En 1992 ma sœur a vécu trois mois chez nous pendant qu'elle cherchait un appartement. Ce fut le moment où nous fûmes le plus proches, où elle parla le plus — de façon incompréhensible pour moi cela n'eut pas de lendemain.
Un jour elle estomaqua mon beau-père en lui faisant le portrait de l'homme idéal — principalement en listant ses "défauts rédhibitoires". Je n'ai pas assisté à la conversation donc à mon grand regret je ne connais pas cette liste. A l'époque elle sortait d'une longue relation amoureuse (cinq ans, six ans ? On avait même parlé mariage) suivie d'une plus courte (dix-huit mois?).
Peut-être aurait-elle dû se préoccupper davantage de l'impression d'ensemble plutôt que d'additionner les défauts et les qualités (essentiellement physiques) de ses partenaires: il faut croire qu'une personne est un tout non décomposable, car elle a décidément
peu de chance dans sa vie amoureuse.
Hier, j'ai profité qu'une vieille amie dont la nouvelle demeure m'avait désemparée il y a quelques semaines m'affirme alors que je n'avais rien demandé: « Je lis beaucoup » pour poser la question qui me brûlait les lèvres: «Mais tu as des livres? Où sont-ils, je n'en ai vu aucun…? »
Réponse: « Oh, je les emprunte; les miens je les ai tous donnés quand nous avons déménagé. C.
1 ne voulait pas de bibliothèque. »
Après toutes ces années, j'ai enfin trouvé mon défaut rédhibitoire : un homme qui ne voudrait pas de bibliothèque. (Le plus drôle, c'est que C. est très fier de son Audi, achetée il y a deux ou trois ans
2. Lol. Finalement finalement…)
Note
1 : note de la rédaction: C. travaille en aménagement d'intérieur et ameublement.
2 : allusion destinée uniquement aux lecteurs du dernier
journal camusien.