J'attendais depuis si longtemps
Par Alice, dimanche 16 août 2015 à 23:36 :: 2015
Automatiquement, quelle que soit la question saugrenue, mon cerveau examine le problème et les réponses possibles: non, mais j'ai de quoi me changer intégralement.
— Non, pourquoi?
— Franck t'attend pour sortir en pair-oar, tu es en retard.
Ça alors. J'avais complètement oublié. Pour tout dire je n'y croyais pas vraiment, d'une part qu'il sorte en pair-oar, et d'autre part avec moi: je m'attends toujours à ce qu'un mec (les filles et les mecs, oui, ni hommes ni femmes, ni garçons ni filles, le vocabulaire s'est moulé dans ce monde, a pris une certaine forme) annonce qu'il voudrait essayer — cela me paraît si normal, de vouloir essayer, de sauter sur l'occasion quand quelqu'un le propose, propose cette chose si rare: monter en pair-oar avec quelqu'un qui n'en a jamais fait — et comme c'est un mec, Franck, qui le propose, cela me paraît, me paraîtrait, normal de laisser la place: les forces sont plus équilibrées, et dans un pair-oar (une pelle par rameur), ça compte.
Eh bien non, Franck n'a pas oublié, et personne d'autre que moi ne s'est proposé, youpi.
Sortie en pair-oar, dix kilomètres, nous ne nous sommes pas retournés (baqués), nous avons même eu de bons moments.
Bon évidemment, nous n'avons jamais ramé en pleine coulisse, ce sera pour une prochaine fois. La pointe ne m'est tout de même pas très naturelle.
(Pas de photo, c'était si risqué que je n'ai pas pris mon appareil.)
Depuis combien de temps attendais-je cela? Trente-trois, trente-quatre ans? Quand j'ai commencé à ramer en troisième, il y avait au club deux autres minimes qui avaient commencé avant moi. René m'a mise en double avec Jacqueline, et Nathalie faisait du skiff.
Nous préparions les championnats de France. Cela représente des heures passées ensemble sur un bateau, environ douze heures par semaine, sans compter les compétitions le dimanche.
La saison terminée, à la rentrée suivante, René a revu les bateaux: il m'a mise en skiff et a mis Jacqueline et Nathalie en pair-oar. Je l'ai vécu comme une trahison et comme la preuve de ma désespérante nullité (je n'avais pas réussi à rattrapper leur niveau): sinon, pourquoi n'était-ce pas moi qui étais en pair-oar avec Jacqueline? J'ai été jalouse.
Trente-quatre ans plus tard, je suis enfin sortie en pair-oar.
Il ne me reste plus qu'à faire des progrès.
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Agenda
Quand j'arrive à la maison à midi et demie, tout le monde est encore au lit.
— Si tu ne voulais pas aller au marché, il fallait m'envoyer un sms!
— Je n'avais pas envie d'envoyer un sms.
— Hmm. Il est plus facile de trouver quelque chose à Melun à midi qu'à Villecresnes à une heure au mois d'août.
Je ressors et vais acheter des sushis dans le seul magasin encore ouvert à cette heure-là (soixante sushis pour six, une demi-heure d'attente que je tue en regardant une émission sur les personnes exerçant des métiers rares pour leur sexe).
Le soir, C et A retournent à Blois. Nous allons voir Mustang, très beau visuellement et poignant.