Alice du fromage

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Billets qui ont 'Etats-Unis' comme autre lieu.

mercredi 6 janvier 2021

Je n'aurais jamais imaginé

Ayant fini une réunion zoom avec mes anciens co-listiers, je fais un tour sur FB et je découvre ces statuts d'Elisabeth:



Stupéfaction. Rivés à nos écrans jusqu'à minuit passé, jusqu'à ce que la situation paraisse sous contrôle.

Je n'aurais jamais imaginé voir cela. La chute du mur, c'était la confrontation est/ouest, les tours du World Trade Center c'était la guerre Orient/Occident, mais là… Les Etats-Unis pris à partie de l'intérieur… je pensais que seuls les Etats du sud étaient concernés, que l'extrême-droite survivant à la ségrégation et au KuKluxKlan ne concernait que le sud.

Je songe à Ruth qui m'avait choquée et vexée en insinuant en août 2019 que les gilets jaunes étaient les dignes héritiers de la Révolution française et qu'il fallait ce type d'agitateurs pour faire naître un ordre nouveau (et moi aux mots trop maladroits pour lui expliquer que la Révolution française était une révolte des marchands qui voulaient un poids politique, comme la Révolution américaine c'était les riches négociants qui ne voulaient plus payer de tribu à la lointaine Angleterre: on est loin d'une révolte de va-nus-pieds).
Je me demande ce que pense Ruth maintenant. Je ne vais pas avoir la cruauté de le lui demander. Les Américains sont si fiers de leur constitution, à leurs yeux modèle et mère de toutes les démocraties.

D'ailleurs l'émotion américaine est considérable. On parle de démettre Trump qui n'a toujours pas reconnu sa défaite mais a demandé aux émeutiers de rentrer chez eux — reconnaissant implicitement qu'il les avait d'abord encouragés dans leur action.


J'avance dans Il n'y aura pas de paradis. Fantastique description des Afrikanders et de l'apartheid ou de l'Algérie au moment de l'indépendance.

lundi 20 avril 2020

Adieu au système impérial

C'était un cadeau de mes amis américains en 1984, un petit verre mesureur en plastique, gradué en ounces, tasses et millilitres.
Cela n'a l'air de rien, mais c'était difficile à trouver en France à l'époque.

L'anse était cassée, le fond était étoilé mais retenait encore les liquides.

Je l'ai achevé ce soir en y mettant des amandes grillées dans l'huile: sous l'effet de la chaleur, le plastique du fond s'est retourné suivant les lignes de fêlure. Le verre est passé à la poubelle.


dimanche 11 novembre 2018

Stupeur et désolation

Trump a refusé de prendre part aux cérémonies du 11 novembre parce qu'il pleuvait.





Nous savons tous qu'il manque d'empathie, que l'empathie lui manque, comme il lui manquerait un sens. Nous l'avons vu après les cyclones, après les fusillades dans les écoles, aujourd'hui pendant les terribles incendies de Californie. Son indifférence et son ennui sont, essentiellement.
Il est impossible de s'y habituer, et chaque fois il parvient à nous surprendre.
Comment les Républicains ont-ils pu présenter un type pareil à l'investiture? Cela demeurera pour moi à jamais un mystère.

mardi 15 août 2017

Quel futur pour mes blogs ?

H. a passé ces derniers jours a cherché des solutions pour transférer mes blogs. Je suis embarrassée qu’il y consacre temps de temps, surtout pour VS : que faire de ce blog ? Le continuer, le mettre hors ligne ? Continuerai-je jamais l’analyse de l’oeuvre de RC, est-ce que cela en vaut la peine ? Ai-je perdu dix, douze, quinze ans de ma vie à lire RC ?
Non, non, ce n’est pas perdu, la plupart de mes relations proches sont une conséquence de ma lecture de RC. Et j’ai tant appris en littérature, peinture, musique, voyages… Non, non, ce ne fut pas inutile.
Et cependant… ai-je négligé les enfants pendant toutes ces années ? Sans doute que oui.

J’essaie d’expliquer à H. qu’il ne faut pas la même chose pour VS et Alice : un blog pour Alice mais plutôt un site pour VS. Je farfouille, je lui montre les billets sur L’Amour l’Automne : comment les rendre plus lisible en ligne (sous réserve que j’y travaille, bien sûr). Surtout je lui montre l’affreux carphanaüm que cela est devenu, un quart peut-être des billets indexés (pas eu le temps de faire les autres), des logiques de catégories qui ont changé avec le temps sans que les transferts de logique soient totalement menés à bien (la disparition de la catégorie Citation au profit de catégories par auteur (« — Mais pourquoi ? c’est moins lisible. — Oui, mais les gens ne cliquent pas sur l’index. L’expérience prouve que très peu de gens cliquent, très peu sont curieux, surtout depuis FB »), la même transformation attendue de la catégorie Livres mais pas encore terminée, la coexistence de billets en wiki et en html : « — mais pourquoi tu le fais à la main ? L’informatique le fera beaucoup mieux que toi.» Comment lui répondre que je le fais moi-même car je ne sais pas quand il sera disponible pour travailler sur mes blogs ? D’autre part ça me permet de relire et corriger mes billets (c’est difficile car je n’aime pas mon ton, le style instituteur de certains billets)), l’existence de deux types de photos, certaines hébergées dans dotclear et d’autres dans dropbox (désormais introuvables…)

Je suis embarrassée de le voir consacrer autant de temps à reprendre quelque chose que je ne suis pas sûre de continuer, dont je ne suis pas sûre de voir encore l'intérêt. Il me répond gentiment de ne pas m'inquiéter : c'est l'occasion pour lui de faire des recherches sur des technologies qu'il a besoin de connaître.

*****

Par ailleurs, date fatidique, H. a cassé l'anse de la tasse d'un demi-litre que j'ai acheté à Versailles en janvier 1986. J'ai bu des litres et des litres de thé dans cette tasse. Mon premier réflexe a été de dire : « tant pis, l'anse ce n'est pas très important » mais j'ai essayé plus tard : c'est tout de même très gênant (je ne le lui ai pas dit).

*****

Pendant ce temps, il y a eu un mort à Charlottesville durant des manifestations et anti-manifestations de « suprémacistes » (nazillons) américains. Trump a déclaré qu’il y avait des « gens biens » des deux côtés. Soupir.
Est-ce pire que les années maccarthistes, est-ce pire que la chasse aux sorcières, est-ce pire que l'ambiance contre la lutte des noirs américains pour les droits civiques dans les années 50 et 60 ?
N’en est-ce que la prolongation ou s’agit-il d’un paradigme différent, héritier des théories raciales nazies ?
Je n’aurais jamais imaginé vivre cela.

mercredi 23 novembre 2016

Actualités

L'agitation du monde et de ma vie quotidienne semble inversement proportionnelle. Rien à raconter (mercredi journée silencieuse, je suis seule au bureau). Je vais noter les sujets du moment:
- Trump bien sûr, avec ses partisans qui font le salut nazi, l'écart de deux millions de voix entre lui et Clinton en faveur de Clinton, des rumeurs de fraude électorale (des hackers russes auraient influencé les décomptes en faveur de Trump). Clinton va-t-elle contester? (il me semble qu'elle a jusqu'à vendredi pour le faire).

- Fillon contre Juppé à la primaire de droite. A priori je ne suis pas très concernée, mais je suis ahurie devant les idées réactionnaires de Fillon. A lire Twitter (ma TL est orientée, très orientée, bien sûr), on dirait qu'il veut effacer vingt ou trente ans d'histoire contemporaine: un type paternaliste comme je supposais qu'on n'osait pas l'être publiquement. Résurgence de l'homophobie et de la misogynie (mais cela va toujours ensemble, puisque le misogyne définit sa nature d'homme en fonction de la femme (qu'il méprise): l'homosexuel lui pose un problème puisque celui-ci est la preuve qu'un homme peut se définir en soi, du fait de sa propre valeur, sans avoir besoin de se comparer à une femme pour se rassurer.)
Encore un poutinophile. Mais pourquoi? Pourquoi sont-ils tous Poutinophiles? Il faut dire qu'il y a longtemps que la presse française a arrêté de nous parler des opposants assassinés, des expropriations, des manifs d'extrême-droite en Russie… je ne vois ça que sur FB. C'est comme si la guerre en Ukraine puis en Syrie avait amené les Français à se dire quelque chose du genre: «c'est leurs histoires, après tout Poutine n'a pas forcément tort, on n'y comprend rien, qu'ils se débrouillent. Et puis les Russes aiment Poutine, il ne doit pas être si mauvais.»

- Toujours rien à gauche (Macron s'est déclaré candidat, ce qui fragmente encore le vote de gauche).

- Mobilisation auprès du gouvernement turc pour qu'il libère Aslı Erdoğan.

Et les migrants (cette bonne idée de les répartir sur le territoire français), et un génocide en Birmanie (le peuple des Rohingya), et un tremblement de terre au Japon,…

Parce que ma première playlist m'a amusée et que Leonard Cohen est mort le 7 novembre, j'ai fait une playlist de prénoms, si possible de chansons françaises malgré tout puisqu'elle est destinée à un ami américain.
J'en profite pour vous aiguiller vers ces limericks de prénoms: du nawak contemporain, mieux vaut en rire avant d'en pleurer.

mercredi 9 novembre 2016

Après Trump

— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je regarde un film.
— Quoi ?
Le Grand Blond avec une chaussure noire.
— Ah oui quand même ! On ne devrait jamais quitter Montauban !





Blague à part, je me rends compte que si je suis si déçue, c'est que j'imaginais vraiment pouvoir quitter la France si elle m'exaspérait. Et maintenant… Quatre ans. Espérons qu'il n'y aura pas trop de dégâts à l'international. Il va falloir que l'Europe prenne ses responsabilités. En est-elle capable? (Je ne le crois pas.) Merkel est instituée leader de l'Europe.

Je copie colle le tweet d'un professeur de stratégie à l'université de Copenhague:
«Good morning, Europe. You are all alone with the Russians now. Please repeat after me: Crimea is ancient Russian land.»

DT

Ben mince alors, où irons-nous quand Marine nous fichera dehors pour mauvais esprit? L'Uruguay, il ne reste que l'Uruguay. Il faut que je me mette à l'espagnol.

mardi 8 novembre 2016

Dix chansons françaises

A l'origine, c'était pour répondre à un ami américain sur FB.
C'est ma première playlist sur Youtube (trop fière je suis).
Je vais me coucher sans attendre le résultat des élections américaines. Je me souviens d'il y a huit ans, aux Invalides, les larmes de joie… C'était le président élu par le monde entier. Avons-nous été déçus? Oui, sans doute. Mais nous le regretterons, vu ce qui nous attend.

Dix chansons françaises.

Quelques commentaires:
** Brel et Brassens parce que je ne vois pas une liste de chansons françaises sans Brel et Brassens. Et Aznavour. J’ajoute Aznavour.
1/ Les Flamandes de Brel
Pour le rythme et les paroles et les allusions socio-économiques (même si ma chanson préférée de Brel est « Le plat pays »).
2/ L’Auvergnat de Brassens
3/ For me formidable d’Aznavour
J’ai l’impression d’avoir grandi avec cette chanson.

** Renaud et Higelin, les chanteurs que je connais le mieux (surtout Renaud)
4/ La tire à Dédé de Renaud
5/ Encore une journée d’foutue d’Higelin
J’adore l’harmonica - Le musicien, Diabolo, était extraordinaire en concert.

** Deux Québéquois
6/ La complainte du phoque en Alaska de Beau Dommage
Je ne sais pas si quelqu’un connaît une autre chanson de Beau Dommage…
7/ Linda Lemay, J'veux pas d'visite
Les enfants disent que c’est mon hymne : j’veux que les enfants demandent à leur mère « est-ce que c’est vrai qu’c’est une sorcière ».

** trois qui me font rire
8/ Boris Vian
Difficile de choisir entre « on n’est pas là pour se faire engueuler » et « la java des bombes atomiques». Chansons à morale profonde!
9/ Nougaro, Je suis sous
10/ Macao, Le grand orchestre du splendid
Mes années de lycée.

mercredi 12 octobre 2016

D'Obama à Donald Trump

Guillaume et moi lisions le même article de Courrier international. Mais tandis que lui relevait un point de traduction, j'obtenais enfin l'explication d'un mystère: comme pouvait-on passer d'Obama à Trump, comment la même population pouvait-elle faire un tel grand écart?

La réponse était pourtant évidente: il ne s'agit pas de la même population. Ceux qui plébiscitent Trump sont les Blancs qui ne supportent pas qu'un Noir puisse être meilleur qu'eux.
[…] On peut difficilement interpréter l'histoire des Etats-Unis — ou décoder l'élection présidentielle de 2016 — sans se référer à la lutte entre les Blancs pauvres et les descendants des premiers esclaves. Lyndon B. Johnson, qui est arrivé à la Maison-Blanche un siècle après la guerre de Sécession [en 1963], en a saisi les conséquences politiques de manière frappante. "Si vous pouvez convaincre l'homme blanc le plus médiocre qu'il vaut mieux que l'homme de couleur le plus talentueux, il ne s'apercevra pas que vous lui faites les poches, a déclaré le trente-sixième président américain. Diable, si vous lui mettez sous le nez quelqu'un à mépriser, il videra même ses poches pour vous." […]

«La revanche des "white trash"» dans Courrier international HS septembre-octobre-novembre 2016. Traduction d'un article d'Edward Luce paru dans le Financial Times le 15 juillet 2016
J'aurais dû m'en douter. C'est un problème courant en entreprise pour une femme : ce que ne supportent pas certains hommes, c'est qu'une femme soit aussi, ou (horreur) plus intelligente qu'eux.
(Cela peut déborder l'intelligence et se placer sur d'autres plans: je sais par exemple qu'il y a peu de chances que je convainc mes collègues de venir ramer. Vu ma position étrange dans l'organigramme, où je ne côtoie que des directeurs sans en être un, je sais qu'aucun n'acceptera de, ne songera même à, venir débuter dans un domaine que je maîtrise. J'ai évoqué cette situation une fois dans le vestiaire: toutes les femmes présentes, de tous âges, ont toutes très bien compris ce que je voulais dire.)

Bref.

Si Hillary Clinton est élue… Nathan songeait pour le futur à Michelle Obama. Si cela devait se réaliser, je me demande quelle monstruosité pire que Trump l'Amérique exhumerait ensuite.



PS: deux jours plus tard, un discours de Michelle Obama.

vendredi 25 décembre 2015

Portland

Journée à Portland dans le sud du Maine. Un temps extraordinaire, on se promène sans manteau (l'année dernière à la même époque, il avait neigé par vagues successives pendant trois semaines: quand il cessait de neiger, il gelait, quand le temps se radoucissait, il neigeait. La neige avait atteint des hauteurs jamais vues depuis 1978).

Tous les magasins sont fermés, ce qui me paraît logique mais étonne mes compagnons. Nous voyons le moment où nous n'allons pas trouver de quoi déjeuner. Une recherche Google plus tard (eat in Portland Christmas day) nous trouvons refuge dans un hôtel (Portland Harbor Hotel) où je peux enfin manger mon premier homard du voyage (c'est la spécialité de toute la côte). Le restaurant est excellent et très cosy. A notre demande, la serveuse part à la recherche du quarter du Maine, en vain («Oh, my father does this collection too!») Je le trouverai plus tard dans un magasin de "souveuniiirr".

Promenade le long de la côte (the "Easter promenade", sponsorisée par le Rotary. Ici, tout ou presque est financé par l'équivalent d'associations. Si quelque chose vous tient à cœur, trouvez d'autres personnes à qui cela tiennent à cœur, levez des fonds, faites du lobbying, menez votre projet à bien. Nous aurions pu devenir amis du musée des transports, mécènes de la High Line, adopteurs d'autoroute. Tout cela donne l'impression à mon esprit français d'une grande fragilité, qu'à tout moment la High Line ou la maison de Melville pourraient disparaître (et c'est peut-être le cas); cela montre par contraste combien nous sommes habitués en France à ce que l'Etat pourvoit et supplée à tout (je ne dis pas que l'un est mieux que l'autre; simplement, ce sont vraiment des modes de pensée, d'être et d'agir aux antipodes)), le soleil se couche une heure plus tôt qu'en France, la journée est courte.

J'aimerais bien voir un élan.

jeudi 24 décembre 2015

Christmas eve

Harvard à Cambridge
Vu en librairie : la biographie d'Henrietta Lacks (The Immortal Life of Henrietta Lacks), la femme cancéreuse dont les cellules qui ne meurent pas ont permis de fantastiques progrès en médecine. (A lire. Existe en français mais ne paraît pas connu.)
Beacon Hill à Boston
Le dernier Star Wars. Les grandes tragédies sont toujours familiales.
Le credit score (série : vivre en Amérique)

mercredi 23 décembre 2015

New York sous la pluie

H. a très mal dormi («Il ramasse les poubelles à trois heures du matin avec un camion antédiluvien, c'est comme si on dormait dans la rue») et moi comme une masse (aidée de ma boule quiès fétiche). Petit déjeuner à deux pas, chez Pax. Cinq pancakes, j'ai mangé pour la journée.

Nous avons le choix entre retourner au Met ou suivre la High Line. Evidemment, toujours logiques, comme il bruine, nous avons choisi la High Line. C'est au bout de la rue ou presque, nous sommes sur la W 35th st, ça commence au bout de la 34th.

Je repère le nom de Richelieu sur un immense bâtiment qui paraît être une ou la poste. Mais pourquoi?


(Nous achetons des timbres au passage.)
Tout le quartier vers les docks est en travaux, les hommes en bleu de travail et casques de chantier vont déjeuner (il est presque midi), un building est quasi fini, un autre sorti de terre, deux autres n'en sont qu'aux fondations. Cette ville dégage une énergie folle.


Près de l'Hudson se trouvent les parkings de bus et les voies de garage de Penn Station. Il bruine.
Comme de juste, de détours en diverticules nous arrivons par la 33th et non la 34th. H. refuse de faire demi-tour («il y a des escaliers, je les ai vus sur le plan») et nous suivons la High Line… d'en bas, ce qui me fait rire (une atmosphère de casses automobiles et de monde qui se dissout dans la brume de l'Hudson).
Sur la photo, le but, c'est la voie suspendue, interdite, inaccessible.


(Nous finirons par trouver des escaliers.) Grâce au mauvais temps il n'y a pas beaucoup de monde. Evidemment, ce doit être beaucoup plus joli au printemps ou à l'automne, mais même ainsi, cela me plaît beaucoup. J'aime les bancs, les rails désafectés, les herbes jaunies, les immeubles, les rideaux noirs de suie, le ciel…

A deux cent mètres de la fin se trouve cette maquette de Manhattan taillée dans la pierre. J'ai beau savoir que cela ne rendra rien avec mon iPhone, je la prends en photo: une vue d'ensemble, Central Park et Wall street.



Soupe et latte au café Kava du coin, retour en passant par Penn Station pour acheter nos billets et reconnaître notre chemin dans ce dédale. Il pleut de plus en plus.
Deux heures avant le départ. Nous allons perdre du temps chez Macy's, puis récupérer nos bagages à l'hôtel et nous tremper comme des soupes en allant à la gare.

J'écris du train (arrivée à Boston à 20h30). Vive la 3G et la technologie! (Depuis le début du voyage je rends grâce à mon iPhone. C'est tout de même une invention incroyable (bon d'accord, ça fait deux ans que je l'ai. Mais je commence tout juste à m'en servir réellement. Et puis il faut que je m'habitue aux bonheurs du jour (Depuis combien de temps n'ai-je pas dit à quelqu'un que l'une des choses qui m'a le plus marquée dans les blogs, c'est ça?))

mardi 22 décembre 2015

Journée grise

Matinée à l'hôtel encore (après un petit déjeuner somptueux), H. est en rendez-vous. «Ce matin je vois Happy Potter», m'annonce-t-il au petit déjeuner. Je suis un peu surprise, mais après explication, il s'avère qu'il s'agit d'"un pipoteur". (Finalement non, (ou peut-être, mais il le cache suffisamment pour faire bonne impression), et la réunion sera prolongée).
Même routine qu'hier (après avoir vérifié que je n'ai pas le temps en son absence de monter jusqu'au cimetière du Bronx où est enterré Melville), en son absence je range tout ce que je peux et me remets devant l'ordi (c'est tout de même un grand plaisir de pouvoir écrire et surfer, d'avoir du temps pour cela, même si cela paraît stupide de le faire à New York: autant rester chez soi (mais non, ce n'est pas tout à fait vrai, pensé-je en regardant le mur de briques en face et les cubicles vides à travers les fenêtres (hier les bureaux étaient animés, aujourd'hui personne)). Il pleut, il bruine. Je commence Poésie du gérondif. L'auteur a beaucoup d'humour, et sur le fond, c'est fascinant. «…l'une des leçons qu'on apprend à force de fréquenter Internet, c'est qu'aucun cinglé n'est seul de son espèce» (p.13)1.

Visite du musée du métro et trains de banlieue (ce n'est pas au 130 rue Livingston, mais à l'angle de la place Boerum et de la rue Shermerhorn: l'entrée ressemble à une entrée de métro (signalée par les habituelles boules vertes), normal puisque c'en est une: une ancienne station de métro transformée en musée (mais pourquoi ne change-t-il pas l'adresse sur le site internet? au 130 se trouve les bureau de la MTA (équivalent de la RATP), et ils ont dû être si souvent dérangés que deux petites plaques gravées sont collées sur les vitres indiquant la véritable entrée. Incompréhensible.)

C'est le paradis des enfants et une grande bouffée de nostalgie. Je me demande si un jour quelqu'un trouvera jolis nos wagons, comme nous trouvons jolies les voitures du début du XXe. Possibilité de s'offrir des boutons de manchette frappés du Y des anciens jetons qui servaient de billets d'entrée jusque dans les années 80.

Exposition sur les crises: septembre 2001, bien sûr, août 2003, où les gens étaient si soulagés que ce ne soit qu'une coupure de courant qu'ils sourient tous largement, ouragans Irène et Sandy. En fait le métro vit des situations de crise très régulièrement et accumule de l'expérience: prévoir des camions-batteries surper-puissants (en 2001, l'une des tours qui s'est écroulée fournissait de l'électricité au bas de Mahattan), prévoir un circuit téléphone de secours (des talkies-walkies appelés téléphones aller-retour ou téléphones va-et-vient, je ne sais comment traduire mot à mot), prévoir des lampes-torches pour chaque conducteur (400 000 personnes évacuées en trois heures en 2003. J'ai pensé à l'incident sur le RER A2. Nous ne sommes pas très préparés. H. m'assure qu'il ne peut y avoir de telles coupures d'électricité à Paris, que la structure de nos équipements n'est pas la même.)
Je retiens que le grand ennemi, le monstre qui menace, c'est l'eau: par temps sec, le métro pompe et refoule 93000 gallons d'eau par jour. En août 2003, le plus gros risque fut l'interruption des pompes.

Encore une exposition qui donne envie de devenir ingénieur. Une ode aux héros du quotidien, aussi, à tous ceux qui apprenant la catastrophe mettent leurs chaussures et retournent à leur poste sans attendre d'être appelés.

Paradis des enfants : volants, moteurs, manettes, ils sont invités à manipuler tout ce qui se trouve à leur portée. Avec cette conséquence, qui nous a beaucoup plu:



En sortant, nous décidons d'en profiter pour traverser le pont de Brooklin. Il fait anormalement doux, c'est extraordinaire (trois pieds de neige l'année dernière à la même époque, a dit le taxi à H. ce matin). Une soupe et un sandwich dans un Potbelly (c'est le nom d'une marque de poêle qui a réchauffé des générations de familles américaines). Je suis amenée (tant mieux) à me dire que j'ai écrit n'importe quoi il y a deux jours: on peut manger très bien dans des établissements sans prétention. Le problème de Philadelphie, c'est qu'il s'agissait d'adresses pour "repas d'affaires", donc prétentieuses.
Une affichette en devanture illustre les rapports bien compris entre clients et fournisseurs (le reste de la déco était très plaisante, variation sur des vues de New York enfui).


Entrez manger avant que nous ne mourrions de faim tous les deux.


Traversée du pont. Il bruine. One World Trade Center disparaît dans la brume. Aucun intérêt de monter si haut. Un paquebot au loin, les navettes de touristes qui longent le bas de Manhattan tristement désertées. La statue de la liberté paraît toute petite.
De l'autre côté du pont se trouve le bâtiment le plus laid que j'ai jamais vu: le Manhattan Municipal Building, quelque chose qui évoque Brazil et l'Union soviétique. Au secours! (De façon générale, cette ville est très laide. Très vivante mais très laide).

Retour à l'hôtel où nous avons laissé nos affaires. Nous allons déménager, à partir de maintenant l'hôtel n'est plus payé par l'entreprise d'H., nous allons descendre en gamme (c'est l'agence de voyage de l'entreprise qui a choisi cet hôtel luxueux dans le bas de Manhattan: à partir de maintenant nous ne dépendons plus que de nous). Je photographie une peinture murale à deux pas.



Une bassine de café latte plus tard, nous partons pour notre nouvel hôtel dans la 35th. La chambre est très jolie, mais elle s'avèrera terriblement bruyante.
Dîner au Coréen d'en face (Han Bat 53W, 35th St. W 35th St, c'est la rue des Coréens, c'est à peine si les menus sont traduits en anglais. Pratiquement que des Coréens comme clients). Je mange une marmite en fonte brûlante de riz aux crevettes et à la pieuvre (haemul dolsot bibimbap). Le garçon désespéré me voyant pêcher timidement du bout des baguettes quelques crevettes à la surface de ma marmite intervient: «c'est mon plat préféré» et il me montre comment mélanger le tout avec vigueur avec la cuillère plate qui accompagne les baguettes: la fonte est si chaude qu'elle fait frire le riz qui craque sous la dent. C'est effectivement très bon. Je découvre un goût inconnu, quelque chose entre la rose et la violette. Aucune idée de ce que c'est. H. suggère que c'est l'huile de cuisson qui est parfumée. Mais à quoi?


Notes
1 : Cela me rappelle la triste histoire de la baleine solitaire. J'aimerais tant apprendre qu'elle en a croisé une autre ayant la même anomalie.
2 : 2012… Je n'imaginais pas que c'était si vieux. Je me demande s'il y a un rapport entre la commission d'enquête évoquée en fin d'article et les travaux qui ont commencé cet été et vont durer sept ans.

lundi 21 décembre 2015

De Philadelphie à New York

H. part en rendez-vous. Je fais ma valise, plie ce que je peux, dors dix minutes et écris ce ce premier billet, à titre de récapitulatif pour moi-même.
Train entre Philadelphie et New York, hôtel Roxy dans Tribeca, beau et étrange, "vintage" je suppose, avec ses notes oranges (les lampes), son lavabo sans mitigeur et son papier peint géométrique. L'immeuble est en triangle, la cour intérieure a été couverte et des coursives ajoutées le long des murs. Cela a quelque chose d'une prison de luxe.
Deux photos, une du quatrième étage où se trouve notre chambre, une du rez-de-chaussée en regardant le ciel.



H. ressort pour un rendez-vous, j'écris ce second billet. La nuit tombe.

Nous ressortons dîner dès qu'il rentre. L'idée est d'aller chez Russ and Daughters café, mais pour une fois H. se trompe en lisant la carte (que s'est-il passé?) et part dans le mauvais sens. Nous nous retrouvons devant Barnes & Noble dans l'est de Manhattan et nous en profitons pour acheter une carte des Etats-Unis pour ranger notre collection de quarters1. Nous achetons également des cartes de vœux (vœux pieux, je le crains).

Nous cherchons l'adresse de Russ and Daughters dans l'application "Plan" de l'iPhone; il la trouve automatiquement et nous repartons bravement. Les kilomètres de trottoir s'allongent dans les rues commerciales puis des avenues plus désertées, nous sommes épuisés. C'est encore loin?
Quand nous arrivons devant, c'est fermé. Et c'est bizarre, parce que cela ressemble davantage à une épicerie qu'à un café. Y aurait-il quelque chose à l'étage?2

Nous nous rabattrons sur un minuscule restaurant thaï en face, Tai Thai. Extérieurement il ne paie pas de mine, mais c'est excellent. ("En face", ce n'est plus Houston St, mais le 78 E 1st St.)



Notes
1 : liste de nos manquants si vous voulez nous aider : Washington, Californie, îles Marianes du Nord, Idaho, Wyoming, Utah, Nouveau Mexique, Hawaï, Kansas, Oklahoma, Minnesota, Arkansas, Tennessee, îles Vierges, Maine, New Jersey, Floride (15 sur 56)
2 : je ne comprendrai que plusieurs jours plus tard: l'iPhone nous a automatiquement emmené à l'adresse la plus ancienne, donc la plus connue, celle de l'épicerie, alors que le café se trouve 127 Orchard Street. Ce sera pour une prochaine fois. Ou pas. Parce que finalement, c'est plus amusant d'entrer n'importe où que de suivre les traces des autres.

New York, New York

J'attends H. parti en rendez-vous. Je surfe encore.

En français, tout sur New York.

Je disais tout à l'heure en prenant le métro que j'aurais aimé savoir comment le métro avait été remis en marche après Sabrina. Ça tombe bien, il y a une une expo sur le sujet.
Plus généralement, une vidéo qui fait un peu peur sur le métro (pour Matoo et Jean Ruaud et Vincent (désolée Philippe, c'est en anglais, mais certaines images parlent d'elles-mêmes)).
Et une histoire du métro par la typographie.
J'ai essayé de vérifier si cette façon de voir la station de City Hall était encore valable. Apparemment oui (nous n'aurons certainement pas le temps de vérifier par nous-mêmes).

New York en 50 objets.
New York avant New York
Un guide de New York en 1916
Portraits de New Yorkais: que font-ils le mercredi?
Des gens qui aiment des lieux (pas uniquement New York).
Des photos prises par des inconnus par un appareil laissé à dessein sur un banc avec un petit mot: "prenez les photos que vous voulez, je reviens ce soir".
Encore de très beaux portraits
Des "guides" de New York quartier par quartier par une amoureuse de sa ville (je crois que c'est une femme mais je ne sais plus où je l'ai vu).

Des étrangers à New York (la dernière histoire en date longuement développée, mais il y en a d'autres)
Et le New York des tunnels, dans les marges.

Parisiens versus New Yorkais en vignettes (assez vieux : c'est devenu un livre).

Jetlag

Cinq heures du matin. Bien réveillée. Aujourd'hui, H. a un rendez-vous à neuf heures à Philadelphie, puis un à trois heures à New York. Mercredi nous rejoindrons Boston.

Je surfe un peu pour trouver des idées. La plus grosse difficulté pour nous est de trouver des endroits qui nous conviennent pour les repas. Nous sommes atrocement difficiles, tout nous paraît trop sirupeux et trop sucré. (H. m'a beaucoup fait rire en me racontant que le deuxième ou troisième soir à l'hôtel, il avait expliqué au serveur comment faire cuire un steak. Le serveur a appelé le cuisinier qui est venu à la table, H. lui a expliqué: du beurre, du sel, du poivre, ET C'EST TOUT. «Parce que tu comprends, un steak Angus, noyé dans la sauce Worcestershire, c'est quand même dommage. (Pauvre bête, Astérix1.)». Je me demande si le chef a essayé pour lui-même, une fois rentré chez lui. Je me demande si ce goût de la chose elle-même est communicable, une fois qu'on a grandi dans les sauces et le sucre.) Ce qui nous fascine, c'est la façon dont ils confondent sophistiqué et bon.
Ça me navre, j'aimerais tant tout aimer, mais leur cuisine, à part le petit déjeuner (pancake, sirop d'érable, œufs brouillés, bacon: je me couche en me réjouissant de petit déjeuner le lendemain), j'ai du mal. Ah si, et les salades, ils ont un art de la salade composée que nous ignorons totalement en France, en rajoutant des ingrédients inattendus (ce qui ne marche pas avec le cuit fonctionne bien avec le cru).

Bref, je surfe. La dernière fois nous n'avons pas visité la statue de la Liberté en travaux, ni le One World Trade Center qui n'était pas terminé. Ça me paraît très cher, mais une fois ici, on ne va pas pinailler.

Deux blogs de Françaises, une à Boston, une à New York: Mathilde et Jane (avec des adresses de resto).

Deux à Philadelphie, mais à part la la Barnes fundation, nous n'avons rien fait. Ce n'est pas très grave. Un jour je ramerai sur la Schuylkill (ou le Delaware).

Et bon anniversaire, Vincent.


Note
1: — Et si vous échouez, je vous livre aux lions, bouillis dans de la sauce à la menthe!
— Pauvres bêtes, Astérix.

dimanche 20 décembre 2015

Une journée à Philly

Premier petit déjeuner : pancakes et sirop d'érable, depuis le temps que j'attendais cela!

Nous passons la matinée à la fondation Barnes, un incontournable à juste titre. Les rois philadelphes : qui ont épousé leur sœur (cours de jeudi dernier).
Les villes jumelées avec Philadelphie.

La fondation Barnes.

Errance dans la ville. Quartier des avocats, quartier gay, le gingko ne sent pas bon. Independance Hall, quartier des bijoutiers.

Sommeil. Dîner avec Jack. Philadelphie, le quartier des avocats. Les mauvais conducteurs : Massachussets et New Jersey.

Retour à l'hôtel. Les Eagles en mauvaise posture (voir The Happiness Therapy (attention, ce n'est pas un feel good movie, plutôt un film sur la folie)).

dimanche 13 septembre 2015

Chaos

Aviron. Yolette avec des débutants ayant un équilibre remarquable (je les qualifie de débutants exceptionnels, mais je doute qu'ils m'aient pris au sérieux). Pas de photo, pas eu le temps. Il fait gris à la limite de la pluie. Tout est vert, rien n'est roux, pourtant quelques arbres plus foncés annoncent l'approche de l'automne.
Je suis bien plus fatiguée que ne le mériterait cette heure d'aviron. Dès que j'arrête trois semaines tout est à recommencer.

Nos amis qui déménagent à Boston tentent désespérément de vider leur appartement (qu'ils vendent). Profitant du break d'A, nous passons récupérer leur table de jardin (c'est pratique un break). Nous repartons avec des sacs de DVD et de blue-ray, quelques BD et … un clavier électronique (un piano, quoi. J'entends Kwa qui fait l'article à A: «ce sont de vraies touches sensibles à la pression, pas des interrupteurs.» Ah. Voilà une comparaison qui ne m'aurait pas effleurée, même si elle éclaire parfaitement le fonctionnement du piano pour une béotienne de ma sorte.)

Kwa parcourt les annonces immobilières américaines et se trouve confronté à des problèmes de compréhension. Une salle de bains et demie signifie une salle de bain comprenant une cuvette de WC, le demi renvoyant à une pièce à part ne contenant qu'une cuvette de WC, nos traditionnelles toilettes.
Nous dévions sur les dimensions culturelles de la notion d'intimité. Kwa a demandé à une collègue la raison dans les toilettes publiques des parois qui laissent voir chaussures et bas de pantalon, «parfois jusqu'aux genoux», m'assure-t-il (j'ai du mal à y croire). Je pensais que c'était pour des raisons de sécurité (repérer plus vite toute personne faisant un malaise (j'ai dû regarder trop de film avec des personnages vomissant et ayant des overdoses dans les toilettes)), en fait ce serait pour des raisons de ventilation: faire disparaître plus vite les odeurs, ou tout au moins en brouiller l'origine précise…
C'est alors qu'il nous raconte le carrelage noir et brillant de toilettes américaines qu'il a fréquentées un jour, carrelage faisant miroir: «ça fait une drôle d'impression, toutes ces couilles vues du dessous. Je me suis dit que Mimi Mathy bénéficiait d'un point de vue tout à fait différent du point de vue ordinaire.»

En rentrant, nous échangeons les tables de jardin (la précédente, blanche en plastique, un cadeau de mariage alors que nous étions encore en train d'organiser des soirées étudiantes (nous étions les seuls à avoir un jardin), a été percée par la grêle) et rangeons l'immense parasol. Nous déballons les DVD sur le canapé pour commenter nos choix. Le clavier emballé, un carton d'un mètre cinquante, est appuyé contre le mur. Un bloc de tiroirs (apparemment nous appartenant il y a bien longtemps et qu'ils ont tenu à nous rendre) gît sur le tapis. C'est le souk, quatre semaines de vacances et c'est le souk, adieu l'espoir d'avoir une maison rangée avant de retourner travailler.

Tant pis. Je suis tombée sur une vidéo («Assieds-toi et écris ta thèse») qui donnait une loi du temps que je ne connaissais pas: plus nous planifions quelque chose pour une date éloignée, plus nous pensons que nous aurons du temps à ce moment-là. (Il doit y avoir une formulation plus claire et plus concise, il faudra que je réécoute la vidéo). En tout cas, voilà enfin la théorisation de mes échecs répétés à réussir à mener à terme mes tâches remises aux vacances "parce que j'aurai le temps".

L'interprète avec Nicole Kidman. Pas si mal mais pas très bon. En particulier, la phrase initiale qui met en branle le suspense n'a aucune raison d'avoir été prononcé en ces termes. Ou alors dans un embranchement de l'histoire non traitée par le film!

dimanche 23 août 2015

Problème de traduction

Samedi, barbecue tard le soir avec des amis qui devraient déménager à Boston et nos voisins rentrés de vacances.
Souvenirs américains divers, dont celui-ci :

— Moi ce qui m'éclate, c'est leur questionnaire, «Etes-vous venu commettre un attentat?» Alors moi, tu me connais…
— Non, tu n'a pas fait ça !
— Ben si !
— So French !
— J'ai coché oui, et à la descente de l'avion, tout de suite, t'es mis à part…
(bruits divers, incrédulité, la conversation se perd)
— … heureusement, Véronika a réussi à les convaincre que je n'avais pas compris, que c'était à cause de ma mauvaise compréhension de l'anglais…
— … alors que le questionnaire était rédigé en français! termine Véronika dans un éclat de rire.

mercredi 24 avril 2013

Promised land

Pas un grand film, mais des questions mélancoliques.

L'agriculture peut-elle faire vivre une région, une région peut-elle vivre sans industrie?
Faut-il fuir la terre, la campagne, la brûler au nom des besoins en ressources naturelles? («Mais où irons-nous, tous?»)
«Nous savons pourquoi vous êtes là: parce que nous sommes pauvres.»
«Les temps ont changé.»

Matt Damon prend le bus. Je parcourrais bien les Etats-Unis en bus. Maintenant je sais que les films donnent une image fidèle des paysages américains.
Pensée pour les petites usines électriques ("plants") sur les bords de magnifiques petites criques bleues du Massachussets, ou pour la centrale nucléaire sur la crête.
Le rapport des Américains à l'environnement n'est pas le nôtre, mais le pays est si grand qu'on a l'impression qu'il en restera toujours des pans intouchés.


J'ai repris une carte UGC. C'est la seule chose qui me permet de me reposer.

dimanche 7 avril 2013

De fil en aiguille

Parce que je ne suis plus chez FB, Ruth s'inquiétait, et donc je lui ai donné l'adresse de ce blog. Elle a trouvé la catégorie "Etats-Unis 2012", qui en fait ne contient pas tous les billets à propos du voyage: elle ne contient que les billets relus et terminés.

En pensant à Ruth qui ne lit pas le français, j'ai donc passé une partie du week-end à alléger mes photos (beaucoup trop lourdes à l'affichage), à en ajouter quelques-unes et à espérer finir les deux billets manquants (concernant Washington). Mais je n'ai toujours pas fini, et c'était une erreur, car je suis en retard sur des choses beaucoup plus importantes. Enfin, ce qui est fait est fait.

vendredi 5 octobre 2012

Quelques photos américaines autour de l'aviron

Aux Etats-Unis, j'ai été surprise d'avoir autant d'occasion de photographier des objets en rapport avec l'aviron. Est-ce une caractéristique de la Nouvelle Angleterre, qu'en est-il en vieille Angleterre?


A Mystic Seaport, il y avait cette affiche dans la cabane qui permettait de louer des barques :




Dans le "hall of Fame" etaient exposés de nombreux objets autour de l'aviron et l'histoire de l'aviron (dont un skiff suspendu au plafond).
J'ai pris la photo d'un porte-voix impressionnant et d'une affiche imaginant l'aviron du futur:







Sur les murs de Washington, j'ai trouvé une affiche à deux pas du bâtiment des archives, il me semble. Je n'ai pas bien compris à quelle manifestation ou quel musée cette affiche faisait référence:




Enfin, à Philadelphie, je n'ai pas pris de photo du bassin ou de rameurs, mais au petit déjeuner, le jour de notre départ, j'ai photographié une photographie sur les murs du fast-food:




L'aviron est une activité importante à Philadelphie, on trouve au musée de la ville des tableaux d'Eakins sur le sujet.

jeudi 23 août 2012

Long Island

Une heure et demie de Tétris: vider la voiture de tous les sacs accumulés (le linge sale, les chaussures, les achats divers) et répartition entre les cinq valises et les cinq bagages à main. Les deux problèmes sont les objets fragiles et les objets lourds, principalement les livres. Nous mettons ceux-ci dans les bagages à main en escomptant qu'ils ne seront pas pesés.

Une journée sur Long Island, du sud au nord, d'abord vers Patchogue, puis au nord, Oster Bay, sur la Golden Coast, aux portes de New York.

Le sud est plus frais, plus venteux, agréable. Bateaux à moteur, ferry vers les longues bandes de plages qui soulignent Long Island. Très peu de monde, quelques traces de ce qui doit être une intense activité balnéaire en été. Mais c'est bientôt la rentrée, nous sommes seuls dans le restaurant sur le parking au bord de l'océan, nous déjeunons tranquillement de moules et crabes.
La serveuse est jolie, sportive, bronzée, avec des yeux verts cerclés de sombre. Elle répond «pas de problème» à chaque fois que nous disons «merci», ce qui me paraît peu académique. Chip m'a expliqué que le premier week-end de septembre était le Labor day, et que les cours ne reprenaient qu'après afin de permettre aux étudiants de se faire encore quelques pourboires durant ce week-end festif.

Oyster Bay au nord est une surprise, il fait très chaud et humide, exactement le temps de Manhattan: moi qui pensais que la chaleur était due au goudron et béton de la ville, je me trompais, c'est la latitude qui veut ça. Octobre, c'est en octobre que je voudrais revenir, pour voir ce qu'il en est de l'été indien.
Quelques pas sur le port, parc Theodore Roosevelt inauguré en 2004, nous n'aurons pas vu son mémorial à Washington mais la ville où il est mort. (Deux Roosevelt pour deux guerres, je l'avais oublié, ou n'y avais jamais fait attention.)
Puis arboretum de Planting Fields, très calme, aéré. Petits panneaux sur les arbres, des dizaines d'érables de variétés diverses, aux feuilles rouges comme le prunus, au tronc qui pèle comme le bouleau, au port tombant qui fait reconnaitre une variété utilisée pour les bonsaïs… Les chênes, les ormes, sont énormes, magnifiques. Allée s'ouvrant dans les fleurs à hauteur d'épaules, petite maison de conte de fée, gros manoir néo-gothique anglais, décor sortie d'un film ou d'un rêve.





Retraversée vers l'aéroport, repas à six heures (! mais c'est l'heure américaine, c'est notre huit ou neuf heures habituel qui est décalé) pour passer le temps, l'avion est à minuit moins cinq.
La voiture se rend très vite, trop vite, j'ai un pincement au cœur, trois milles miles ensemble.

Les contrôles sont beaucoup plus simples qu'à l'aller (je ne sais plus combien de fois nous avons dû montrer notre passeport à Roissy, cela devenait un gag). Les bagages à main sont pesés: erreur d'appréciation, nous sommes larges pour les valises, mais mon sac de livres fait sept kilos, celui de A. cinq (il y a aussi tous ceux qu'avait emmenés Déborah, une quinzaine de centimètres de livre de poche. J'ai un peu triché pour mon sac, dans la confusion (à cinq nous prenons de la place et du temps) j'ai enlevé le plus gros des Emily Dickinson, l'ai posé sur un sac de sport à mes pieds et l'ai recouvert de la jupe de ma robe longue pendant que nous faisions passer les bagages à main. Cela n'aurait sans doute pas fait une grosse différence. L'employée ne nous a pas fait payer de supplément.

mercredi 22 août 2012

De Philadelphie à Long Island

Comme chaque fois que nous n'avons rien de particulier de prévu, l'heure de réveil est naturelle: entre neuf et dix heures, et comme j'ai plutôt mal dormi (le thé? l'idée du boulot qui me travaille depuis plusieurs jours?), j'en fais autant plutôt que reprendre mon blog.

Petit déjeuner à deux pas, à recommander chaudement par opposition au Denny's sur le même parking. Nous prenons la route en direction de Trenton (il n'y a rien à Trenton, a dit Jack, mais ce lieu était cité par le film sur la guerre d'Indépence à Mont Vernon. Nous avons abandonné la 95, nous suivons à peu près le Delaware, plus ou moins (je me souviens du nom de Bristol). Les maisons sont opulentes.

Nous traversons le Delaware dans un sens pour atteindre Trenton.
Nous traversons le Delaware dans l'autre sens. Bouchon. Tout s'explique quand nous avançons: le pont est extrêmement étroit et la circulation est alternée. La chaussée est constituée d'une sorte de treillis, j'imagine les ponts militaires ainsi (c'en est peut-être un), je suppose que le treillage évite que l'eau stagne et le pont gèle.
Nous dépassons la voiture clignotante qui bloque la voie de gauche pour apercevoir un noir en train de peindre la rambarde au rouleau. Un autre lui fait la conversation (c'est très utile quand on travaille, ça donne du cœur à l'ouvrage), trois autres les regardent (en rang d'oignon) et deux se chargent de la circulation. Cool.

Rive droite du Delaware. Et comme nous l'avait dit Jack, c'est vraiment très joli, entre le fleuve, les maisons aux (très) vastes pelouses tondues et les sous-bois.



Nous retraversons (aller-retour) le Delaware à "Crossing Washington", pour le plaisir de la reconstitution historique («Allez, imaginez-vous en hiver en train de traverser de nuit sur des barques parmi les glaçons»), sur le même type de pont très étroit et comme je franchis la ligne jaune un quart de seconde devant la voiture qui arrive en face à trente mètres (nous roulons à quinze miles à l'heure pour ceux qui veulent faire des calculs), son conducteur me regarde d'un air furieux et affolé. Je crois que des voies si étroites les paniquent totalement.

Nous arrivons à New Hope et nous ne comprenons pas: au milieu de nulle part, cette ville (ce village) aligne les boutiques "hippies", longues robes et artisanat pour touristes. Nous traversons le Delaware pour voir Lambertville (beaucoup plus pincée, j'échaffaude l'hypothèse que les gens habitent ici et travaillent en face), retraversons pour reprendre notre route, nous trompons entre deux routes de campagne («Euh, vers le sud-ouest, c'est pas bon» (la voiture comporte une boussole sur le tableau de bord. C'est très pratique: «Et là, je vais à droite ou à gauche? — Plutôt au nord, je pense»), faisons un large détour parmi les champs de maïs genre La mort aux trousses, reprenons notre chemin.
Désormais nous croisons des hôtels et des pontons à kayacks, nous sommes arrivés dans une région destinée aux vacances et sport d'eau (la Pennsylvanie que nous avons vue: ski dans les Appalaches, kayack sur le Delaware. Aucune idée de ce qu'il y a entre les deux.)

Arrêt à Frenchtown (pas tout à fait par hasard), il est quatre heures, nous mangeons dans une pizzeria. Je suis frigorifiée par mon iced tea, je sors avant les autres, me promène un peu. Le soleil est déjà bas, il fait doux, un magasin s'appelle "Rive gauche", j'hésite à acheter un parapluie représentant la Tour Eiffel (mais les valises vont être suffisamment problématiques sans cela), "the Yellow Dog" vend des accessoires pour chiens, des cafés sont fermés, ça sent l'automne et la fin des vacances, il y a fête au village le deux septembre, avec concours de costumes pour animaux de compagnie.

Traversée définitive du Delaware. Plus de forêt. Champs, maisons, magasins, la circulation s'intensifie. Nous devons rendre la voiture demain à midi, nous décidons de dormir dans Long Island: même s'il y a des bouchons, il n'y aura pas de pont à traverser.
Sept heures moins dix. Bouchons ou quasi bouchons. Verrazano bridge. Magnifique vue sur Manhattan. Magnifique vue sur la mer.



Long Island.
Arrêt à Canarsie Pier. Les toilettes les plus sales du voyage, mais des pêcheurs le long des balustrades, des cerfs-volants contre le ciel et des avions qui semblent devoir les toucher. Carillon entêtant, sans doute une baraque à frites, de celui qui accompagne les meurtres dans les films d'Hitchcock.

Motel et MacDo, après quelques péripéties. Daredevil à la télé, avec toujours les pubs exaspérantes.

mardi 21 août 2012

Philadelphie

Matin : musée de Philadelphie. Petit déjeuner dans une rue proche, dans une toute petite échoppe chinoise ou japonaise qui nous enchante après l'expérience désastreuse d'hier soir.

Exposition Arcadia, qui aurait pu s'intituler "Les Baigneuses". Tout cela manque un peu de couleurs vives à mon goût, mon préféré est Franz Marc.
Nous nous séparons, rendez-vous à une heure et demie dans le hall. Art moderne, art contemporain (de grands Towmbly illustrant L'Illiade). J'erre dans les collection de mobilier anglais, je découvre Romney, ailleurs Eakins, et un Goya, des Manets marins, un très beau Renoir (dans la réalité, elle paraît bleue, j'aurais juré que sa robe était bleue. Ce doit être les rideaux). Je m'y perds, entre un Picasso qui ressemble à Toulouse-Lautrec, un Van Gogh qui ressemble à un impressionniste, un Toulouse-Lautrec presque classique.

Cafétéria, hors de prix; boutique de souvenirs pour la deuxième fois (la première, c'était après Arcadia). Errance, perte de temps ou détente à regarder les gadgets et admirer l'inventivité des marketteurs (nous achetons des piques pour tenir les épis de maïs, ustensile découvert chez Ruth).

L'objectif suivant était les manuscrits de la Mer morte exposés à l'institut de Benjamin Franklin, mais nous abandonnons devant le prix de l'entrée (37 dollars). Nous errons encore plus longtemps dans la boutique aux souvenirs, il y a vraiment beaucoup de gadjets, des T-shirts rébus (œil, cœur, pomme, pi), etc.

Quartier de la signature de la déclaration d'Indépendance. Je suis impressionnée par une cloche offerte par la Grande-Bretagne à la ville en 1976 pour le bicentenaire de cette déclaration (j'imaginais les Anglais plus rancuniers).

Se garer demande de décrypter des panneaux qui annoncent à peu près (en abréviations): autorisés deux heures entre huit heures du matin et six heures du soir du lundi au vendredi, trois heures entre vingt heures et une heure du matin le vendredi soir, quatre heures le samedi et le dimanche avant sept heures du soir. Bref, la logique semble d'être de permettre aux habitants de se garer quand ils rentrent chez eux, mais nous avons un peu de mal à déchiffrer et démêler les abréviations («On est quel jour?» «Il est quelle heure?») en quinze secondes en passant.

Nous allons jusqu'au bout de Chesnut street. Un parc avant le pont raconte l'histoire de la famine en Irlande.
Pot en terrasse pour attendre l'heure d'aller rejoindre Jack. Il me reconnaîtra et viendra s'assoir avec nous dix minutes avant notre rendez-vous.
Resto chinois avec une carte qui évalue les plats épicés par une note de 1 à 10.

Retour bizarroïde ce soir encore, à la recherche d'une station service (et la première trouvée est fermée). Nous finirons par interroger des fumeurs devant un pub («Mais non, tous les buveurs de bière ne sont pas méchants»), instructions précises après quelques secondes de réflexion, sans eux nous ne l'aurions jamais trouvée. (Je pense que nous avions de quoi rentrer, mais à condition de trouver notre chemin sans hésitation, ce qui était loin d'être assuré (nous utilisons un iPhone qui ne fait pas toujours la différence entre les routes et les tunnels.))
Un bonheur n'arrivant jamais seul, l'arrêt à la station nous permet de localiser une entrée sur la 95 (on pourrait imaginer également que ce n'est pas par hasard que la station service se trouve là, mais bon).

lundi 20 août 2012

De Baltimore à Philadelphie

Première réveillée, je tape sur mon blog le plus longtemps possible. Comme tout le monde se plaint d'être fatigués, je laisse dormir. De toute façon, de moins en moins de choses sont prévues pour la fin du voyage, deux visites à Poe à Baltimore et Philadelphie, et finalement une rencontre avec un vieil "ami" Facebook, de l'époque où Gunther intervenait beaucoup, je pense (aujourd'hui, je n'accepte plus beaucoup d'amis totalement inconnus). Il restera un Australien et Red Shuttleworth à rencontrer.

Hier soir, nous avons donc dépassés Baltimore d'une dizaine de miles. J'insiste pour faire demi-tour et aller sur la tombe de Poe.
La highway est mauvaise, les voitures en mauvais état, tout est miteux et pauvre. Les maisons sont basses, d'un seul étage, mitoyennes, à l'anglaise ou comme dans les corons. Pas de végétation. Nous passons dans un quartier grec (panneau indicateur à l'appui), approchons de la ville.

«This year thousands of men will die from stubbornness.» J'aime bien cette pub sur le bord de la route rencontrée pour la première fois en quittant les chutes du Niagara (c'est en fait le nom de la ville, Niagara Falls).

Parking. Galerie marchande. La première enseigne que nous voyons est un Cheesecake factory:
— Regarde, comme dans Big Bang Theory!
— Quoi? De quoi tu parles?
— Mais si, tu sais bien, c'est l'endroit où travaille Penny.

Et comme il est onze heures et demie, nous déjeunons dans un Cheesecake factory sur le port. En face de nous se trouvent des pédalos, dont de merveilleux pédalos en forme de dragons. Nous déjeunons (très bien) en décidant qui feraient du dragon (quatre places) et qui pédaleraient (deux des quatres places).





Hélas, tous nos plans minutieusement élaborés tomberont à l'eau (ou plutôt pas) car la passerelle d'accès nous sera fermée au nez: le bateau à moteur (celui qui justement aurait dû nous récupérer si nous tombions à l'eau) est en panne. Déception.

Dans notre dos, l'immeuble de The Examiner: — Ah tiens, c'est le journal de la fin du Diable s'habille en Prada.

Nous partons pour la tombe de Poe, guidé par l'iPhone.
— Le cimetière devrait être ici.
Je suis arrêtée à un feu rouge. Hôpital en diagonal à gauche, hauts immeubles massifs (nous sommes en plein centre ville), briques rouges à droite, briques rouges à gauche.
— Mais si regarde, c'est une église, le cimetière est autour!

C'est minuscule, en plein cœur de la ville, exactement l'inverse du cimetière découvert hier soir dans mes phares. Cette situation a elle seule valait le détour. La tombe se situe tout de suite à l'entrée, sorte de monument plutôt vilain. Poe la partage avec sa femme Virginia et sa tante qui l'avait accueilli quand il s'était fait renvoyé de West Point. Mais en avançant dans le minuscule cimetière envahi de lierre (très joli contre la brique rouge), nous découvrons tout au fond la première tombe de Poe, à côté de celle de son grand-père. Celle de l'entrée a sans doute été érigée quand Poe est devenu connu.

Etape suivante, la maison de Poe, ou plutôt celle de sa tante. Maintenant je veux la voir, je veux voir sa situation même si selon internet elle sera fermée (mais après tout, nous ne sommes pas "à l'abri d'un coup de chance"). Ce qui m'intrigue (ou plutôt ce qui me laisse présager de ce que nous allons voir) ce sont les dernières lignes du site donnant des indications de lieu: «Note: Use caution when parking in an urban environment. Common sense dictates that you lock your car and keep any valuables out of sight» (Soyez prudents quand vous vous garez en environnement urbain. Le bon sens recommande de fermer sa voiture et de ne pas laisser d'objets de valeur en vue): c'est évidemment toujours vrai, mais habituellement on ne l'écrit pas.

Effectivement, en s'éloignant de la tombe, nous quittons très vite les hauts buildings administratifs. Maisons basses mitoyennes comme elles sont de règle ici, quartier noir, pauvreté (mais pas de tags ou de vitres cassées, ce n'est ni sale ni délabré; c'est pelé sous la chaleur, personne ou presque dans la rue, pas de végétation sauf de l'herbe trop haute dans les arrières-cours, cela donne un sentiment de solitude, d'éloignement, comme si l'on avait glissé dans une autre réalité. A quoi tient une impression d'opulence? A quelques coup de pinceau, des rideaux aux fenêtres, un air pimpant dont je n'arrive pas à déterminer la cause.)

La maison est à un angle de rues, face à un terrain vague. C'était donc la maison de la tante de Poe, minuscule si l'on compte qu'au moins quatre personnes y vivaient (la tante, sa fille et sa mère, Poe). Personne dans les rues, des voisins bruyants se disputent dans une maison mitoyenne, porte ouverte (il fait très chaud). Briques rouges.
Fermée.

Nous partons pour Philadelphie.
Pour une fois nous arrivons tôt, nous prenons un motel à quatre heures de l'après-midi à Essington, près de l'aéroport. (Deux jours: nous n'aurons pas à faire et défaire les valises demain matin, cela repose). A. et O. préfèrent rester ici, nous partons faire un tour à Philadelphie avec Déborah.

Surprise, Love de Robert Indiana au détour d'un buisson, sur une place.
Nous errons, achetons une carte mémoire pour appareil photo dans un magasin indien dont un mur entier est tapissé de boîtes de bâtons d'encens et un autre de bouteilles d'essence de parfum (la mémoire de l'odeur me prend à la gorge); dans une vitrine des poudres de perlimpimpin pour bander plus longtemps (une corne de rhinocéros sur l'un des paquets qui ressemble à des paquets de tabac à priser).

Voiture. Avant de rentrer, j'émets le vœu de voir le boathouse row signalé par le guide vert (et soudain je comprends que "row" veut également dire "rang" ou "en file", tandis qu'à Mystic Port l'homme des barques avait utilisé "crew" («Oh, you crew»), c'est-à-dire "équipe": very appropriate). Le plan d'eau est magnifique, paisible, serein, des doubles glissent sur l'eau, la route le suit et semble quitter la ville très ville (je veux dire que nous ne sommes plus en milieu urbain, mais que d'un point de vue administratif, ce doit être encore Philadelphie).
Il est temps de faire demi-tour et de rentrer. Mais c'est moi qui guide et H. qui conduit, et cela sera notre perte: je ne suis jamais très inquiète, partant du principe qu'on finira bien par rentrer («We are lost, we are French!» ont appris à crier les enfants en chœur quand je conduis) tandis que H. aime la précision et rentrer directement en suivant les instructions de l'iPhone.
Les gens conduisent vite, plus vite qu'on ne l'a jamais constaté en ville; je n'ai qu'une crainte, c'est de prendre une route qui nous fasse traverser le Delaware sur le Whitman Bridge. Je ne comprends pas ce qu'indique l'iPhone, je donne une indication un quart de seconde trop tard, nous nous retrouvons à rouler vers le nord, de l'autre côté du plan d'eau. C'est très beau, mais étroit, eau d'un côté, roche de l'autre, impossible de faire demi-tour.

Demi-tour malgré tout au niveau du zoo. Errance, visiblement les routes que nous voulons atteindre sont en tunnel dont nous ne trouvons pas les entrées. Nous finissons par croiser un panneau indiquant l'aéroport (ce n'est pas si facile, il n'y a qu'une seule route, puisqu'il faut réussir à monter sur un pont, un autre pont que le Whitman (d'où ma crainte de me tromper). Tant qu'on ne monte pas sur ce pont, l'aéroport est hors de portée). Nous rentrons, il fait nuit.

Il y a un Denny's à côté du motel. Nous nous réjouissions de pouvoir tester les repas après les petits déjeuners.
Grave erreur (ne jamais vendre la peau de l'ours): trois quart d'heure d'attente (ce fut si long que j'étais résolue à aller voir en cuisine et à m'en aller si je découvrais qu'aucun plat n'était en préparation contrairement aux promesses répétées de la serveuse. J'étais en train d'y aller quand les plats sont arrivés) et une nourriture détestable (pour ma part un goût atroce d'huile trop utilisée).
Nous partons dormir, laissant H. faire la peau de l'assistant gérant.

dimanche 19 août 2012

Des tombeaux

Pour compenser le petit déjeune d'hier, nous avons trouvé un Denny's. D'est au sud, nous avons traversé des quartiers résidentiels de petites maisons en bois ou brique rouge. Que des noirs dans les voitures, et nous serons les seuls blancs dans le Denny's. J'arrive à faire sourire la serveuse en m'extasiant sur le chocolat au lait, qui est un chocolat viennois selon les normes françaises (mais ordinaire selon les normes allemandes, d'après Déborah).

Mount Vernon. Le charme de cette maison réside entièrement dans sa situation, qui domine un coude du Potomac. Rien en face, rien autour, je songe à la Seine aux environs d'Héricy, une Seine deux ou trois fois plus large.
Une terrasse le long de la façade ouest regarde le fleuve. Des chaises y ont été installées; leur dos délimitent un couloir le long des portes de la maison pour les visites organisées.
La maison est très simple, avec cinq chambres d'amis destinées à accueillir la multitude d'invités qui venaient rendre visite à Washington.

Tombeau, ponton sur le Potomac, film sur la guerre d'Indépendance. Les différentes entrées de musées sont généralement gratuites pour les enfants de moins de douze ans, et nous ne voyons aucun adolescent. Tous ces musées et reconstitutions historiques forment les enfants à l'histoire et à la fierté nationale, il y a dans tout cela un léger parfum de propagande qui finit par nous faire sourire au bout de deux semaines d'endoctrinement.

Il pleut. Retour à Washington. Mémorial Roosevelt (Franklin Delano) intégré au paysage, blocs de pierre comme jetés, cascades, évocation de la crise et du New Deal puis de la seconde guerre mondiale (WW II), une statue de Madame et, plus inattendue, une de son chien (il paraît qu'il est très connu: pas de moi).
Mémorial Martin Luther King. J'ai la surprise de voir 2010 sur la statue. Nulle part la phrase «I have a dream», peut-être que nous ne l'avons pas vue. Ou qu'elle n'y est pas. La statue est taillée dans une tranche de bloc rocheux poussée en avant, laissant plusieurs mètres derrière elle les deux autres parties de blocs ainsi créées. Le tout est monumental, je songe à RC expliquant que nous, Français, ne savons plus faire de monument car nous n'avons plus la fierté de notre pays.
Mémorial Lincoln, un peu plus loin. (Problème de parking: nous nous sommes garés innocemment devant une bouche d'incendie, il faut laisser 10' de part et d'autre, dit not contravention de cinquante dollars (10': quelle unité? des pieds? Il me semble qu'en pieds, c'était OK.) Dire de Lincoln qu'il a «sauvé l'union» me semble exagéré, il a forcé l'union serait plus exact (dans cette remarque sudiste, il y a l'influence de Ruth sur moi, je le sais). D'ailleurs c'est assez étonnant de réussir à obliger des gens à rester ensemble. Comment est-ce possible?

Voiture. Je conduis, O. pilote, nous nous perdons (les indications me parviennent tard et je les comprends encore plus tard), nous suivons un torrent vers l'ouest, nous atteignons ce qui doit être un centre nautique (je vois des kayaks), je prends la première à droite. Quartier des ambassades, je prends vers l'est. Nous mangeons au Pain quotidien (comme à New York), les enfants préfèrent le Subway en face. C'est très bon, avec le même défaut qu'en France: la musique trop forte, et donc des clients qui haussent la voix. (C'est ce que j'aime ici: le silence des restaurants).

Arlington. Deux petites plaques autour des époux Kennedy, un garçon mort après quelques jours, et une fille sans nom, "daughter": mais qui sont-ils?

Il est presque sept heures. Nous renonçons à voir le Mémorial Theodore Roosevelt. Direction Baltimore en traversant Washington vers de nord-est. La ville se délite, immeubles bas, maisons, espacés, de plus en plus espacés, et très vite la forêt.

Baltimore est à une heure, la circulation assez serrée, une marmote suicidaire grignote debout sur la bande d'arrêt d'urgence.

Baltimore, il fait nuit, je roule tout droit. La chaussée fait des vagues, je n'ai jamais vu ça. La voiture roule et tangue, ça me fait rire mais les passagers protestent. Je n'y peux rien. Quartiers chauds, port, je prends à droite quand j'aurais dû prendre à gauche à un carrefour en Y, Fayette street devient de plus en plus en plus étroite, jusqu'à arriver à un stop, dans mes phares des tombes, à quelques mètres de l'autre côtés du grillage. La rue ne continue qu'à gauche, il y a juste la place pour la voiture.
A droite le cimetière, à gauche perpendiculairement des rangées de maisons mitoyennes, presque des cabanes. Elles sont placées dos à dos, une allée miteuse sépare les jardins qui permettent juste de garer une voiture (mais comment arrivent-elles jusque là? Tout est si étroit). Un chat maigre erre dans l'allée.

Je propose de dîner dans un Longhorn, cela remonte le moral des troupes toujours bas dès que la fatigue tombe. Dix miles de Baltimore, à Rosedale. Gâteau au chocolat. Tout va mieux.

vendredi 17 août 2012

Washington - la bibliothèque et le Congrès

Tout est dans le titre.

Nous sommes à l'hôtel près du terminus de la ligne orange, à New Carrolton. Nous mettons quelques minutes à déterminer s'il nous faut des billets ou un forfait journée, pour finalement opter pour des billets qui ne sont pas des billets, mais plutôt des sortes de Monéo que l'on charge du montant que l'on souhaite, et qui se décharge à chaque passage dans les portillons.
En effet, il n'y a pas de prix fixe de billet, il varie en fonction des jours de la semaine et des heures creuses ou de pointe. (Une autre façon de gérer les heures de pointe est à l'œuvre sur certaines highway: la file la plus à gauche est réservée aux voitures contenant deux personnes ou plus. Il s'agit de favoriser le covoiturage.)

Bibliothèque du Congrès. En arrivant je suis amusée par les sacs transparents longs comme des sacs à pain destinés aux parapluies mouillés.





L'intérieur est splendide, nous repérons côte à côte dans des cartouches mitoyens Poe et Whitman, ce qui nous fait deux sur deux, les enfants sont ravis (il faut encourager les troupes). Nous déambulons. Nous sommes très fiers de nous être entendus répondre qu'en tant que Français, nous n'avions pas besoin de participer à un tour (visite guidée), qu'il nous suffisait de nous promener, notre culture générale suffirait (n'empêche que je n'ai reconnu Estienne que parce que Dolet était à ses côtés) et que certains noms (Petit, il me semble, par exemple: qui est Petit?) ne me disent rien.

En exposition, LA une Bible de Gutemberg. 1455. Je n'en reviens pas. Elle se compose de trois tomes, exposés tour à tour (tous les six mois) pour ne pas exposer les mêmes pages à la lumière trop longtemps. Température contrôlée, lumière basse fréquence, photos strictement interdites, lutrin absorbant également le poids du livre pour ne pas abîmer la reliure. Vendue en 1930 par l'Autriche.
— Mais comment peut-on vendre ça? Tu crois que c'est la crise des années 30 qui les y a obligés?
— Je ne sais pas, mais tant mieux, ça lui a permis d'éviter la guerre et les bombardements.

Nous voyons la salle de lecture de la galerie surplombante, entièrement vitrée pour ne pas déranger les chercheurs (la salle est pratiquement vide).

Nous voyons deux expositions, une sur l'exploration des Amériques et ses conséquences avec des cartes magnifiques.
Je reste interloquée devant trois globes successifs, le premier aux environs de 1507, le suivant vingt ans plus tard: sur le premier l'Amérique est une longue bande de terre, sur le deuxième, la forme générale du Nord et du Sud est donnée, leur rattachement par un isthme, le décalage selon la longitude (l'Amérique du Sud plus proche de l'Europe ou de l'Afrique), la baie du Saint Laurent bien dessinée. Travail extraordinaire en si peu de temps avec les moyens de l'époque.%%% — En vingt ans les Espagnols ont cartographié le monde.

L'autre exposition concerne les livres qui ont donné forme à l'Amérique ou qui ont formé l'image de l'Amérique aux yeux du monde extérieur. Jusqu'au aux années 1920 je connais pratiquement tout et j'en ai lu un tiers ou la moitié, ensuite cela devient plus difficile. Je constate avec amusement que certains me sont connus grâce au blog de tatouages que j'aime bien.

La dernière salle expose les livres vendus par Jefferson à la bibliothèque après sa destruction par les Anglais. Un tiers sont d'origine, un tiers sont des dons de la BNF, un tiers provient de divers achats et donations (la bibliothèque a de nouveau brûlé dans les années 1850).

Pas d'accès à la salle de lecture, mais on peut la contempler d'en haut, à partir d'un balcon, sans faire de bruit. Je n'arrive pas à reconnaître le décor de Quand l'esprit vient aux femmes. Je lis le nom des bustes tout en haut sous la coupole mais je les ai oubliés (Moïse, il y avait sans doute Moïse, ce serait trouvable sur internet).

Un tunnel relie la bibliothèque au Congrès. Pas le temps de finir. Je mets cela en ligne en attendant, parce que je finis par douter de pouvoir rattrapper mon retard. Il faudrait d'autres vacances pour tenir mon blog.
Je reprends le 7 avril 2013. Les anecdotes vont être moins précises, tant pis.


Je me souviens qu'il fallait jeter tout liquide contenu dans les sacs à dos entre la bibliothèque et le Congrès. Finalement, il n'y aura qu e dans les monuments officiels de Washington que nous aurons droit à des mesures de sécurité telles qu'on les connaît à Paris.
Nous déjeunons au sous-sol dans un self qui ressemble beaucoup à celui du Met. En catastrophe au milieu du repas nous allons acheter un tee-shirt souveuniir à O. qui a aspergé son tee-shirt blanc de sauce bolognaise. Comme toujours nous avons froid, la clim est insupportable.

Tout est gratuit, il suffit de s'inscrire, de prendre un ticket, d'attendre le guide qui se chargera de notre groupe. C'est très bien organisé, à la fois efficace et bon enfant, sans nervosité.
Nous attendons dans un vaste hall, je regarde les statues, hommes politiques, Américains célèbres, Indiens. Je contemple avec plaisir la statue d'Anne Keller (j'ai songé à Matoo (moi je connais le livre depuis mes années de collège — pas le film (plus tard notre guide nous dira que cette statue constituait deux premières: la première statue d'enfant au Congrès, et la première statue d'handicapée)) et celle de Sacagawea dont j'avais entendue parler quelques jours auparavant par Ruth: c'est l'Indienne qui accompagna l'expédition de Lewis et Clark; Ruth avait émis l'idée que nous allions voir la statue à eux dédiée, mais le projet n'avait pas abouti.





La visite commence par un film qui raconte l'histoire du Capitole, la décision de le construire, les incendies qui l'on détruit, la construction de la coupole ininterrompue par Lincoln pendant les années de la guerre de Sécession. Comme le résumera O. en sortant (ce n'est pas si facile pour lui, il n'a qu'un an d'anglais derrière lui): «Si je comprends bien, ils employaient des esclaves pour construire le Capitole pendant qu'ils faisaient la guerre contre l'esclavage».
Oui, il a bien compris.

Nous montons dans les étages, passons près d'une étoile blanche dans le sol qui porte bonheur si l'on met le pied dessus.
Nous visitons la salle aux statues dans laquelle je repère Webster. Six mois plus tard je me souviens surtout de deux choses: notre guide ne pouvait concevoir la vie sans la climatisation et bénissait chaque jour le sénateur ou le représentant (j'ai oublié son nom) qui avait décidé de climatiser le Congrès («Vous imaginez! Travailler ici sans clim!» Et l'on sentait que toute son admiration allait à ces vaillants pionniers, ou encore «Vous pouvez visiter la coupole et monter dans la galerie (tout là-haut sous le plafond), il suffit de s'inscrire quelques semaines à l'avance, mais attention, il n'y a pas d'ascenseur ET PAS DE CLIM». Et l'on sentait qu'il en transpirait rien que d'y penser); et deuxièmement, il vouait une admiration sans borne aux films patriotiques de Clint Easwood.

Il nous indique qu'il faut écrire à son député pour visiter la salle des représentants. Nous sommes désappointés, mais H. décide de ne pas se laisser décourager et aborde le bureau des visites: si les Américains doivent écrire à leur représentant, que doivent faire les étrangers?
Réponse: rien, ils peuvent entrer immédiatement (!!!)

Pour entrer dans la salle des représentants, il faut de se débarasser de tous ses objets, téléphone, appareil photo, mais aussi portefeuille, papier d'identité, sac à mains, tout ce dont on ne se sépare pas volontiers aux mains d'inconnus. Les objets sont recueillis dans des sortes de grandes boîtes à chaussures en échange de ticket de vestiaire (cela m'a marqué, d'une part parce que le sentiment de nudité est assez étrange, d'autre part parce qu'un homme sortira paniqué de la salle des représentants: ticket perdu, aucun moyen de prouver son identité, et la perspective que toutes ses affaires aient été récupérées par un autre).
La salle est plongée dans la pénombre. Au ras du plafond des portraits, parfois surprenants (Moïse, Napoléon 1er, Hammurabi, Saint Louis, Maïmonide). Nous nous asseyons sur des sièges et écoutons des explications qui ne m'ont guère marquées.

Je ne sais plus où nous avons dîné le soir. Mais je me souviens m'être dit à un moment: «Mais nous sommes dans un hôtel pour Noirs!», non seulement parce qu'il n'y avait que des Noirs, ce que je n'aurais sans doute pas spécialement remarqué, mais à cause de leurs réactions: ils avaient l'air surpris et très heureux, l'un d'entre eux dans l'ascenseur m'a demandé d'où nous venions.
Je me suis dit qu'il devait y avoir des codes non écrits qui devaient désigner ces hôtels, codes et signes auxquels nous étions ou serions totalement imperméables en tant que non initiés.
Mais il s'agit d'une supposition gratuite.

jeudi 16 août 2012

De Virginia Beach à Annapolis

Je ne sais plus très bien ce qui était prévu ce matin, peut-être de partir de partir à onze heures. Quoi qu'il en soit, Ruth est venue nous chercher à huit heures et nous avons passé la matinée à prendre le petit déjeuner à papoter en terrasse d'un hôtel en regardant les dauphins (je n'aurais jamais pensé qu'ils s'approchaient si près des côtes).
Les enfants sont restés à la plage pendant que nous allions faire un tour à l'ARE que H. voulait voir. (C'est à cause de Cayce que je me suis retrouvée à Virginia Beach en 1984: j'avais écris que je souhaitais visiter le centre). Le bâtiment présente un étrange mélange de recherches sérieuses (études des "lectures", travail de recension, hôpital adjacent) et de parfum de charlatanisme ou de naïveté.

Retour à la maison. Les enfants sont déjà douchés, nous mangeons des restes de pizzas d'hier (il en restait deux entières), je retourne une dernière fois dans "ma" chambre que je ne reverrai jamais puisque la maison va être vendue, nous partons tard, à deux heures passées.

Direction le pont de Chasepeake Bay, l'une des sept merveilles du monde moderne. Le pont se transforme en tunnel en deux points, afin de laisser passer les bateaux. Nous regardons les cargos se suivre, étonnés par leur nombre.

Je n'arrive pas à trouver le nom de l'immense presqu'île comme un doigt pointé vers le bas qui délimite Chasepeake Bay[1]. La remontée du doigt est interminable, il doit y avoir ici de très belles plages, sauvages et désertes, il n'y a presque aucune habitation, je repère l'indication de deux églises catholiques.
Nous nous arrêtons pour prendre de l'essence. Les cartes postales en vente me permettent de situer précisément la région des poneys sauvages dont nous avait parlé Chip hier: les poneys Assateague, juste avant que le doigt ne rejoigne le poing fermé.

La remontée de la presqu'île nous prend quatre heures à 55 miles à l'heure, qui deviennent 45 à l'abord des villes, de plus en plus nombreuses dans le poing. De la pêche et du tourisme nous passons à l'agriculture, champs de maïs et d'une plante verte et feuillue d'une quarantaine de centimètres que nous ne parvenons pas à identifier de la voiture: pommes de terre? (Nous envisageons un moment de nous arrêter pour tirer dessus, mais je ne sais pas très bien ce qui se passerait si l'on nous trouvait à déterrer les patates…)
Cambridge, direction Annapolis, plein ouest, ponts, le soleil descend, c'est magnifique.

Le centre historique d'Annapolis, tout en briques rouges, a beaucoup de charme. Mais après deux tentatives infructueuses (un hôtel, un distributeur de billets), une consultation de l'iPhone, un passage par le port, absolument délicieux mais sans une place pour se garer, nous abandonnons: nous sommes fatigués, tout a l'air cher et upper class. Nous sortons de la ville, trouvons un hôtel sur une aire d'autoroute et allons tester les hamburgers de Wendy's (très bonne salade aux myrtilles. Je me demande par ailleurs si je ne bois pas un peu trop de jus de cranberries.)

Le soir, H., qu'Annapolis intéressait surtout par l'école navale, découvre que seuls les Américains peuvent la visiter.

Notes

[1] la Péninsule de Delmarva, voir le commentaire de Gv.

mercredi 15 août 2012

Williamsburg et Virginia Beach

Déception à Williamsburg, un peu par notre faute (partis beaucoup trop tard de chez Ruth, nous avons longtemps bavardé autour du petit déjeuner), arrivés presque à midi à Williamsburg, payé une fortune les billets pour la journée, pour découvrir que la plupart des "attractions" (toujours sur le mode jeu de rôle en 3D) se terminaient à dix-sept heures... eh bien sûr nous avons pris le temps de manger colonial dans l'une des auberges, ce qui a encore diminué notre temps utile. Je crois que cela énerve passablement Déborah. Moi aussi. Williamsburg m'a beaucoup déçue, sans doute parce que j'en avais un souvenir idyllique, venue ici dans le petit matin il y a plus de vingt ans.
Tant pis. Nous ferons mieux une autre fois, nous nous organiserons, nous partirons plus tôt, nous mangerons plus vite. Ou nous ne reviendrons jamais.

Toujours en vertu de mes souvenirs, nous avons tenté de trouver une statue de Pocahontas. Las, l'i-phone nous a conduit… au débarcadère d'un bac permettant de traverser un lac, ou un bras de rivière (tout est très vert, très irrigué, nature luxuriante). Nous avons fait demi-tour tant bien que mal, paniqués à l'idée d'être obligés de rester sur le bateau, de traverser la rivière, de devoir revenir, d'être en retard ce soir, de… (galope, galope l'imagination paniquée).

Peut-être avons-nous aperçu Pocahontas de loin. Une fois de plus c'était un parc historique (je n'ose écrire d'attractions), et il était fermé. Peut-être celui de Jamestown. Ruth cherche à démontrer que ses ancêtres faisaient partie des premiers colons de Jamestown: «C'est encore plus prestigieux que les descendants du Mayfloyer», nous dit-elle.

Nous apercevons une biche et deux faons tachetés de blanc; trop loin, pas de photo.

Direction Virginia Beach, c'est loin, sans doute parce que cette journée fut décevante.

Rendez-vous dans la maison où j'ai passé un mois il y a vingt-huit ans. Elle est vide, Ruth et Chip attendent que le marché immobilier remontent pour la vendre. En attendant ils font des travaux. Le jardin est impeccable, il doit y avoir un jardinier qui passe. Comme d'habitude, je suis impressionnée par l'absence de clôture, de volets: qui laisserait sa maison vide ainsi sans protection en France? Y a-t-il des alarmes? Ou sont-ce les voisins qui surveillent le quartier?
En nous attendant Ruth et Chip ont gonflé des matelas pour les enfants, nous dormirons dans le seul lit de la maison. Avec un pincement, je montre aux enfants ce qui fut ma chambre; c'est la dernière fois que je la vois, je suis revenue juste à temps.

Nous avons rendez-vous à Virginia Beach le soir. Soirée pizza chez la fille de Ruth. Elle a deux ou trois ans de moins que moi. Quand j'étais venue à dix-sept ans, elle semblait bouder, un peu jalouse de l'attention que me portait sa mère — qui me consacrait absolument tout son temps. Au milieu de mon séjour, elle s'était retrouvé aux urgences: mononucléose, grande faiblesse et grande fatigue, et j'avais culpabilisée d'avoir tant accaparé sa mère, et d'avoir mis sur le compte de la bouderie ce qui était peut-être la marque de sa fatigue (mais c'était peut-être malgré tout de la jalousie, puisque j'étais pour un mois la fille idéale, qu'on pouvait emmener dans tous les musées et maisons des environs sans que mon enthousiasme diminuât).

Mais tout cela est loin. Soirée pizza, beaucoup trop de pizzas du fait de l'angoisse maternelle de Ruth. Kara vit avec un musicien dont la fille travaille comme serveuse à Los Angelès (elle n'a pas trouvé d'emploi avec son diplôme de marketing; Chip pense qu'elle devrait poursuivre ses études). Elle téléphone tous les jours à son père, et celui-ci revient excité et désespéré: «Vous savez ce qu'elle m'a demandé? Si je savais qui était Neil Young!! Si je sais qui est Neil Young?»
Sa fille croise beaucoup de stars, Georges Clooney a très bonne réputation, il laisse des pourboires royaux.

Les enfants s'endorment sur le canapé. Il est tard.

mardi 14 août 2012

Richmond

Musée de la Confédération

H. est gêné par le caractère partisan de ce musée qui est une ode à la gloire de l'armée conférée, je suis émue par le soin quasi-religieux avec lequel nous sont présentés l'uniforme de Lee, son lit de camp, des objets ayant appartenu aux différents généraux (j'ai oublié tous les noms), le sabot d'un cheval blanc légendaire pour les faits accomplis (mais lesquels? J'ai oublié aussi): reliques amoureusement conservées, nostalgie, robes des dames, vêtements de veuvage, famine, incendie… Comment ne pas penser à Autant en emporte le vent?

Le soir Chip nous dira sa fierté d'homme du sud, «Je ne peux que condamner l'esclavage, et je ne peux pas regretter cela, mais je regrette ces hommes, leur élégance morale, leurs façons de vivre…»
Nouveaux riches contre aristocratie de vieille lignée, nord contre sud, bourgeoisie contre noblesse, le capitaine de Borodino contre Saint Loup.



Musée Edgar Poe

Le plus grand musée Poe, annonce fièrement le tract. Si c'est réellement le cas, c'est effrayant: une petite pièce plus des objets. Il faut dire que Poe bougeait beaucoup, plus encore que Joyce: neuf lieux d'habitation en treize ans de présence à Richmond.
J'apprends que Poe s'était enrôlé comme soldat, et qu'il avait acquis en deux ans le grade de sergent-major, grade le plus haut qu'un engagé pouvait atteindre, généralement en dix-sept ans. Devant ce succès, Poe s'inscrit à West Point, mais n'ayant pas les moyens financiers d'y rester, il s'en fit renvoyer.
Je ne savais pas qu'il avait cette fibre militaire.

Il épousa sa femme quand elle avait treize ans, elle mourut à vingt-quatre (sa mère et son frère sont morts à cet âge), il mourut deux ans après, en 1849 (né en 1809: je me souviens que Poe est l'un des exemples donnés par Humbert Humbert, avec celui de Byron. Et puis bien sûr Annabelle Lee).

Poe n'a pas habité là mais dans la mesure du possible les meubles présentés l'ont connu. Tout est rassemblé là aussi avec un soin infini, l'histoire des objets nous est racontée (ainsi nous voyons sa canne parce que Poe l'a laissée chez un ami quelques jours avant sa mort, emportant par erreur celle de l'ami qui la conserva à titre de souvenir après la mort de Poe. D'héritage en héritage, elle parvint à un descendant qui en fit don au musée ou à la fondation). (Malheureusement les photos sont interdites à l'intérieur (parce que le musée ne possède pas tous les copyright, nous explique-t-on) et il n'y a pas de carte postale disponible pour compenser cette interdiction (ce qui est pour moi incompréhensible: à quoi bon interdire les photos si ce n'est dans le but d'en retirer quelque argent?)

On nous informe que le mur du jardin contient des briques du bâtiment qui abritait le journal où travailla Poe, que les tessons de verre en haut du mur reproduisent un dispositif décrit dans William Wilson… (Photos ici) Là encore, une disposition de l'ordre du sentiment religieux est à l'œuvre. Au total, c'est un minuscule musée à visiter pour le soin infini que l'on sent mis à toute chose, mais aussi parce qu'il donne le sentiment que la vie de Poe était moins lugubre qu'on tend à se l'imaginer (il faut se souvenir que Poe est l'inventeur de la mise en scène de sa propre vie à des fins de promotion littéraire), entre sa femme vive et gaie, ses collègues journalistes, ses années militaires.



Soirée

Le soir repas de fête avec Ruth, Lucy et leurs maris. Chip m'impressionne par son calme et sa gentillesse. Nous rions beaucoup et racontons beaucoup d'anecdotes. Dans les années 90, nous avions hébergé Ruth et Chip chez ma sœur à Paris et ils ont conservé un souvenir émerveillé de... un yaourt au citron laissé dans le frigo par ma sœur!
Jeux de mots, prononciation, souvent lorsque se présente un problème je tends à ma précipiter sur mon ordinateur. Je suis tout de même très accro.

Quand j'avais quitté Ruth en juillet 1984, elle avait pour projet d'apprendre le russe, parce que, m'avait-elle dit, elle voulait utiliser un autre alphabet que le nôtre. (Elle mettait ce désir sur le compte d'être née au Japon).
Elle l'a fait, et visiblement a passé plusieurs semaines en URSS (à l'époque) pour parfaire son russe.

Elle nous raconte un souvenir extraordinaire: elle était à Moscou lors du coup d'Etat contre Eltsine en août 1991. Les rues étaient bordées de chars, son avion partait le jour même, elle a pris un taxi avec ses amies, elle pensait «nous n'y arriverons pas, nous allons rester ici», le taxi roulait, tout était silencieux, les chars bordaient la route, ils sont arrivés à l'aéroport.
— Bien sûr, nous n'avions pas le droit de prendre les chars en photo. J'ai fait semblant de pendre une amie et Natalia en photo, je leur faisais signe de la main de se serrer, en fait je cadrais le char derrière elle.

Et je pensais qu'elle était follement téméraire, que c'était un coup à finir dans les geôles soviétiques.

lundi 13 août 2012

Nouvelles locales

Expression non politiquement correcte apprise au petit déjeuner:
There are feathered-Indians and dot-Indians (les indiens à plumes et les indiens à point). Et si vous le pouvez, grattez les indiens à point pour vérifier si vous avez gagné quelque chose.

Explication du panneau «You cannot afford D.U.I»: c'est «Driving under influence», alcool ou drogue.

Nouvelles lues dans un journal trouvé sur le siège arrière de la voiture de Chip:

Everglades City, FLA.
Wally Weatherholt, âgé de 63 ans et capitaine d'un hydroglisseur, a tenté d'attirer un alligator avec des chamalows afin de permettre aux touristes de faire une photo de choix. Quand il a commencé à frapper l'eau avec les sucreries, un alligator a surgi et lui a arraché la main gauche. L'animal a été abattu et une tentative de greffe a échoué. Weatherholt risque une amende ou la prison pour avoir nourri l'alligator.

Wilmington, N.C.
La police poursuivait Travis Keith Glaspie pour de nombreuses infractions. Au cours de son arrestation, Glaspie stupéfia les hommes de Wilmington les plus endurcis en arrachant presque l'oreille du K-9 Maxx[1] avec les dents. Glaspie en fut quitte une morsure de chien dans la cuisse et une accusation d'agression sur un animal des forces policières, tandis qu'il fallut quinze points de sutures pour réparer l'oreille de Maxx.

source:Blue Ridge Outdoors, august 2012

Notes

[1] K-9: ca-nine, canine, une unité militaire entraînant des chiens, par extension un chien policier

dimanche 12 août 2012

De New Stanton à Charlottesville

Breakfeast en self-service, cette fois j'essaie le porridge à la cannelle. Acceptable. Le micro-ondes est une pièce de collection.

Sud-Est, Est. Je suis fatiguée d'entendre la voiture peiner, ma boîte de vitesse me manque. 65 miles en descente dans les virages sans rétrograder, je n'y arrive pas, cela m'effraie. Et la direction assistée est trop assistée, le volant n'est pas assez lourd, je n'ai pas l'impression de tenir les roues. Tout cela me démoralise, j'ai l'impression de non assistance à voiture en danger, elle peine et je ne peux pas l'aider. Je laisse le volant (et j'écris: hier j'ai conduit, je n'ai pas écrit).
Les oiseaux ont changé (aux chants: on ne les voit pas), les grillons sont toujours aussi présents. Plus de circulation, plus de Harley, la température s'élève peu à peu.

Traversée du Potomac (fleuve de Washington D.C.). Peut-être parce que nous sommes dimanche, peut-être parce qu'il fait beau, nous croisons beaucoup de bikers en Harley (je ne suis pas sûre que ce ne soit pas un pléonasme), dont une femme ayant derrière elle un chien portant des lunettes de soleil roses.



Pause déjeuner. Martin au McDonald, cheveux blancs, nous écoute patiemment passer commande et nous demande si nous sommes français ou belges. Plus tard, il réussira à s'éclipser de sa caisse pour nous dire qu'il est allé à Paris il y a cinq ans et nous prévenir d'être prudents sur la route: nous allions changer d'Etat et les limitations de vitesse étaient plus strictes en Virginie.

Parc national de Shenandoah, les cent miles les plus au nord de la Skyline drive, rien que le nom fait rêver (mais nous n'irons pas dans les montagnes bleues).



Un ours, trois biches, des chipmunks (Tic-Tic et Tac-Tac), un cerf, des MacMahons (papillons), des fleurs.
Au pied des chutes d'eau d'Hollow creek, à huit cent mètres de la route au bout d'un chemin très escarpé un bel exemple de... De quoi? Tolérance, intégration, melting pot? Indiennes en sari et puritaines en bonnets de tulle.

Virginie, il fait bon, le soir tombe. Nous sortons au bout de cinquante miles et non cent, la randonnée jusqu'aux cascades a pris beaucoup plus de temps que prévu et je ne veux pas arriver trop tard chez Ruth.

Soirée comment dire? Soirée souvenirs. Photos, moi à dix-sept ans à Virginia Beach, moi à trente-et-un an sur la Tour Eiffel (J-179 avant l'an 2000, c'est noté sur la photo (c'est la dernière fois que j'avais vu Ruth)) que je n'avais jamais visitée avant d'y accompagner Ruth... Les enfants sont séduits par sa gentillesse (et O. par le fait qu'elle chasse les écureuils au pistolet à eau (pour protéger ses oiseaux)), et moi je n'en reviens pas d'avoir autant de chance. Tout ça parce qu'à dix-sept ans, quand il a fallu écrire une lettre de présentation pour les familles d'accueil, j'ai écrit quatre pages au lieu d'un quart... Et j'ai été envoyée chez Ruth.

samedi 11 août 2012

Des chutes du Niagara à New Stanton

Lever neuf heures au lieu de sept heures pour compenser le coucher tardif, et petit déjeuner chez Denny's. («Il y a Denny's à deux pas», nous avait indiqué la jolie rousse comme une promesse de plaisirs inouïs, et comme cet atout était également proclamé sur la pub du coupon, nous étions curieux de voir ce qui faisait rêver cette jeune femme.)
Quand nous poussons la porte vers dix heures (il nous a fallu un peu de temps pour réorganiser les valises (basiquement vider un sac de sport dans les autres pour avoir moins de volumes à tétriser dans le coffre)), nous sommes surpris de découvrir une salle pleine: est-ce comme cela tous les jours, ou un week-end réussi commence-il par un breakfeast chez Denny's?
L'ameublement est celui d'un fast-food, mais ce n'est pas un fast-food: on s'assoit comme au restaurant, on consulte la carte et on commande.

Et ça vaut le détour; nous consommons suffisamment de calories pour tenir la journée (et tant mieux, car c'est à peu près ce qui va nous arriver).
Je laisse tomber le menu "pancakes aux fraises" (aucune envie de manger de la glace à la vanille et de la chantilly avec mes œufs brouillés) et prend le "new" menu "pancakes aux myrtilles". Un peu lourd pour un estomac français normalement constitué, on mange avec la sensation qu'on ne le devrait pas, mais basta, demain (et même aujourd'hui) nous serons loin, profitons.
La preuve que ''Denny's'' est grand, c'est qu'il ne sucre pas les boissons à priori. (Le sucre semble être aux Américains ce qu'est le piment dans d'autres parties du monde.) Je remarque une fois de plus des plats où seuls le blanc d'œuf est utilisé dans l'omelette, le cholestérol semble plus redouté que de diabète.

Nous prenons la route à onze heures, ce qui est bien trop tard pour ce que nous avons prévu de faire. Je viens d'écrire à Ruth que nous arriverons à Charlottesville demain soir, et que ce soir nous serons au-delà de Pittsburgh (avec une "h", précise wikipedia, à ne pas confondre avec Pittsburg).

Routes 219 puis 119, plein sud. Pennsylvanie. Nous entrons dans la forêt des Alleghanys, ou quelque chose comme ça. Pour résumer, nous aurons sur une distance Paris-Poitiers ou Paris-Bordeaux (la vitesse réduite à laquelle nous roulons pertube mon appréhension des distances qui n'est déjà pas excellente) une densité de peuplement qui ressemble à celle entre Lamotte-Beuvron et Vierzon (pour ceux qui connaissent).
Les maisons apparaissent de loin en loin au bord de la route, forêts. Des acres sont à louer, apparemment la région (du moins les particuliers) vit de la vente du bois et des sports d'hiver. Ce n'est que vers la fin de la journée que nous atteindrons davantage de prairies, de vastes étendues gazonnées tondues à la Suisse.

Nous nous arrêtons vers deux heures dans une station-service après Salamanque, presque à la frontière de l'Etat de New York et de la Pennsylvanie. Nous cherchons une carte, mais il n'est pas prévu de souhaiter descendre vers le sud par cette route: les cartes concernent les comtés du nord. L'employée, une dame très ridée, est née à Maastricht (Car dès que nous disons que nous venons de France (en réponse à «Haï gaïs, where d'you come from?», les connexions européennes affluent: j'ai un frère, un oncle, l'année prochaine nous allons, l'année dernière ma fille…)). Ce n'est que bien plus tard que je ferai le lien avec l'occupation américaine en Allemagne.

Les routes du sud de l'état de New York sont mal entretenues, oui, «adopt a highway», car elles sont abandonnées. "Rough road" indique une bretelle d'accès à une quatre voies, et la chaussée est pleine de cicatrices, de pansements de goudron, il y a une fente entre les deux files dans laquelle apparaît de l'herbe ou de la mousse.

Les panneaux me plaisent beaucoup: «Chasseurs de dindes, soyez sûrs de votre cible avant de tirer» (à prendre au premier degré), «Buckle up for the next million miles» (Attachez votre ceinture durant le prochain million de miles) et aussi, plus effrayant «Blessé dans un accident? Appelez le 888-8888», pub pour un avocat.
Ah, et le pictogramme "ours", nous faisant rêver à une traversée de grizzlis devant le pare-choc…

Sept miles avant Punxsutawney, un pictogramme sur un panneau nous enjoint de faire attention aux carrioles tirées par des chevaux (vitesse limitée à 55 miles) et "sur comme la mort" nous arrivons derrière un cheval au grand trot conduit par deux enfants. Ils se garent le plus possible mais je ne suis pas pressée de les doubler, nous les prenons en photo. Amish (malgré tout ils se modernisent car le soir à l'hôtel je trouverai une affichette publicitaire pour leur artisanat.

Punxsutawney. Qui a deviné pourquoi nous avons fait ce détour? La première chose que nous voyons en arrivant est une gigantesque marmotte (qui ressemble à un castor) sur un surpermarché.

Deux déceptions: cela ne ressemble pas du tout au film et tous les magasins de souvenirs (souveuhnirrr) sont fermés (il est quatre heures un samedi). Petit tour sur internet à partir du wifi du McDo local: le film n'a pas du tout été tourné ici, mais dans une ville de la région des grands Lacs.
Oui, nous sommes là à cause du Jour sans fin, et quand les enfants le comprennent enfin, ils sont absolument navrés par tant de bêtises (les ados qui vous expliquent comment vous comporter rationnellement me laissent toujours perplexe).
Deux satisfactions: la caissière du supermarché, après avoir murmuré rêveuse «Je n'ai jamais eu de clients venus d'aussi loin» nous indique l'endroit où trouver la marmotte (nous ne savions pas qu'il y en avait une) près de la bibliothèque municipale (et la pelouse centrale ressemble enfin au film) et au grand désespoir des enfants nous nous photographions près de la statue d'une marmotte géante.

Voir Punxsutawney et mourir (d'ennui). Ce ne doit pas être drôle de grandir ici (6000 habitants, une ville jugée digne de figurer sur la carte Michelin 930 des Etats-Unis comme seule grande ville à des miles à la ronde). Et c'est plutôt laid.

Ensuite le paysage devient plus plat et moins boisé. Les maisons sont entourées de prairies plutôt que de pelouses, et nous croisons régulièrement des animaux écrasés (deux biches ou chevreuils, des ratons-laveurs). A Burrell, nous avons la surprise de voir surgir entre deux lignes de crêtes trois immenses cheminées, plus hautes que les deux tours de refroidissement de la centrale nucléaire qu'elles surplombent («Quatre tranches», dit H.). L'ensemble est inmanquable, installé en hauteur dans le paysage.





Pittsburgh. Notre projet était d'y dormir et de visiter le musée Warhol demain (à l'origine cet après-midi, mais la route a été beaucoup plus longue que prévu), mais tous les hôtels sont complets: convention aéronautique, nous explique une réceptionniste, nous ne trouverons rien à quinze miles à la ronde.
Nous consultons les enfants, seront-ils très déçus de manquer les Warhol? Non, je ne suis même pas sûre qu'ils aient vraiment identifié Marylin au MoMa (ces quelques visites dans les musées me font constater une fois de plus à quel point leurs livres scolaires manquent d'images mythiques, de Monet, de Warhol, de pas de l'homme sur la lune, de visage d'Henri IV ou François Ier, de choses que l'on est tout heureux de découvrir soudain dans la réalité).

Tant pis pour Pittsburgh. Nous devons être à Charlottesville demain soir, je l'ai dit à Ruth, et je veux prendre une section de la skyline drive. Hôtel ou motel à vingt miles à l'est de Pittsburgh, le jeune homme de l'accueil nous fait une réduction «parce que c'est nous», je me demande si c'est vrai car c'est la deuxième ou troisième fois que cela nous arrive (est-ce notre accent français?), j'ai l'impression d'être dans un système SNCF où le prix dépend du remplissage de l'hôtel (bref, la chambre est à soixante-cinq dollars contre cent trente-neuf affichés, soit vingt de plus que le taudis d'hier).

Celui-ci nous plonge dans Barton Fink:





Les filles ne veulent pas manger, je sors avec H. et O. rejoindre à pied (à pied!) le restaurant chinois à cent mètres.
Intriguée, je choisis des "wallnut shrimps" (crevettes aux noix), plat que je n'ai jamais vu en France. (J'aime bien comparer les cuisines étrangères dans les pays étrangers. Naïvement je pensais qu'elles étaient toute pareilles, que manger indien en France ou en Suède était la même chose: et bien non). Le plat est décrit comme crevettes à la mayonnaise avec des noix, mais je me dis que ce doit une autre définition de la mayonnaise.
J'avais tort. Crevettes frites par deux de façon à former un cercle, recouvertes de miel puis de mayonnaise, avec des noix confites qui se décomposent sous la dent.
C'est atroce. Je ris aux larmes. «Pauvres bêtes, Astérix» (Astérix et les Bretons).
— Ils auraient mieux fait de continuer à tenir des blanchisseries!
— «Dès que j'aurai fait assez d'économies j'ouvrirai un restaurant».
— C'est dans quoi, ça?
Le 20e de cavalerie.
Je gratte la mayonnaise et par politesse, je mange les deux tiers du plat.

J'insisterai même pour laisser deux dollars de tip, car je ne voudrais pas qu'ils se doutent d'à quel point c'est mauvais.
Mais j'ai sans doute tort, ils ne doivent pas manger leur cuisine. Ils devraient essayer, une fois.

— «Avec du miel?»
— «Il y a même de la graisse d'urus».
— Ah mais oui, tu as raison, c'était une orgie! (Astérix en Helvétie, pour ceux qui ne connaissent pas.)

Rentrée à l'hôtel, j'écris des cartes postales en regardant Men in Black II. Je n'ai plus de timbres.

vendredi 10 août 2012

Les chutes du Niagara

Il fait frais — en fait il fait bon, une vingtaine de degrés. J'ai oublié de dire qu'hier nous avons suivi l'Hudson durant plusieurs miles, c'est un fleuve puissant dès sa source. La région est très verte, très humide. Les maisons sont toujours en bois, comme sur la côte, mais leurs couleurs varient tandis que dans le Massachussets elles étaient grises. Nous avons traversé quelques villes pimpantes (Dalton City, Williamsburg) donnant une vague impression de décors (trop de films vus, décidément. Hier un camion s'est calé derrière nous pour profiter de notre vitesse constante puis s'est arrêté à la même aire que nous: Duel), le reste du temps les maisons sont éloignées les unes des autres. Nous croisons des schoolbuses jaunes et vides et nous nous demandons où ils vont, si éloignés de tout à des heures aléatoires.

Le motel où nous étions hier soir résume mon impression depuis celui de Sandwich: tout est conçu pour les voyageurs au long cours qui ne rentrent pas chez lui. Les chambres (moyenne gamme) proposent un fer à repasser, un frigo (et un seau à glaçons — mais la vie sans glace leur est inconcevable), un radio-réveil, un four à micro, une télé, une cafetière, mais le tout utilitaire, pratique, pas spécialement moderne, donnant parfois l'impression qu'il s'agit de l'ameublement de seconde main d'une maison secondaire aménagée avec les appareils un peu usés qui finisse leur vie ici tandis qu'ils sont remplacés par des neufs dans la maison principale. Sur fond de moquette brun rouge et de papier peint uni ou à fleurs, tout cela est curieusement chaleureux, ni intime ni impersonnel, bienveillant.
D'autre part les motels proposent des machines à laver en libre service. Il semble acquis que vous pouvez vivre dans votre chambre quelques jours, y faire la cuisine (au micro-ondes), votre lessive, repasser, etc.

Le ciel est blanc. Il est 10h23. Il pleut depuis le matin, adieu tongs, basketts pour tout le monde. Je retourne à l'écriture des billets en retard (trois, il me semble). En face de nous un bouchon impressionnant est en train de se former (plusieurs miles), nous avançons en croisant les véhicules qui vont se prendre dans la nasse. Impossible de les prévenir. N'écoutent-ils pas la radio?
La faune change, marécages, roseaux, les arbres sont moins haut. Premiers "vrais" champs cultivés (je veux dire d'une taille conséquente, et non coincés entre deux forêts), maïs et sans doute céréales. Pas de bétail. Depuis un moment déjà, à mon grand bonheur, les granges sont rouges.

Nous réservons sur une aire d'autoroute une visite organisée des chutes pour l'après-midi: quatre heures de promenade. L'intérêt à priori est d'avoir des billets coupe-file pour échapper à une foule grouillante (en réalité nous aurons beaucoup de chance: où sont passés les gens, il y avait peu de monde) et des explications. Nous devrions être en groupe de vingt maximum, nous ne serons que cinq, ce qui fait que cela se transformera en visite personnalisée.

J'admirerai la progression dans l'élaboration de la visite: d'abord les gorges en aval des chutes, où l'eau atteint plus de 60 km/h (j'y vais prudemment avec les chiffres, car entre le fait que je ne les comprends pas avec suffisamment de sûreté et le fait qu'il faut convertir mentalement des miles en kilomètres, puis se souvenir du tout, j'ai toujours peur d'exagérer). Ici se trouvent les rapides les plus rapides du monde. Le lit fait ensuite un coude de cent trente cins degrés et à l'endroit du coude l'eau a creusé une vaste piscine circulaire appelé "the whirpool": la vitesse de l'eau, sa température et le changement de direction produisent à cet endroit deux courants circulaires en sens opposé, très dangereux.





Sur la rive canadienne, un téléphérique permet de passer au-dessus de cette marmite infernale à l'air paisible.
Plus bas, l'eau rejoint le lac Ontario, puis le Saint-Laurent, qui représente vingt pour cent des réserves d'eau douce du monde. Ensuite les îles en amont de la chute: île de la chèvre et îles des trois sœurs. L'eau qui arrive du lac Erié se sépare ici, vingt pour cent passe du côté américain et quatre vingts du côté canadien, où la falaise est en forme de fer à cheval.
Nous ne voyons plus la rivière dans son état naturel, nous ne voyons que trente à cinquante pour cent de l'eau qui devrait couler ici: le reste est détourné dans des turbines souterraines, des côtés américain et canadien, pour produire, en ce qui concerne le côté américain, neuf mégawatts (gigantesque statue de Telsa sur l'île, devant l'arc de triomphe qui rest de la première usine installée ici au dix-neuf siècles). La quantité d'eau prélevée varie entre le jour et la nuit, l'été et l'hiver: en un mot, il en est prélevé davantage quand il y a moins de touristes. De même, l'eau est rejetée loin en aval, où sont installées les centrales hydrauliques, de manière à ne pas abîmer le site.

La falaise est composée d'une couche meuble et d'une couche plus dure, par-dessus, ce qui fait que l'eau creuse d'abord la couche meuble, créant une caverne, jusqu'à ce que le toit de cette caverne s'effondre. Lorsque toute l'eau se déversait, la falaise reculait ainsi d'un mètre cinquante (five to six feet) tous les ans, maintenant, avec les prélèvements d'eau, c'est plutôt trente centimètres (one foot). Dans les années soixante, un rocher de deux cents tonnes s'est ainsi effondré du côté américain, et les ingénieurs de l'armée sont venus dégager les rochers et reconstituer l'angle droit de la falaise afin que l'aspect spectaculaire de la chute ne soit pas affecté (je n'arrive pas à imaginer comment il est possible de travailler au-dessous d'une eau aussi puissante. Voilà une expérience qui doit être riche d'enseignements). C'est également l'armée qui à cette occasion a établi certains des ponts entre les îles.

Le parc sur les îles a été aménagé par le même architecte que celui de Central Park qui a voulu en préserver l'aspect naturel, et les abords sont peu abîmés. Il s'agit ici du plus vieux parc naturel (zone protégée) des Etats-Unis créé en 1887 (? à vérifier) par expropriation des propriétaires privés qui possédaient les terrains le long de la rivière et faisaient payer les visiteurs pour la vue.
Cela explique l'aspect très différent des rives américaine et canadienne: au Canada les immeubles sont construits (presque) au bord de la rive. La brume d'eau est si dense qu'elle s'élève jusqu'à moitié de leur hauteur.
Le guide nous a déposé au nord du parc et laissé vingt minutes pour arpenter les îles des trois sœurs. En amont des îles, l'eau est encore à son plus haut, mais en étant obligée de se séparer (il faut supposer que la roche au niveau de l'île est très dure, sinon, pourquoi et comment ces îles? Sans doute étaient-elles beaucoup plus vastes il y a des centaines d'années), elle commence à acquérir de la vitesse. Ce qui est impressionnant, c'est la quantité d'eau, pas réellement sa vitesse dont on ne parvient pas à avoir une conscience claire. Trente secondes d'ici aux chutes, or il doit y avoir une centaine de mètres.





Progression toujours, nous sommes enfin admis à voir les chutes, la chute canadienne en l'occurrence, à partir de l'île de la chèvre. Bruit et bruine, vapeur intense qui fait que l'arête de la chute n'est pas parfaitement visible (des immeubles canadiens on ne doit rien voir). Puissance de l'eau. Ce n'est pas tant beau qu'effrayant. L'eau est verte et blanche, le rocher transparaît au niveau de l'arête, on dirait une vaste avancée de roche noire, plate et mince scintillant sous l'eau transparente et verte.
Ce qui est difficile à saisir, à concevoir, c'est que cela ne s'arrête jamais. D'où vient toute cette eau? Pas de pitié, pas de repos, machine à broyer perpétuelle, avec remous, éclaboussures et allégresse, force joyeuse.
(Que faisaient les Indiens ici? Ils ne pouvaient pas traverser (où alors l'hiver? Les petits bras peuvent-ils geler et permettre le passage?). Je regretterai d'avoir posé la question au guide qui expliquera que cet endroit fut longtemps interdit aux Blancs. Les chutes étaient leur dieu et il lui sacrifiait une vierge de temps à autre, en l'abandonnant en amont sur un canoë (d'où le nom des bateaux: the Maid of the Mist).

Fin des explications théoriques, passage aux attractions touristiques: la grotte des vents (qui n'est pas une grotte, nous dira le jeune homme dans l'ascenseur qui nous descend au pied de la falaise. (Beaucoup d'étudiants ici, je pense, à l'air infiniment las et prisonnier. Mais c'est peut-être moi qui projette mon inconfort à passer en vacances devant ces jeunes gens à l'air triste)). On nous distribue des sandales dans une sorte de polystyrène (exactement la matière qui sert aux boudins pour apprendre à nager, les "frites").
— Tu crois que nous pourrons les garder?
— Ils jettent systématiquement les couverts et les assiettes, jeter des sandales ne doit pas les gêner.
(Il aura raison. Ça va faire très chic, des sandales "Niagara Falls" sur mon ponton d'aviron à Neuilly).
Sandales, donc, et poncho jaune imperméable (entièrement recyclés, eux, à déposer dans des poubelles dédiées). Promenade sur des pontons à flanc de falaise, au pied puis à environ un tiers de la hauteur de la chute américaine. Nous sommes trempés comme si nous étions passés sous la douche. La violence de la chute devient une évidence en la voyant et l'entendant frapper les rochers à quelques mètres sous nos yeux.
Le ponton est détruit au début de chaque hiver et reconstruit après le dégel. Le froid fait éclater la structure interne du bois. Il est couvert d'algues par endroit (toujours cet émerveillement devant la vie obstinée dès qu'une circonstance favorable se présente dans un environnement hostile). Je contemple l'un des pieds posés sur le rocher qui tremble sous la puissance de l'eau. Comment cela peut-il tenir une saison entière, avec en outre le poids des touristes?

Fin en apothéose avec un tour en bateau au pied des chutes canadiennes. Poncho bleu. Inattendu: le vent. Au pied des chutes, une partie de l'arête est invisible tant la brume d'eau est importante. Pluie et vent. (Un fou a tenté de franchir les chutes en jet ski dans les années cinquante: il avait l'intention d'ouvrir un parachute une fois passé l'arête de la falaise. Je pense aussitôt que la portance de l'air n'est pas suffisante, mais le problème ne s'est pas posé: sous le poids de l'eau dans l'air, le parachute ne s'est pas ouvert.) Ce que je n'arrive pas à imaginer, c'est la descente ensuite, dans les gorges que nous avons vues au début. Une partie de soi est attirée, à envie de savoir: et si on essayait, pour voir, pour savoir, tandis que l'autre raisonne, mais ça ne va pas la tête, on t'a dit ce qu'il en était, as-tu vraiment besoin de vérifier? (réponse: oui), tandis qu'une troisième voyage, imagine le sentiment de vertige, de perte, d'impuissance…

Ce qui m'impressionne le plus finalement, ce sont les hommes. L'attraction sur le bateau existe depuis le milieu du XIXe siècle, elle se faisait en bateau à vapeur (!). Dans les années cinquante, l'un des bateaux a pris feu pendant les réparations de l'hiver, il n'en est resté que quelques morceaux dans lesquels ont été taillés des "nickels" devenus de rares objets de collection (ils sont fous ces Américains). La ligne appartient à une seule famille.
Dans les années vingt, les touristes passaient derrière la chute (the Briddal Fall, une "petite" chute à côté de l'américaine, séparée par une langue de terre) visiter la grotte naturelle derrière le rideau d'eau (je pense à Tintin et il me semble comprendre l'origine de tous les romans où l'entrée de la chambre au trésor se trouve en arrière de la chute), mais la grotte s'est effondrée et elle n'existe plus.

Le soir nous revenons pour le feu d'artifice tiré le vendredi et le dimanche de la rive canadienne et du motel au feu d'artifice, nous avons longé l'usine électrique, magnifique dans la nuit (je ne suis pas sûre qu'il était prévu qu'un touriste se trouve là («Vous ne devriez pas être ici», mais confier l'iphone à O. permet des trajets inattendus).





Nous avons trouvé un motel miteux (pas toujours une bonne idée, les coupons). J'ai failli dire à H. de laisser tomber en apprenant que les coupons n'étaient pas valables le vendredi et samedi, qu'il fallait du cash car la machine à carte bleue était out (mais y en a-t-il jamais eu une?) et en lisant sur le comptoir "No refund" au gros feutre noir. Mais la demoiselle était rousse avec des taches de rousseur (— Mais pourquoi vous avez pris les chambres, alors? — Parce que la demoiselle était rousse. — Non mais, tu crois vraiment que ça compte? — Bien sûr que je le crois.) et au fond tout cela me fait rire et j'étais curieuse de voir les chambres.%%% Pas de moustiquaire, pas de shampoing, un climatisateur asmathique, de la rouille, des rideaux pendouillants que j'ai fermés avec ma pince à cheveux (impossible de ne pas les fermer, nous sommes au rez de chaussée, fenêtre sur cour, pas de volet). Je pense que tout est propre, mais tout est jaune, et la rouille donne toujours l'air un peu sale.
Oui, cela me fait rire et me serre le cœur. J'essaie d'imaginer la vie ici. Les quartiers que nous avons traversés paraissent très pauvres, les plus pauvres depuis le Queens. Pourtant c'est une région riche, entre l'agriculture et l'électricité. Visiblement tout le monde n'en profite pas.
Ou n'est-ce que le froid qui abîme les maisons et donne cette impression d'abandon à tout?

jeudi 9 août 2012

Dans la voiture

Première voix: — Bump !
Deuxième voix: — Aïe !
Première voix: — Ah oui.
Explication: «Bump» est le mot lu à haute voix par le conducteur intrigué, mot inscrit sur de gigantesque panneaux orange fluorescent (couleur post-it, dit H.). «Aïe» est le cri du passager surpris par le soudain décroché des roues sur la chaussée déformée. «Ah oui» est le constat satisfait du conducteur qui vient de comprendre la signification du panneau: dos d'âne ou nids de poule.

Panneau sur le bord de la route signalant des locaux à louer: «Si votre bureau était ici, vous seriez arrivé» (ce qui m'évoque «Les nouvelles vont vite» du Chat consultant un plan et lisant «Vous êtes ici» (cf. également, pour une référence plus littéraire, l'oncle dans Tristam Shandy «Où avez-vous été blessé? — Ici.»))

Dans un autre genre, j'adore «Adopt a highway» (adoptez une autoroute), qui me rappelle une émission politique au moment des élections en France dans laquelle un commentateur expliquait que pour le reste des Européens, Sarkozy était socialiste (et que l'élection de Hollande ne changerait donc pas grand chose à l'équilibre à l'intérieur de l'Union européenne): je crois qu'un Français ne peut pas réellement se rendre compte de ce que signifie la non-intervention de l'Etat. Pas un magasin ou un fast-food qui ne nous propose de "supporter" une cause ou une famille (ce matin en prenant des doughnuts, une affichette proposait d'assister à un concert de soutien à une famille dont la maison a été ravagée par les flammes en juillet (photo à l'appui), tous les musées ou maisons que nous avons visités proposent de devenir membre de leur association (ce qui existe également en France, certes, mais moins systématiquement: le Louvre ou l'association des amis d'Eugénie de Guérin, mais pas Chambord ou Chenonceau)).

"Do not pass": il est interdit de doubler (ça n'a l'air de rien, mais nous avons mis un certain temps à comprendre ce que cela signifiait. (Non ça n'a pas d'importance de ne pas l'avoir compris plus tôt: à part sur les autoroutes, où chaque file avance à son allure et où il ne s'agit pas véritablement de doubler, je n'ai vu personne doubler, et comme nous imitons les mœurs autochtones, nous n'avons jamais doublé non plus). J'aime bien leurs panneaux en noir sur fond crème.

Lecture à haute voix (partage de connaissances).
Statistiques : plus de la moitié des Américains habitent à moins de trois minutes d'un McDo.
55% des Américains exposent quotidiennement un drapeau; 20% ne possèdent pas de drapeau.
7,5% des pommes de terre cultivées aux Etats-Unis servent à McDo qui emploient 7% des salariés américains.
Les McDo sont identiques dans le monde entier. Particularités locales: de la bière en Allemagne, du vin en France, des salles séparées pour les hommes et les femmes en Arabie saoudite, pays où les McDo ferment quatre fois par jour pour la prière.
(source: Die 101 wichtigsten Fragen - Amerikanische Geschichte de Christof Mauch)

Ecrit entre Gloucester et Concord.

Brume matinale

5h50. Nous avons prévu de partir tôt et le réveil sonne dans dix minutes, mais je sens que les humeurs vont être maussades: cette nuit, à une heure du matin, nous avons eu droit à la goudronneuse et au rouleau compresseur devant le motel pendant une heure, avec lumière clignotante et bipbip lancinant des engins de chantier. Visiblement, pour ne pas gêner la circulation, les routes sont refaites la nuit. C'est prévenant pour les conducteurs, mais infernal pour les habitants. (Evidemment, nous ne sommes peut-être pas censés dormir la fenêtre ouverte (que nous avons fermée pour l'occasion), mais comment résister à du véritable air marin quand nous pouvons échapper à la clim? Surtout que toutes les fenêtres sont dotées ici de cette invention merveilleuse qui m'avait déjà enthousiasmée il y a vingt cinq ans: la moustiquaire.)

Brume matinale sur la mer. Ce matin nous partons vers l'ouest, direction les chutes du Niagara (dix heures de route, à peu près. Nous allons passer près de Buffalo. Pensée pour mes amis oulipiens (regret de n'être pas venue là avec eux), et pensée pour le travail accompli par l'université de Buffalo).

mercredi 8 août 2012

Salem et la maison aux sept pignons

Il fait beau et doux et propre. Nous décidons de rester ici une nuit de plus pour souffler, faire une pause, laver le linge, nous reposer.
J'ai repéré l'adresse d'une laverie automatique, la propriétaire de l'hôtel m'a indiqué comment y aller, nous décidons de laisser les enfants à la piscine (avec moult recommandations de ne pas être trop bruyants, trop envahissants, trop éclaboussants — bref, de représenter dignement l'Europe).

La laverie automatique est installée dans une des maison en bois typique de l'endroit. Elle est à l'inverse de ce que nous trouvons en France: personalisée, décorée, prévue pour l'attente. Une grande table et des chaises sous une télé un peu bruyante (nous baisserons discrètement le son), des tableaux et objets évoquant la Sicile, deux ou trois romans à l'eau de rose et des Mickey parade, des toilettes et de grandes baies vitrées.

Nous convertissons un billet de vingt dollars en quarters (cela nous rappelle toujours Langelot qui prétend que le quarter est la clé de la vie américaine), les pièces dégringolent, nous avons l'impression d'avoir gagné à Las Vegas, le bruit est épouvantable, nous sommes un peu confus.
Acheter de la lessive dans un autre appareil (je commence par me tromper et acheter de l'adoucissant), mettre deux lessives en route (vous décrivez le linge et la machine choisi le programme pour vous).
Nous nous installons sur la table et pendant qu'Hervé finit un travail qu'il doit envoyer au plus tôt, je commence à jouer avec mes quarters, m'étant aperçu que certains portaient le symbole d'un Etat des Etats-Unis. Au total, nous en avons récupéré une vingtaine ce matin, et le reste du voyage nous essaierons d'en obtenir d'autres. Au-dessus de nos têtes, Tommy Lee Jones et Meryl Streep font la promotion de leur dernier film et ça a l'air très drôle.
Nous sommes bien ici, je pourrais passer mes vacances ici, des vacances sur un autre rythme, calme et bleu pâle.

Après-midi à Salem pour visiter la maison aux sept pignons, de Nathaniel Hawthorne. Ma prof d'anglais m'avait offert le roman et c'est pour elle que j'y vais — mais aussi pour Melville, et pour RC qui m'a appris le premier les relations entre ces deux auteurs.

En attendant le début de la visite, soleil sur les briques :




En réalité, il s'agit de la maison de la cousine ou de la tante (je ne sais plus très bien). Dans le jardin a été apportée et reconstruite la maison natale d'Hawthorne (pour que cela soit plus facile à visiter — ou pour diminuer les frais de l'association Hawthorne?). La guide joue avec une maquette pour nous expliquer comment compter les pignons; il n'y en avait que deux quand Hawthorne a écrit son roman, sa tante a fait ajouter les autres.
En entrant dans le grenier, j'ai un "pang de recognition", j'ai déjà vu ce lieu en rêve. C'était la chambre des esclaves, et une fois encore, on nous fait remarquer combien leurs conditions de vies étaient inhumaine, glaciale en hiver, étouffante en été (sous-entendu, ce n'était pas beaucoup mieux qu'au sud).
Par la fenêtre, la vue sur la baie est magnifique, l'eau très bleue et les voiliers très blancs.

Ce que je lis de la vie d'Hawthorne sur les murs me laisse une impression ambivalente, il est écœurant à force d'avoir tout eu, bonheur familial et succès littéraire, et pourtant tout cela donne l'impression d'avoir été construit sur le sable, tout s'est effondré après sa mort, sa famille n'a pas su continuer à vivre dans ce bonheur dont il se réjouissait tant. (Ceci sont des impressions et des souvenirs de visite à confronter à une véritable biographie, bien entendu.)

J'erre longtemps dans la boutique de souvenirs, hésitant à prendre une tasse noire à l'extérieur, rouge à l'intérieur et un A gothique également rouge peint sur le noir. La boutique me déçoit un peu, insuffisamment littéraire, pas de correspondance Hawthorne-Melville ainsi que je l'espérais, pas d'études sérieuses, d'œuvres complètes; en revanche beaucoup d'allusions aux sorcières et à Halloween.
J'achète malgré tout Grandfather's Chair qui paraît couvrir la période des pionniers à l'Indépendance, soit recouper ce que nous venons voir entre Plimoth Plantation et Boston.

Ensuite H. nous emmène prendre une glace dans ce que Yelp décrit comme le meilleur glacier des environs. C'est une baraque de confiseur, et j'ai l'impression que le jeune homme en train de faire cuire des pommes d'amour derrière la vitre dans une chaleur épouvantable me lance un regard triste de prisonnier sans espoir.

Gloucester. Nous ne trouvons pas de carte routière, mais du produit contre les coups de soleil, les enfants ont cuit à la piscine ce matin. La femme qui tient la supérette est toute heureuse d'apprendre que nous voulons aller aux chutes du Niagara, qu'elle aime beaucoup.

Nous terminons la journée dans un restaurant mexicain. Le repas est si épicé que ma fille ne mange pratiquement rien; mais H., toujours fanfaron, demande des sauces supplémentaires. La serveuse lui en apporte, et, le regardant dans les yeux, articule lentement:
— Now, I want you to be very careful with that.

(H. n'arrivera pas à les manger.)

Matin frais

6h30. D'erreurs de route en déviations (l'idée était de s'éloigner de Boston pour éviter les motels trop onéreux), nous nous sommes retrouvés à Gloucester, où il fait frais, où les tables sont couvertes de rosée (ça n'a l'air de rien, mais c'est une première). Tout le monde dort dans la chambre et je me suis éclipsée. (C'est amusant le prix des motels: entre deux chambres dans un motel miteux où il faut prendre le petit déjeuner dans un fast-food à côté et une chambre dans un hôtel bien plus agréable dans laquelle le propriétaire propose d'ajouter un lit (les chambres possèdent toujours deux grands lits et les filles dorment ensemble) et le petit déjeuner est inclus (évidemment, adieu alors aux pancakes aux myrtilles, il s'agit de buffet où il faut tout faire soi-même (mais on peut alors s'amuser avec les machines et les sachets inconnus), le prix de revient est à peu près le même.) Je suis en train d'écrire au soleil au frais au bord de la piscine.

Et j'ai du wifi. Le soir il est inutile d'y compter: tout le monde tire dessus, la connection est si mauvaise que j'abandonne (et de toute façon hier soir nous étions bien trop fatigués. Nous nous endormons comme des masses, je me demande ce qui nous fatigue autant. Le décalage horaire est désormais absorbé.)

Je vais essayer de compléter les deux jours précédents avant que tout le monde ne se lève (ou que ce portable n'ait plus de batterie).

mardi 7 août 2012

Boston

Au petit déjeuner je teste le peanut butter en petit pot unitaire (meilleur que chez nous, plus pâteux). Il faut vraiment aimer le goût de la cacahuète, le vrai, celui des cacahuètes décortiquées, ni grillées, ni salées.
Il y a un moule à gaufres mais nous ne voyons pas de pâte. Ce n'est que plus tard, en voyant les gauffres impeccables d'un jeune cadre dynamique qui petit déjeune à ma gauche que je trouverai le distributeur: on se verse la quantité de pâte nécessaire dans un gobelet, on la répartit dans le moule, on attend, on retourne à mi-cuisson. Drame entre le frère et la sœur, elle squatte l'appareil pour deux sets de gauffres ratées, il réussit les siennes bien qu'un peu trop craquantes.
Toute la vaisselle est jetable, au bout d'une semaine ma fille ne supporte plus les couverts en plastique. Tout ce peuple en marche gobelet à la main est assez étonnant, mais il faut dire que conduire une automatique laisse une main et un pied libre: comment s'occuper? Manger ou téléphoner.

Boston. Il fait chaud mais ce n'est pas la moiteur de New York. La ville me plaît au premier regard (1), la hauteur de ses immeubles (moyenne), l'harmonie de ses proportions, ses briques rouges, le style anglais (victorien?) des maisons autour du parc central.

Une différence avec New York, c'est que des enfant se baignent dans les fontaines. Je n'ai pas compris que personne ne le fasse à NY, est-ce illégal, ou simplement que les gens sont trop obsédés par l'hygiène? (J'ai vu plusieurs fois des mères recommander à leurs enfants de ne pas toucher les rampes d'escalier ou les poignées de porte, ouvrant elles-mêmes les portes avec les coudes).




Nous suivons tout simplement la ligne rouge à travers Boston. Elle est peinte en partie, mais parfois ce sont les briques des trottoirs elles-mêmes qui sont rouges, décolorées par le temps et l'usure. Je me demande depuis quand existe cette ligne. Je pensais qu'elle avait pour but de canaliser les touristes (ce qui n'est pas bête, grande économie de moyens pour une efficacité maximale), mais elle paraît si ancienne que ce fut peut-être à l'origine un hommage à l'histoire de Boston(2). Je découvre cette ligne sur place, c'est H. qui s'est documenté avant de venir à Boston. Nous ne ferons que trois étapes, toutes à pied.

En passant, nous visitons le cimetière de Granary (tombe des parents de Benjamin Franklin, et non la sienne, comme je l'avais compris par erreur) où sont enterrées les victimes du massacre de Boston et Mother Goose(3).
Nous voyons également à deux pas la première école publique des Etats-Unis, transformée aujourd'hui en bureaux. Un panneau explique que ce fut le premier bâtiment historique sauvé ainsi, en le réhabilitant pour l'utiliser à d'autres fins que celle prévue à l'origine (drôle de façon de préserver un bâtiment, mais après tout, pourquoi pas?)

Park Street Church: je retiens qu'elle a servi comme dépôt de poudre pendant la guerre de 1812(4) d'où son surnom de "Brimstone corner". Samuel Francis Smith y a écrit un nombre incalculable d'hymnes et chants, dont le premier hymne américain. C'est également la plus ancienne radio évangéliste (même si je ne sais plus très bien ce que cela signifie: la première au monde? la plus ancienne à diffuser encore aujourd'hui?)

Old South Meeting House. Des statues des personnes importantes, des vitrines et Old South Meeting House expliquant les événements ayant mené à la "Boston tea party" sont disposées autour des stalles. Je découvre l'origine du "Tea Party", qui n'était pour moi qu'un ramassis d'extrémistes. Cela ressemble un peu au Front national qui a récupéré le nom du Front national de la Résistance.
Parmi les statues je découvre également Phillis Wheatley, qui réussit à être femme, noire, esclave née en Afrique et poète publiée au XVIIIe siècle. Comment une telle chose est-elle, fut-elle, possible?
J'achète mes deux premiers livres du voyage, un contenant des anecdotes sur l'histoire des Etats-Unis, un sur des citations inhabituelles de Benjamin Franklin (le genre de truc qui doit traîner sur internet en des milliers de versions, mais éparpillées). Et un T-shirt "Boston tea party". Déborah fait la moue, me dit que c'est ambigu; je lui réponds que ça m'est égal, que je me fiche de l'opinion des autres et que de toute façon personne ne connaît ce parti en France.
De façon plus générale cette église semble avoir joué un rôle dans l'histoire de chaque révolte ou protestation (contre l'esclavage, par exemple).

The Old State House. Le "massacre" de Boston a eu lieu devant ce bâtiment. Massacre est un bien grand mot, cinq à huit hommes tués par des soldats anglais qui ont paniqué dans l'atmosphère surchauffée de la ville (j'ai sans doute l'air peu compatissante, mais dans le cimetière il semblait que les victimes étaient des dizaines, femmes et enfants compris).

A midi, déjeuner au Quincy Market, en deux équipes, car nous en tenons définitivement pour le homard tandis que les enfants préfèrent les hamburgers ou les pizzas. Promenade, ça parle français dans les allées, souvent des Canadiens. Il fait chaud mais plus doux malgré tout, il est sans doute plus facile pour un Européen de s'adapter à cette ville qu'à toute autre. (Il faudra que je lise Les Bostoniens.)

Rien à voir à Faneuil Hall qui, selon le même principe que l'école ci-dessus, a été transformé: c'est l'équivalent d'un vaste marché couvert spécialisé dans les gadgets et souvenirs pour touristes.

Retour vers la voiture garée en sous-sol au sud ouest du parc, je réussis à convaincre de pousser jusqu'à la bilbliothèque (arguments clé: «Il y aura du wifi et des chaises»). H. a quelques obligations professionnelles, les enfants jouent sur leurs écrans, je déambule dans le bâtiment monumental. J'ai la surprise de rencontrer plusieurs fois Jeanne d'Arc, la première fois dans l'escalier, puis dans les salles de l'étage (je ne sais pas trop ce qu'elles sont, ni si nous avons vraiment le droit d'être là).





La dernière visite est pour Trinity Church (entrée payante pour moi, je n'ai pas un cent, les enfants se cotisent avec la monnaie restante de leurs sandwiches).

Nous quittons Boston, traversons Salem, nous perdons, cherchons un hôtel. Le soir tombe, nous avons peur que les hôtels soient très chers, c'est si joli au bord de la mer.


1- T-shirt vu à Mystic Seaport sur un jeune homme pas mal du tout: «si vous ne croyez pas à l'amour au premier regard, croisez-moi une seconde fois».
2- La Freedom Trail.
3- Je croyais que les Contes de ma mère l'Oye étaient la traduction de ces comptines: erreur, erreur, mais pas la seule erreur, car apparemment il y a deux Mother Goose, une Mary et une Elizabeth, souvent confondues. (Je découvre tout cela sur internet après le voyage).
4- Plus tard au cours du voyage, je comprendrai qu'il s'agissait d'une "guerre du wiskhy" menée contre les Anglais (et donc l'aide des Français!). Le fort de Niagara Falls célèbre les deux cents ans de cette guerre.

lundi 6 août 2012

Plimoth Plantation

Petit déjeuner plus rudimentaire que les jours précédents (forfait de sept dollars pour nous cinq). J'essaie le jus de cranberry en libre service. Nous sommes visiblement au pays de la cranberry (canneberge: grosse airelle des marais, dit le guide du routard) et j'aime beaucoup ça. O. est malheureux, pas de chocolat au lait.

Les enfants auraient bien profité de la piscine encore ce matin, mais elle n'ouvre qu'à neuf heures et nous voudrions être à Boston ce soir (ce n'est pas ce que j'ai écrit dans le billet précédent: je n'étais pas au courant). H. a prévu de voir Plimoth Plantation, Déborah aussi, je ne sais pas ce que c'est: il s'agit du camp des premiers pionniers débarqués du Mayflower en 1620.

Comme hier à Mystic River, il s'agit de toute une zone transformée en musée. La visite commence par un film qui nous explique ce que nous allons voir: la rencontre de deux peuples ("two peoples": j'apprends que "people" peut prendre une s).
Le film est sous-titré en anglais, et j'ai alors supposé que plutôt que de trancher dans le choix des langues, il s'agissait d'une solution élégante pour aider les étrangers à comprendre (c'est efficace, O. avec son unique année d'anglais derrière lui en est la preuve); mais l'expérience de la télé le lendemain à la laverie automatique semble montrer qu'il s'agit plutôt d'un sous-titrage pour les sourds, qui aiderait aussi les latinos (et autres) à apprendre l'anglais (ce n'est pas incompatible).

Une tribu de Wanapatoags était installée là, mais le siècle précédent l'avait fait disparaître (les maladies importées ont ravagé la moitié de la population indienne) et les pionniers se sont installés exactement au même endroit. Le site de Plimoth Plantation présente un campement indien, plus loin le village des pionniers et plus loin encore un bâtiment destiné à montrer le travail artisanal de l'époque, poterie, couture, tricot, menuiserie (et j'ai la surprise de lire sur un panneau explicatif: «vous pensez peut-être que l'artisanat et les activités manuelles sont des hobbies, mais à l'époques, il s'agissait d'activités vitales pour la survie». Se pourrait-il réellement que les visiteurs américains aient une vision purement industrielle des productions humaines? Je n'arrive pas à y croire, ils ont forcément eu une grand-mère ou un arrière grand-oncle qui travaillait de ses mains).

Le film nous explique que tous les guides/acteurs présents dans le village indien sont de véritables indiens. Nous sommes invités à poser toutes les questions que nous voulons aux personnes que nous rencontrerons (mais nous sommes prévenus que les pionniers exposent les idées de l'époque, qu'il ne faudra pas être choqué par exemple par leur refus de la tolérance religieuse: de sont des Puritains (et que cet avertissement soit nécessaire me fait sourire)).
Nous sommes très loin des "animations" à la française genre Provins, où ce qui est favorisé est le spectacle et l'agitation, le bruit et le mouvement. Ici il s'agit de reconstitution et de démarche didactique, ce que O. résume d'un mot: «c'est comme un jeu de rôle en trois D».
C'est très naturel, très efficace en matière d'apprentissage, non intrusif (puisqu'il n'y a que des réponses à des questions); le seul problème en ce qui me concerne c'est que je suis aussitôt dans le "méta": quelle est la formation des acteurs, quels sont les présupposés d'une telle méthode, etc.

Village des indiens: un Iroquois (aaahhahh, la coiffure n'est pas leurs cheveux, mais une coiffe sans doute en crin de cheval coloré, très souple, maintenue je ne sais comment) nous explique la structure de la tente, très impressionnante («c'est construit comme un navire de guerre, c'est très solide. Il y a quelques années une tempête a détruit quatre ou cinq maisons de pionniers, il a fallu faire un appel aux donateurs, mais dans le village indien nous n'avons eu aucun dégât»). Il nous raconte que les systèmes indiens repose sur le matriarcat, que les personnes âgées venaient vivre avec leurs enfants dans une seule grande hutte où il faisait si chaud que les enfants sortaient nus jouer dans la neige pour se refroidir.
Lui vit encore en tribu, pas aux Etats-Unis où c'est désormais interdit en hiver, mais au Canada, qui protège mieux les modes de vie traditionnelles.

Village des pionniers, tellement moins intégré à la nature, entouré de palissades, aussitôt défensif. Le contraste est saisissant, tout ici à l'air maladroit, mal adapté. C'est drôle de se dire que c'est ce mode de vie qui a prévalu, alors qu'il semble bien moins rationnel et confortable. (Les pionniers n'ont-ils jamais été tentés de vivre comme les indiens? Mais ils venaient avec leur foi, pour ne pas dire leur fanatisme.) Il est difficile de faire le lien mental entre cela et Manhattan. Quatre siècles.

Le site de ce village est magnifique, en pente douce avec la mer au pied. Quelques maisons, les meubles et les animaux sont venus avec les hommes, sur le Mayflower. Dans un premier temps, le cordonnier et le maréchal-ferrant ne faisaient qu'entretenir et remplacer ce qui s'usait. (Dans les ateliers un menuisier et une couturière continuent à fabriquer à la main ce qui est utilisé par les acteurs dans le village.) Il fait très chaud, mais dans les maisons obscures, un feu brûle dans les cheminées. Une femme nous explique qu'elle a chaud parce qu'il fait chaud, mais pas à cause de sa jupe en laine, qui la protège au contraire de la chaleur du feu. (J'ai mes doutes.) Le tablier en lin n'est là que pour protéger la jupe, car il se lave plus facilement. (Elle se moque drôlement de la robe d'été d'une fillette, genre de t-shirt un peu long, en disant qu'elle se demande si elle a subi un naufrage pour se promener ainsi en guenilles, mais qu'elle ne veut pas la juger, car elle ne la connaît pas).

Repas au "centre", menu indien traditionnel à base de courgettes et maïs. C'est bon. Premiers achats de tee-shirts du voyage. Il en existe un qui montre trois ou quatre indiens armés avec la légende suivante: «Milice anti-terroriste depuis 1492». Cela me plaît beaucoup, je trouve cela insolent et bien vu, mais porter cela en tant qu'étrangère me dérangerait, j'aurais l'impression de faire la leçon à mes hôtes. Tant pis.

Puis visite d'une réplique du Mayflower à Plymouth même. C'est minuscule, on dirait une boîte à chaussures. Plus de cent pionniers là-dessus, auxquels il faut ajouter les hommes d'équipage (une trentaine de personnes), les meubles, les animaux… Une idée de l'enfer, il devait vraiment falloir de bonnes raisons pour décider de quitter l'Europe ainsi.
Nous discutons avec un homme plus âgé sur le pont: le navire est en état de naviguer, mais cela coûte extrêmement cher en assurance. De plus il faut loger l'équipage à l'hôtel le soir, il n'y a pas (plus) le droit de dormir sur le navire. A Plimouth même, l'ancrage est gratuit car l'association assure en échange la surveillance du port.

Pierre (rocher) des pionniers gravée de 1620 à quelques pas du port. Un panneau explique l'histoire de cette pierre, c'est-à-dire qu'il explique une mise en scène historique conçue plus de cent ans après.

Nous avons fini vers quatre heures, et comme nous avons un peu de temps, nous allons baguenauder dans un centre commercial: O. ne supporte plus ses cheveux, il lui faut une coupe. Que ce soit à cause de mon accent ou de son désamour des coupes militaires, la jeune coiffeuse ne lui fait pas la coupe en brosse attendue mais le massacre allègrement (pas grave, ça repoussera), des achats pour H (son short ne tient plus), des sandales pour eux deux, un chapeau de paille pour Déborah, un chapeau blanc pour O., le tout en solde, au quart du prix qu'on le trouverait en France.

Le soir, repas dans un steakhouse, le Longhorn de Pembroke. Portions trop importantes hélas, O. ne termine pas son gâteau au chocolat, qui consiste en DEUX portions d'un gâteau qui ressemble à une forêt noire sans les cerises (il faut dire qu'il a fini les assiettes de sa sœur et de Déborah: s'il avait su, il se serait économisé).





Fin du repas mystérieuse: une voiture de police sur le parking (le gyrophare clignote dans la nuit, éclairant de rouge et de bleu les vitres du restaurant), une femme inquiète fait des va-et-vient de la caisse aux toilettes, un homme armé d'une serpilière se dirige vers les toilettes, chargé également d'une pancarte à poser sur le sol «attention glissant sol mouillé».
Deuxième voiture de police, puis ambulance (le tout silencieux: pas de remue-ménage dans le restaurant, pas d'exclamation, pas de sirène). Nous échaffaudons des hypothèses, je penche pour une overdose (vomissures et évanouissement), les enfants sont plus gores ou plus tragiques, ils en tiennent pour l'égorgement ou le suicide et du sang partout.
Mais nous ne voyons aucun corps sortir. Y a-t-il une porte de service?





Nous avions comme plan de refaire ce qui nous avait si bien réussi hier: demander au serveur un conseil pour la nuit. Mais nous sommes dans un centre commercial sur une route passante et non plus aux abords d'une petite ville où tout le monde se connaît; les renseignements sont inexistants. Il est tard, ou plutôt il fait nuit (il n'est pas si tard que ça), le premier hôtel est plein, nous avons peur que les prix explosent si nous nous rapprochons de Boston, nous prenons la dernière suite dans un Confort Inn à Rockland, assez cher lui aussi.

Planification globale

7 h. Tout le monde dort malgré le réveil qui a sonné assez bruyamment. Je tire les rideaux, comptant sur la lumière naturelle pour les réveiller, et les laisse dormir, moitié par bonté d'âme, moitié par auto-protection: je ne tiens pas à avoir quatre bougons dans la voiture (ce n'est tout de même pas de bol d'être du matin dans un monde où tout le monde semble du soir. Surtout que l'heure semble calée sur le soleil, à huit heures et demi le soir il fait noir.)

De toute façon, selon mes premières évaluations, nous ne serons qu'à onze heures à Boston, il faudra y dormir.
Nous devons voir des amis à Charlottesville, idéalement vers le 12 août car l'un d'entre eux recommence ensuite à travailler. Donc il faut estimer à la louche, prendre notre temps mais ne pas trop en perdre. (Tout le monde répète tant que les Etats-Unis c'est grand et que nous, Européens, n'avons pas la notion des distances, que je crains de faire une erreur d'estimation (ou tout simplement de prendre les miles pour des kilomètres, même en sachant que ce sont des miles.))

La mer sur les côtes du Massachussetts fait comprendre cette impression d'opulence tranquille des films qui se passe en Nouvelle-Angleterre:


dimanche 5 août 2012

Mystic Seaport et Sandwich

Pancakes au sirop d'érable au petit déjeuner («— Qu'est-ce que c'est, des "texan toasts"? — C'est le moment de le savoir: tu en prends et tu verras.» Mais elle n'est pas aventureuse.)

Ce qui m'étonne le plus, c'est que la température ne chute pratiquement pas pendant la nuit. Pas de fraîcheur de l'aube.

Arrêt à Mystic Seaport, dont le nom dit quelque chose à H. Tout un ensemble de maisons sont consacrées à la pêche et aux bateaux du 19e siècle: dernier baleinier conservé (en fait il a été dégagé de la boue en 1973 dans laquelle il s'enfonçait depuis son abandon dans les années 20); les prospectus annoncent qu'on peut le visiter et c'est vrai — mais sur cale, il est en pleine réfection.
Un guide (un homme simplement posé là sur le pont supérieur du navire, très loup de mer d'extérieur (un nez en patate creusé de caverne, extraordinairement loup de mer, il ne lui manque que la pipe (mais ça ne plaisante pas, pas de cigarettes dans toute la zone, y compris dans les rues à l'entrée du site (ce qui fait que les abords sont généralement beaucoup plus propres qu'en France, sans mégot omniprésent))) et qui ne nous adresse la parole que si nous lui parlons) nous explique que le navire a été tiré de l'eau en 2008 pour quelques travaux qui devaient durer un an et demi, mais devant l'état de la coque qu'ils avaient alors découvert, les travaux duraient depuis trois ans et demi.

Mais au lieu de fermer le chantier au public, ils l'exposent et l'expliquent, c'est passionnant. Travail des charpentiers, des menuisiers, réalisation des voiles, des cordages, des clous, des tonneaux, explication du dépeçage de la baleine, et plus qu'à Melville que j'ai lu il y a trop longtemps, je songe à Chatwin et au ''slug'' et au Miroir de la mer de Conrad.

Ici se trouve également une école de voile, et un magnifique voilier, le ''Joseph Conrad'', se visite et sert de bateau école aux enfants de dix à quinze ans. (Dans les hangars, des barques et des voiliers historiques, dont celui qui a appartenu à Franklin Roosevelt dans lequel il fit sa dernière sortie la veille de son attaque de polio. C'est tout un imaginaire d'enfants dépeignés et souriants sous des voiles blanches qui remonte à la mémoire.)

Homard au déjeuner à la cafétéria (si si), nous prenons "soda à volonté" et j'en profite pour tout essayer ("Dr Pepper" sent à mon avis l'amande amère, mais à la réflexion ce doit être de la cerise, un type de cerise.)

Puis petit tour de barque avec O. et Déborah, on est toujours aussi bien sur l'eau, il y a du vent. Les Américains me font rire, ils comprennent gentiment les deux ou trois mots que vous baragouinez en oubliant toute syntaxe, et enchaînent en parlant ordinairement, sans ralentir ou vous faire grâce des mots complexes ou se demander si vous allez comprendre. A ma grande surprise, je me rends compte qu'ils ont raison, on s'en sort très bien, et sans doute mieux, ainsi. On s'habitue et on progresse.

La maison 54 est un "Hall of Fame" consacré à l'aviron. Si je comprends bien, ce serait ici que les premières compétitions, ou entraînements, d'aviron du continent américain auraient eu lieu ici (cela me semble étrange, Yale et Havard sont proches, certes, mais pas tant que cela. Enfin, je n'ai pas le temps de lire plus ou de comprendre mieux. Je remarque un livre consacré aux Kelly, et je me souviens avoir expliqué à mon kiné que le père de Grace Kelly avait été champion olympique (je suis en train de le convertir à l'aviron et il voulait savoir si c'était une discipline olympique). Je récupère une adresse de blog: hear-the-boat-sing.

Vers le soir nous rejoignons Sandwich sur Cape Cod. Le cap a été aménagé dans les années 30 par des jeunes hommes entre dix-huit et trente ans (à vérifier, j'écris de mémoire à partir d'un panneau trouvé sur une aire de repos) qui recevaient trente dollars par mois de l'Etat (mais ils ne touchaient que cinq dollars, le reste était envoyé à leur famille). (Je me dis que nous ne sommes pas si loin des camps de travail d'Hitler: aux mêmes maux les mêmes remèdes.)

Nous marchons le long du canal, voyons un homme remonter, écœuré, une raie («Mais qu'est-ce que je vais faire avec ça? Il n'y a rien à manger là-dedans» (En me retournant, j'ai la surprise de constater qu'un homme s'est arrêté pour fournir une recette de cuisine)), un chien genre loulou de Poméranie (beaucoup de poils) échapper à sa maîtresse et entrer dans l'eau sans une once d'hésitation, une barge passer poussée par un pousseur… Il fait plus doux de quelques degrés, nous avons tous des coups de soleil. On est bien.





Salade de cranberries et amandes pour moi (mais c'est terrible ces serveurs qui commencent par «Puis-je vous servir quelque chose à boire?» alors que vous avez à peine eu le temps de vous assoir et de reprendre vos esprits. Que faut-il répondre? Car ils ne prennent pas la commande mais disparaissent vingt minutes pour aller chercher sodas et verres d'eau)), délicieux, puis motel recommandé par le serveur : piscine inattendue pour un prix raisonnable, les enfants sont ravis.

samedi 4 août 2012

En route

Récupéré la voiture. Ces Américains n'ont peur de rien: "enjoy!", et ils se barrent, et je me retrouve à devoir sortir la voiture (une Chrysler 300) dans la cinquantième rue, avec un camion garé en face occupant la moitié de la rue et un van blanc à moitié engagé à ma droite dans le parking dont je veux sortir (ce qui fait que je dois le contourner pour prendre la rue en sens unique à droite).
Je n'ai jamais conduit d'automatique. La voiture m'indique que je dois appuyer sur le frein en passant sur "D", je mets un certain temps à le comprendre, j'avance, je bloque la rue, les taxis klaxonnent, la voiture hoquète (ce n'est que plus tard que je comprendrai qu'elle ne peut pas caler), un black un peu affolé m'aide un instant («— Are you all right? — No, I'm French, I never drive automatic!» (j'ai ouvert la vitre sans vraiment m'en rendre compte)) à prendre le virage entre le camion et le van blanc. De hoquets en klaxons (ils ont le klaxon facile, ces New Yorkais), j'arriverai à l'hôtel.

Direction Long Island, le but est la maison natale de Walt Whitman. Bouchon dans le quartier chinois, j'ai compris qu'il ne faut pas que je me serve de ma jambe gauche, sinon je débraye, c'est-à-dire que je freine avec le pied gauche en accélérant avec le pied droit, ce qui explique les hoquets de la voiture. Sinon, elle est extrêmement agréable, une impression de vaisseau spatial, elle flotte, elle est légère, elle tourne court, les rues sont larges, il y a de la place, ça change tout.
Nous passons sur Brooklyn Bridge, en travaux. Je comprends enfin pourquoi on parle d'un magnifique point de vue du milieu du pont: il y a une voie piétonne au centre, entre les voies pour voiture. Je n'ose imaginer la chaleur (il est 1 p.m., le soleil cogne sur bitume, le pare-brise est brûlant).
Brooklyn, le Queens, quartiers tranquilles, puis friches industrielles, casses de voitures, autoroute, cimetières, golf, hôpitaux; trop tard, nous n'y arriverons pas à temps (4 p.m.), nous continuons.

Le musée est encore ouvert, il ouvre une heure plus tard le samedi, miracle.
Nous visitons une maison minuscule guidés par un jeune homme enthousiaste. Je suis impressionnée par les catastrophes qu'a affrontées la maison: un ouragan ou une tempête (j'ai compris son nom, Anne, mais pas l'année (j'ai des problèmes avec les chiffres)) a noyé le rez de chaussée et le plancher n'est plus d'origine, à l'étage les vitres ont été cassées par une tornade, et une pièce attenante a brûlé.
La maison est minuscule et plaisante, avec une jolie pelouse close par une palissade en bois.

— Connaissez-vous l'expression mad as a heater hatter?
— Oui, c'est de Lewis Carroll, "le chapelier fou"*.
Le jeune homme est interloqué, il ne nous comprend pas, puis rit quand il a compris:
— En fait, la technique de fabrication des chapeaux utilisait du mercure, ce qui empoisonnait les chapeliers qui devenaient fous.
(Et je suis stupéfaite et enchantée de découvrir que Carroll n'avait pas inventé l'expression, mais l'avait utilisée au premier degré.)

Long Island, autoroute dans l'autre sens, nous prenons la direction Cape Cod, deux péages successifs, magnifique vue sur Manhattan au loin dans la brume à partir de Throgs Neck Bridge. De l'autre côté, Manhasset Bay est piquetée de voiliers, c'est magnifique.

Soirée une fois encore cinématographique, motel de Terminator ou de No Country for Old Man près de Milford sur la 95 (sortie Post Road North), burger dans un steakhouse avec une dizaine d'écrans passant cinq ou six chaînes (dont les JO et du baseball), des photos noir et blanc de baseball et football américain et du rock en fond sonore. Et le meilleur hamburger que j'ai jamais mangé.





Et comme je n'en suis plus à un cliché près, NCIS passe à la télé quand nous rentrons.


* en français dans la conversation.

Moma etc

Matin. Du mal à me lever, à me déplier, courbatures. Quand je pense que je suis la plus en forme des quatre. Je ne sais pas si A. va pouvoir marcher aujourd'hui, elle paraissait avoir la plante des pieds très échauffée. J'ai du mal à m'apitoyer après qu'elle m'eut dit le premier jour: «Ah mais je comprends pourquoi j'ai du mal à marcher, ça fait trois semaines que je ne bouge pas» (cf mes billets énervés de juillet).

Hier 3 août.

Nous avions donné rendez-vous aux enfants à 8 heures dans le hall. En arrivant, nous croisons O., presque affolé (ce n'est pas dû tout son genre de perdre son sang froid, il est très flegmatique):
— Déborah s'est enfermée dans la salle de bain depuis une demi-heure, je n'ai même pas pu aller pisser!
Il a l'air abasourdi et dépassé par cette action incompréhensible. Je lui propose les clés de notre chambre, il les refuse courageusement:
— Non, elle a terminé maintenant, j'étais juste descendu vous prévenir.
Nous les attendons, j'en profite pour poster deux billets écrits hors ligne.

Plus tard, je commenterai: «Moi qui comptais sur la ponctualité allemande!» À quoi il répondra, toujours logique: «Mais elle, elle était à l'heure.» (Et je me suis demandé si nous pouvions tirer une morale de cette phrase.)

- Sud de Manhattan pour voir le mémorial du 11 septembre. Palissades, chantier. Déjà très impressionnant, vertige "à l'envers" en regardant vers le haut. Une petite église, très vieille, Saint-Paul church, je suppose que tout le monde la connaît, l'a vue à la télé à l'époque. Pas moi. J'aurais bien erré entre les tombes penchées, je n'ai pas osé le demander à mes compagnons de voyage («Encore une église!» finit par être traumatisant à la longue.)
Je regrette de ne pas m'être renseignée, de ne pas avoir mieux préparé ce voyage. Pour visiter il faut réserver (911memorial.org). Nous n'avons pas réservé.

- Nous sommes à deux pas de la poste centrale. Immeuble monumental, climatisé (chaque passage dans un bâtiment permet de se rafraîchir un peu, il fait déjà très chaud), inauguré par Roosevelt. La salle des casiers poste restante est très old fashion. J'achète des timbres (aucune idée de l'endroit où ils s'achètent ordinairement, mais il faut dire que je n'ai pas demandé et ne suis entrée nulle part).

- Rendez-vous au MoMa avec le reste de la famille de Déborah (famille tuyau-de-poêle un peu étonnante). Désormais nous sommes neuf, ce qui ralentit le mouvement, avec les besoins ou désirs de certaines auxquelles personne n'ose dire non, par politesse. Nous nous séparons, je fais une équipe avec H. et O., nous abandonnons A., de mauvaise humeur depuis que j'ai inspecté son sac et l'ai délestée d'un kilo de bagage (livres de grammaire anglaise, plusieurs bouteilles d'eau d'un demi-litre (je ne lui en laisse qu'une), etc).
Mes impressions du MoMa sont mitigées. De beaux Picasso, les célèbres Demoiselles, des Van Gogh, etc, etc. Mais finalement assez peu de Warhol, par exemple. Ils doivent être ailleurs, à Chicago ou Los Angelès. Et pas d'Edward Hopper, moi qui espérais tellement en voir (oui, je sais, il suffisait de se renseigner: mais ils n'auraient pas été là davantage). Je photographie Rebus, pour des raisons églogales (Travers coda).
Des variations, des peintres et sculpteurs dont je n'ai jamais entendu parler, ou pas souvent*. Tout cela est très gai, joyeux, met de bonne humeur et laisse interrogatif. De l'art? Vous êtes sûr? Mais ce n'est pas très sérieux, non?





Mais s'il s'agit de dire quelque chose de l'homme d'à la fois intemporel, éternel, universel, et de très ancré dans le temps, dans une époque, pourquoi pas?
Dans la salle des minimalistes, j'essaie de donner quelques pistes à O. sur le point atteint aujourd'hui (l'année prochaine, histoire de l'art au brevet des collèges, mais je doute qu'il aborde l'art contemporain).

Les pièces qui marquent le plus sont finalement celles des expositions temporaires, mais on n'a pas le droit de les photographier. Je ne vois pas de catalogue (sans doute vais-je trop vite, il y en a sûrement).

- Tour de l'île de Manhattan en bateau. Nous apprenons que la meilleure vue possible, et gratuite, sur le mémorial du 11 septembre, est le "jardin d'hiver" (winter garden), une construction entièrement vitrée sur le bord de mer.
Le commentateur est d'un nationalisme ou d'un chauvinisme échevelé (ton emphatique: «Et si vous êtes américain, vous devez venir vous recueillir ici, où tant d'Américains sont morts»; «Et si vous êtes New Yorkais comme moi — combien de New Yorkais ici? Levez la main. … A New York sont parlées toutes les langues de la terre; d'où que vous veniez il y a forcément quelqu'un qui parle votre langue…» son enthousiasme m'amuse mais agace les deux Américaines à côté de moi que j'entends commenter.
De la mer, on se rend compte que les immeubles à l'extrême sud sont vraiment serrés. C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu davantage de gratte-ciels touchés le 11 septembre. J'ai des questions soudain, que s'est-il passé juste après, est-ce que les gens qui vivaient là sont revenus y dormir? Y a-t-il eu des journées de deuil? Tout a-t-il continué? Je ne me souviens plus. Je regrette de n'avoir jamais vu les tours.
Quais abandonnés, activité portuaire disparue, l'activité immobilière gagne. De l'autre côté de l'île, à l'ouest dans le New Jersey, les immeubles sont en expansion (n'y a-t-il pas de marée haute?)) Etrange mélange de ce qu'on sait être la plus grande richesse et cette impression d'abandon ou de chantiers.

- Retour. Il faut remonter toute la 42e rue. Nous attendons le bus. Il est à cinquante mètres de l'arrêt, franchit trente mètres en vingt minutes. La chaleur est à couper au couteau. Nous partons à pied. Explication deux blocs plus loin: la police a bloqué un carrefour. Les piétons envahissent la chaussée. Je m'attends à des sirènes, à une explication: rien. Nous marchons. Chaleur.
Sieste.
- Mac Do (je ne retrouve plus ce que j'aimais tant il y a vingt ans. Etait-ce des milk-shakes? Il me semble que oui. Ils ont dû être remplacés par les smoothies. Et il n'y a plus les distributeurs de sauces que j'aimais tant, au goût différent des sauces en Europe).
Il fait nuit. Les trottoirs sont pleins. Beaucoup de femmes sont sur leur trente-et-un. C'est vendredi. Je pense à Sex and the City. Les téléfilms donnent une image fidèle.
Rockfeller Center la nuit. Le fleuve ou la mer (je confonds un peu tout) est tout proche. Brume. Guirlandes des ponts. Je crains et souhaite l'orage. La chaleur au sol m'évoque 2003 (cette impression de se mouvoir dans une piscine d'air chaud), la différence étant la présence de vent léger: l'air n'est pas immobile. Note pour plus tard: revenir en octobre, sans doute: "l'été indien" doit avoir une signification.


* Une belle variation de Marcel Broodthaers sur Oscar Wilde, Lewis Carroll, etc.

vendredi 3 août 2012

Le bruit et l'odeur

5h51. Je ne peux pas me rendormir. Pas de wifi dans la chambre (bizarrerie: wifi gratuit dans le hall, quatorze dollars dans la chambre), je tape hors ligne, on verra plus tard.

Hier 2 août.

Les enfants ont dormi plus tard que je ne l'aurai cru. L'hôtel est au cœur de Manhattan. Sorti avec H. Impression de se trouver dans un film, le décor est tellement connu. Après les soucoupes de ''Men in black'' aperçues hier du taxi, c'est le square de l'un des Bourne (l'adresse codée qu'il donne à Pam) que nous rencontrons par hasard (quartier Tudor). Grand Central Station, je suis étonnée par la constellation au plafond, H. la connaît par ''Kapax'', je reconnais le décor d'une flashmob vue sur Youtube. C'est un peu comme partir à la recherche de souvenirs qu'on n'aurait pas vécus: aucun dépaysement et aucune impression de réalité. L'odeur est étrange, celle d'une chaleur étouffée, ça ressemble à la pomme de terre cuite à la vapeur.

Perdu un peu de temps dans la matinée à attendre Déborah (la jeune Allemande qui a passé trois mois chez nous en 2010 et qui va rester avec nous pendant le reste du voyage). Puis direction Central Park, à pied. Début d'une longue errance. (Non, nous n'errons pas, nous savons où nous allons et il est très simple de se repérer. "Ce que je veux dire, c'est que" nous n'avons aucune notion des distances (finalement, la seule façon de connaître véritablement l'échelle d'une carte est de marcher, j'ai l'impression que d'une ville à l'autre deux cents mètres ne représentent pas la même fatigue)). Il fait très chaud (30°? +32, diviser par 5, il me semble (oui, bon l'iphone doit pouvoir le faire, mais c'est plus amusant comme ça)). Nez en l'air à apercevoir le faîte des immeubles. Il y a du monde, mais les trottoirs et les rues sont si larges que cela ne donne aucune impression de précipitation. Peut-être parce que c'est l'été, peut-être à cause du péage pour entrer dans cette partie de Manhattan (ou dans tout Manhattan? aucune idée), il n'y a pas d'embouteillage. Fluide. Je suis frappée par le niveau sonore, je l'appellerai presque du silence. Les bruits se dissolvent dans l'espace (le volume de l'espace entre les immeubles, la formidable aération de cette île ouverte sur la mer par tranches, rue après rue (d'est en ouest: les rues; du nord au sud, les avenues). Même sans vent, même avec la chaleur accumulée par le goudron, l'air ne stagne pas tout à fait. Les bruits ne se concentrent pas). (Et pourtant, dans la chambre au 41e étage, ce qui frappe, c'est le bruit incessant, la rumeur de la rue, des travaux, du vent, de la clim. Paradoxe.)
Saint Barth. Est-ce l'église de L'Avocat du diable?

Central Park, trop grand, nous voulons atteindre le Met, la troupe est un peu découragée par la distance et la chaleur. Là encore, quel silence dans ce parc, tranquillité, écureuils gris, statue d'Alice in Wonderland, inévitablement.
Déjeuner à la cafétéria du Met, au sous-sol. Les assiettes se paient au poids, quelle exactitude (je suis pour).

Nous avons trois heures pour visiter le musée avant sa fermeture, nous avons choisi nos impératifs: impressionnisme pour H. et l'aile américaine pour moi. Nous confions la carte à O. qui aura acquis à la fin de la journée une aisance impressionnante dans cet immense musée sur deux étages, une mezzanine et un "grenier poutres apparentes" (reconstitution d'intérieurs coloniaux, très beaux. Le seul endroit où je verrai la pancarte aborrhée "ne pas toucher" sur un lit et un berceau).
Le classement/regroupement dans ce musée ne va pas de soi, nous trouverons des Matisse ou des Picasso à trois endroits très éloignés (le premier je ne sais pas, le deuxième dans Europe fin du XIXe début du XXe, le troisième dans les contemporains et les modernes), c'est comme si les conservateurs s'étaient dit qu'ainsi, même le visiteur distrait arriverait bien à en voir un ou deux.

Quiétude de ce musée, ombres en croisillons dans les patios, silence malgré un public nombreux, impression d'un musée réconcilié avec ses visiteurs, belle lumière d'après-midi et éclairage naturel, explications près de chaque tableau, le sujet, le contexte de la peinture (dans le sens sujet du tableau et geste de peindre), toujours et uniquement en anglais, mais normalisées, se présentant toujours sous la même forme, un beau travail systématique très utile.






Je repère un très beau Brueghel l'ancien sur la moisson (j'aime beaucoup Brueghel (et je me demande pourquoi ce sont les tristes scènes d'hiver que l'on retient surtout)), tombe par hasard sur Orion aveugle (il est là! une photo! (j'ai hérité de l'appareil de ma fille qui a un mode "musée", sans flash et sans bruit. Whaouh, ça c'est pensé (le mode qu'il me faut pour le métro. D'ailleurs, il y aurait une belle galerie de portraits à faire avec les têtes des gardiens de ce musée, toujours très particulières dans leur forme ou leur expression))), des Manet que je ne connaissais pas sur la corrida. Je rencontre par hasard dans une petite salle où des fraises (fruits) dans l'encadrement de la porte ont attiré mon attention des Vermeer dont un avec des bleus somptueux (Vermeer que nous reviendrons voir en fin de visite à la demande de Déborah qui les cherche, abandonnant H. et A., épuisés, à la cafétéria).

A traverser le musée de long en large pour atteindre ce que nous voulons voir et ce que nous avons oublié de voir, nous avons ainsi une bonne vision des collections du Moyen-Âge et de la Renaissance. Mais d'où viennent ces tableaux, ces statues? En Europe, c'est facile, pillage, héritage, mariage, mais ici? Achetés, offerts par des donateurs (une gigantesque fresque italienne représentant Saint Christophe: donation!).
— Mais c'est incroyable. Qu'est-ce qu'ils sont riches, qu'est-ce qu'ils étaient riches.
— Tu sais sur quoi s'est construite cette richesse…
— Non.
— Sur l'esclavage.
Hum. J'ai mes doutes mais je me tais. Je pense surtout au travail et au courage de cette nation pour laquelle j'ai beaucoup d'admiration. Mais bon. Une explication n'exclut pas l'autre. Et dans les salles traversées, la reconstitution de salons XVIIIe siècle doit beaucoup aux riches familles anglaises, c'est certain (je reconnais ailleurs une copie de Louis XV enfant rencontrée à Versailles il y a quelques semaines. Je n'approfondis pas dans quel cadre elle se trouve là (reconstitution d'un intérieur français?)

Si je venais souvent au Met, je passerai beaucoup de temps dans l'aile américaine. Je ne connais presque personne à part Wilson Homer et Sargent, mais j'aime cet endroit, cette poursuite d'art qui copie l'Europe (un peintre pastiche très visiblement Renoir) et finira par produire totalement autre chose, Rauschenberg ou Jasper Johns. Je tombe en arrêt devant les œuvres d'un sculpteur, Augustus Saint-Gaudens.

Le musée ferme à cinq heures et demie, nous sommes mis dehors manu militari à cinq heures et quart, même la boutique de "souvenirs" est fermée, mince, mes cartes postales!
Goûter au Pain quotidien (est-ce que ça vaut vraiment la peine de venir si loin pour retrouver ce que j'ai fréquenté en haut de la rue Montorgueil en 2003? Ça me fait rire.), le serveur pas bête et sans doute rendu prudent par la nullité en calcul mental de ses contemporains a ajouté au stylo bille ce que représente quinze et vingt pour cent de la note, afin que nous puissions choisir ce que nous lui laisserons puisque le service n'est pas compris.
Le fond sonore est de la musique classique, mais trop forte, et les conversations se mettent à monter. Pour la première fois de la journée, je retrouve le niveau de bruit de Paris.

Métro, un peu de repos (soins des pieds, changement de chaussures!), métro, quartier chinois et Little Italy.
Quartier chinois: ah oui, quand même. Quand je pense qu'on se plaint de l'arabisation de Saint-Denis. Ici, même Mac Donald est sous-titré en chinois. Les immeubles sont plus bas, le soleil se couche (crépuscule que par des jeux de lumière on ne sait pas bien attribuer à notre droite ou notre gauche), de gros sacs poubelles s'entassent sur les trottoirs (il ne doit pas y avoir de chiens errants. Pas de rats, de mouettes, de goélands? (non, à part les moineaux et les canards de Central Park, pas vu d'oiseaux)). New York pue, elle pue la chaleur et les poubelles, et aussi, par endroits, l'odeur forte d'une trop grande quantité de viande crue (y aurait-il des frigos, des bouchers, en sous-sol?) La chaleur, c'est aussi celle des milliers de climatiseurs dont les cubes blancs débordent des fenêtres, c'est une chaleur qui malaxe les odeurs des appartements et des boutiques.

Dîner à Mulberry street (quartier de la Huchette, en gros, pour ce qui est de l'animation). Pensée joyeuse pour Matoo quand le serveur nous propose du poivre. La clim est si forte que nous gelons tout le repas, les filles ne savent plus comment se couvrir.
— Je n'aurais pas dû me mettre en short.
— Je te rappelle que dehors il ne fait pas tout à fait la même température.

Le métro est plus bruyant le soir, et si les quais font vraiment leur âge, les rames sont propres. Avec leur banc unique le long des fenêtres, elles sont conçues pour favoriser la circulation des gens (et non le fait qu'ils soient assis).
Ce métro est davantage un RER ou un train, puisque plusieurs lignes empruntent les mêmes quais.

jeudi 2 août 2012

New York

6h53, rez-de-chaussée de l'hôtel où le wifi est gratuit. Je pense à cette vieille pub pour le savon Zest, dans laquelle un petit garçon très excité réveillait ses parents à six heures un dimanche: «Aujourd'hui on va au zoo!»

J'ai vu le soleil se lever, j'ai hésité sur la conduite à tenir, je suis là à écrire. Sortir, marcher? Dans un sens j'ai peur de "voler" les autres, dans un autre j'ai l'impression de pouvoir faire tellement de choses vite vite, discrètement… Bon, on verra demain.

Pour l'instant repérer les quelques adresses qui me manquent (que nous n'avons pas revues/révisées (pas le temps, pas le temps)) avant de partir. Je sens que je vais être insupportable, il faut que je me calme.

(L'hôtel n'a pas d'étage 13, les légendes sont respectées, tout va bien.)

lundi 19 décembre 2011

Go ouest

Je déteste tant les détails…
Je mets tout ici, au fur à mesure, pour que cela me soit accessible à tout moment.

Les passeports valables selon leurs dates.
L'autorisation électronique de voyage : ESTA (ils sont gentils, c'est traduit).

Les lieux (copier/coller tronqué d'une conversation FB)

Denis: Je serais vous, je partirais de SF, remonterait la côte vers le nord jusqu'à Eugene puis plein est par Boise, le Wyoming, le Dakota du sud (très beau, vu d'avion), jusqu'à Mineapolis, Chicago, Cincinnati, l'Ohio, la Pensylvanie et NYC.

Patrick: Eugene me semble indispensable… mais, M. Denis, il ne manque pas une certaine bibliothèque disparue à voir dans l'Arkansas, ou l'Indiana?

Moi: J'espère rencontrer Shuttleworth (cf mes amis FB), donc remonter jusqu'à l'état de Washington (enfin, il me semble que c'est Washington, il faut que je vérifie).

Patrick: Shuttleworth, vérification, est à Moses Lake, donc pas loin (relativement) de Vancouver.

Ne pas manquer l'immeuble de Blade Runner.

Ça ne tiendra jamais en trois semaines et encore, j'ai laissé tomber Moses Lake.

Et comment et où louer un mobile home pour six personnes? Ici. Il y en a pour une petite fortune. (Mais économie des chambres de motel).

Aller/retour New York, c'est ce qui coûte le moins cher. Mais alors, comment retraverser dans l'autre sens? Le train me fait envie, compter trois jours, prévoir 10 à 11 heures de retard au total.

— Ça sera comme une traversée en voilier, tous dans dix mètres carrés.
— Tu es folle, on va tous se taper dessus au bout d'une semaine.

Il faut beaucoup de courage pour réaliser ses rêves malgré les oiseaux de mauvais augure, dont on sait bien qu'ils ont plutôt raison.

Go ouest. J'ai envie.

jeudi 1 décembre 2011

Printemps arabe

J'ai écouté Dominique Moïsi nous apprendre, à la fois confus et fier, qu'il était le premier à avoir utilisé l'expression "printemps arabe", et qu'il la regrettait, car elle était trop européo-centrée.
En effet, il s'agissait d'une référence au printemps des peuples de 1848.
Cela m'a fait sourire, je me demande combien de personnes avaient fait le lien, en tout cas pas moi.

Moïsi a dressé un portrait assez triste de l'Amérique, une Amérique qui a oublié "la forêt Asie", toute obsédée qu'elle était de "l'arbre Moyen-Orient", une Amérique qui a envie ou besoin d'être relayée par l'Europe le temps de faire une pause: «ses infrastructures sont dans un état lamentable».

mercredi 23 mars 2011

Censure anti-moderniste

Ma professeur d'anglais de seconde m'aimait beaucoup. (Elle avait même envisagé de m'envoyer un an aux Etats-Unis, au grand effarement de mes parents (quand j'y suis partie pour un mois en 1984, ma grand-mère m'a prise à part pour me recommander de ne pas me droguer et pour essayer comme elle le pouvait (c'est-à-dire en utilisant que des périphrases) de me mettre en garde contre la traite des blanches. Pendant ce temps-là, l'organisme avec lequel je partais nous recommandait de ne pas nous mettre seins nus sur les plages (attitude français scandaleuse) et nous racontait que certains Américains entraînaient gentiment leur hôte français dans la cuisine pour leur faire découvrir... leur frigo): ce genre de séjour leur était totalement inconcevable. Passons).

Cette professeur ne suivait pas le programme mais nous faisait travailler sur des extraits littéraires. Je voulus lire l'œuvre intégrale dont un extrait m'avait plu. Comme je n'avais aucune idée d'où trouver cela (mais était-il réellement possible, en 1981, à Blois, de trouver des livres en anglais, quand recevoir un livre d'un éditeur français commandé en librairie prenait deux à trois semaines?), je lui avais demandé si elle possédait l'ouvrage: pouvait-elle me prêter The 42nd Parallel de Dos Passos?
Elle fronça le nez, me dit que ce n'était pas ce qu'elle me recommandait et m'apporta... The Mill on the Floss, de George Eliot, que je lus, même si j'étais dépitée de me voir ainsi imposés ses goûts.

A la fin de l'année, elle m'offrit The House of the Seven Gables. J'ai tenté de le lire en 1984 (je me souviens de la date car je me souviens des circonstances), je n'ai pas dépassé la page 60. Je devrais peut-être réessayer.

mardi 4 novembre 2008

La nuit de l'élection

Passé tard dans la nuit au QG du Modem du côté des Invalides, à suivre les élections américaines.

Grande émotion quand l'élection d'Obama a été acquise. Immense espoir. Quelque chose s'est produit qui paraissait impossible. Bord des larmes.






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Je n'avais rien écrit à l'époque. J'ajoute cela alors que Trump vient d'être élu (9 novembre 2016).






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Elections de 2020. Nous attendons les résultats. Je retrouve sur FB le souvenir suivant, que je ne comprenais pas avant de venir lire ici:

«Hier tout le monde était agressif, aujourd'hui tout le monde me sourit: c'est moi ou c'est les gens? Ils préfèrent ces boucles d'oreilles?»
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