Billets qui ont 'IPT' comme autre lieu.

Les attestants

J'arrive un peu en avance en cours d'allemand. Nous attendons dans le couloir. Cela fait trois ou quatre ans que nous suivons les mêmes cours, nous nous connaissons mal (jamais le temps de discuter) mais nous avons échangé de nombreux sourires (nous avons tant de bonne volonté à échanger pour nous excuser de nous être étripés il y a cinq cents ans). Je ne sais pas très bien ce qu'ils font, ce sont sans doute des retraités, l'un d'entre eux recommence l'hébreu.

J'en profite pour essayer d'étoffer ma bibliographie œcuménique :
— J'essaie de comprendre comment les protestants et les catholiques arrivent à des conclusions aussi différentes sur la famille à partir des mêmes textes. Vous auriez des livres à me conseiller sur le sujet?
— Tu veux dire sur la PMA1?
— Pas seulement : sur le mariage, le divorce, la contraception…
Ils se regardent, étonnés:
— La contraception… ça n'a jamais été un sujet… On est bien content que l'esclavage ait disparu… (Larges sourires.)
— Et le mariage homosexuel?
Ils se regardent:
— La bénédiction a été autorisée par le synode de Sète… mais certaines paroisses refusent la bénédiction des couples homosexuels… On les appelle les attestants. La paroisse du Marais est attestante.
(Je suis partagée entre surprise et envie de rire: pas de bol.)


Un lien pour ceux qui voudraient des références théologiques (attention, la bibliographie de fin de page mélange catholiques et protestants).



Note
1: Note pour les lecteurs dans cinq ou dix ans (y compris moi-même) : c'est le sujet brûlant du jour.

Gründlichkeit

— Gründlichkeit… en ce qui concerne les Allemands, c'est un cliché. Le Français est frivole, l'Allemand est gründlich, minutieux, sérieux, voire pataud.
— Frivole? en allemand Frivolität ?
— Oui, tout à fait.
— Ça alors, je commence à comprendre… J'ai un ami philosophe qui utilise frivole quasi comme un reproche… Je commence à comprendre d'où lui vient ce pli.
— C'est toujours un ami ?



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Pendant ce temps dans le monde
élections de mid-term aux US.

Sublime

«Erhaben. C'est le mot de Kant, ce n'est pas neutre.»

Schleiermacher. Les Français (les Francs) sont frivoles (en français dans le texte — à moins que le mot n'ait été incorporé tel quel en allemand). Soudain je comprends d'où JYP tient sa façon de traiter les attitudes qu'il réprouve de «futiles».

Et pourquoi sont-ils frivoles? parce qu'ils n'ont rien compris à l'événement le plus sublime de l'histoire du monde.
— Quel est cet événement ? demande le professeur.
Parce que nous traduisons Schleiermacher à l'institut protestant, je tente : «la Création?» Cela pourrait aussi être le Christ, puisque sa caractéristique est de faire irruption dans l'histoire.
— La révolution française. Au XIXe siècle les philosophes allemands se sont quasi donné pour tâche d'expliquer la révolution française aux Français, de leur donner les moyens de la penser.

Et soudain l'énormité de l'événement m'apparaît, un court instant. Je l'avais entrevue en lisant Eça de Queiroz, Lettres de Paris ou… en contemplant la liste des invités aux mariages princiers d'Angleterre: cela reste malgré tout une fête de famille, et les invités sont des gens de la famille au sens large, des rois ou des princes, pas des présidents. Bifurcation dans l'histoire du monde, deux chemins désormais possibles.

Déplacé

Nous continuons à traduire le premier discours de Schleiermacher.
Je note deux ou trois remarques.

Les deux bêtes noires de la théologie libérale sont les juifs et les catholiques: les juifs parce qu'ils ont rejeté le Christ, les catholiques parce qu'ils ont travesti son message. Rome et Jérusalem.
La conséquence est que les deux sont souvent mêlés dans les comparaisons négatives et les accusations de Schleiermacher. Mais aujourd'hui, au début du XXIe, les traducteurs de l'allemand n'osent plus traduire «juifs» par «juifs» mais utilisent «hébraïques». «Alors que la théologie libérale n'était pas antisémite. L'antésimitisme n'est apparu qu'à la fin du XIXe.»

A un moment je me moque de la catho (comprendre "l'institut catholique de Paris") en disant que le grand mot des professeurs est "déplacé", l'important, c'est le déplacement: «comment ce texte vous a-t-il déplacé?», «est-ce que vous avez été déplacé?». Je pensais faire rire mes congénères protestants avec cette remarque, mais à ma grande surprise, ils m'avouent qu'ici aussi, à l'IPT, le même mot est utilisé. Le prof suppose que ce vocabulaire remonte à l'époque de la grande vogue de l'école de Palo Alto.

Chauffage

Ah non, je me suis trompée : chauffage rallumé ce matin au petit déjeuner, et non dimanche.

Après-midi de congé (tous les mardis après-midi pour l'allemand). Je rends Conrad à Malraux, je ne prends pas Les veines ouvertes de l'Amérique du Sud car j'ai prévu d'emprunter des Schillebeeckx (à l'ICP) et ça ne tiendra pas dans mon sac (mais je ne les emprunterai pas car j'ai un livre en retard ce que je ne savais pas. Je suis agacée: un retard, c'est autant de jours d'interdiction d'emprunter que de jours de retard. Zut.)

Allemand (à l'IPT), traduction de Schleiermacher. Complet contresens sur les deux phrases que je devais traduire du fait de mon absence la semaine dernière. Les contresens me donnent toujours l'impression de frôler la folie. Un contresens, c'est très effrayant.

J'ai fini Janouch. Je prends sans vraiment y penser, parce que c'est un livre de poche et donc dans l'étagère devant la cuisine, Harry Potter 5 en allemand.

Allemand

Et de nouveau de l'allemand à l'IPT (institut protestant de Paris). Ce blog tourne en rond. En réalité j'aurais dû m'inscrire l'année dernière aussi, mais je pensais que les cours commençaient en janvier (2016) comme l'année précédente: quand je me suis renseignée, j'ai appris que le semestre était fini, les cours avait eu lieu de septembre à décembre (2015).
Ce week-end, saisissant un cahier dans le grenier, je me suis rappelé qu'avant l'IPT il y avait eu les cours de "l'université de la vie".

Cette fois, c'est sans ambiguïté (dans la présentation du professeur, pas dans le descriptif du cours): il ne s'agit pas d'un cours d'allemand mais d'un atelier de traduction. J'ai abandonné l'idée que je parlerai allemand un jour à moins d'aller passer six mois en Allemagne (mais alors j'aurai mes chances, ce qui n'est pas le cas avec l'anglais).

"Flâneries de Schleiermacher à Bonhoeffer" : qui dit mieux ?
J'ai calculé que cela va représenter quinze jours de congé, en posant mes mardis après-midi sur une année.

«Schleiermacher était pasteur réformé, c'est-à-dire d'une Eglise qui se sent minoritaire en Allemagne face aux Luthériens, tandis qu'en France c'est l'inverse, ce sont les réformés qui sont plutôt majoritaires — ce qui fait que Schleiermacher semble parfois plus proche des Luthériens français avec qui il partage ce sentiment d'appartenir à une minorité.»

Je continue The Nigger of the Narcissus. Je suis pétrifiée d'admiration.

Jeudi chômé

J'ai pris quelques jours de vacances, d'une part pour me remettre de ma fièvre d'il y a deux semaines (je ne sais pas ce que c'était, mais je n'ai pas récupéré. S'y est ajoutée l'heure d'été, je suppose) d'autre part pour ranger la maison.
Mais en fait, comme j'ai des cours tous les jours à Paris, cela ne m'en laisse guère le temps.

Rangement le matin. Teinture pour cheveux. Je déteste ça, ça m'ennuie et surtout je crains que cela ne m'empoisonne au sens propre.

Je vois Lisa. Elle m'amène le programme de la maison Heine. A noter le 1er mai une conférence sur l'Ukraine, le 27 Faye sur Heidegger (ce qui recoupe le cours d'hier). Ce sont des mardis, je ne pourrai pas y aller.

Nebraska. J'ai rarement vu autant de vieillards dans un film. Sans spoiler, il est possible de dire que d'un certain point de vue ce film illustre que la foi fait advenir les miracles.

Dernier cours d'allemand théologique. Une fois de plus j'ai découvert combien j'étais ignorante. Parfois je me dis que je serais tout de même beaucoup plus tranquille à ne pas bouger dans un coin plutôt qu'à m'intéresser à ce que je connais pas: car à chaque fois ce sont des pans entiers du réel, totalement inconnus la seconde précédente, qui s'ouvrent devant moi. C'est déstabilisant. (Mais comment parvenons-nous à nous comprendre avec si peu de références communes? ou tant de références non en commun? C'est un miracle que je ne m'explique pas (il y a une citation de Nabokov à ce sujet dans la partie commentaires de Pale Fire: "je voudrais que vous vous étonniez que ce soit compréhensible". (à peu près, de mémoire))1.

Vélib. J'attends les compagnons de l'Oulipo devant le restaurant en commençant Béton de Thomas Bernhard. Ça a l'air vraiment bien. N'est-ce pas lecteur qui me le conseillait?

Dîner. Dominique déchaîné parle de cinéma. Je note pour mémoire I want to go home et Week end.

Ce soir deux mauvaises nouvelles, contradictoires: condamnation de RC, élection de Finkie.





Note
1 : ajout du 10 avril 2015 : référence précise ici.

Peu de choses

Depuis que le RER a changé ses horaires (interversion des trains traversant Paris avec ceux s'arrêtant à gare de Lyon), j'arrive plus tard à la Défense et je ne peux plus aller à la messe du lundi ou du vendredi. Je tente donc celle du jeudi midi.
Je n'avais jamais vu cette église (petite, presque une chapelle, la place a été surtout accordée aux lieux de rencontre plus qu'à l'église proprement dite) aussi remplie. Est-ce le midi, le Carême, la conférence qui doit avoir lieu ensuite, qui la remplit ainsi?
A La Défense, l'assistance est composée majoritairement d'hommes entre trente et soixante ans. Ça change.

Merveilleuse médiathèque de CE. J'y trouve Le Bal d'Ettore Scola. J'aime beaucoup Ettore Scola. Je voudrais revoir La Famille, aperçu un jour dans un gîte près de Narbonne (juin 2000, j'ai un repère), qui est dans ma mémoire peut-être déformante ce qui approche le plus l'étonnement de vivre dans un monde qui change tandis que nous ne changeons pas et nous nous souvenons de ce monde (de ces états successifs du monde) que nous pensions immuable. Les gens autour de nous considèrent que nous vieillissons, mais la réalité pour nous c'est que c'est eux et les lieux et les techniques qui changent.

Allemand. Compte non tenu de la langue, le sens du texte m'échappe de plus en plus. Mais qu'est-ce que Thiessen a bien pu vouloir dire? A mêler forme poétique à fond philosophique, on jette le trouble sur toute interprétation: cette formule-ci, faut-il la considérer sur le fond ou supposer que l'auteur a voulu conserver une analogie de forme pour l'euphonie? (Thiessen utilise beaucoup les refrains.)

Sombre histoire de chaussures de sport (la paire de Neuilly à la poubelle, la paire de Melun disparue, la paire "vie quotidienne" (la seule mettable, les autres étant destroy) restée au bureau (pour remplacer provisoirement la paire de Neuilly, si vous suivez)) qui fait qu'au final j'arrive en salle de sport sans chaussure dans mon sac et rentre à la maison (tant mieux).

Emotions contradictoires

Appris un suicide, une mort, et une future naissance. Ai pu recommander (pour le suicide en entreprise) psya dont on m'avait expliqué l'intérêt le matin même (prendre en charge les équipes secouées par la nouvelle).

(Comment le dire sans que cela sonne cyniquement: la naissance concerne des amis proches, tandis que je ne connais pas les morts directement, ce sont des amis ou des connaissances d'amis (je le note ainsi pour que les lecteurs qui me connaissent IRL ne s'inquiètent pas).)

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Agenda
J'ai demandé la différence entre les protestants orthodoxes et les protestants libéraux. La scission date du XVIIe ou XVIIIe siècle à peu près. Les premiers lisent la Bible à travers Calvin et Luther, les deuxièmes accordent davantage de place à la modernité, à la culture, à la politique. Les premiers sont appelés en Allemagne "alte reformierte kirche", en France protestants évangéliques (traduction d'"evangelischen Kirche", à ne pas confondre avec "evangelikaner Kirche" (et je me demande si les traductions des journaux font toujours la différence)) et les seconds protestants libéraux.
Karl Barth était un "néo orthodoxe", un libéral ayant redonné toute sa place à l'Ecriture, en récusant le politique et le culturel.

A. est rentrée d'Angleterre. Pluie dans les rues de Brighton mais pas d'inondation. Ferry retardé deux jours pour cause de tempête.

Dans mon sac:
- Fantômette et le trésor du pharaon que je lis machinalement en rentrant pour me détendre
- Langelot et l'avion détourné
- La terrasse de Malagar
, de Claude Mauriac, que j'aurais dû terminé dans la journée
- The Importance of Being Earnest and others plays de Wilde
- Discours de la méthode que je pensais entreprendre à la fin de la Terrasse
- L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète de Christian Delorme, qu'on m'a rendu.

Quelques lieux

Premier cours d'allemand théologique à l'institut protestant boulevard Arago. Deuxième cours, en réalité, mais hier O. avait concert de flûte et je voulais y assister.
Nous sommes quatre, la liste comporte huit noms. Deux hommes, deux femmes, deux catholiques, deux protestants, vingt, trente, quarante, cinquante ans, une jeune allemande très blonde aux yeux bleus. J'apprends que Tübingen est le grand lieu (actuel?) de la théologie en Allemagne.

Nous étudions un catéchisme contemporain. Je ne dis pratiquement rien. Je suis à peu près, c'est plutôt facile, mais de là à m'exprimer sur des points de vue théologiques… je n'en sais rien, même en français. J'ai l'impression qu'il faut apprendre les épîtres aux Corinthiens par cœur, tout ce trouve toujours dans les épîtres aux Corinthiens (ceci est ou n'est pas une plaisanterie, à votre guise).

Je prends un Vélib pour rejoindre H. à l'hôtel des grandes écoles au 75 de la rue du Cardinal Lemoine. Demain lui et une collègue de province ont un rendez-vous à Paris; il a pris lui aussi une chambre pour qu'elle ne se sente pas trop perdue. C'est un hôtel que j'avais repéré quand j'étais étudiante, pensionnaire chez les sœurs du couvent écossais au 63 (la toute petite fenêtre tout en haut à droite, c'était la mienne: la dernière chambre, celle que nous étions heureux d'avoir trouvée, Sciences-Po présentant le grand inconvénient (du moins à l'époque, aujourd'hui je ne sais pas) de donner la liste des reçus bien après la rentrée des autres écoles et universités: il fallait se loger dans ce qui restait).

Velib le long de la prison de la santé, j'ai étalonné la boussole pour savoir à peu près dans quelle direction aller, ça descend presque, les rues sont étroites et vides, il fait nuit, ça va vite. Rue des Feuillantines, la librairie "Le Chemin des philosophes" est placardée d'affiches, vitrines désolées. Trop tard, trop tard, pourquoi ne suis-je pas repassée il y a quelques semaines, quand son image m'obsédait?

Rue du cardinal Lemoine, 63, 71 ou 73, plaques à la mémoire de Larbaud et de Joyce. 75, hôtel, pension de famille en 1931, photos de clients sur le piano et les meubles, chambre petite, fleurie, sans télé, silencieuse. Par la fenêtre je contemple sans doute la pièce où fut fini Ulysses, mais laquelle?

Nous ressortons, nous avions envisagé de dîner à la Table russe: fermée pour congés, à la crêperie bretonne de la rue de l'école de médecine: définitivement fermée (zut, je ne l'aurai jamais testée), au Bouillon Racine: complet. Nous échouons à côté, le petit Bouillon dont j'ai oublié le nom.
Rarement nous nous serons autant cassés le nez à la recherche d'un restaurant.
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