Billets qui ont 'Bruges' comme ville.

Coronavirus

Tentative de se souvenir de la première fois que le sujet a été abordé en France: vers le 20 janvier?

C'est en train de devenir LE sujet de toutes les conversation. Cela attise ma curiosité et provoque un sourire sardonique. Je n'y crois pas vraiment — et quoi qu'il en soit on ne peut pas y faire grand chose. Les rayons de pâtes sont dévalisés. Des réactions étranges et choquantes sont rapportées (sur twitter), comme cette prof appelée à faire un test, mais sans que les parents des élèves ne soient prévenus (pour éviter la panique?) H. constate: «Maintenant tout le monde se lave les mains aux WC. Ça change.»

Ce week-end à Bruges se trouvait un équipage de Milanaises. Réaction exaspérée d'Anne: «Je ne comprends pas qu'on les ait laissé venir.» (Elle n'a pas tort.) Anne travaille dans l'industrie automobile: «Nous allons bientôt être en rupture de batteries [pour les voitures électriques], les chaînes vont s'arrêter.»
H. confirme: «Apple a annoncé une baisse de 20% dans le nombre de commandes qu'ils pourront satisfaire.»
C'est vraiment très intéressant. A quel point dépendons-nous de la Chine, pour les décorations de Noël ou... les masques de protection? Anne toujours (je ne sais pas si c'est vrai): «Maintenant qu'on sait que les masques sont fabriqués à Wuhan…» Quelles conclusions (et décisions) les autorités chinoises tireront-elles du fait que durant ces quelques semaines l'air est devenu respirable en Chine? Quelle bonne nouvelle, nous pouvons effectivement agir, et une action de fond produit des effets rapides.

Chez Engie, il faut déclarer au médecin du travail tout voyage hors des frontières. Dans ma boîte, nous avons appris hier qu'il y a un cas positif (porteur sain habitant l'Oise) au cinquième étage de l'immeuble d'en face. Ça se rapproche. (J'ai l'air de prendre cela à la légère, mais en fait il ne faudrait pas que H. l'attrappe. Il a les poumons délicats, encore fragilisés par le séjour en montagne à Noël.)

Je me souviens de quelqu'un (qui? un anticlérical ou un moine?) mimant la propagation des épidémies de peste ou de choléra (c'était avant le coronavirus, une simple discussion sur Dieu nous sauve): «Alors on allait à l'église prier pour que l'épidémie s'arrête. On était bien serré sur les bancs, on toussait dans le visage de son voisin…» (Ça m'avait fait un choc: P***, mais il avait raison!)

Je me souviens que lorsque nous avions vu Contagion (mauvais film), H. avait commenté: «il suffit que tout le monde reste chez lui quinze jours et ça s'arrête.» Quand je lui ai rappelé cela, il a répondu: «Vu le temps d'incubation, plutôt trois semaines.»

En bonus, quelques dessins de Boulet à propos du ciel qui nous tombe sur la tête. J'aime beaucoup la dernière photo.

Bruges

Personne ne croyait que nous courions ce matin, personne ne pensait que le temps s'améliorerait. Mais nous nous sommes donnés malgré tout rendez-vous à huit heures et demie. J'ai avalé un petit déjeuner seule (huit heures: l'heure de l'ouverture de la salle à manger. Quel touriste se lèverait plus tôt?) et je suis partie, avec au cœur quelque chose entre colère et détermination (pourquoi? je ne sais pas). Le soleil pointait mais il y avait encore beaucoup de vent.

Je suis arrivée au club, j'ai dit aux filles: «J'ai réfléchi: quinze minutes à 24 [cadence 24], puis 26, et quand on passe le pont on y va à fond.»
Nous avons regardé les skiffs, les doubles, les quatre partir avant nous. Je ne me souviens plus de rien, je ne sais plus quand nous avons emmené nos pelles au ponton, comment nous avons porté le bateau. Je ne me rappelle pas vraiment de la montée vers le départ (cinq kilomètres), Pascale me répétant que j'enfonçais trop ma pelle babord, moi prenant des repères: ici ça doit faire la moitié, là c'est la maison rouge des quatre cents mètres. Avoir été là l'année dernière était un avantage.
Nous avons beaucoup peiné pour faire demi-tour sur le canal étroit, nous sommes parties seules (pas de départ bord à bord), cadence 26 (et non 24). Et tout est allé très vite, je ne m'en souviens plus. Nous avons rattrapé un huit, nous avons été rattrapées par des quatre masculins.
A l'arrivée les filles étaient contentes (et non déçues comme à Tours où elles trouvaient que nous n'avions pas assez appuyé) et trempées (le vent provoquait de fortes vagues). Dans l'après-midi nous avons eu notre temps, 25'17''57, soit trois minutes de plus que l'année dernière. Les trois meilleures rameuses ne sont plus là (elles sont en compétition nationale), d'un autre côté nous sommes beaucoup plus entraînées qu'il y a un an, enfin il y a les conditions météo: quelle est la part de ces différents éléments?

J'ai aidé à démonter les bateaux jusqu'à une heure, j'ai avalé un petit pain rond et une tranche de jambon puis je suis partie. Douche pour me réchauffer, changement de tenue, il me manque des sous-vêtements chauds il y a tant de vent, j'empile mes deux pulls mode bibendum. La guide nous attend à la réception.

Visite guidée en français de deux heures sur le modèle de celle que j'avais faite en juillet 2017 avec O. L'église Sainte Marie la plus haute église en briques, l'hôpital Saint Jean devenu musée, grèle et averse (je pense aux Masters (rameurs vétérans) qui doivent être sur l'eau), béguinage, maison Dieu, maison du collecteur d'impôts (la taxe sur le levain de la bière), la guide raconte. Les canaux sont davantage des douves que des voies de circulation, pour dire "canalisé" ou "enterré" elle dit "voûté", quarant mille personnes ici au Moyen-Âge, puis l'ensablement et la mésentente avec Maximilien qui a poussé les commerçants à quitter Bruges (pour Gand? je ne sais plus).
Comme nous ne sommes que deux, elle nous fait entrer dans l'hôtel Crowne Plaza place du Bourg et demande l'autorisation de descendre au sous-sol: en voulant creuser un parking, les fondations de l'église carolingienne Saint-Donatien et des fresques de couleurs très fraîches ont été découvertes. L'hôtel a aménagé des salles autour et les loue.
Dans les anecdotes contemporaines, elle nous raconte que les prix des brasseries sur la place du marché sont si scandaleux qu'ils ont fait l'objet d'un rappel à l'ordre officiel (c'est passé à la télé), et comme je parle de l'immense parking sous Bruges, elle nous dit que son creusement a déstabilisé la tour de l'église Notre-Dame et que les travaux ont pris beaucoup plus de temps que prévu.

Gauffre, lait russe, hôtel pour se réchauffer.
Le soir dîner au Passage où nous pensons mourir d'indigestion en tentant de finir nos travers de porc: la portion fait trois fois la portion française. Une fois encore je pense à Astérix: «Et qu'est-ce qu'on met sur les tartines? Les bœufs!»
Je peux enfin boire une bière, il y a enfin des gueuze lambic (je déteste la bière jaune pisse d'âne amère).

L'attente

Que de boue…
Les remorques stationnent dans un champ détrempé, creusé par les tracteurs qui les y amènent. Note pour l'année prochaine: venir en bottes.

Nous avons rendez-vous à dix heures et demie pour remonter les bateaux.




Clé de 10, clé de 13, descendre les coques de la remorque (nous les filles sommes bien trop petites, quatre étages de bateaux), les mettre sur tréteaux, resolidariser les huits qui ont été coupés pour le transport (deux tiers un tiers, un quart trois quart, j'ai appris la semaine dernière que tous les huits n'étaient pas coupés à l'identique), remonter les portants, régler les hauteurs et les barres de pied.
Nous tranportons nos seize pelles au ponton, il n'y a plus qu'à attendre: nous courons dans la deuxième manche, à trois heures et demie.

Nous rentrons au chaud dans le club house. Sandwich, pâtes, tarte. Je contemple par la fenêtre les huits qui montent au départ. Comme le canal est étroit, tous les bateaux montent d'abord, les derniers à courir en premier pour être le plus au fond. Quand tous les concurrents sont arrivés, ils prennent le départ deux à deux en ordre inverse, les derniers arrivés les premiers à partir (méthode lifo en comptabilité: last in, first out).
C'est une méthode qui assure la sécurité (tous les bateaux vont dans le même sens, pas de croisement) mais qui fait que les derniers à courir ont froid très longtemps puisqu'ils sont les premiers à atteindre le départ et les derniers à le prendre.

Je contemple au chaud de la fenêtre les huits sous la pluie, dans le vent. Il y a énormément de vent qui creuse des vagues sur le canal, il pleut à verse. C'est long. Nous discutons, papotons, entre filles, avec l'équipage des garçons. Il faut tromper le stress, l'attente, il faut donner des consignes au barreur, ne pas se déconcentrer, ne pas s'engourdir ni se ramollir parce que dans quelques minutes, une heure, ce sera notre tour de sortir dans le vent et la pluie pour ramer cinq kilomètre, vingt-deux, vingt-cinq minutes. Je suis à la nage, la responsabilité est la mienne.

Je contemple le canal, j'ai peur de louper l'appel, j'appréhende de porter le bateau du champ jusque sur le ponton. Je vois des huits apponter, je ne comprends pas, la course a-t-elle eu lieu, des bateaux sont-ils passés? je n'ai rien vu, pas entendu de cris d'encouragement, ai-je perdu la notion du temps à ce point?

Une rumeur court: un huit de jeunes s'est retourné, la première manche est annulée, les bateaux reviennent.
Attente. Une décision doit être prise pour la seconde manche, la nôtre. C'est une lourde décision, des équipages sont venus de Milan, du Canada. Attente, il ne faut pas se déconcentrer malgré le peu d'envie de sortir dans le froid le vent la pluie.
Brouhaha. Annonce en flamand. What? Silence, concentration sur le filet de voix. Annonce en français. C'est annulé pour aujourd'hui.

Confusion. Monter ou démonter les huits, qui est disponible pour courir demain, la course va-t-elle être reportée, fera-t-il meilleur demain? Les organisateurs prendront leur décision à quatre heures.
En attendant, retour dans le champ pour monter les bateaux des Masters qui courent demain: deux doubles et un quatre. Problème de barres de force. Comme s'il avait obtenu satisfaction, le soleil apparaît par moments; le vent s'est calmé à quelques bourrasques près.

Il fait froid, tout est mouillé. Note pour l'année prochaine: prévoir beaucoup plus de chaussettes et de sous-pull et sous-vêtements chauds dits "techniques". Quelqu'un me donne le nom d'une marque, Ogarun: «c'est cher mais naturel, et puis fabriqué en France. On peut transpirer, ça ne sent pas mauvais. Ça fait un beau cadeau pour un jeune.»

Quatre heures, la décision tombe: les huits volontaires courront demain, à dix heures trente. Nous devons donner notre réponse, confirmer notre présence. Qui sera là, y a-t-il des rameurs qui repartent avant? Des équipages déclarent forfait car leur remorque repart dès ce soir. Les garçons s'organisent, je déplace la visite guidée de Bruges programmée à neuf heures demain. Je rentre à l'hôtel me réchauffer.

Le soir, nous dînons dans la même brasserie que l'année dernière. Débat sur un pipeline destiné à amener la bière: 5000 litres/heure annonce fièrement la carte. H. ne veut pas y croire: «C'est une blague, il n'y a pas assez de clients pour ce débit.»
Nous aurons l'explication le lendemain: ce n'est pas pour amener, mais emmener la bière qu'a été construit le pipeline. Il s'agit d'une brasserie au sens propre, d'un lieu de production, et le tuyau évite d'utiliser des camions dans le centre historique.

L'un des rameurs est corse et me remplit d'étonnement tant il correspond aux clichés d'Astérix en Corse: «Maintenant que j'ai fini cette demi-dalle, je vais balayer la demi-dalle suivante».
Caroline résume d'un lapidaire: «Ah oui, ça ne te dérange pas de parler pendant que les autres travaillent».

Vers Bruges

Un peu hésité : prendre la décapotable ou pas? le temps s'annonce mauvais, mais le but de cette voiture est bien de se promener. C'est parti pour un voyage hors autoroute jusqu'à la nuit.

Beauvais : nous découvrons le rouge beauvaisien, la statue de Jeanne Hachette, de multiples rappels de la guerre de 14-18. Il fait froid dans la cathédrale (nous sommes là pour elle, je voulais la visiter), elle paraît courte, quasi dépourvue de nef qui se fond dans les transepts. C'est la cathédrale gothique la plus haute du monde; elle en paie le prix: deux piliers sont étayés par une énorme armature en bois, plus loin c'est un gigantesque contrefort, une béquille, qui a été installé. Je m'interroge sur les calculs de force qui ont amené à ces travaux.
— Ce qui est sûr, c'est qu'ils n'ont pas été fait par des Français: les écoles françaises d'architecture sont les seules au monde à ne pas comporter de cours d'ingénierie. C'est comme ça qu'on se retrouve avec des projets qui prévoient du verre polarisé aux fenêtres de la TGB. «Vous avez calculé la surface nécessaire? — Euh non. — Bon ben on va faire autrement, alors.»

Puis Amiens. Maison Jules Verne qui est plutôt un musée. Beaucoup de collégiens, ce doit être une visite obligatoire dans la région. Des affiches Art déco, des reliures, un bel escalier en spirale. Très belle demeure. Malheureusement aucun "goodies", pas de carte géographie ou de reproduction d'affiche, simplement quelques livres de poche. Tant pis.
Il pleut (pluie picarde, nous a dit le garçon de café). Trou de mémoire, c'est bien d'Amiens que parle Proust et Ruskin? Drapeaux australien et néo-zélandais, la guerre est omniprésente. Cette cathédrale me rappelle Chartres et Notre-Dame de Paris. Nous déambulons rapidement et allons prendre un chocolat («chez Brigitte», me murmure H.) Il faudra que je revienne (sans H. qui est désormais allergique aux édifices religieux) un jour où il fera chaud et clair.

Pluie battante et vent dans la nuit noire sur l'autoroute.

Comme l'année dernière, nous avons rendez-vous au club de Bruges pour le dîner (nourriture de cantine). Puis hôtel Monsieur Ernest, le même que celui réservé avec O. en juillet 2017.

Bruges la ville

Ce matin je n'ai plus de voix. Du tout.

Tour paresseux en ville : à une dizaine rien n'est rapide. Pluie fine. Cathédrale, église, c'est dimanche, il y a des messes, on ne peut visiter. Béguinage, je me souviens de quelques explications de l'été 2017, mais bien peu.
Salon de thé. Impossible de monter au beffroi (ce qui était mon ambition) car trop de queue. Barquette de frites sur la place.

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Echanges de sms : mon chauffeur décide de partir à 13h30. Il passe nous prendre à l'auberge de jeunesse.

Retour : les mêmes qu'à l'aller, plus Anne-So. A un moment la conversation dérive sur le mariage pour tous et je découvre l'homophobie ordinaire. Le chauffeur a participé à la manif pour tous "parce qu'il faut voir ce que se prenaient les cathos". C'est bien pratique de pouvoir déclarer alors que je fais des études de théologie (c'est bien la première fois que j'en parle IRL, à part dans ce blog, je ne le dis jamais), cela donne un poids non-anticlérical à mon rappel des paroles de Monseigneur Vingt-Trois assimilant le mariage gay à la zoophilie.

Plus surprenant et plus douloureux est de découvrir la rigidité d'Anne-Sophie (que je n'imagine pas très engagée) qui déclare être gênée par les actuelles pubs dans le métro mettant en scène des couples d'hommes: «comment j'explique cela à mes enfants?»
En fait la question me paraît si absurde que je ne réponds pas car le développement serait trop long, et visiblement nous n'avons pas la même façon d'élever nos enfants. Tout d'abord le plus probable est que les enfants ne le voient pas: grâce à Dieu (si je puis dire) ils ne sont pas obsédés, eux, ils ne pensent pas qu'au cul, ils ne le voient pas, ne le comprennent pas et n'en ont pas vraiment conscience. Une fois qu'ils ont atteint l'âge où ils se sentent concernés, il n'y a plus grand chose à expliquer, mais le cas échéant, il faut aller à la vérité simple: «c'est une pub pour les préservatifs, ça évite d'attraper des maladies quand on fait l'amour.» Ça n'est pas si compliqué à dire.
Tout cela me traverse l'esprit, je ne réponds pas, par lassitude, parce que je ne vais pas la convaincre, que la seule façon de la convaincre serait de la faire rencontrer des amis homos, car je suis persuadée qu'elle ne doit pas en connaître — enfin, pas en connaître de déclarer, car statistiquement, il est probable qu'elle en côtoie.
(Il me semble d'ailleurs que c'est ainsi que la conversation avait commencé: j'avais remarqué que certaines expressions ou remarques pouvaient blesser des homos dont on ne savait pas qu'ils l'étaient; j'étais en train de plaider pour une certaine délicatesse de vocabulaire. J'avais eu droit à «on ne peut plus rien dire». Ben euh… d'un point de vue féministe je milite contre «on s'est fait baiser»: si c'est pour ainsi dévaluer la chose, cela ne donne pas envie de pratiquer. «On s'est fait avoir» est une option envisageable, ce n'est tout de même pas si difficile. Bref.)


Arrêt à une station-essence sur l'autoroute. Je m'aperçois que j'ai oublié mon blouson sur le dos d'une chaise à l’auberge de jeunesse avec pass Navigo, lunettes et clé de la maison. Nous faisons appel aux rameurs encore à Bruges qui passent récupérer mon blouson. Il me reste à les attendre à La Défense. J'ai deux heures devant moi. Je prends un billet pour Dragons 3 à La Défense (le seul dont l'heure de début soit adéquate) puis m'introduis en douce au milieu d'une séance de Greenbook. J'en regarde les cinquante-et-une minutes de la fin (soyons précis). Cela m'a rappelé un épisode de ma pire expérience en entreprise.

Je rentre. H. partait à Nantes à l'heure où j'arrivais à Paris. J'aide O. à passer deux cables internet à travers le mur de la chaufferie au salon.

Bruges les courses

— Mais alors, tu vas passer quatre heures dans le bateau! me dit Patrick B.
Damned, je n'y avais pas pensé ainsi: mais effectivement, barrer successivement les garçons puis les filles va me faire monter dans le bateau vers midi et en descendre à quatre heures.

L'organisation est la suivante : les bateaux montent vers la ligne de départ dans l'ordre inverse des numéros de concurrents (les plus grands numéros en premier: c'est notre cas puisque le bateau des garçons est le 44) puis partent deux par deux bord à bord dans l'ordre de leurs numéros — ce qui fait que les derniers arrivés sont les premiers à courir et les premiers arrivés au départ attendent le plus longtemps.

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Nous montons les cinq kilomètres. J'ai des problèmes avec la coxbox (appareil qui sert à mesurer la cadence (coups/mn) et à alimenter le micro qui permet de communiquer avec les rameurs (le dernier rameur est à dix mètres du barreur). Bien qu'elle est été en charge toute la nuit, elle paraît faiblir. Nous faisons quelques exercices.
Nous avions été prévenus qu'il fallait passer sous un pont en se penchant sous peine d'être décapités: de loin c'est impressionnant, il paraît impossible de passer sous un pont si bas (mais si).

Demi-tour. Attente (le temps pour l'un des rameurs de faire pipi debout dans le bateau: j'ai refusé d'aborder par peur d'abîmer la coque. Comme me dirait la nage (le rameur devant moi): «Je n'aimerais pas être le rameur derrière lui»). La coxbox rend l'âme. Nous repassons sous le pont bas. Bord à bord au pré-start: il s'agit de s'aligner, partir, mais le chronomètre n'ait déclenché que cinquante mètres après. J'entends "go", "mes" rameurs partent, nous venons de voler le départ à nos adversaires (ce qui n'a pas d'importance pour le chronomètre, mais beaucoup pour le moral).

En quelques minutes, nous remontons trois bateaux: nous avons démaré trop vite, cela ne faisait pas une minute que les précédents étaient partis. La cadence est 26, je hurle en scandant, je scande en hurlant, plus de coxbox, la nage voudrait que je ralentisse à 22 mais je ne le lui permets pas: vingt-six, c'est normal pour une course. Je ne vois rien, je ne sais pas où nous en sommes, combien de temps avant l'arrivée?
Ils feront le meilleur temps des "loisirs" (recreaten) masculins.

Arrivée, remontée du bateau sur tréteaux pour changer les réglages pour les filles. J'avale une soupe. Il fait gris, il bruine à peine mais il ne fait pas froid. Je remonte dans le bateau. Nous repartons. Cette fois-ci je regarde les rives pour prendre des repères; j'ai vécu le premier parcours comme un rêve. Les filles résistent mieux que je le craignais à l'absence de coxbox (j'appréhendais une déconcentration découragée).

Bateau 92. Cette fois-ci c'est nous qui nous faisons voler le départ. Deux coups de rame de retard, je le verrai plus tard sur les vidéos. Les filles s'accrochent, remontent. Je scande le rythme, je sais que si Anne-Sophie tient, elles tiendrons (et je sais qu'Anne-Sophie tiendra). Soudain l'autre huit se décourage et décroche. Nous partons à la poursuite du précédent, loin devant, à une minute d'écart.

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Plus tard Anne-Sophie me dira: «quand tu as commencé à hurler j'ai cru que tu te tairais au bout de dix coups mais tu as continué». Nous rattraperons pratiquement le bateau précédent qui nous fera une queue de poisson à cinq cent mètres de l'arrivée. (La nage s'excusera quelques heures plus tard : la barreuse de ce bateau est connue pour sa maladresse).
Troisième huit loisirs de filles. Elles sont devant un bateau mixte.

Démontage des bateaux. Remontée sur la remorque. Pelles, portants, tréteaux. Attente des résultats.
Nous sommes en retard pour la réception à l'hôtel de ville pour les cent cinquante ans de la course. Tant mieux, penserai-je une demi-heure après mon arrivée : impossible de rester assise aussi longtemps après une journée de sport.

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Tous les clubs sont appelés tour à tour. Pour la première fois un club turc est venu, chaleureusement applaudi. Et des Italiens, des Allemands, des Anglais, des Hollandais, des Hongrois.
J'espère en l'Europe même si j'ai peur pour elle.

Restaurant. Parmi tous nos bullshit jobs, un rameur a un métier passionnant: luthier, spécialisé dans les archers, et plus particulièrement dans les archers de contrebasse.

Aller à Bruges

RV au pont de Sèvres à quatre heures.

Voyage dans la voiture d'un couple de rameurs (ils se sont mariés depuis l'époque du lac de Vouglans). Le quatrième est Patrick, un ami de Virginie. Discussion à bâtons rompus. Par chance nous avons vu à peu près les mêmes films, ce qui permet d'avoir des références communes.

Nous discutons entre autres Gilets jaunes et de la France divisée. Patrick est persuadé que tout cela remonte à la défaite de 40 dont nous n'avons pas tiré tous les enseignements. «Lis L'étrange défaite de Marc Bloch, tu verras.»

Le soir, dîner au club. Puis auberge de jeunesse (oui, c'est bien la jeunesse de ces corps enchevêtrés sur les canapés en train de boire, regarder la télé ou écouter de la musique qui nous frappe quand nous entrons dans l'auberge). Je dors avec Anne-So, les autres sont dans une chambrée de six. Je m'endors très vite.
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