Coup de téléphone d'un bookcrosser à midi. Il souhaite me rencontrer. C'est ainsi que tout avait commencé avec Paul (enfin, pas par un coup de fil, par une carte postale paniquée de ma part quand je m'étais rendue compte qu'il allait être choqué par le livre que je lui avais prêté, Le voleur de bible. Je ne sais plus comment nous sommes revus ensuite).

Je n'en ai pas envie. J'avais quarante-six ans d'écart avec Paul, un tel écart ne se reproduira pas. Je ne sais pas qui est cet homme (parmi ceux rencontrés ce soir-là je ne revois pas son visage), je sais que nous n'étions pas à la même table, peut-être veut-il parler de Gottland, je n'y crois pas, je ne crois plus à de nouvelles amitiés, je voudrais juste qu'on m'oublie, que je puisse me réabsorber en moi-même, et disons-le tout net, de ce point de vue vieillir est une bénédiction.

Bon, on verra bien. Mais je m'ennuie déjà à l'idée des conversations poussives, ou à l'inverse j'ai déjà honte à l'idée d'un sujet que je défendrai avec passion. Pourquoi se voir sans rien à se dire?


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La générosité et la bonne volonté chez Descartes