Billets qui ont 'musée de l'Hermitage' comme monument.

Journée à Amsterdam

Quitté l'appartement assez tard. Vent froid. J'avais oublié l'irréel des façades. Les canaux sont vides, inutilisés. Ce n'est pas Venise, la vie de Venise sur les canaux. J'avais oublié aussi les vélos, tant de vélos, si rapides et décidés. Quelle drôle de ville, sa netteté me met mal à l'aise (tous ces intérieurs parfaits en vitrine, tous ces bureaux de designers, toutes ces chaises blanches) et pourtant je pourrais bien travailler ici, dans ce silence studieux.

Pouvoir d'achat: Hervé manque de s'évanouir devant une petite bombe de mousse à raser Gillette à quatre-vingts centimes (recherche sur l'iphone du prix en France: plus de deux euros pour une marque propre de moindre contenance).

Musée de l'Hermitage. Expositions de services de vaisselle des tsars (se terminant curieusement par un service offert… à Staline qui ne s'en est jamais servi) et de portraits de groupe, véritable ode aux défenseurs de la ville à l'Âge d'or. La ville avait un système de prise en charge des pauvres très développé car la misère était mauvaise pour le commerce (étonnant que tout cela n'est pas produit d'écrivain à la Dickens). Les bâtiments du musée étaient eux-même un hospice pour les femmes seules de plus de cinquante ans.
L'exposition se termine en expliquant que les associations restent exceptionnellement développées à Amsterdam, avec des décisions collégiales sur la base du consensus (et non de la majorité), ce qui me laisse pantoise: arrive-t-on à prendre de bonnes décisions par consensus? N'est-on pas condamné aux demi-mesures? Il faudra que je regarde le comportement des Pays-Bas dans les institutions européennes.

Hervé laisse un pourboire au vestiaire: «Je viens de laisser trois bombes de mousse à raser».

Concert d'adieux de Mariss Jansons au Concertgebouw (c'est pour cela que nous sommes là). 4e de Mahler très tendre. Le son de cet orchestre est vraiment particulier, attentif, je n'ose dire "prévenant" ou "attentionné".

Une vraie journée de touristes

Musée Rijksmuseum. Pas de queue. Nous mettons deux minutes à comprendre les chiffres sur la façade, 98 23 14 : jours, heures, minutes avant l'ouverture du musée rénové.
En attendant nous avons droit à une version réduite, quelques salles, Rembrandt, Vermeer, bien sûr, mais aussi de très beaux objets et meubles. Et une horloge très amusante et résolument moderne.

Dans la tradition "mangeons pour guérir", nous faisons un grand détour pour trouver un restaurant vietnamien — qui sera fermé, bien entendu. Mais enfin, cela nous aura permis de voir le temple bouddhique d'Amsterdam. Nous mangeons donc chinois, une soupe que nous n'aimerons pas (boulettes de viande et côtes de blettes) mais qui ne nous pèsera pas sur l'estomac.

Musée de l'Hermitage pour voir les Van Gogh accueillis ici pendant la rénovation du musée du même nom. Pas de queue (nous avons acheté nos billets devant le Rijksmuseum). Très beaux tableaux, les Tournesols et les Iris sont ici. L'exposition est organisée en thèmes (cinq: la nature, la jeunesse, l'influence japonaise, et je ne me souviens plus). Copie étonnante d'un tableau japonais, vergers au printemps, Bible, tête de mort fumant (elle est ici). Tous les tableaux sont d'Amsterdam, c'est une exposition entièrement domestique qui m'a beaucoup plu.

Puis dans le même musée exposition dite des "Impressionnistes", mais "de la seconde moitié du XIXe siècle français" serait plus exact. C'est d'ailleurs très intéressant, rythmé par des coupures de journaux expliquant les évolutions de la mode dues aux transports en commun (finies les robes à crinoline), le salon des refusés, l'invention du tube de peinture (1841) qui permet aux peintres de sortir de leur atelier, etc.
Cela donne l'impression étrange de se promener "chez soi", d'Haussmann à Versailles en passant par Montgeron ou les plages de Normandie. Soudain je comprends que la peinture du XIXe siècle a été française comme celle de la Renaissance a été italienne et celle du XVIIe hollandaise (oui, cela ne m'était jamais venu à l'esprit avant d'être à l'étranger).

Café et pâtisserie dans un coffeeshop en contrebas de la route; vautrés dans des canapés nous commentons les arrivants (nous essayons de deviner leur nationalité — de jeunes Russes ressortiront en découvrant (sans doute) qu'il n'y a pas d'alcool, d'un couple dont je dis "Lui a l'air très amoureux", H. répond "donc français", ce qui me fait rire (est-ce vrai? très amoureux donc français?)), dans la grande tradition des petits vieux sur leur banc ou des vieilles derrière leur rideaux.
L'intonation de la langue néerlandaise est le même que celle de l'américain, et les mots de la cuisine viennent du français sans traduction.

Le soir Einstein on the beach puis pub irlandais.
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