Billets qui ont 'Afghanistan' comme autre lieu.

Riverboom

La salle 100 du Forum des images était remplie. Je me suis demandé combien de spectateurs étaient nés le 11 septembre 2001. La moitié?

Je ne suis pas totalement d'accord avec cette présentation:
Un an après les attentats du 11 septembre, le photographe Claude Baechtold se laisse embarquer par deux reporters risque-tout dans un périple à travers l’Afghanistan en guerre. Avec sa caméra vidéo achetée sur place, il va capturer en images ce road trip…

Imaginez un peu Very Bad Trip filmé en zone de guerre, ou une comédie noire found footage et vous aurez probablement une petite idée du résultat, sauf que… tout est vrai. Anti-militariste affirmé, Baechtold utilise des contrepoints provocateurs, commente ironiquement l’horreur, met de la musique rock sur des attentats, ou opte pour un montage pop. Ce ne sera probablement pas du goût de tout le monde. Tant mieux: car au-delà de l’humour ravageur, cette dimension ludique apparaît comme un véritable outil de subversion.
Ce n'est pas Very Bad Trip; si c'est quelque chose, ce serait plutôt Le grand incendie de Londres: le récit d'une trajectoire de deuil, d'un deuil sans lequel ce film n'aurait pas eu lieu puisque le cameraman ne serait pas parti. Riverboom, c'est le lieu où le deuil est finalement accepté au cours d'une nuit d'orage.
Montage pop, c'est vrai; dimension ludique, c'est vrai. Grande beauté des images; couleurs, paysages jaunes, verts, roses; explications historiques et géographiques; portraits, portraits, portraits, portraits de ses deux amis et portraits d'Afghans, portraits de chefs de guerre, portraits d'enfants. Ce n'est pas subversif dans le sens «menace l'ordre établi», c'est simplement la réalité. Connaître le futur de l'Afghanistan dans les vingt ans à venir tandis qu'on regarde ces sourires, cette beauté, cette violence omniprésente absente de l'écran, serre le cœur.

Je retiens que mon groupe sanguin est le meilleur: B+, be positive!.

Pour trajet les trois journalistes ont choisi de retracer le voyage d'Ella Maillart. Lorsqu'il s'est agi de différencier un chef de guerre d'un bandit (l'un vous tue, l'autre vous vole —, mais on ne peut faire la différence qu'après), j'ai pensé à Kapuściński traversant l'Afrique en guerre le long d'une route d'où l'on ne revient pas. Je me suis dit qu'il était temps que je lise Les cercueils de zinc.


J'ai oublié mon livre sur Moret au cinéma. Heureusement je reviens jeudi. Je ne pourrai plus quitter ce village: Thomas Becket est réputé en avoir consacré l'église (il était alors réfugié à Sens). Thomas Becket et Marina Tsvetaïeva. Quel endroit.

Tous les barbus en robe se ressemblent

Je me suis levée très tôt pour repasser en écoutant des podcasts. J'ai lancé Les enjeux internationaux, du plus récent au plus ancien.
Ils se sont enchaînés: le désastre Biden, les émeutes au Kenya, l'éternelle catastrophe au Darfour puis pourquoi Al-Qaïda appelle ses fidèles à se réunir en Afghanistan.

Et je suis tombée des nues en réalisant peu à peu qu'il y avait trois groupes, les Talibans, Al-Qaïda et Daesh (l'Etat islamique) que je mélangeais allègrement en pensant que tout cela était plus ou moins la même chose: des islamistes détestant l'Occident et mettant les femmes sous bâche.

C'est à la fois plus compliqué et plus clair que cela.

Je note donc ici quelques points fondamentaux dont je n'avais pas conscience et auxquels je n'accordais aucune importance (écoutez le podcast, ça prend douze minutes):
- Al-Qaïda a deux ennemis: d'abord l'Occident (surtout les USA) et ensuite les chiites (les Iraniens, pour faire vite).
- Les Talibans soutiennent Al-Qaïda. L'Afghanistan reste un sanctuaire pour Al-Qaïda.
- Les ambassades fonctionnent à Kaboul. Les Talibans ont le même ennemi que nous: l'Etat islamique. Il y a une vraie convergence d'intérêts.
- Les Houthis (les pirates qui pillent les bateaux au large de l'Afrique) sont chiites. Ils viennent du Yémen.
- L'Etat islamique «reste fondamentalement sur un programme de génocide des chiites» alors qu'Al-Qaïda infléchit sa ligne, sans doute parce qu'il est basé en partie en Iran.
- Entre l'Etat islamique (Daesh) et les Talibans, c'est la guerre absolue. La première chose que les Talibans ont faite quand ils sont entrés dans Kaboul, c'est assassiner tous les membres de l'Etat islamiste qui avaient été emprisonnés par les Américains et qui étaient encore en prison.
- Le Hamas est «extrêmement sunnite».

Je ne sais pas si tous ces points étaient clairs pour tout le monde, mais pour moi, ce fut une découverte.

Hiérarchie des ennemis:
- Al-Qaïda, d'abord les pays occidentaux. Stratégie: déstabiliser par des attentats les relations entre pays occidentaux et pays autoritaires arabes.
- But de l'Etat islamique: prendre le pouvoir et faire disparaître les frontières internationales.

Des nouvelles de mon entourage

Suzanne est revenue lundi, contrairement à mes prédictions pessimistes qui repoussaient cela après les élections.

Un étudiant des cours du lundi, militaire, part en Afghanistan.
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