Alice du fromage

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Billets qui ont '1985' comme mot-clé.

dimanche 8 mars 2015

Encore un coup de fil de ma tante

Ma tante, pas celle aux expressions, l'autre, celle qui garde le chien de mes parents, m'appelle ce matin:

— Oui allô, c'est toi, oui, je surveillais leur mail, pas celui de wanadoo celui de la poste, et alors je ne sais pas pourquoi ils ont envoyé un mail mais il y a eu un message d'erreur il n'a pas été envoyé alors je te lis le mail «chère Nadine, nous sommes au Panama mais il y a eu un contretemps, J-P [mon père] s'est cassé le cubitus en plusieurs endroits, est-ce que tu pourrais appeler le mari d'Emmanuelle pour prendre rendez-vous avec lui?»

Si vous n'avez pas compris grand-chose, c'est normal. J'essaie d'expliquer (je précise que "Nadine" n'est pas ma tante).

Ma tante voulait prévenir mes parents que le chien allait mal. Elle attendait donc ce week-end avec impatience parce qu'elle savait qu'ils ne camperaient plus en forêt mais seraient à l'hôtel à Panama avec une liason internet.
Pour une raison que je ne m'explique pas, au lieu de surveiller sa propre boîte mail pour savoir s'ils avaient écrit, elle s'est connectée sur la leur (mais pourquoi? cela me choque) et y a découvert un mail envoyé par eux à Nadine (une amie?) pour prendre rendez-vous avec un chirurgien. Ce mail était en fait un mail de retour à l'envoyeur, il n'avait pu atteindre sa destinataire (Nadine). En revanche, cela avait permis à ma tante d'en lire le contenu.
En d'autres termes, mes parents n'avaient pas prévu de nous prévenir que mon père s'était cassé le bras, ce qui ne me surprend guère (c'est tout à fait leur genre) mais m'embarrasse beaucoup: je suis gênée de savoir ce qu'ils ne souhaitaient pas que nous sachions.

Sachant qu'"Emmanuelle" était la fille des voisins, j'ai conseillé à ma tante de leur téléphoner afin d'accomplir ce qui était indiqué dans le mail qui n'avait pas abouti.
Non, elle a préféré écrire à mes parents pour leur dire que le mail était revenu en erreur, et eux lui ont dit… de téléphoner aux voisins.

Avec tout cela, elle a oublié de leur parler du chien. Tant mieux.



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Agenda
- Lu Un hiver à Paris qui m'a replongée en hypokhâgne. Cela m'a un peu fichu le bourdon. J'ai pensé que moi aussi j'aurais des choses à raconter, Frédérique, Claire, Hélène, toutes ont fui l'internat (deux au sens propre) et j'y suis restée. Un jour peut-être. Trente ans, il y a prescription.
- Vu Les palmes de M. Schultz avec les voisins et les V. (après leur semi-marathon: chapeau d'être restés assis deux ou trois heures!)

lundi 15 mars 2010

Il fait beau

Ramé en tee-shirt. En double.

— Tu occupais quelle place dans ton double quand tu faisais de la compèt ?
— Le deux, pourquoi ?
— Et en quatre ?
— Le trois.
— Bref, la place du bourrin, quoi !


En 1985, quand je suis revenue une ou deux fois au club ramer pendant mes vacances (après quatre ans d'interruption, mais la prépa me vidait si bien de mes forces qu'il me fallait un dérivatif), Jacqueline m'a dit en riant : «Tu as fait des progrès, ton coup d'aviron est plus féminin.»

Je n'ai jamais su ce qu'elle voulait dire.

lundi 9 novembre 2009

F.

Elle a 43 ans aujourd'hui. Ma seule amie d'hypokhâgne, celle que les professeurs ne m'ont pas pardonnée, d'ailleurs. («Mais pourquoi avez-vous changé de place?» Qui m'avait posé cette question et pourquoi, quand j'avais changé de place pour m'installer à côté d'elle? Je ne sais plus.)

Celle qui était si timide qu'elle riait nerveusement quand la prof d'anglais l'interrogeait — et celle-ci a cru jusqu'au bout que F. se moquait d'elle. (F. était très douée en anglais.)

Celle avec qui j'ai mangé beaucoup de croque-monsieurs.

Celle qui avait lu tout Duras, tout Woolf et tout James — dommage que je n'ai pas suivi son exemple à l'époque, j'aurais pris un peu d'avance — mais les Duras que je lisais lui appartenaient. J'ai encore dans ma bibliothèque son Vie et Destin et le Arendt sur le totalitarisme. Elle m'avait prêté Temps et Récit I dont j'avais entièrement gommé les soulignages à main levée pour les remplacer par des traits à la règle.

Celle dont nous avons corrigé en urgence sur atari (logiciel: "Le Rédacteur") le mémoire de DEA d'histoire (L'assassinat du président McKinley) (et déjà mes tics de relecteur).

Celle à cause de qui j'habite où j'habite aujourd'hui, ses parents nous ayant prêté leur maison en 1992 pendant qu'eux-mêmes partaient en vacances, nous permettant d'échapper à notre appartement quelques semaines et de découvrir cet endroit de la région parisienne.

Celle dont je possède un pendentif, une croix dans un cœur, donné par sa mère à la naissance de ma fille, parce qu'elle ne croyait plus que F. aurait des enfants (puisque ce pendentif était destiné à une fille de F.)

Celle à qui j'ai raccroché violemment au nez un jour de 1995, en décembre sans doute, exaspérée que célibataire sans enfant, elle ne soit jamais disponible pour nous voir et ne fasse preuve d'aucune souplesse dans son emploi du temps.

Celle que j'ai revue dans un café en 2000, après l'avoir rappelée parce qu'elle me manquait, qui m'a avouée qu'elle était lesbienne et qu'elle n'avait pas osé nous le dire, qu'elle avait coupé les ponts avec toutes ses anciennes connaissances.

Celle qui ne m'a plus jamais répondu, que je n'ai pas revue depuis, dont le prénom/nom existe à une dizaine d'exemplaires sur FB — j'ai écrit à toutes, en vain.

Evidemment je pourrais aller sonner chez sa mère, qui d'après l'annuaire est sans doute veuve.

Mais cela n'a guère de sens d'insister.

mercredi 4 novembre 2009

Souvenirs de Lévi-Strauss

Août 1985 - Je composte des chèques dans une agence du Crédit Lyonnais. A midi, je lis Race et Histoire et Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes en dépensant mon ticket restaurant dans un café tranquille qui diffuse Rue barbare de Bernard Lavilliers. Thé et croque-monsieur.
Ces deux livres sont au programme de culture générale d'un concours que je dois passer en septembre.

Décembre 1988 - Covoiturage entre Paris et Lyon pour assister au mariage de mon meilleur ami, ce qui n'était pas encore un cliché. Discussion dans la voiture avec un ami de P., ami légèrement dédaigneux, légèrement supérieur :
— Tu as lu Race et Histoire ?
— Oui.
— Tu te souviens de sa conclusion ?
Comme il me prend de haut et que je fais un complexe d'infériorité, je panique un peu:
— Euh... Que l'évolution dépend de nos différences, de la différences entre les groupes et de leur façon d'interagir et de s'enrichir mutuellement ?
— Il dit surtout que certaines races sont plus cumulatives que d'autres, savent mieux acquérir, conserver et accumuler du savoir et de la technologie.

Il avait l'air très sûr de lui. Quatre ans après ma lecture je n'étais pas si sûre de moi. Mais il ne me semblait pas avoir lu ça, non, il ne me semblait pas avoir vu une telle interprétation, visant peu ou prou à organiser une hiérarchie des races (si tant est est que ce mot ait un sens: des cultures, des couleurs, des ethnies).
Je me souvenais surtout de la crainte de l'homogénéisation et de l'homogénéité: si tout devenait pareil, homogène, il n'y aurait plus de progrès possible.
Quand le mot "mondialisation" est devenu à la mode, employé à tort à travers, c'est à Lévi-Strauss que j'ai pensé.

Après quelques années sur internet, je ne suis plus inquiète: tout tend à prouver que des groupes se reconstituent toujours. Les critères ont changé, il ne s'agit plus de nationalité ou d'ethnie, mais de langues, d'affinités, de goûts ou de sujets d'intérêt communs ne tenant aucun compte des frontières. Il existe toujours des groupes, des différences, des échanges, et ces différences ne constituent pas forcément des hiérarchies. Une chose est sûre: ce n'est pas homogène.

vendredi 3 août 2007

Souvenir de pyjama

L'année suivant mon bac, j'avais un magnifique pyjama, pantalon rose et panthère rose sur haut blanc.
A l'internat, il m'arrivait de passer le dimanche en pyjama et d'enfiler vers quatre heures de l'après-midi un imperméable par dessus pour aller acheter un ou deux pains au chocolat, quand ma faim dépassait ma flemme.

En repassant le pyjama que H. m'a rapporté l'autre jour, je me dis que je vais pouvoir recommencer à aller chez le boulanger en pyjama. A condition que personne ne s'en aperçoive, déjà que j'horrifie la maisonnée à prendre la voiture en peignoir pour déposer quelqu'un à l'école ou à la gare.

jeudi 19 avril 2007

Les infos du matin

Je me souviens parfaitement du moment où j'ai arrêté de m'intéresser à «l'actualité ». En septembre 1985, suite au tremblement de terre de Mexico, nous avons eu droit en direct pendant plusieurs jours à l'agonie d'une petite fille happée par la boue. Dans Paris, l'image de la fillette s'affichait sur les colonnes Morris et à la devanture des kiosques, il était impossible d'y échapper. Le traitement journalistique de cette tragédie, le goût du sensationnalisme, m'ont dégoûtée de «l'info». J'y songeais ce matin en écoutant, exceptionnellement et parce que je n'étais pas seule, France Inter, qui diffusait quelques secondes de la cassette envoyée par Cho Seung Hui1 à NBC. NBC devait-elle diffuser cette cassette, cela apporte-t-il quelque chose ? Non, mais cela permet de faire de l'audience.

J'ai appris également la réouverture (ou la poursuite) de l'enquête sur la mort de Robert Boulin. A-t-il été tué et si oui, pourquoi, Robert Boulin avait-il menacé de rendre public des dossiers compromettants?
Aussitôt j'ai pensé à Pierre Bérégovoy. Je ne pardonnerai jamais sa mort à François Mitterrand. Je ne peux voter pour une personne venue de l'entourage de Mitterrand. Viscéralement impossible. Seuls ses « ennemis » socialistes trouveraient éventuellement grâce à mes yeux.



Note
1 : Cho Seung-hui, est le tueur responsable de la fusillade de l'Université Virginia Tech du 16 avril 2007, dans laquelle 32 personnes sont mortes. Il s'est suicidé.

mardi 13 juin 2006

Quelques règles quand on fait du stop

Heidi, furieuse que Biff l'oublie pour une partie de flipper, l'a planté là et est partie avec la voiture. La maison est à trente kilomètres. Biff marche. Une voiture s'arrête.

Le conducteur se pencha et ouvrit la portière, côté passager.
— Je vous dépose quelque part ?
— Pendant un instant, Biff eut l'impression d'être un animal; devait-il se débattre ou se sauver? Mais il savait qu'il n'allait pas tourner les talons et s'enfuir, alors il monta dans la voiture.
— Le conducteur aurait facilement pu être un tueur maboul. Vingt ans et quelques, de longs cheveux filasse, une vague barbe de quelques jours. Son vieux break était à la hauteur de la situation, lui aussi. Et il écoutait AC/DC. Mauvais signe. Biff avait lu quelque part que les tueurs maboul aimaient bien AC/DC, en général. Il y avait un chien à l'arrière. Le chien avait un bandana rouge noué autour du coup en signe de collier. Ça, c'était bon signe : en général les tueurs maboul n'étaient pas du genre à nouer des bandanas autour du cou de leur chien.

Randy Powell, Embrasser une fille qui fume, p.246
Je me souviens1 d'une fin de matinée de septembre que je faisais du stop dans les Corbières. C'était l'époque des récoltes, les fruits et bientôt le raisin. Toute la faune des saisonniers, tannée, musculeuse et malpropre, courait les routes. Une voiture s'est arrêtée, genre Ami8 beige, deux gars à l'avant à l'aspect pas très rassurant, maigres comme des chats de gouttière, un grand chien jaune à l'arrière, croisement de coyotte et de berger allemand. J'ai hésité. Je suis montée dans la voiture à côté du chien. Le conducteur a ri en démarrant.
— Pourquoi riez-vous ?
— J'avais parié avec mon copain que vous refuseriez de monter.
Je ne lui ai pas dit que ce qui m'avait décidée, c'était le chien.


En montant dans cette voiture, je ne respectais pas l'une de mes règles : ne jamais monter dans une voiture où il y a plusieurs hommes. J'avais des principes, plus ou moins rationnels, plus ou moins stupides. Il faut dire que la première fois que j'avais fait du stop, la personne qui s'était arrêtée pour me prendre était une femme qui m'avait dit plus tard : « J'ai hésité à m'arrêter, je me suis dis que tu draguais peut-être. » Cela résumait toute l'ambiguïté de la pratique. C'était une pro du stop, à l'en croire, elle devait son actuel emploi à l'auto-stop, et le père du bébé qui dormait à l'arrière avait également été rencontré en stop… (Je l'ai crue.) Elle m'avait donné des conseils :
— Si tu n'as pas envie de monter, ne monte pas.
— Mais je dis quoi ?
— Rien, tu joues l'idiote, tu fais la demeurée, tu dis que tu as changé d'avis.

Elle m'avait donné ce conseil absolument impossible à suivre, à moins de se résoudre à ne jamais monter dans aucune voiture : « Il ne faut monter que si le conducteur a un sourire d'enfant. » (Je n'ai rencontré qu'un automobiliste dont j'ai su au bout de dix secondes qu'il avait un sourire d'enfant. Le sourire d'enfant ne s'épanouit généralement qu'au bout de plusieurs minutes ou plusieurs heures. Ce n'est pas un critère utilisable quand il faut se décider très vite.)

J'avais donc élaboré mes propres règles. Je pense les avoir toutes trangressées.
- ne pas faire de stop à la nuit tombante ;
- ne pas monter dans une voiture conduite par un Arabe (fruit de l'expérience: ils ne sont pas méchants, mais il sort du cadre de leur compréhension qu'une fille qui fait du stop ne soit pas une pute. Autant éviter les malentendus, pénibles à gérer et assez déprimants) ;
- ne pas monter, donc, dans une voiture contenant plusieurs hommes ;
- ne pas monter dans une GS à la carosserie abîmée ou repeinte.

Ce dernier point est une généralisation hâtive tirée de quelques observations concrètes : la GS repeinte est (était, ça se passe il y a longtemps) conduite par un beauf pénible.
Ce n'est donc pas sans une certaine envie de rire que j'ai appris que je ne serais pas montée en stop avec Pascal. Mais peut-être que sa GS n'était pas repeinte. Ou peut-être qu'il ne s'arrêtait pas pour prendre les auto-stoppeuses.


Note
1 : Je suppose que je suis censée penser à Perec chaque fois que j'écris, dis ou pense "je me souviens". C'est trop tard, je pense désormais, et à mon avis pour longtemps, à certains posts de Gvgvsse.
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