Billets qui ont '2016-08-22' comme date.

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Le petit déjeuner n’est servi que jusqu’à neuf et demie, ce qui nous sauve: à cette heure-là nous sommes sur le pont-canal que nous traversons en flânant, nous observons la Loire, avons le bonheur d’apercevoir le point bleu d’un martin-pêcheur qui plonge à plusieurs reprises.

A dix heures nous sommes le long du chemin de halage à observer une grosse maison de maître (douze pièces principales, cinq —cinq!— caves, nous avons vu l’annonce dans une agence immobilière) en vente depuis si longtemps que la vigne vierge envahit les fenêtres. Il devient urgent de prendre soin de la toiture dont quelques tuiles semblent avoir bougé. Un peu plus loin, de l’autre côté de la rue, une maison aussi grosse est également en vente, mais confiée à une agence hors de Digoin.

Vivre ici: ce ne serait pas raisonnable (autant s’installer à Tours) mais je comprends au désir que j’en éprouve que je ressens un vrai besoin de paix.

Direction Nevers par les petites routes, un temps magnifique, «un temps de cabriolet».

Nevers désert, cette ville semble morte lundi au mois d’août. L’été, il y a les villes qui se vident et celles qui se remplissent, celle-ci est désespérante.
Le château des ducs de Nevers ne se visite pas à proprement parler, son accès est libre. Il est utilisé pour des expositions et par la mairie, un escalier neuf a été installé: je préfère cela à la momification. Ces trois semaines de voyage nous ont montré à plusieurs reprises que rien ne valait les châteaux habités, utilisés, vivants. Même les salles sous les combles utilisées par conseil municipal sont accessibles; c’est en tout cas ce que nous avons compris d’un film diffusé au sous-sol: il était si didactique que nous avons jugé inutile de monter dans les étages…
Bernadette Soubirous a vécu à Nevers les quatorze dernières années de sa vie et y est enterrée.
O. ne connaît pas la botte de Nevers mais Le Bossu n’est pas en vente au château.
Passage dans la rue Marguerite Duras (cf. Hiroshima mon amour).

Nous repartons dans la campagne par des routes un peu plus importantes. Château de Guédelon, nous y étions passés en 2003 au début du projet, c’est devenu une point de passage important, deux parkings et celui des bus. Poussière blanche et odeur animale. Trop cher pour une visite qui nous intéresse peu (quinze euros) mais je tiens à passer par la «boutique aux goodies»: je suis fascinée par les cochonneries (produits dérivés) qui s’y trouvent, autant par leur invention que par leur vente. H. achète de la confiture et des gâteaux.

— On revient avec combien de pots de miel?
— Trois : le château de Bazoches, l’hôtel à Digoin, et la Camargue au bord de la route.
(Digoin: le miel du patron, payable à part, pas avec la note de l’hôtel-restaurant, «c’est la caisse de la patronne».)

Rogny-les-Sept-écluses, aménagement commencé sous Henri IV, désaffecté depuis cent cinquante ans. Admirable et si tranquille. Les hirondelles effleurent l’eau, la touchent, nous ne comprenons pas si elles boivent ou attrapent des daphnies.

Nous rentrons. Montargis, Nemours, Fontainebleau. L’autoroute (chemin le plus rapide) permet d’arriver dix minutes plus tôt (que le chemin le plus court), nous dit Waze. Nous restons sur le chemin des écoliers: pourquoi serions-nous pressés de rentrer?

En carafe

Le petit déjeuner étant servi jusqu’à onze heures, c’est l’heure à laquelle nous quittons l’hôtel.
Détour pour aller voir au bout de la rue le restaurant Troisgros: apparemment la façade a beaucoup changé (n’a plus rien à voir) avec les souvenirs d’H.

Roanne Digoin par les petites routes. Nous arrivons aux Diligences sans avoir tout à fait le temps d’avoir faim.

C’est alors qu’H. flashe sur une bouteille de Nuits-St-Georges de 1971:
— Mais nous ne pourrons pas la boire et reprendre la route, il va en rester.
— A ce prix-là, je l’emmène!
— Mais elle va avoir chaud, dans la voiture.
Nous nous regardons.
Et c’est ainsi que nous décidâmes de prendre une chambre sur place, afin de pouvoir boire tranquillement notre bouteille, laisser s’aérer le vin — et accessoirement dîner ici ce soir.

Après-midi à ne rien faire sur le balcon de la chambre qui donne sur la Loire, au loin. je regarde les clubs d'aviron les plus proches — ils sont loin, Mâcon, Le Creusot. O. a fait remarquer que Digoin est au barycentre de Tours-Mulhouse-St-Rémy…

Au cinéma à sept heures, Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, avec Patrick Dewaere malchanceux et charmeur. Revoir la France de 1979, se souvenir que le foot rend fou et entendre le patron d'une grosse entreprise normande qui subventionne le club local dire: «j'entretiens onze imbéciles pour avoir la paix avec huit cents». Un bon film.

Puis fin de la bouteille au dîner.

Vers le sud

Nous sommes partis à dix heures du matin. L’idée avait été de rejoindre Roanne pour essayer de retrouver un restaurant mémorable de l’été 2001, mais de petites routes en petites routes en essayant vaguement de suivre la Loire, nous sommes arrivés à Digoin. Le premier restaurant croisé, quasi en bord de Loire, s’appelait Les Diligences. H. jure que c'est lui, le restaurant mythique de son souvenir. Je ne sais pas.
Quoi qu'il en soit, nous y avons déjeuné comme des rois. Le temps d’acheter un atlas routier au bureau de tabac (qui propose un point Nickel) sur la place de l’église (sur laquelle nichent des cigognes: leur nid déborde de la tour-clocher) et nous repartons. C’est très joli, Digoin. Sûrement froid l’hiver, mais très joli un après-midi d’été. Et il s'y trouve un cinéma à la programmation admirable, j'y note pour cet été Oncle Bernard et Le Sociologue et l'ourson, ce qui me fait éprouver aussitôt de la confiance envers les Digoinais (une ville de huit mille habitants qui programme ces titres avec succès? Yerres ne l'a pas tenté.)

Lors d’un arrêt à Ste-Catherine d’où la vue s’étend jusqu’aux Alpes (à moins que ce blanc, ce soit des nuages?) nous suivons quelques minutes de reportage sur les usines Maserati: deux mille véhicules par jour sont prévus, mais qui va donc les acheter?

De proche en proche nous avons rejoint l’itinéraire bis Valence-Marseille. Faubourgs de Vienne, nous traversons le Rhône, nous allons vers Hauterives (Facteur Cheval). Le but est de descendre le plus possible en évitant les bouchons. Je ne tiens plus assise tant la route tourne et le siège frotte sur la chair à vif. Tant pis. Je commence la Correspondance d’Hegel. Savoureux et époustouflant: les lettres Schelling-Hegel, 19 et 24 ans; Schelling envisageant d’écrire dans l’année un pendant à L’Ethique de Spinoza. La grande affaire est l’absorption de Kant: comment faire comprendre au reste de la population qu’il s’agit d’une révolution et non d’une sorte de mode déjà banalisée?

La recherche d'un hôtel s'avère compliquée: rien sur Booking qui annonce que les hôtels sont complets à 97%, un hôtel complet à Beaurepaire nous fait comprendre que les hôtels accueillent non seulement les touristes mais aussi des mariages; hôtels et gîtes complets à Hauterives; un hôtel, deux, trois, complets à Romans. L'aimable propriétaire du dernier (L'Orée du Parc) téléphone à des confrères: tous les hôtels de la chaîne Accor sont complets et il commence à être trop tard pour que nous espérions trouver ouverts des hôtels indépendants: faudra-t-il réellement dormir dans la voiture?

C'est alors qu'O. a une idée de génie: il repère sur la carte google un hôtel excentré: peut-être qu'il restera de la place? Oui, mais pas du tout parce qu'il en reste: parce qu'une famille avec trois enfants qui avaient réservé deux chambres a finalement décidé se tasser dans une seule (une suite): nous aurions téléphoné vingt minutes plus tôt, il n'y avait pas de chambre.
C'est ainsi que nous arrivons à la nuit noire à St-Jean-en-Royans. Un plat de ravioles nous attend: la cuisine fermait, la propriétaire l'a fait préparer en prévision de notre arrivée.
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