Billets qui ont 'maison de la poésie' comme autre lieu.

Le Gars

J'avais assisté à une représentation en 1997, dans la salle du bas (petite, voûtée, merveilleuse) de la Maison de la poésie. J'en conserve un souvenir ébloui.

Alors, quand j'ai vu que Le Gars (re)passait ce soir, je n'ai pas voulu manquer ça. Malgré la maladie qui rôde (cette terreur et cette tristesse à l'idée d'être porteur sain, à l'idée d'être un danger pour les autres), j'ai pris la voiture et j'y suis allée (note: cela signifie que je ne me suis pas arrêtée sur mon chemin du retour boulot-maison, mais que je suis allée expressément à Paris pour cela, ce qui prouve ma motivation.)

J'ai été extrêmement déçue. D'abord une femme (Francesca Isidori m'apprend Internet) a parlé longuement. J'ai recueilli des informations, j'ai compris en particulier pourquoi ce texte m'avait tant plu, par son rythme, sa cadence, sa diction: il a été écrit (traduit adapté) directement en français par Tsétaïeva qui pratiquait l'averbisme (je n'avais jamais entendu le terme). Elle enlevait les verbes, mais aussi les articles, les pronoms, etc. Elle n'a jamais réussi à faire publier son texte: «trop nouveau».

Ce discours m'impatientait. Mais j'ai alors appris que nous n'allions pas entendre toute la pièce mais seulement une partie: pour connaître la fin il faudrait… acheter le livre (aux éditions Des Femmes)!

Enfin Anna Mouglalis a lu son texte, alors qu'Edith Scob le jouait, le scandait, le mimait.

Bref, déception. J'aurais dû m'en douter. A l'époque où nous fréquentions beaucoup la maison de la poésie, nous avions adopté une règle: uniquement les spectacles dans la petite salle.

Emmanuel Régniez à la Maison de la poésie

Pluie. Pluie. Le RER prévu à 7h05 passe à 7h02, O. voit les portes se fermer devant lui. Une demi-heure sous la pluie, puis voiture bondée alors que la rame précédente était "relativement" vide (pour un jour de grève).
Je note les vilenies de la SNCF et de la RATP car j'ai un nouveau grief: il est désormais prévu une amende de cinq euros pour celui qui n'aura pas validé son pass Navigo. Et moi, qui ai plus de vingt ans de pass Navigo annuel à mon actif (au début il s'agissait d'un coupon de carte orange annuel), à quoi ai-je droit pour me dédommager des grèves, des rames en avance, des rames en retard, des rames supprimés, des voitures condamnées, des voitures non chauffées, des voitures surchauffées, des travaux nocturnes, des arrêts non marqués, des interconnexions supprimées, etc.?
Quand les peines prévoient toujours de frapper un seul des contractants, ces peines étant instaurées par l'autre contractant, j'appelle cela une tyrannie.

En fin d'après-midi j'envoie en catastrophe aux commissaires aux comptes pour relecture les trois derniers rapports qui seront soumis mercredi prochain au conseil d'administration. Je ressens une certaine lassitude. Le stage dans le Jura m'a fatiguée. La mort de Gabriel aussi.

Je n'avais pas revu Emm. depuis des années, je le vois ce soir pour la deuxième fois en six semaines, comme je n'étais pas revenue à la maison de la poésie depuis des années, et m'y revoici après y avoir vu Roubaud il y a quinze jours.

Très belle lecture. Dans l'obscurité, je me prends à tenter de reconstituer l'origine de ma "demande d'amitié" sur FB à Emmanuel. Le lien s'est fait à partir de la poésie sonore de Bernard Heidsieck. A l'époque, Emmanuel avait créé un groupe autour d'Heidsieck. Je me demande si ce groupe existe encore, FB a tant changé (un beau jour, les groupes ont été archivés par défaut, et tous ceux qui n'étaient pas sur leur garde ont perdu leurs groupes).

Poésie sonore, oui, it figures, c'est cohérent avec ce que je viens d'entendre ce soir.


Par ailleurs, je continue à documenter les transformations de la gare de Lyon:

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Roubaud

Le soir je vais écouter Roubaud à la maison de la poésie. En attendant d'entrer dans la salle, j'achète quelques livres à la librairie quasi-portative qui se trouve sur place: Les arbres de Marina Tsvetaieva pour l'étonnant format des éditions Harpo (encourager ceux qui prennent des risques), Conversations avec Kafka de Janouch, Ode à la ligne 29 des autobus parisiens de Roubaud (Minaudier, Régniez, Roubaud, je ne lis plus que du Tripode en ce moment) et Mandelstam, De la poésie. Le libraire me déclare avec satisfaction: «je valide tous vos choix», ce qui me fait sourire: ce n'est pas comme si l'ensemble des livres qu'il vend n'était pas du même tonneau.

Elisabeth, Maurice, Françoise dans la salle. La voix de Roubaud magnifique et ferme, la lecture nuancée et drôle, parfaite. Roubaud raconte la façon dont a été édité son premier livre: livre accepté, puis long silence, puis précipitation de l'éditeur qui veut imprimer immédiatement ce qu'il a en main que lui, Roubaud, considérait comme une ébauche. Mais jeune écrivain, il n'a pas osé protester de peur de remettre en cause l'acceptation du texte et le livre est paru ainsi: «Je me suis dit que je publierai tous mes livres ainsi, non terminés, et ce que je vous présente aujourd'hui, ce sont les compléments à ces livres inachevés». Anecdotes biographiques en éclats.

En sortant, je croise Jean-Paul Marcheschi que j'avais repéré dans la salle mais que je n'aurais pas osé aborder de moi-même (jai si peu de choses à dire). Il me salue et comme il attend des amis, nous discutons assez longuement, des mystiques, de FB, etc. Il montre toujours la même gentillesse et reste toujours aussi discret sur sa situation, tout juste me dit-il qu'il expose actuellement au 3 rue de Thorigny. J'ai le cœur serré, j'aimerais tant qu'il soit reconnu de son vivant. (Si je lui achetais un tableau, ma sœur accepterait-elle de "l'héberger"? Car je ne pourrais pas le prendre à la maison.) J'ai tant de mélancolie en le contemplant, que pense-t-il de RC, de l'évolution de RC? L'avait-il comprise depuis longtemps, cela lui brise-t-il le cœur ou cela lui est-il indifférent? Voit-il Rémi parfois, en discutent-ils? Autant de questions que je ne poserai jamais.

Je retrouve Elisabeth (dont nous conclurons qu'elle n'a que deux états, outrée ou hilare), Maurice, Françoise et des pataphysiciens à deux pas, au Quincampe, une adresse à retenir. Je me permets de dire du bien de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? (toujours cette difficulté à défendre le cinéma populaire dans une assemblée intello) tandis qu'on me conseille Merci patron.
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