Billets qui ont 'Pau' comme ville.

De Pau à Ay***s

Nous n'avons rien vu à Pau.

Hier, pendant le dîner, j'ai réservé deux places au Gueuleton. Ce matin nous avons pris tout notre temps, puis nous sommes allés déjeuner dans ce restaurant. J'avais ensuite pris un rendez-vous indispensable pendant les vacances: un rendez-vous chez le coiffeur pour «faire les racines», car je déteste autant les racines que j'aime avoir les orteils à l'air.
Ayant ainsi décidé de perdre allégrement le temps précieux des vacances, j'ai lu deux ou trois Paris-Match, avec des photos de Léon Marchand et Charlène de Monaco (c'est décidé, à Noël je demande un abonnement à Paris-Match, c'est toute mon enfant, mon amour des robes sans manche (d'où l'importance du bronzage sans tee-shirt) est directement issu de Jackie Kennedy-Onassis dans Paris-Match); j'ai posé des questions sur les palmiers de la place et la neige paloise (quelques centimètres deux heures dans l'année. Les palmiers résistent.)

Pendant ce temps, H. a expérimenté le funiculaire entre l'esplanade et la gare et a tourné dans la ville.

Nous sommes repartis pour Ay***s (dans la vallée d'Aspe), but de notre voyage. Je me suis invitée chez une amie de collège pas revue depuis trente ans. Elle poste si souvent des photos de la montagne devant ses fenêtres que je voulais voir. Elle habite l'ancien presbytère accroché à la paroi. On entre au niveau de la cuisine, les chambres d'hôte et la terrasse sont un niveau au-dessous, sa chambre un niveau au-dessus: «il y avait les pièces du curé, en dessous la jument et au-dessus le fenil.» Ici la brume s'accroche aux montagne et on peut être trois jours sans voir le soleil.

Nous prenons l'apéro en terrasse. Sonnailles des cloches et cris des hirondelles, fort bruit d'eau: un torrent alimente une centrale qui permet aux villages de la vallée d'être autonomes en éléctricité. «C'était pareil en eau, on avait la source; mais maintenant on va avoir un compteur et payer plus cher.»
Elle raconte ses aventures de propriétaire de gîte. On est loin des anecdotes attendrissantes et des récits «les gens sont merveilleux». Il en ressort le portrait d'une vie précaire, dépendante du moindre incident économique, la douche en panne ou la télécommande de la télé cassée. A côté de cette précarité il y a des avantages en nature inestimables, comme son compagnon logé sur les terres d'un vignoble bordelais ou son fils dans les vergers des puneaux d'Agen.
Le gîte semble tout juste à l'équilibre financier; l'hiver, c'est un gouffre à chauffer. Elle complète ses revenus (un tiers de retraite pour un départ de fonctionnaire très anticipé suite à un «accident de la vie») en salant des fromages. «— Tu as les mains dans quel état? Tu mets des gants? — Non, ça va. On nous donne des gants mais je fais ça à mains nus.»

Nous avons joué à retrouver la dernière fois que nous nous sommes vues; peut-être pour les 65 ans de René, en 1996. Elle venait de se marier, n'avait pas encore son troisième. Elle a passé quatre ou huit ans à Mayotte (je ne sais plus); en revenant elle s'est installée huit ans comme sage-femme libérale, elle ne supportait plus l'hôpital. «J'attends 67 ans pour toucher la retraite de cette période. Ça va faire combien? Cinquante euros par mois?» Elle nous raconte les visites à domicile, le nombre de kilomètres parcourus. «—Je n'imagine pas ce que tu fais, il y a beaucoup de travail? — Ça n'arrête pas. Les visites avant pour rassurer, après pour le suivi de couches, les monitorings… A Mayotte, les routes étaient tellement mauvaises qu'elles accouchaient toutes dans le camion.»
Elle nous prépare une mixture dans un Thermomix: myrtilles congelées et un peu de crème ou d'eau, je ne sais. Cela produit une pâte assez lisse et délicieuse.

Je ne sais plus ce que nous avons raconté. La lune était pleine ou presque. Dans la boîte à livre j'ai récupéré un Glauser.

De Bergerac à Pau

Promenade au bord de la Dordogne avant de partir pour Pau. La ville n'en finit plus de célébrer Cyrano qui apparaît à tous les coins de rue.

Hésitation sur la route à suivre. Je choisis Duras, simplement pour le nom.

Visite du château. Il a ceci d'émouvant que son état actuel est le fruit de la persévérance du village entier, d'abord pour l'acheter, ensuite pour le rénover, enfin pour le faire connaître; tant et si bien qu'il y a cinq ou six ans le prince de Monaco a visité le lieu en lien avec ses ancêtres.
C'est une bâtisse qui par son plan carré et ses quatre niveaux est plus grande qu'il n'y paraît et nous terminons la visite vers une heure de l'après-midi, ce qui est tard pour un diabétique. Repas léger sous les arcades (du type smoothie bio et légumes lait de coco — je me moque, mais aussi du snobisme qui consiste à se moquer, car en réalité ce genre de plats est souvent délicieux et digeste) et achat de tongs de compétition en vente en face — les dernières achetées à Sisteron étant devenues importables à force d'être détendues (mes deux obsessions de l'été: avoir les orteils à l'air et bronzer — des jambes et des bras, sans marque de tee-shirt).

Nous repartons. Traversée des landes dans leur extrémité orientale, déviation et détour, nous sommes seuls, il fait beau. Nous avons recapoté pour nous protéger de la chaleur.
Soudain coup de volant. Je me réveille, H. vient de redresser la voiture qui traversait la route, je me suis endormie en conduisant.
C'est toujours le même phénomène, le glissement de la réalité au rêve avec une puissance du rêve telle qu'il me semble être éveillée. Sommeil profond, je ne me suis rendue compte de rien, je n'ai même pas lutté. H. sera très élégant, il n'en reparlera pas.

Nous voyageons au jugé, attirés par les noms: Casteljaloux, Cazaubon, un diabolo-menthe à Aire-sur-l'Adour. Arènes, publicité pour des courses de taureaux ou de vachettes — est-ce de la vraie corrida? Ici comme à Bergerac, parcours sur la libération de la ville. J'aurais bien visité Nérac, je serais bien passée à l'abbaye de Flaran que j'ai aperçue à l'ouest sur une carte, mais nous avons rendez-vous demain soir dans la vallée d'Aspe et ne sommes pas très sûr des difficultés devant nous: ce n'est pas si loin, mais si cela devient vraiment montagneux, nous n'irons pas vite.

Pau. J'imaginais cette ville dans les premières contreforts des Pyrénées, je suis surprise de la trouver presque dans la plaine. Le Béarn. D'Artagnan et Henri IV. Ça me fait plaisir.
Quality hotel Centre Bosquet. Les deux hôtesses de l'accueil sont charmantes et nous recommandent sans hésiter deux restaurants quand nous leur demandons une adresse.
Nous sortons. Rues piétonnes animées, moustiques voraces, palmiers nombreux. Lundi soir: première adresse (le Gueuleton) fermée, deuxième adresse (Ô petit Pau) fermée. Il est vingt heures, nous reprenons notre ronde. Les terrasses sont pleines, les touristes en déroute (dont nous) se font éconduire, un, deux, trois restaurants, tout est réservé, il n'y a plus de places, ou pas assez de serveurs ou pas assez de cuisiniers: il manque du personnel partout.

Nous finirons par échouer dans un restaurant indien, d'abord à l'extérieur puis à l'intérieur quand la nuit deviendra trop fraîche. A la table d'à côté, un homme entre militaire et garde du corps raconte à sa compagne (est-ce un premier rendez-vous?) le faux attentat organisé par Mitterrand contre lui-même. Il explique que l'attentat contre Trump est tout à fait invraisemblable: «un tireur d'élite atteint sa cible à deux kilomètres, alors à cent cinquante mètres, c'était impossible de le rater».

Quand nous rentrons, j'allume la télé. Delon est mort hier. Nous voyons les dernières minutes de Plein soleil. J'ai lu le livre (Monsieur Ripley) mais jamais vu le film.
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