Billets qui ont '2022-02-21' comme date.

Ergo

Cette histoire de Mâcon me turlupine.
En janvier, selon le rituel des bonnes résolutions ou peut-être pour les Culs gelés, j’avais visité une salle de sport à Vincennes, mais elle n’avait pas l’équipement que je souhaitais. J’avais abandonné.

J’ai décidé de réessayer dans une autre salle.
J’arrive au comptoir. Je ne sais pas par quoi commencer.
L’hôtesse, compréhensive: — Vous ne savez pas ce que vous voulez?
— Si, au contraire. (Je prends une inspiration.) Est-ce que vous avez des rameurs?
— Oui, au fond de la salle.
— Je peux les voir ?
Elle débloque le portillon.

Murs noirs, sols noirs, pas de musique, souffle des machines. Ergo hydrauliques, flambant neufs. Ce n’est pas du tout ce que je cherche, un ergonomètre utilisé dans les clubs d’aviron.
Je reviens.
— Ça va ?
— Non, ils sont presque trop beaux, ce n’est pas ce que je cherche.
— Vous cherchez quoi?
— Un rameur de marque Concept.
— Il y en a d’autres à l’étage. Vous voulez aller voir?

Elle redébloque le portillon. Je monte à l’étage, en manteau rouge et bottes parmi les corps transpirants, casque sur les oreilles. Quelques regards me suivent, mais si peu. Chacun est dans son monde, à la poursuite de son but.

Il y en a deux, dressés contre le mur, que ce soit parce que la place manque ou parce qu’ils sont rarement utilisés. J’en mets un à plat, teste la chaîne, les piles. Ils ont l’air en meilleur état que ceux de Yerres.
Je redescends et je signe. Pas d’abonnement, je pars en avril. Contrat fixe pour un mois.

Même emploi du temps

Presque la même journée, avec un temps plus couvert.

Double avec Françoise. Sylvie m’a amené une veste-anorak qui lui vient de son entreprise: veste contre le froid des salles de test pour les moteurs. Elle ne s’en sert plus, elle me la donne pour ma fonction de barreuse.
Cela me fait fait énormément plaisir. J’aime beaucoup cette veste (j’avais déjà porté celle de JM, trois fois trop grande), très chaude, à l’odeur particulière du kérosène (se shooter au kérosène ou au gazole des tracteurs, à la graisse des machines agricoles).

D’autre part elle me remonte le moral quand je partage à mi-mots mes doutes sur notre participation à Mâcon.
— Ça nous permettra au moins de faire une reconnaissance du parcours pour la course en huit du dimanche.
C’est vrai. Je n’y avais pas pensé. J’en suis rassérénée.

De nouveau sieste, de nouveau décapotable, Champagne, Féricy, Fontaine-le-Port. Je discute longuement à Féricy avec un amoureux de MX-5. Je repars avec son 06 pour le tenir au courant de nos actions militante. J’en suis toute étonnée.
Le soir on me redit de ne pas faire cela seule: « J’espère que tu n’étais pas seule. Ça va devenir de plus en plus dangereux ».
Je ne réponds rien. Le problème de ne pas faire les choses seule, c’est qu’il faut s’organiser, ne pas décider de partir sur un coup de tête en se réveillant de la sieste.

Beau temps

Temps magnifique ce matin, gelée blanche sur le ponton.

Seine au lever du soleil l'hiver à Samois


Belle sortie en huit, même si Pascal ne nous suit pas : il y a eu un problème de bateau-moteur, il a dû rentrer au club pour laisser le sien à la personne qui encadre les scolaires.

J’apprends avec perplexité que finalement les deux quatre mixtes envisagés pour les Championnats de France sont maintenus: il s’agit de l’équipage du huit coupé en deux. Mais comme Nathalie ne veut pas ramer en couple, la place m’est proposée (je soupçonne Nathalie de se désister volontairement car elle ne peut concevoir que j’aille à Mâcon uniquement pour barrer).
— Mais on ne s’est jamais entraîné ensemble!
— C’est pas grave, on fera au mieux.
Je les regarde sans comprendre. Je pense au CNF, aux entraînements forcenés, au niveau des filles qui montaient en masters. Nous allons nous ridiculiser. Cela n’a pas l’air de les effleurer. Se pourraient-ils qu’ils aient raison et que j’ai tort?

J’avais l’intention de monter jusqu’à Champeaux l’après-midi. Je l’ai fait, mais tardivement, m’étant profondément endormie après le déjeuner.

Vernou-la-Celle cherche un médecin et l’a écrit en grosses lettres sur une banderoles devant l’église, forêts, routes où l’on se croise avec difficulté, un air de Sologne qui me réjouit. Je colle à Echouboulains, le cœur palpitant puisque nous sommes prévenus qu’il ne faut pas faire cela seul, que c’est dangereux (ce que je crois et cependant peine à croire: nous sommes en France, non d’un petit bonhomme. Remontent de vieux souvenirs d’informations à la radio (Europe 1), de bagarres entre colleurs d’affiche, les premières images d’Adieu poulet).

La nuit tombe. La forêt laisse progressivement place à la Brie, coucher de soleil sur les labours, et c’est la Beauce qui remonte de mon enfance.

Coucher de soleil sur la plaine au sortir d’Echouboulais


Chaque village a sa belle demeure, sa ferme fortifiée ou son château. Je comprends pourquoi la circo vote à droite, je repense à cet ancien collègue qui m’expliquait pourquoi il y avait tant de particules chez les agents d’assurance: «après la guerre, M. le comte devenait agent d’assurance; il allait voir les paysans autour de chez lui qui tous souscrivaient quand M. le comte le demandait». L’histoire passe lentement. Terres agricoles et peur des partageux, villes industrielles et haine des patrons. Sociologie à l’emporte-pièce pas entièrement dénuée de fondement.

Il fait nuit désormais. Château de Bombon. Je cherche des panneaux à l’école, la mairie, l’église. Je ne trouve qu’une boîte à livres contenant La valise en carton de Linda de Suza et La France en automobile d’Edith Wharton. J’emporte ce dernier livre en pensant à Aline qui m’en avait parlé pendant que nous visitions Maintenon.

Champeaux. Trop tard pour l’abbatiale. France Inter dévide la vie de Philippe Seguin, son refus de Maastricht au moment où Mitterrand se sert de sa maladie pour emporter le oui. 1992. Je me souviens de discussions sur la terrasse, ma mère anti-européenne. Était-ce à cette occasion, ou plus tard en 2006, qu’un ami m’avait dit: «si les Etats-Unis sont contre, c’est que cela ne peut pas être mauvais pour nous». Je ne m’étais pas rendu compte à l’époque à quel point c’était bien évidemment lié à 1989 et la chute du mur. Je vais avoir une heure de retard sur ce que j’avais promis à H.
Je colle à Sivry-Courty, à Veneux en passant devant la place et je rentre.
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