Billets qui ont '2024-05-22' comme date.

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Gare de Gap, une demi-heure d'avance. La Case de l'oncle Tom dans la boîte à livre. Un pain au chocolat, un café, achat d'écouteurs (oublié les miens à la maison). La messe en si de Bach.

Je passe en revue mon carnet d'adresses. Je suis saisie d'une frénésie d'information, je me retiens de ne pas envoyer des sms à tout mon carnet d'adresses, une sorte de folie me prend. Il faut que je me retienne, à quoi bon encombrer les gens avec mon chagrin? Oui, mais si X devait regretter de ne pas avoir été prévenu?
Correspondance à Valence-ville, une demi-heure d'attente, beaucoup de policiers, puis Lyon Part-Dieu. Il pleut. Je marche, je n'ai pas envie de Starbucks ou de Paul.
Andouillette à la moutarde dans une brasserie dont les murs sont couverts de pendules en tout genre. S'agit-il d'une réaction à la disparition de l'horloge de la gare?

Le TGV est le Frecciarossa italien. Rien à signaler, si ce n'est qu'ils ont rétabli le chariot d'aliments et de boissons qui passait dans les couloirs des Corails de mon enfance. Je ne sais plus très bien ce que j'ai fait, sans doute classé des photos et dormi.

15h10 à Paris, train pour Moret, j'arrive dans une maison vide. Je fais quelques courses et prépare une salade.

H. arrive tard et raconte ses tribulations. Sa mère qui a voulu voir le corps un dimanche de ponts du mois de mai, les dédales de l'hôpital. Le fait que les pompes funèbres ont 48 heures pour venir chercher le corps à l'hôpital: sinon ils ne peuvent plus l'emporter, tout doit être fait sur place et ça coûte beaucoup plus cher.
— Et le type des pompes funèbres a pris deux heures lundi pour nous expliquer cela, je bouillais, j'ai vu le moment où nous n'arriverions pas à temps.
— Ça va coûter neuf mille euros, j'ai versé un acompte d'un tiers. Ce que j'ai beaucoup aimé, ce sont les pétales de rose gratuits à disperser sur le cercueil. A neuf mille euros l'enterrement, ils peuvent être gratuits!

L'étrange, c'est que son père si prévoyant et organisé n'avait rien prévu. Il a fallu acheter la concession («j'ai choisi une concession individuelle, pour eux deux. Personne d'autres n'ira se faire enterrer à Sarry»), choisir le type de tombe («je l'ai joué écolo, j'ai refusé le caveau et demandé une tombe en pleine terre, à deux profondeurs superposées. Ils n'aiment pas cela car il faut attendre six mois que la terre se tasse avant de poser une dalle dessus»), choisir le cercueil.

— Non, tu ne peux pas te faire enterrer où tu veux: soit où tu habites, soit où tu meurs. Sinon il faut une dérogation du maire. Ou avoir une concession familiale dans laquelle il reste de la place.

— Il y aura une messe. J'étais contre, F. (son frère) était contre, mon père aurait été contre, mais maman a insisté. le prêtre est arrivé en soutane, avec une dame patronesse. Il a fallu choisir les textes. Il y aura une chorale.
— Un prêtre, une chorale, un enterrement le samedi? Mais c'est incroyable, ça n'arrive plus jamais.
— Le prêtre était bizarre. Je sais bien qu'il était dans son rôle, mais il est parti dans un discours prosélyte alors qu'on lui avait bien expliqué que la moitié de l'assemblée ne serait pas croyante, c'est pour cela qu'on voulait une bénédiction et pas une messe.
— Evidemment, en soutane… Tu sais, il n'y a plus beaucoup de prêtres; ceux qui restent sont forcément très investis.
— Il était très réticent quand j'ai dit qu'on allait choisir dans les disques de papa pour la musique durant la bénédiction du cercueil...
— C'est normal, si tu savais ce à quoi ils ont droit…
— Je l'ai rassuré en disant que ce serait l'Avé Maria de Gounot par Pavaroti. Il faudrait un autre morceau car cela ne dure que trois minutes.
Je suggère les suites pour violoncelle de Bach. (H. retient Lang Lang, j'aurais plutôt pris Jean-Guihen Queyras.)

— Les gens de la mairie ont été adorables (mairie de Sarry, citons-les pour les remercier). Ils n'avaient plus de salle pour accueillir les gens après l'inhumation, alors ils ont contacté la mairie voisine qui leur devait des services. Ils ont négocié à notre place pour que la salle soit gratuite puisqu'elle l'était à Sarry.

Bref, ami lecteur: sans vouloir être morbide, si vous avez une idée d'où vous voulez être enterré et comment, préparez-le, écrivez-le et mettez-le dans un endroit facile d'accès. Et partagez avec quelques proches votre code de téléphone.

Nous retournerons à Châlons vendredi.

Préparatifs de retour

Cette nuit il a un plu quelques minutes. La nuit a été plus silencieuse que d'habitude, moins d'oiseaux et d'insectes. Entre deux phases de sommeil, je me suis souvenue que je devais avoir dans mon téléphone les adresses des amis de mon beau-père que j'avais invités pour ses 70 ans1. Dans la matinée je les ai contactés sur leur fixe (coordonnées de 2012) et j'ai laissé des messages à chacun («Bonjour, je suis Alice, la belle-fille de R. J'ai une mauvaise nouvelle, pouvez-vous me rappeler? 06xxxxx).

Problème imprévu: H et son frère ne connaissent pas le code de l'iphone de leur père. Or ils en ont besoin pour la double authentification de la plupart des sites importants, comme les banques, les assurances, etc. Heureusement, les sms reçus s'affichent quelques instants sur l'écran fermé — à condition que le téléphone ne se décharge jamais.

L'après-midi nous volons avec un instructeur (ce qui nous permet d'inscrire la sortie dans notre carnet de vol). Cette fois-ci j'ai (enfin) pris le temps de n'installer correctement et je vois par-dessus du tableau de bord: la sortie a été bien plus posée. Je crois qu'il va falloir que je vérifie sérieusement ce point de retour à Moret.

J'ai volé la première. Quand je descends du planeur, je m'accorde dix minutes de sieste puis commence à vider ma tente pour la replier. Je sépare ce que je ramène à Paris en train de ce que je laisse ici, à charge pour les vélivoles de ramener mes affaires en voiture le week-end prochain. Cette nuit il est prévu de la pluie, et quoi qu'il en soit chaque matin ma tente est trempée de rosée: Pat m'a convaincue de la plier maintenant qu'elle est sèche et de dormir ce soir dans la chambre vide du gîte. Demain il passera me chercher à 6h pour m'emmener à Gap.

Soirée amicale entre pilotes, à raconter des anecdotes (toujours je pense à la phrase de Carlo Ginzburg sur la littérature qui commence à l'âge des cavernes avec les récits de chasse: les pilotes, c'est exactement ça) et à se taquiner. Nous avons deux invités, l'instructeur de cet après-midi et le propriétaire du camping. Michel nous prépare les première fraises de la saison.



Note
1: que la blague porte sur les croque-morts n'est qu'un tour supplémentaire.
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