Tractage à la gare à partir de six heures et demie. Les visages sont fermés, on sent le regret de la fin d'un long week-end ensoleillé (ou plus simplement les gens en ont marre: c'est la même gare, les mêmes horaires, donc à priori les mêmes voyageurs. J'ai renoncé à me battre pour décaler les horaires, personne n'en a envie. Habitudes encrustées). Je tracte avec Samir qui est venu nous donner un coup de main de Fontainebleau. C'est vraiment une ambiance sympathique.
En partant je passe devant les panneaux de Veneux. Le collage d'affiches m'est devenu ce qu'est le barbecue-merguez-rond-point pour d'autres.
Une affiche pour chat perdu a été collée sur l'affiche anti-Le Pen, mais les quatre autres n'ont pas été vandalisées. A Thomery les affiches officielles ne sont pas encore en place. A Champagne les affichages libres sont intacts, personne n'a touché au travail de Mohammed.
Je passe à St-Mammès. Depuis que nous avons trouvé ce panneau le long du Loing, les affiches sont régulièrement vandalisées, quel que soit le candidat. J'éprouve un malin plaisir à venir coller ici à des heures différentes en variant les affiches. La dernière fois j'ai fait un test, j'ai mis une affiche anti-Le Pen en me demandant si elle aurait l'approbation du vandaliseur que je soupçonne d'être mélenchoniste (c'est St-Mammès).
Non.
Un homme rentre de ses courses, monte sur une péniche. Il m'observe un moment. Je le soupçonne d'être le vandaliseur, mais je sais que l'activité de collage rend paranoïaque («Mais il me regarde! Mais pourquoi? Je suis sûre qu'il va décoller dès que je vais partir.») Je remplace par une affiche officielle, la seule que j'ai dans la voiture. Elle ne fera pas long feu.
Je recolle près du canal à Moret (les mélenchonistes ont pris la peine de recoller bien qu'ils ne soient pas au second tour, c'est la guerre des nerfs), à la mairie à Ecuelle, le long du canal vers Episy, retour
au premier jour de collage .
Je rentre. Les L. viennent chercher du matériel à dix heures et demie. Ils acceptent de prendre un café, je leur présente H. Elle est scandalisée par sa belle-fille, biélorusse (en France), qui se plaint de ce qui est fait pour les Ukrainiens (et pas pour les Biélorusses): «Je ne dis rien mais quand même, ce n'est pas sa grand-mère qui vit dans une cave avec le froid». Monsieur nous a apporté un œuf construit avec une imprimante 3D, jaune et bleu aux couleurs de l'Ukraine.
Comme toutes les personnes qui viennent d'anciens pays communistes et se souviennent de ce que c'était (donc nés dans les années 40 à 70), ils ne peuvent comprendre qu'on soit tenté par la dictature. Qu'un Français puisse envisager de voter Le Pen est pour eux un mystère. Ils ne peuvent comprendre (moi non plus, mais pour moi c'est théorique) qu'on réponde «ça ne changera rien» ou «ils sont tous pareils». Eux savent que ce n'est pas pareil. Ils ont fui leur pays.
Hier m'a laissée sur ma faim. J'ai eu l'impression d'un porte à porte bâclé, d'une durée insuffisante. Je trépigne sur place. Jérôme est pris par son activité de placement des assesseurs dans les communes, je décide de partir seule vers le nord de la circo.
Je repasse à Veneux. Quelqu'un a collé deux affiches pour vide-grenier, mais en respectant les quatre affiches du côté. L'affichette de recherche du chat a été soigneusement déplacée dans l'abribus proche. Ce ne sont donc pas les mêmes équipes qui s'occupent de Moret et de Veneux.
(17 avril collage initial, aujourd'hui 15 heures).
Champagne, la gare. L'une des quatre affiches a été décollée, laissant apparaître Roussel. Dessus ont été collées deux affiches pour une
Messe en si qui doit se jouer à Combs-la-Ville. (Pourquoi ne pas avoir directement collé sur Macron?) Je colle autour des
Lettre aux Français format A4.
Est-ce ici que j'ai récupéré dans une boîte à livres
Flamme et l'étalon noir? Impossible de me souvenir. Je me vois prendre le livre, mais je ne sais absolument plus où. C'est le premier
Etalon noir de mon enfance, reçu au Maroc, et à peu près incompréhensible car laissant une part à la SF, ce qui n'avait aucun sens pour mon esprit terre à terre.
Fontaine-le-Port, je colle avec fureur sur une affiche Zemmour-Maréchal repérée dimanche en skiff. Féricy, pas de place sur les panneaux et Macron est arrivé premier, inutile de perdre du temps. Sivry-Courty, les panneaux officiels sont posés contre le panneau libre; Blandy, l'affichage doit se faire avec du scotch, je n'en ai pas, je colle des A4 sur des affichettes de théâtre à la date dépassée; Moisenay, je nous fais perdre des voix en collant directement sur le panneau en bois peint soigneusement en vert (toute la peinture va partir quand ils vont vouloir décoller); Rouvray, je découvre un nouveau panneau d'affichage libre (nous n'étions jamais venus à Mormant par l'ouest); Aubepierre, sur le panneau de l'école je recouvre Pécresse d'une affiche Jam (les jeunes avec Macron).
Je visais Grandpuits, où en mars nous avions trouvé des affiches de Bardella de juin précédent. Les trois affiches près de l'église sont lepénistes mais taguées («Ta mère en slip»). Au centre de celle du centre, un Guignois a malicieusement placé une affiche pour vide-grenier. Je colle des A4 autour pour faire disparaitre la mise en pli de la blonde. Une affiche pro-Macron à droite, une affiche anti-Le Pen à gauche.
(Plus tard quand je dirai que j'ai eu l'impression de venir en aide à un résistant de l'ombre, lui assurer qu'il n'était pas seul, H. me répondra froidement: «à l'heure qu'il est, il a peut-être déjà tagué Macron "ton père en tongs"».)
En passant à St-Mammès, je résiste à la pulsion de m'arrêter, je suis sûre que mon affiche du matin est détruite, pas le temps, pas le temps; Jean passe me chercher à sept heures pour aller ensemble (avec Jérôme) assister à la réunion à Melun avec Franck Riester.
C'est bien mais moins impressionnant que Bruno Le Maire il y a deux semaines. Ils sont fatigués. Nous sommes fatigués. Les Crisenoyens sont descendus en masse protester contre la construction d'une prison sur leurs terres.