme avant; le fait que je sois partie bien plus tôt n'est pas vraiment perçu.
L'harmonie familiale y gagne (j'échappe au froncement de sourcil ou au haussement d'épaules, plus ou moins exaspéré selon les semaines), l'inconvénient est de ne pas affirmer ma foi (mais cela n'a jamais été ma pente. Pour moi la foi relève de l'intime, cela ne s'étale pas, comme tout ce qui est précieux.)
Par ailleurs, cette messe à cet horaire fait écho à celle que je suivais à la basilique de Blois, le dimanche après un cours de tennis. Il y a dans cet enchaînement du physique et du spirituel un lien naturel, logique, de l'ordre de l'exultation.

Vers le soir, ménage et rangement en écoutant Andromaque sur France Culture. Il est prévu que tout Racine soit diffusé. Quels beaux dimanches en perspective.

samedi 15 octobre 2016

L'anaphore de St Jacques

TG sur la prière eucharistique. Etude de l'anaphore (offrande) de saint Jacques. (Il faut bien avouer que j'adore tous ces mots : anaphore, épiclèse, euchologie, scrutin,…)

Cette anaphore est une prière eucharistique orientale des premières siècles chrétiens. Le dossier que nous avions à préparer l'étudiait à la fois par rapport aux autres prières contemporaines, au catéchisme de Cyrille de Jérusalem, mais aussi à la prière juive du vendredi soir: différences et ressemblances.

Je reste stupéfaite de voir à quel point cette prière a traversé les siècles inchangée (juqu'à Vatican II, l'Eglise utilisait une prière fixée… par Ambroise de Milan). Rendre vivante la tradition, adapter pour conserver, la tension est permanente (j'avais aimé ces mots de JH Newman cités en cours et dont je n'ai pas la référence exacte: «il faut beaucoup changer pour rester fidèle».)

Il est sidérant de constater à quel point chaque mot compte, est pesé, renvoie à un geste ou une histoire (la lutte contre les arianistes, les marcionistes, etc.) Rien n'est là au hasard ou pour remplir les blancs, tout signifie.
Qu'est-ce que ces études ont changé? A cette question qui me laisse coite, je peux peut-être avancer aujourd'hui: elle a redonné du poids aux mots, moi qui après ma (dé)formation à Sciences-Po ne croyais plus au sens, persuadée que tout était tordable à volonté, entre politique et marketing, pour démontrer n'importe quoi (et même les chiffres se manipulaient): non, il reste des lieux où et des gens pour qui le monde et les mots ont un sens, qui utilisent les mots pour dire quelque chose de précis qui coïncide avec une foi. Cela a fait, cela fait, reculer le cynisme.

vendredi 22 avril 2016

Est-ce que cela a changé quelque chose pour vous ?

Comme l'oral "officiel" avait lieu pendant nos vacances en Espagne, je le passe en séance de rattrapage à l'église St Julien le pauvre (rite grec melkite) dont notre professeur est le curé (autant dire que la période est épuisante pour lui: Pâques, baptêmes, mariages, examens…, tout cela à caser dans un seul emploi du temps).
Nous sommes plusieurs dans ce cas-là; nous attendons notre tour assis dans l'église en chuchotant. Nous tentons de nous rassurer mutuellement, nous dédramatisons: «ne t'inquiète pas, même s'il regarde sa montre et semble s'ennuyer…» (mais quelle drôle d'idée aussi de demander à un professeur qui a écrit sa thèse sur Grégoire de Nysse d'interroger des étudiants qui ont eu douze heures de cours de patristique et ont lu un livre pour préparer un oral d'une demi-heure).

Grégoire de Nysse justement, Sur les titres des Psaumes. Je parle de sa bienveillance (et c'est vrai: je pense que la lecture de Grégoire de Nysse remonterait le moral de n'importe qui (pour info, c'est l'un des premiers à avoir envisagé un enfer vide (apocatastase, puisque Jésus a vaincu et vaincra) — après Origène, mais lui sans se faire condamner, simplement censurer dans certaines traductions ou copies d'époque); je décris sa thèse qui est que l'ensemble du psautier serait une progression en cinq étapes vers la béatitude, l'accès au sein de Dieu. Je ne sais pas répondre à une question plus générale, mais dans l'ensemble ça se passe plutôt bien.

Nous allons ensuite prendre un pot devant l'église, à trois ou quatre étudiants. Je les connais peu, ils ne font pas partie de ma promotion initiale, ce sont des "quatrième année", je suis en cinquième.
Et soudain, l'un d'entre eux demande: «qu'est-ce que ça a changé pour vous, cette formation?»
Panique à bord. Ils ont tous des choses positives à dire: ils écrivent plus, ils lisent plus, etc.
Pas moi.
Je lis moins, j'écris moins. Je me suis coupée de mes amis, je suis embarrassée de faire état publiquement de ma foi (même si je m'y force). Je ne suis pas à la hauteur de ce que je voudrais être ou faire (c'est de l'orgueil, sans aucun doute). Qu'est-ce que cela a changé? La découverte de noms, de domaines inconnus. L'apprentissage du grec. Mais est-ce que cela compte vraiment au quotidien? Qu'est-ce que cela a changé? Je ne sais pas. Il me semble avoir plus perdu que gagné, je me dis que je dois m'y prendre mal, il y a quelque chose que je ne dois pas voir ou faire.
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