Fin
Par Alice, mercredi 24 juillet 2013 à 22:56 :: 2013
Je me lève tôt pour finir le Mahabharata. La moralité de ce livre, c'est un peu «Fais ce que doit, advienne que pourra». Cela me fait penser aussi (je ne devrais pas le dire) au quatre lois de la robotique d'Asimov (hiérarchisation des devoirs envers soi, les autres, le monde). Je me demande si Asimov avait des connaissances en religion hindouiste.
Messe coupée — ou plutôt enflée, grossie — d'une heure de solitude pour relire cette semaine, en repasser les heures et en dégager ce qui nous reste, ce qui nous a touché. L'idée est ensuite de l'exprimer à voix haute devant l'assemblée (sans obligation, comme toujours: mais presque tout le monde dira quelque chose, à part une poignée, dont moi). La difficulté de l'exercice, pour moi, est de trouver le juste rapport à la parole: je ne sais pas être simple, je suis toujours en train de me demander ce qu'on pense de moi, trop judgemental, comme disent les Américains (j'aime bien ce mot que je ne sais pas prononcer). Peur aussi de mes émotions (le simple fait de chanter en groupe me fait pleurer, alors…).
Je note trois interventions qui m'ont marquées: une que j'aurais pu cosigner qui disait à peu près «j'ai découvert qu'il était possible de ne pas être d'accord sans être contre; c'est fatigant d'être toujours contre», d'autres très émues qui ont évoqué de la famille présente ou absente et attendue ou espérée (et je me suis demandée soudain si je pouvais inviter ma sœur à venir, à une session où je ne serais pas ("bien sûr", allais-je ajouter — Dieu qu'il nous est difficile de nous croiser, de nous parler)), et celle du père Gabriel jésuite en Grèce disant «j'étais cafardeux en arrivant; ça m'a fait du bien de discuter avec des gens qui vont bien». Je me suis sentie toute ragaillardie, utile, j'ai pensé à la maxime de Rémi «il faut être heureux ne serait-ce que pour montrer l'exemple» (Prévert, je crois), j'ai pensé à Thérèse «chaque fleur a sa place et sa valeur», j'ai pensé qu'il fallait être heureux d'être heureux.
Typiquement, Maurice cite durant l'homélie la maxime d'un jésuite «crois en Dieu comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu. Cependant mets tout en oeuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul» en commentant un peu par plaisanterie (ou pas?) «je laisse Marc donner les références»… ce que s'empresse de faire Marc, à l'amusement stupéfait et habitué de l'assemblée (je comprends mal le nom, mais je note mentalement les précisions de Marc, Valadier, jésuite hongrois, et une fois rentrée je trouve le commentaire de Valadier sur Hevenesi (voir également celui-ci)).
Bref, tandis que j'écris cela une semaine après (le 31 juillet (je décante lentement)), je me dis que ce qui me reste, c'est la façon de vivre ensemble. A me méfier de moi-même (de mes paroles trop vives, qui dépassent ma pensée parce qu'elle jaillissent avec plus de passion que je ne leur accorde d'importance) et des autres (ma paranoïa), je m'isole trop. «Vivre en communauté» a dit Amal lors de sa messe, oui, c'est sans doute le défi pour moi. Me supporter et supporter les autres.
Ici, j'ai eu l'impression que nous étions des coussins, des matelas. Imaginez un flipper où tout serait moletonné: la balle deviendrait lente, rebondissant sans bruit. Ici, peu à peu (ça s'est fait au fur à mesure, tout le monde était si attentif à ne blesser personne que la confiance a monté doucement), toutes les discussions ont perdu leur côté balle de flipper folle pour s'amortir entre les uns et les autres. Il est vite devenu évident que les plus brusques, les plus abrupts, étaient simplement les plus fatigués ou les plus blessés. Il suffisait qu'ils soient mis en confiance. Le processus m'a paru extrêment rassurant.
D'une certaine façon, j'ai tort d'être surprise: n'est-ce pas ce que nous avait dit Maurice le deuxième jour: «si vous avez besoin d'un accompagnement, nous sommes là , les pères jésuites, mais pensez aussi aux autres, vous êtes baptisés, nous partageons tous un sacerdoce baptismal», et d'une certaine façon, c'est ce qui s'est passé. Mais ma surprise, c'est que "ça marche", c'est que ces mots ésotériques aient une application concrète invisible dont nous pouvons constater les effets.
(Question: est-ce possible ailleurs? Hum, la particularité d'un tel groupe, c'est que chacun est là volontairement, empli de bonne volonté.)
Souvenirs: l'écoute si attentive de H, les robes bleues et la blondeur de S, E et l'aviron (j'espère qu'il va reprendre), la joie de vivre de L, la musique et les chants si naturels à beaucoup (je les envie), mes chauffeurs si attentionnés et discrets, JM en train de me raconter les maisons tri-générationnelles en Grèce (— Mais ils ne s'engueulent pas? Moi, je ne pourrais pas! — Si, tout le temps, mais ils se supportent. En France, on ne supporte plus rien), N m'aidant à déchiffrer le gothique, M tripatouillant les cadavres mais dégoûtée par une guêpe, C future citeuse folle (j'en suis sûre!), B quatre ans à Blois, J amoureux, G jardinier (Les clématites, c'est délicat), etc. etc.
Messe coupée — ou plutôt enflée, grossie — d'une heure de solitude pour relire cette semaine, en repasser les heures et en dégager ce qui nous reste, ce qui nous a touché. L'idée est ensuite de l'exprimer à voix haute devant l'assemblée (sans obligation, comme toujours: mais presque tout le monde dira quelque chose, à part une poignée, dont moi). La difficulté de l'exercice, pour moi, est de trouver le juste rapport à la parole: je ne sais pas être simple, je suis toujours en train de me demander ce qu'on pense de moi, trop judgemental, comme disent les Américains (j'aime bien ce mot que je ne sais pas prononcer). Peur aussi de mes émotions (le simple fait de chanter en groupe me fait pleurer, alors…).
Je note trois interventions qui m'ont marquées: une que j'aurais pu cosigner qui disait à peu près «j'ai découvert qu'il était possible de ne pas être d'accord sans être contre; c'est fatigant d'être toujours contre», d'autres très émues qui ont évoqué de la famille présente ou absente et attendue ou espérée (et je me suis demandée soudain si je pouvais inviter ma sœur à venir, à une session où je ne serais pas ("bien sûr", allais-je ajouter — Dieu qu'il nous est difficile de nous croiser, de nous parler)), et celle du père Gabriel jésuite en Grèce disant «j'étais cafardeux en arrivant; ça m'a fait du bien de discuter avec des gens qui vont bien». Je me suis sentie toute ragaillardie, utile, j'ai pensé à la maxime de Rémi «il faut être heureux ne serait-ce que pour montrer l'exemple» (Prévert, je crois), j'ai pensé à Thérèse «chaque fleur a sa place et sa valeur», j'ai pensé qu'il fallait être heureux d'être heureux.
Typiquement, Maurice cite durant l'homélie la maxime d'un jésuite «crois en Dieu comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu. Cependant mets tout en oeuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul» en commentant un peu par plaisanterie (ou pas?) «je laisse Marc donner les références»… ce que s'empresse de faire Marc, à l'amusement stupéfait et habitué de l'assemblée (je comprends mal le nom, mais je note mentalement les précisions de Marc, Valadier, jésuite hongrois, et une fois rentrée je trouve le commentaire de Valadier sur Hevenesi (voir également celui-ci)).
Bref, tandis que j'écris cela une semaine après (le 31 juillet (je décante lentement)), je me dis que ce qui me reste, c'est la façon de vivre ensemble. A me méfier de moi-même (de mes paroles trop vives, qui dépassent ma pensée parce qu'elle jaillissent avec plus de passion que je ne leur accorde d'importance) et des autres (ma paranoïa), je m'isole trop. «Vivre en communauté» a dit Amal lors de sa messe, oui, c'est sans doute le défi pour moi. Me supporter et supporter les autres.
Ici, j'ai eu l'impression que nous étions des coussins, des matelas. Imaginez un flipper où tout serait moletonné: la balle deviendrait lente, rebondissant sans bruit. Ici, peu à peu (ça s'est fait au fur à mesure, tout le monde était si attentif à ne blesser personne que la confiance a monté doucement), toutes les discussions ont perdu leur côté balle de flipper folle pour s'amortir entre les uns et les autres. Il est vite devenu évident que les plus brusques, les plus abrupts, étaient simplement les plus fatigués ou les plus blessés. Il suffisait qu'ils soient mis en confiance. Le processus m'a paru extrêment rassurant.
D'une certaine façon, j'ai tort d'être surprise: n'est-ce pas ce que nous avait dit Maurice le deuxième jour: «si vous avez besoin d'un accompagnement, nous sommes là , les pères jésuites, mais pensez aussi aux autres, vous êtes baptisés, nous partageons tous un sacerdoce baptismal», et d'une certaine façon, c'est ce qui s'est passé. Mais ma surprise, c'est que "ça marche", c'est que ces mots ésotériques aient une application concrète invisible dont nous pouvons constater les effets.
(Question: est-ce possible ailleurs? Hum, la particularité d'un tel groupe, c'est que chacun est là volontairement, empli de bonne volonté.)
Souvenirs: l'écoute si attentive de H, les robes bleues et la blondeur de S, E et l'aviron (j'espère qu'il va reprendre), la joie de vivre de L, la musique et les chants si naturels à beaucoup (je les envie), mes chauffeurs si attentionnés et discrets, JM en train de me raconter les maisons tri-générationnelles en Grèce (— Mais ils ne s'engueulent pas? Moi, je ne pourrais pas! — Si, tout le temps, mais ils se supportent. En France, on ne supporte plus rien), N m'aidant à déchiffrer le gothique, M tripatouillant les cadavres mais dégoûtée par une guêpe, C future citeuse folle (j'en suis sûre!), B quatre ans à Blois, J amoureux, G jardinier (Les clématites, c'est délicat), etc. etc.