Une heure de visite guidée du marais poitevin. Très impressionnant, très beau, très vert, très calme.



Plus de huit mille kilomètres de canaux paraît-il. Il y a eu beaucoup d'anguilles ici, mais elles ont été surpêchées. L'hiver l'eau inonde les parcelles qui sont comme autant d'îles (autrefois à la belle saison on y déposait les vaches par barque). Au IIe avant JC, tout ce territoire était inondé (et c'est celui qu'a inondé la tempête Xinthya en 2010); il a été gagné sur la mer par le travail des moines de Maillezais et d'ailleurs. Conserver les canaux est un travail incessant: ils s'élargissent et s'embourbent, plusieurs associations et organismes de la région les curent et replantent des frênes pour maintenir les berges.
Des portes destinées à évacuer l'eau donnent sur l'océan. Les vantaux forment une pointe qui avance vers la mer: quand la mer monte, elle bloque les portes, quand elle descend, l'eau du marais pousse les portes et se déverse dans la mer.
La simplicité du dispositif m'enchante. J'aimerais voir ces portes.

Repas près de l'eau sous la tonnelle. Nous contemplons l'adresse des jeunes gens dans les barques, pantalon gris et chemise blanche, qui orientent leur barque en tournant leur rame de quelques degrés. Nous piquons vingt minutes de roupillon à l'ombre d'un pommier avant d'être chassés: «Vous ne pouvez pas rester là, c'est la zone de décontamination des gilets» (qui pendent à l'air libre sous un hangar. On se croirait en pleine guerre nucléaire.)

Visite guidée de l'abbaye, avec un guide plein d'allant dont l'anticléricalisme est digne de celui d'un instituteur de la 3e République.
Lorsqu'il nous abandonne, nous nous installons sous le noyer derrière la nef. On est bien. Nous commençons nos recherches: il nous faut une chambre pour la nuit. Toujours la même erreur: l'été il ne faut pas s'y prendre au dernier moment le week-end, tout est réservé pour des mariages. L'hôtel le plus proche au sud est à Cognac.

Allons il faut repartir. Une dame vient nous interroger à la recherche d'un doudou. J'espère qu'elle le retrouvera. Nous sortons. Achat de cartes postales. La boutique a beaucoup changé en deux ans, beaucoup plus de livres sur la vie monastique et pratiquement rien sur Rabelais.
— Comment va ton genou?
À ce moment-là je pense «il faudrait passer acheter de la glace» ce qui me mène à «M***! on a encore oublié le médicament dans le frigo de l'hôtel!» (Je jure que ce n'est pas un running gag destiné à vous faire rire ou soupirer.)
Et donc demi-tour, retour à Fontenay-le-Comte. Il est presque six heures, il fait chaud, on commence à s'engueuler. Pause urgente: retour à Maillezais, diabolo-menthe sous la tonnelle, achat d'un couteau de poche pour découper notre pain d'épices.

Nous repartons pour Cognac par les petites routes. Décapotable le long des canaux puis dans la forêt. Nous sommes seuls, la chaleur s'apaise dans le soir.
Où dîner? Nous sommes au milieu de rien.
Aulnay. Place Aristide Briand. Le café ferme. Le bistro à vin ne sert pas de casse-croûte: «mais à la sortie de la ville, vers la gauche, il y a des Anglais qui servent des plats».

Relais d'Aulnay. Ils acceptent de nous servir si nous ne sommes pas pressés. Mais non, nous sommes prêts à tout pour avoir un dîner.
Notre table est une bobine en bois pour enrouler des câbles posée sur le flanc.
Chicken Pie. Onion rings. Mayonnaise. La nuit tombe, des leds s'allument.
J'entends un chuitement genre Dark Vador. Je tourne la tête.
— Oh, regarde !
Je montre à Hervé une petite chouette perchée sur une chaise proche. Elle bouge la tête, s'agite mais ne s'envole pas. Un autre couple la remarque. La serveuse revient. Je chuchote:
— Look, there is a bird.
Elle se redresse et s'exclame: — Oh, this is Bryan!

La petite chouette est venue un soir, la propriétaire lui a donné du saumon. Depuis, elle revient tous les soirs pour avoir son saumon.
La serveuse lui en donne quelques bribes puis la petite chouette s'envole.



Nous arrivons à Cognac tard dans la nuit.