Alice du fromage

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Billets qui ont 'Renaud' comme nom propre.

lundi 27 octobre 2008

Coluche, l'histoire d'un mec

Les critiques sont mitigées, et je pense comprendre pourquoi: ceux qui vont voir ce film en pensant rire pendant deux heures devant des sketches doivent être très déçus. Ceux qui connaissent l'histoire de Coluche (et qui supportent le personnage, mais dans le cas contraire, pourquoi aller voir un tel film?) sont tristes. Ce film ne leur apprend rien mais leur rappelle beaucoup de choses.

Ce film est un déclencheur de nostalgie. Je ne sais pas ce que peuvent y comprendre les trentenaires, les vingtenaires. Je repense à l'époque qui s'annonçait en 1980, dix à quinze ans de Reagan/Thatcher/Mitterrand/Jean-Paul II. La compagnie créole chante «T'es OK, t'es bath», Georges Marchais donne des interviews (je n'avais jamais vu Marchais à la télévision... je l'ai vu pour la première fois ce soir. Je vivais dans une famille un peu bizarre, pas de sexe, pas de politique, pas de films en noir et blanc, pas de films sous-titrés, pas de westerns, du sport, «t'as fait tes devoirs?» (et la réponse était toujours oui même quand c'était faux), et c'était tout), les postes de radio sont énormes, les lunettes aussi. Je n'avais jamais écouté un sketch de Coluche à la maison (trop vulgaire (plus tard, quand il animerait une émission sur Europe 1, je l'entendrais en revanche chaque fois que je serais dans la cuisine: ma mère n'écoute qu'Europe 1 («parce qu'on écoutait obligatoirement RTL chez moi quand j'étais petite» (Moralité j'écoutais RTL, Les grosses têtes et Julien Lepers... tout cela est tellement prévisible)))), mais j'avais une copine qui les connaissait par cœur, Coluche, Renaud, Magdane, Balavoine, un peu Desproges, que le monde était étroit et l'horizon resserré. (Coluche sur Europe 1, c'était le plus souvent insupportable de vulgarité. Il s'est passé pour Coluche la même chose que pour les Guignols de l'info: j'ai eu la chance de ne pas l'écouter en direct, mais de n'en connaître que les moments les plus pertinents, les phrases les plus justes, sélectionnés par mes amis.)

Je me souviens de Jean-Louis disant dans les écuries, alors qu'on lui apprenait la grève de la faim de Coluche, «Coluche fait la grève de la faim? Mais non, il est au régime», je me souviens de la façon dont j'ai appris l'élection de Mitterrand, assise sur un seau dans le hangar à bateau après une régate, attendant que mes parents viennent me chercher, je me souviens de la mort de Coluche, de la rumeur qui a couru (était-ce vraiment un accident?) et du disque de Renaud. Souvent je me dis qu'il manque aujourd'hui un œil aussi vif, un esprit aussi prompt à saisir et saisir l'essence d'une situation. Je me demande ce qu'il l'aurait pensé des émeutes de 2005 ou d' Entre les murs, par exemple. Il ne faisait pas spécialement dans le politiquement correct. En tout cas, il se serait bien moqué des "cinq fruits et légumes par jour" sous la pub Coca zéro imitant James Bond, et ça m'aurait fait du bien. Personnellement, il me manque davantage que Philippe Muray.

En regardant le film, l'accueil que les petites gens dans les villes touchées par le chômage (1,5 million de chômeurs, c'était effrayant et ça fait rêver) réservait à Coluche, je me dis qu'il ne faut pas chercher loin ceux qui ont voté Le Pen en 2002: on ne peut pas éternellement désespérer et Billancourt, et Longwy, et Saint-Etienne, et...
Coluche, Le Pen, Bayrou : le système est à la recherche d'une possibilité de fonctionner autrement, mais il est trop bien verrouillé. Est-ce un bien, est-ce un mal?

Le film se termine sur une allusion aux Restos du cœur. Quelques minutes avant, je venais de dire à H.: «J'ai beau savoir que c'est injuste, pour moi Mitterrand, c'est l'apparition des SDF». (Ç'avait été l'un de mes étonnements de retour du Maroc à huit ans: il n'y avait pas de mendiants. Etaient-ils enfermés? Dix ans plus tard, j'avais ma réponse.)

lundi 13 mars 1978

Martine

J'avais pour première langue allemand, c'était à l'époque le moyen de reconstituer les classes de niveau supprimées par la réforme Haby qui était en place depuis cette rentrée (je n'ai pas eu de chance. J'aurais aimé être au collège avant la réforme Haby. Oui j'étais et je suis élitiste.)
La conséquence, c'est que nous avons été la même classe composée des mêmes élèves pendant les quatre années de collège.

C'est ainsi que je suis devenue amie avec Martine, que sans doute je n'aurais jamais fréquentée sans cela (nous n'avions pas grand chose en commun). J'étais mise à part en tant que grosse tête, elle faisait partie de ses filles mal dans leur peau qui n'étaient pas effrayées à l'idée de fréquenter d'autres mises à part.

Elle était passionnée de vélo. C'est grâce à elle que je sais qu'un vélo de course n'a rien à voir avec un vélo ordinaire (étant montée sur le sien et ayant failli me casser la figure).
Elle jouait au foot, aussi, ce qui était une rareté à l'époque (et c'est ainsi que je sais qu'un terrain de foot, c'est très très grand. Respect.)
Je lui dois Renaud, Balavoine, les sketchs de Roland Magdane (je m'en serais passée), mais aussi, plus étrangement, Martin Gray. Et les imitations du Collaro show (à partir d'octobre 1979, me dit Google).

Et si je place ici ces quelques mots en son souvenir, c'est qu'elle est arrivé dévastée par la mort de Claude François.
Je n'aimais pas Claude François, je ne l'aime toujours pas: ni sa musique, ni sa tête, ni ses costumes, ni ce qu'on racontait sur les Claudettes (je n'ai pas attendu MeToo pour avoir un instinct très sûr).
Mais même sans cela, même si je l'avais apprécié, il m'était incompréhensible d'être dévastée à ce point par la mort d'un chanteur, d'une star, d'un étranger en somme.

Quarante-deux ans plus tard, je me souviens de ce chagrin, de ses larmes en récréation.
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