Billets qui ont 'Treblinka' comme ville.

Chez mes parents

Nous arrivons chez mes parents dans l'après-midi. Je voulais passer chez eux avant qu'ils ne partent en road-trip pour la Pologne.
Nous n'avons pas du tout la même conception du voyage qu'eux: tandis que plus nous roulons plus le but recule car je trouve toujours de nouveaux centres d'intérêt et détours, leur voyage est chronométré à la demie-heure près. Je suppose que cela rassure ma mère; pour ma part ça m'oppresse.

Je regarde la Pologne en forme de patate. Ils vont quasi en faire le tour pour aller visiter la dernière forêt primaire (avec l'espoir de voir des bisons) puis descendre dans le sud voir la famille de papa. J'en profite pour repérer Treblinka, le site que moi j'irais voir en priorité en Pologne (mais ça, je ne le dis pas, je n'en parle jamais. Je pense que j'aurais beaucoup choquée ma grand-mère): 80 km de Varsovie, je n'aurais jamais imaginé que ce soit si près.

Une plante dans le salon :
— Qu'est-ce que c'est?
— Un caféier. J'ai planté un grain de café ramené du Costa-Rica.


2019-0406-cafeier.jpg


Nous discutons jardin et oiseaux. Je pensais que nous n'avions plus de vers de terre dans le jardin car je ne voyais plus de merles: non, c'est que les merles ont été malades et ont quasi-disparus.

Hantée

Pour me détendre, changé la terre et le pot de deux plantes. La femme de ménage était moyennement contente (j'avais utilisé un grand sac poubelle pour protéger la moquette.)

Comité financier à 14h30 à Paris dans des étages désertés (l'immeuble sera quitté définitivement demain soir, nos interlocuteurs sont dans les derniers sur le navire), je rentre tôt.
Mardi en passant à la bibliothèque Audoux, j'ai feuilleté sur une table Une année à Treblinka de Jankel Wiernik. Je suis tombée sur le passage où les fosses du début sont rouvertes pour que les corps en décomposition depuis plusieurs mois soient brûlés. Jusqu'ici, je n'avais lu cela que dans Le Livre noir d'Ehrenbourg et Grossman, et malgré toute ma confiance et mon admiration pour Grossman, je ne pouvais m'empêcher d'espérer que ce n'était pas entièrement vrai, que Grossman avait exagéré, ou rêvé, ou extrapolé… Mardi soir, en rentrant à minuit, j'ai rouvert Le livre noir pour vérifier si Grossman indiquait Wiernik dans ses sources (non). L'extermination me hante, je résiste au désir de me remettre devant Shoah, cette pulsion me tient depuis La Chute, et surtout depuis le témoignage de Frau Junge.

Je regarde Sophie Scholl, emprunté mardi. Les dernières minutes, le couloir vers la guillotine, la guillotine (je croyais qu'elle avait été décapitée à la hache: adaptation pour le film?). Je pense à Dostoïevski décrivant la dilatation du temps vécue par le condamné à mort, encore deux rues, encore un coin à tourner, encore une rue…
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.