Le Trombone, pour mémoire.


Applestore du Carroussel du Louvre.

— Vous avez un rendez-vous?
— Euh non, pourquoi, il faut un rendez-vous?
— Ah oui, c'est comme chez le médecin, il faut prendre un rendez-vous.
— Ah je ne savais pas, mon problème est tout simple.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Le chargeur ne marche pas. C'est bien le chargeur, j'ai testé la batterie à la maison avec d'autres chargeurs.
— Il va falloir prendre un rendez-vous.
— Mais vous ne pouvez pas au moins vérifier que c'est bien ça qui ne va pas?
Il hésite.
— Oui bon d'accord.

Il s'en va. Le temps passe. Je n'ose prendre un livre, car je crois que si je ne croise pas ses yeux de temps en temps je vais disparaître de sa mémoire. De loin je le vois discuter avec un grand black à propos de ce qui paraît être un iPhone. Est-ce qu'il a pris un rendez-vous? je suis à deux doigts d'aller poser la question mais je me dis que ce ne serait pas de la plus haute diplomatie. Un autre vendeur passe, je lui fais part de ma peur d'être oubliée, il va se renseigner, revient, je ne dois pas m'inquiéter.
J'attends.
Le premier vendeur revient
.
— Alors qu'est-ce qu'il y a?
— C'est un ordinateur tout neuf acheté il y a une semaine, et le chargeur ne marche pas.
— Il va falloir prendre un rendez-vous.
— Mais vous ne vérifiez pas mon diagnostic? Vous voulez la facture?
Je commence à farfouiller dans mon sac, il m'arrête, grand seigneur:
— Non non, on ne travaille pas comme ça.

Il branche le chargeur, essaie le connecteur, tâtonne, vérifie l'absence de faux contact, prend un autre chargeur, vérifie qu'il s'allume aussitôt.

— Ah oui, c'est le chargeur, il va falloir prendre un rendez-vous.
— Mais vous ne pouvez pas le changer tout de suite? Comment je fais sans chargeur?
— Vous en achetez un, vous prenez rendez-vous, et on vous le remboursera.
— Vous plaisantez.
— Non, il faut prendre un rendez-vous.
— Mais je ne veux pas acheter de chargeur; je n'ai pas confiance.
— Alors il faut prendre un rendez-vous.
Je commence à trouver cela vraiment drôle à force d'être stupide.
— Bon, allons-y.
— Votre nom? dit-il en s'emparant de son iPad.
— Euh... Vous ne m'avez pas proposé d'horaires. Vous avez besoin de mon nom pour accéder aux plages horaires? Elles dépendent de mon nom?
— Non, chez Apple on ne fonctionne pas comme ça. J'ai besoin de votre nom pour prendre un rendez-vous.
Je m'empare de l'iPad, je tape mon nom. Nous sommes lundi, les premiers rendez-vous sont dans une semaine. Il note quelque chose dans la zone de texte libre, je lis.
— Vous n'avez pas précisé que c'est un MacBook Air, si vous voulez préparer la pièce — car j'essaie comprendre, et la seule explication sensée que je vois à ce délire, c'est qu'il y ait gestion de stock, préparation de la pièce pour échange standard, etc.
— Non, c'est inutile, on a la pièce en stock, vous savez.
— Mais alors, pourquoi on ne l'échange pas tout de suite?
— Parce qu'il faut prendre rendez-vous.
— Et vous trouvez normal de déranger quelqu'un deux fois pour un échange de pièces qui prend dix minutes?

Je n'ajoute pas que nous sommes en train de dépasser les dix minutes et que s'il m'avait échangé le chargeur tout de suite, je serais partie depuis longtemps. C'est trop difficile à expliquer à quelqu'un qui veut absolument me faire revenir alors qu'il pourrait règler mon problème immédiatement. Mais je ne comprends pas, je ne comprends pas, je ne comprends pas.

— Ah, je ne sais pas pourquoi on vous a fait venir la première fois…
— La première fois, c'est celle-là. La deuxième, ce sera lundi prochain. Qu'est-ce que vous allez faire lundi prochain, pourquoi me faites-vous revenir?
— Ne vous inquiétez pas, on ne fera rien, on changera le chargeur.
— Mais alors…

Je pars, ahurie.

PS. Apple a confirmé mon rendez-vous. Youpi.

mise à jour le 8 avril : problème résolu en passant hier à l'Applestore de Carré Sénart. Sans rendez-vous.