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L'année prochaine

Rendez-vous à l'ICP pour préparer le mémoire à rendre l'année prochaine. Les trois professeurs présents sont surpris de nous voir si nombreux — alors que nous sommes surpris de voir qui manque.

L'idée est que nous donnions notre sujet, notre ébauche de sujet, pour que les professeurs puissent orienter nos lectures de l'été (je rêve du moment où je pourrais me remettre enfin à lire des romans).
Les sujets sont variés, parfois surprenants: le Christ priant (dans les Evangiles), qu'elle était véritablement la maladie appelée lèpre dans l'Ancien Testament, l'utilisation d'Amos dans les doctrines politique et sociale aujourd'hui, Sylvie Germain au prisme de la Bible,…
J'évoque l'idée de travailler autour du concept du repos à partir de la règle des diaconnesses de Reuilly: «le contraire de la contemplation n'est pas l'action, mais le souci».
J'écope de Saint Augustin : «mon cœur repose en toi» (citation très à peu près, je m'en rends compte an faisant cette recherche de lien Google).


Avant de partir, on nous propose des affiches pour le cycle C à déposer dans des endroits choisis. Je murmure à ma voisine:
— Franchement, à qui pourrait-on conseiller de faire quelque chose d'aussi difficile, d'aussi long, d'aussi pénible?
— Mais arrête, tu n'as jamais été aussi heureuse qu'ici! Tu as assisté à plein de cours, tu as lu des livres, tu as rencontré du monde… C'est juste que la dissert t'emm**, c'est difficile d'être au pied du mur.
Je l'aurais volontiers embrassée. «Jamais aussi heureuse» est peut-être exagéré, mais pour le reste, elle n'a pas tort. C'était bien. C'est bien. J'ai compris beaucoup de choses dans ma relation au monde, aux autres. J'en bave, j'en ai bavé, mais je me suis bien amusée. Peut-être qu'il n'est pas possible d'avoir l'un sans l'autre, dans ma structure d'esprit tout au moins.


Repas rapide en brasserie avec H. qui est passé me chercher. Il est si préoccupé par sa prochaine livraison (mise à jour de progiciel) qu'il dessert à peine les dents. Nous aurions fait aussi bien de rentrer manger des pâtes à la maison.

Derrière moi

L'oral est passé (question après l'exposé: «comment expliqueriez-vous à l'homme de la rue la différence entre Thomas d'Aquin et Schillebeckx?»)

Bavardage avec une jeune esthéticienne venue des îles. Elle et ses amis n'utilisent que des assiettes et des couverts jetables quand ils dînent ensemble.
— Ce n'est guère écolo… et je n'aime pas manger dans des assiettes en carton.
— Oui, mais après il faut laver, et puis j'ai peur qu'on me casse ma vaisselle.
— Oh mais c'est de la vaisselle Ikéa, hop, on rachète.
— Oui, mais il faut y aller… Mais moi non plus je n'aime pas la vaisselle jetable. Quand les copains me donne une assiette en carton, ça va encore, mais des couverts en plastique…
— Lancez une nouvelle mode, amenez votre assiette et vos couverts quand vous allez chez vos amis.

J'ai passé l'oral. Demain carte de vœux, billets de blog, le dernier Jarmush, une sortie sur la Seine, des livres lisibles… Demain est un autre jour, je vais me coucher, je suis debout depuis trois heures, oral oblige.


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Investiture de Trump. Pourquoi cela m'affecte-t-il autant, après tout je ne suis pas concernée. Mais d'une part je le suis, évidemment; et d'autre part je ne peux m'empêcher de ressentir de la honte, une honte collective, commune, une complicité à faire partie d'une humanité capable d'élire un type qui s'est moqué d'un handicapé, qui a fait rire des plus faibles, qui a pour ambition d'écraser et non de protéger (voir le discours de Meryll Streep qui exprime cela parfaitement). Je suis accablée de me prendre cette vérité en pleine poire. Je la connaissais, bien sûr, mais je l'évitais, je l'oubliais. Réveil brutal, KO debout depuis novembre.

Journée contrastée

Anticipation joyeuse. La fièvre monte1 et c'est amusant.
Anticipation joyeuse: je crois que je n'ai jamais ressenti aussi fort ce sentiment que je jugule habituellement, par superstition. Mais là, je ressens une sorte d'immunité: il ne peut rien arriver, tout va bien se passer.

Réglé une multitude de petits détails que j'avais laissés de côté (j'en ai oublié un et de taille: l'ACPR veut que je lui envoie des impressions… de tableaux vides (oui, j'avoue: je n'avais envoyé que les tableaux remplis (enfin, j'apprécie beaucoup qu'ils me soient demandés par mail, courtoisement, et non en lettres AR)). L'AG de la mutuelle se déroule lundi.

Aviron. Je suis venue aider à la formation des débutants. Je ne me suis pas fatiguée mais j'ai pris le soleil (comprendre: trop). Vu le martin-pêcheur à nouveau, et entendu son cri ("L'image pousse son cri", les remparts de Bayezid, Crusoé, je rame).

Réunion MOA pour la mise en place des prélèvements. Nous nous intégrons à des process existants, et cela paraît tellement simple (à la saisie de 2500 RIB près) que cela me fait peur.

La réunion se termine tard. Je pars à la recherche d'un nœud papillon assorti à mon chapeau (résultat en demi-teinte, c'est le cas de le dire).

Velib. J'arrive comateuse à mon oral de philo (est-ce le soleil de midi, la fatigue, l'angoisse?) Je fais un passage désastreux. Le prof me donnera peut-être la moyenne à cause de la conversation qui a suivi (de toute façon cet oral est représentatif, ne nous leurrons pas: des connaissances, des idées, le tout en vrac, sans articulation, dans une déplorable confusion.

Je bois une bière avec un coreligionnaire qui me remonte un peu le moral (me permet de penser à autre chose) et rejoins H. en dîner d'après séminaire. Deux verres de vin n'arrangent pas mon état.


Note
1 : note deux ans et demi plus tard : il s'agissait du mariage de Matoo et d'Alexandre le samedi suivant.

Truc et astuce

— Je ne vais jamais y arriver, écrire sept pages… J'ai des idées pour une page et demie.
— Délaye. Ecris en corps 36. Tu as un nombre de signes?
— Un format, Times New Roman 12, interligne 1,5.
— Reviens à la ligne. Ecris comme Dumas: «— Bonjour. — Comment allez-vous?»
— Elle va avoir une drôle de tête, ma dissert de philo.

Pique-nique théologique

Journée de fin d'année (un peu tristoune, je ne sais pas ce qui se passe, cette année est morose). Dans mon sac un ordinateur et son chargeur, trois stylos, une carte navigo, mes clés de bureau, un dossier à préparer (que je n'ai pas préparé), une anthologie de textes sur "la question du sujet", un étui de lunettes léopard contenant des lunettes roses, un étui gris contenant des lunettes de vue, une Bible de Jérusalem, des kleenex décorés de roses achetés à Nohant, des clés de voiture, un agenda Pléiade, un téléphone, un rouleau de sopalin, une nappe et une bouteille de Cahors achetée dans le Lot.





Le repas au soleil était malgré tout bien agréable.
Personne ne paraît avoir envie de faire de l'ecclésiologie l'année prochaine.

Retour sur un ancien chemin

Retour sur au club littéraires des anciens Sciences-Po, ce club qui réunit des anciens au restaurant une fois par mois pour présenter un livre sur un thème imposé et repartir avec le livre d'un des participants (bookcrossing).

C'est ici que j'avais rencontré Paul Rivière, il y a bien longtemps (septembre 2000. J'avais présenté Le Voleur de Bible. Par coïncidence, la dernière soirée à laquelle j'avais participé de façon régulière avait eu lieu le 11 septembre 2001 — marche dans Paris silencieux, sous le choc, pour rejoindre le restaurant. (Ce soir-là, Madame Bleu de Chine (comprendre l'éditrice de Bleu de Chine) intervenait).

Ensuite, je n'y étais plus allée que sporadiquement, prise d'abord par mon Deug de philo, puis par la découverte de RC et le forum de la société des lecteurs.
Cependant ce club est resté au long des années le prétexte des rencontres hebdomadaire avec Paul: il venait avec le thème de la prochaine rencontre, je proposais des auteurs, nous discutions. Les livres s'entassaient sur la table de restaurant en pile aussi haute que la bouteille.

Je n'arrive pas à me souvenir exactement de ma dernière participation; avant la mort de Paul en avril 2010. Sans doute en mai ou juin 2009. Je sais que les derniers livres que j'ai présentés étaient Vies politiques d'Arendt (quel thème? l'actualité, la culture? je ne sais plus) et Les gommes (thème: la ville).

Je reçois régulièrement les annonces des prochaines rencontres, et cette fois-ci, un peu par curiosité, un peu par ce que je me sens moins fatiguée que l'année dernière, je me suis inscrite. (Thème: "vos lectures non littéraires". J'ai présenté Souvenirs de Hans Jonas, m'apercevant en le feuilletant que beaucoup de noms inconnus en 2005 lors de ma première lecture (Bultmann, Löwith, von Harnack,…) me sont devenus familiers.)

Le hasard fidèle à lui-même m'a placée en face d'une dame revenant de plusieurs années au Etats-Unis qui enseigne quelques heures à la catho. La conversation a glissé sur le cycle C et a amené la fameuse question: pourquoi la théologie?
— La foi, sans doute. La montée de l'islam et la nécessité de "se connaître soi-même" pour répondre de soi et répondre aux autres. Et fondamentalement, c'est sans doute ce que j'aurais dû faire depuis toujours.

Pourquoi la théologie? Avouons que je ne sais toujours pas ce que c'est: de quoi parle-t-on? C'était un moyen d'échapper à la littérature, qui me paraît artificielle et affectée dès que je m'y penche, et à la philosophie, qui d'une part me dépasse souvent et d'autre part me met en colère, tant il me semble qu'elle joue à l'apprenti-sorcier, diffusant des idées (que l'on pense des conclusions mais qui sont des hypothèses) mises ensuite en pratique dans les cent ou deux cents ans suivants, causant des milliers de morts. (Evidemment, on peut répondre que la religion ne fait guère mieux. La théologie est-elle la religion? Il y a une phrase de Schmitt comme quoi un théologien souhaite la mort de ses ennemis. Bref, à suivre dans les prochaines années).

Un chose est sûre, c'est que cela me dirige où je voulais aller. C'est le chemin qui s'enfonce au cœur de mon obsession, s'il faut appeler ainsi une idée jamais absente, toujours présente: la destruction des juifs d'Europe. La question de Taubes demeure, «Que s'est-il passé?»

Je quitte la soirée avec deux livres, un policier et une sorte de catalogue d'exposition (Le Coup de filet de Camilleri et Moi, Eugénie Grandet de Louise Bourgeois). Le problème avec ces soirées, c'est que vous vous retrouvez avec des livres qui n'entrent absolument pas dans votre programme de lecture (par politesse, vous les prenez: c'est atroce de présenter un livre que personne ne choisit ensuite).

Un choc

Au moment de quitter le bureau je consulte mes mails. Je ne comprends pas bien, apparemment un de mes camarades de cours nous écrit pour nous apprendre la mort de son père.
Il m'a fallu un moment pour comprendre qu'il n'était pas l'auteur du mail, mais l'objet, et que c'était sa mort qui nous était annoncée.

«La mort vient toujours par surprise.» C'était la première phrase du sermon à la mort de la mère d'un ami.

Cela faisait trois ans que nous étions dans le même TG, la célèbre phrase «c'est noté large» venait de lui car sa femme avait fini le cursus avec une mention TB. Cela me faisait rire.
Il va me manquer.

Week-end désagréable

Samedi: la journée commence mal par un rendez-vous oublié, puis tout cafouille lamentablement.
Dérapage à partir d'une histoire de miel.
Je ne fais rien de ce que j'avais prévu mais finis par me trouver une place dans la maison (depuis que j'ai le Macbook air et que le serveur a été installé à l'étage, je travaille dans le salon, sans bureau attitré). Je rattrape des billets de ce blog.

Dimanche : journée de TG (l'une des raisons du dérapage d'hier: chaque fois que je m'absente le week-end, c'est le drame. Pourtant, je ne vois pas ce qu'apporte ma présence à la maison. Je dois être trop modeste. Les semaines à venir vont être pénibles car j'ai quelque chose pratiquement chaque week-end. Je n'ose même plus en parler.)
— Que tu suives ce cursus religieux me glace. Chaque fois que j'écoute la radio je m'aperçois qu'on s'étrippe au nom de Dieu.
Oui. Non. En fait la démarche entreprise est à l'inverse de ce mouvement: elle part du présupposé que c'est l'ignorance de et dans sa propre religion qui est à l'origine des excès. Mais bon. C'est un présupposé, ce n'est pas forcément juste. Tant pis.

Journée de TG:
- deux exposés magistraux devant l'ensemble de la promo. Nous apprenons enfin le débat au cœur de la crise du modernisme au début du XXe siècle: la remise en cause de l'écriture du Pentateuque par un seul auteur, Moïse. 1/ On aurait pu nous le dire clairement depuis longtemps, je suppose que cela fait partie des choses si évidentes qu'on ne pense plus à les exprimer explicitement; 2/ il est toujours étrange d'apprendre qu'on s'est étrippé (pour une fois c'est métaphorique) sur des questions qui sont aujourd'hui oubliées tellement leur réponse est devenue évidente.

- deux rencontres en groupes constitués. Alors que c'est généralement un moment d'échange, ces premières réunions de l'année sont bizarrement agressives. Notre groupe issu de l'année dernière ayant fondu par suite de défections, nous nous voyons adjoindre cinq ou six personnes venues d'un autre cursus dont je n'arrive pas à déterminer si elles font un complexe d'infériorité ou de supériorité par rapport à nous. Comme me dirait drôlement un camarade à mi-voix: «Je ne m'assois pas à côté de la dame, elle est méchante.»
Ça va me faire mon expérience spirituelle du semestre: laisser parler et me taire. (Ça c'est un exercice difficile! Tant mieux, il faut se donner des défis ambitieux.)

- le moment le plus agréable, le pique-nique et le papotage. Nous sommes des engagés qui nous soutenons pour ne pas déserter avant la fin de la campagne. Stratégie de chacun en terme de cours flottants et langues anciennes, etc.

- Le soir, regardé La Ligne verte.

Songe

«Si vous voulez lire le Targum de Babylone en araméen, il existe l'édition xxx, un peu ancienne, mais excellente.»

Ce qui soutient le rêve, c'est qu'elle est sérieuse, elle paraît réellement imaginer que deux ou trois d'entre nous allons lire le Targum en araméen.





Ce matin la chatte était là en train de réclamer, comme si de rien n'était.

Actualités

En ce moment, ça se passe ici ou ici ou encore ici.

Mes cours ont repris la semaine dernière avec Yara Matta. C'est un pur bonheur difficile à transmettre. C'est un tissu de références et de citations croisées, non plus des allusions obscures et déstabilisantes à des textes en akkadien, égyptien ou assyrien, mais une circulation rapide dans les textes du Talmud, Targum, etc. Circuler de versets en versets via un mot ou un thème lors d'un commentaire rabbinique s'appelle "faire un collier".
Et tandis que Yara Matta nous explique le contenu des offices à la synagogue et leur évolution, la similitude avec la liturgie latine éclate (deux lectures, introduction d'un psaume après 70 (concile de Yabneh), une homélie). Cela ne semble pas avoir deux mille ans mais cinquante ou dix, c'est hier ou aujourd'hui. La liturgie comme immobilisation du temps, éternité. Nos deux traditions si proches sont sœurs et la douleur de la destruction des juifs d'Europe remonte, tant de haine tant de siècles, à l'image des nombreux frères ennemis de l'Ancien Testament, et tout cela alors que nous sommes les mêmes, nés des mêmes récits.
Il y a une douleur et une joie dans ces cours, dans ce cycle de théologie, que je ressens très profondément mais que je ne sais pas exprimer. La façon dont le temps boucle, de l'an zéro aux années 1940, est pour moi une évidence. Nous vivons après la fin du monde, ou d'un cycle.

Deux références:
La traduction du Targum du Pentateuque (Torah en araméen) en français par Roger Le Déaut
et Ephraïm Urbach, Les sages d'Israël, qui, selon les termes de Yara Matta, est «à lire l'été. C'est un gros pavé mais très agréable à lire, qui couvre la période des Tanaïm jusqu'au 5e siècle».

Plaisanterie entre apprentis exégètes

O. Artus pendant le cours: «Wénin a fait le choix d'une lecture totalement synchronique et souvent psychanalytique, mais il ne faut jamais oublier qu'il connaît la Bible en hébreu par cœur.»

A la sortie, nous nous interrogeons:
— Ce n'est pas de la fausse modestie de la part d'Artus?
— Non, lui est spécialiste du Pentateuque, pas de la Bible en son entier.
— Ah oui, ce doit être ça : lui ne connaît que le Pentateuque par cœur, en hébreu, en hittite et en akkadien.

Grec ancien

Je suis en train de tomber dans le grec ancien.

H. se moque parce que c'est du faux grec, évidemment, la Septante, ce n'est pas Eschyle. Et encore, même pas la Septante, mais le Nouveau Testament.

En attendant je m'amuse bien. Les trajets en RER en sont raccourcis. J'aime la façon dont le doute remonte de strate en strate, douter d'une construction, douter du sens d'un mot, douter de la graphie correcte du copiste… et remplacer les mots, proposer l'ajout ou le retrait d'une syllable, recréer le texte, mettre cinquante ans à stabiliser une hypothèse à force de discussions entre savants.

Quel travail, quelle ascèse. Tout ce qui approche de la folie me plaît, cet irrationnel le plus pur sous couvert de scientificité.


Philo. Ce soir Saint Augustin. De Trinitate. J'ai l'impression de tomber en enfance, je revois ma première année de catéchisme, tout cela est tellement naturel, tellement immédiat que j'en deviens perplexe. Je devrais faire une recherche, il devrait être possible de retrouver les pères blancs qui faisaient le catéchisme à Agadir. Je donnerais ma main à couper qu'ils étaient imprégnés d'augustinisme.

Doxa et épistémé

C'est très étrange d'avoir en face de soi quelqu'un qui semble considérer que les mathématiques relèvent de l'opinion et qui défend ses erreurs comme un avocat défendrait une cause.

Un peu désespérant, en fait.

Fini la couture et le rangement des cours de l'année dernière. Retrouvé la liste des livres à lire à la Toussaint. Un peu ennuyée, j'ai la septième édition du Nouveau Testament en grec, dois-je acheter la vingt-septième, celle que nous recommande la prof? (Oui c'est l'appareil de notes qui change. Mais je ne pense pas m'en servir de sitôt.)

Dimanche

Journée d'étude. Ciel bleu, métro vide, messe au soleil dans la cour. Seconde apologie de Justin. Il y a toujours un moment où le découragement me gagne, où je me dis que tout cela est inutile, trop de choses à connaître, pas assez de temps, c'est ridicule.
Le pire est toujours la tendance à se comparer, à se laisser impressionner par les questions des autres et leurs références. Ne pas regarder sur les bords, travailler avec des œillères, ne pas se laisser effrayer.

C'est amusant, la jolie professeur italienne, le jeune homme en converses, respectivement philosophe et bibliste. L'apparence, disait l'autre.

Paris est plein à cinq heures, mais que font donc tous ces gens dans les rues un dimanche? Je passe en librairie, il ne reste que "L'écume des pages" boulevard Saint-Germain; au café de Flore les gens se rengorgent d'être regardés, il y a sans doute là une ou deux célébrités mais je ne connais personne. Etrange théâtre ou zoo, nous les regardons attendre d'être regardés, et nous avons un peu honte de leur attente et d'y répondre. (Est-ce la définition du snobisme?)

Je rentre épuisée; les enfants sont en train de faire le ménage \o/, je lis Harry Potter V en prenant un bain.

Cours

Un peu décroché au milieu des atomistes. Il est possible que le feuilleté à la saucisse de Meurteau et l'excellent verre de Bourgogne ingérés avant y aient une part de responsabilité.

Boire ou étudier. Dormir ou bloguer. Fumer ou ramer. Quelques choix parmi d'autres (et pendant ce temps, lire Hadot, la philosophie comme mode de vie (et non comme discours) et la sagesse comme idéal).

Lundi : rentrée

Ah tiens, le blog est revenu, après vingt-quatre heures de black-out. Il faudrait que je songe à le sauvegarder.

Lundi soir donc, rentrée en deuxième année. Combien étions-nous l'année dernière, cinquante?[1] Nous ne sommes plus que trente-deux. Les abandons peuvent être dus à des raisons familiales ou professionnelles, ou au découragement devant l'investissement personnel que représente le cursus. C'est très exigeant, nous nous en sommes rendus compte peu à peu.
J'avais bien noté en juin en voyant passer le groupe des huitièmes années qu'ils me semblaient très peu nombreux, une douzaine peut-être (et très sérieux, voire compassés, bien plus sérieux que nous: finirons-nous (ceux qui finiront) comme cela?).

Il y avait une dissertation de théologie à rendre en juin, j'avais réellement peiné dessus, mais sans accorder beaucoup d'importance à la note, car certains répétaient avec conviction que "c'était noté large".

Je découvre éberluée à la rentrée que cette façon large de noter est très particulière: soit vous avez une bonne note, soit il vous est demandé de refaire votre devoir (avec la possibilité intermédiaire que ce ne soit pas demandé mais "suggéré"). J'imagine le coup de bambou d'apprendre en juillet que vous devez réécrire durant l'été dix à quinze pages sur "tradition et révélation" ou "Pourquoi Ponce Pilate apparaît-il dans le Credo?"
En grec, c'est l'hécatombe, certains n'ont pas validé leur année de quelques points et doivent recommencer (pour ma part je commence cette année).

Bref, le passage en année supérieure n'est pas conditionné par les notes, mais vous n'avez pas la possibilité d'être mauvais: vous recommencez jusqu'à être au moins passable.

Notes

[1] (Non, quarante-cinq).

Sainte Chapelle

Que c'est dur de faire lever les enfants à neuf heures du matin. Des zombies.

Il faut être au lycée avant onze heures pour que A. rende ses livres de français et géographie (une fois de plus son sac pèse une tonne (au moins un pack d'eau de six bouteilles qu'elle trimballe toute la journée) car elle a tenu mordicus à emmener les livres qu'elle présente en "œuvre intégrale" pour son oral l'après-midi, bien qu'elle ait les extraits étudiés en photocopie (on ne discute pas avec A. On ne convainc pas A. Va pour le pack d'eau.)

Nous l'abandonnons. Direction la Sainte-Chapelle — à Vélib. Seul défaut, je ne peux pas commenter à Félix les rues de la ville qui défilent.

Trop de monde devant Notre-Dame que j'espérais visiter aussi: moi, je ne fais pas une heure de queue pour visiter un monument, je n'y tiens pas à ce point-là (et je suis incrédule: tous ces gens là devant moi y tiennent à ce point-là? Mais pourquoi? Qu'est-ce qui compte pour eux, qu'est-ce qui est si important pour eux dans Notre-Dame?)
J'explique à Félix que si vraiment il veut visiter Notre-Dame, il faut venir à la messe de huit heures, puis déambuler dans l'église. Alors il n'y a personne ou presque. Les journées de ces jeunes gens commencent vraiment trop tard.

Sainte Chapelle. Malgré le temps gris, toujours le même miracle. Je remarque avec amusement que la restauration dees vitraux est financée en partie par Velux (c'est idiot à dire, mais ça me touche. Je ne pensais pas que l'entreprise Velux était suffisamment importante pour faire ce type de mécénat, et je n'aurais pas imaginé une entreprise que j'associe aux constructions contemporaines de moyenne gamme investir dans la Sainte Chapelle. Oui, ça me touche.)
J'aime cet endroit. Je me souviens du choc la première fois que j'y suis entrée, les peintutres de la salle basse, les vitraux de la salle haute. Je ne savais pas que cela existait. J'en connaissais le nom, une ou deux photos. Mais je ne savais que cela ressemblerait à cela. (Dix-huit ans, interne à Versailles, ou dix-neuf, à Paris, je ne sais plus: je visite systématiquement tous les monuments, tous les musées, indiqués par un guide que j'ai perdu depuis.)

Vélib, dossier carte imagin'R àla Bourse (au Châtelet il n'y en avait plus), japonais sur un vœu exprimé par O. (le meilleur japonais de Paris (Hokkaido, 14 rue Chabanais). J'y suis venue par hasard en 1996 quand je travaillais rue Pillet-Will. J'ai l'impression qu'il est devenu très connu, il ne désemplit pas, mais il n'a pas changé: le même cuisinier, les mêmes serveurs, quelques cheveux gris en plus. En goûtant les gyozas, je me dis que non seulement ça n'a pas changé, mais leur cuisine est devenue encore meilleure), Vélib, ICP pour m'inscrire en allemand (deux heures l'année prochaine. "Université du milieu de vie", brrrr!), A. nous a prévenus qu'elle ne passait pas son oral avant 15 heures, Vélib, Décatlon près de la grande bibliothèque, tongs et t-shirts, A. a fini, nous en avons pour une heure pour rentrer, je suis rattrapée par la fatigue, pas sûre de tenir sur un vélo et je pense aux kilomètres qui m'attendent: nous prenons le bus. Je dors.

Sortie de Paris épouvantable. Nous arrivons à neuf heures à Blois. J'abandonne mon projet de rejoindre mes parents sur les bords de Loire où ils vont observer les castors.

Thierry Roland

C'est drôle, j'avais failli écrire un billet avec ce titre cet hiver. Il était venu signer des autographes au CE, j'avais pensé à un cadeau de Noël pour mon père, ou pour ma tante qui a le défaut supplémentaire d'aimer le foot.
J'y avais renoncé, j'avais eu peur d'être trop familière, d'en quelque sorte lui sauter au cou, tant il fait partie de mes souvenirs, comme Max Meynier, par exemple. (Et le film de 18h du dimanche soir sur TF1, toujours interrompu à 19h par mon père qui regardait Stade 2. J'ai mis des années à connaître la fin du Corniaud.) Qui reste-t-il? Bouvard, bien plus que Drucker. (Comme tout cela est vieux. Obligée de googler "Jean-Pierre Pernaut" en lisant La carte et le territoire. Tenir le siècle à distance, comme c'est facile.)


Dernier TG. Une année, plus que deux cours. En neuf samedis nous avons réalisé une sorte de miracle, à se battre sur des sujets inattendus (ce n'était pas les sujets, qui étaient inattendus, non, au contraire, fort convenus (le sacré, la tolérance, les Actes des Apôtres), mais justement, le fait de se battre et débattre avec tant de passion, d'enthousiasme). Nous sommes tous vivants après avoir frôlé l'épuisement et la noyade («ravie de l'année, ravie que cela se termine» a résumé une participante: c'est tout à fait ça), un peu surpris de constater notre plaisir à être ensemble.
RK m'a dit à part quelques mots gentils sur ma façon de désamorcer les tensions dans le groupe, j'en suis surprise et réconfortée.


Trois heures de désherbage à la serfouette. J'hésite un peu à couper un chardon d'un mètre vingt, référence poétique oblige. Mais bon. Certaines plantes tissent des réseaux de racines si serrés qu'elles emmènent avec elles des nappes de terre. Il faudrait qu'il cesse de pleuvoir quelques jours, que cela sèche et se désagrège, je ne vais tout de même pas mettre de la terre à la poubelle.

Demain

Demain je reprends ma vie en main.
Aujourd'hui j'écris juste dix pages que j'aurais dû écrire pendant les vacances de Pâques si j'avais été un peu plus organisée.

A fronts renversés (une fois de plus)

Quand je suis entrée en hypokhâgne, je venais d'un bac C, d'une famille de matheux. Un ami de mes parents s'était exclamé spontanément en apprenant ce que j'allais faire l'année suivante: «Quelle déchéance!».
Quelques semaines plus tard, je regardais muette une de mes camarades de classe (l'une des plus sottes (ce qui est peut-être une explication, je m'en avise)) dire gravement: «N'oublions pas que nous sommes l'élite de la France».

J'ai l'impression de revivre la même situation. Entourée en temps normal de philosophes m'assurant que seule la philosophie conduit à la vérité et qu'entre foi et superstition l'écart n'existe pas (cf. Leo Strauss), je me retrouve dans une salle où chacun semble persuadé que le théologien est "mieux" que le philosophe.

Bon.

(Jean-Luc Marion parle de: urgence kérygmatique // délai herméneutique. Ça me plaît.)



(Front renversé encore: débat entre un théologien et un philosophe, c'est le philosophe qui est prêtre).

Des nouvelles de mon entourage

Suzanne est revenue lundi, contrairement à mes prédictions pessimistes qui repoussaient cela après les élections.

Un étudiant des cours du lundi, militaire, part en Afghanistan.

Réunion d'AH

— A votre avis, pourquoi vous êtes là? Parce que certains d’entre vous deviendront des théologiens. Pas tous, mais quelques-uns. En France, les théologiens seront des laïcs, c’est un enjeu théologique et ecclésial. Qui fait de la théologie en France? Pas les prêtres diocésains, ils sont débordés, et les religieux, ils ne sont jamais là. Hop à Haïti (elle fait des grands gestes des mains), hop à Singapour. C’est pour cela que vous êtes formés.

Coïncidence

Bon. La citation du jour était «nous sommes tous des petits Samuel»1. Au moment de l'écrire, j'ai pris conscience que ce n'était pas le moment, qu'elle serait mal interprétée vu le contexte 2.
(Mais dans quelque temps, quand on ne saura plus ce qui c'est passé le jour de ce billet, elle pourra redevenir un commentaire de la Bible, un commentaire de la vocation de Samuel).


Note:
1: signifiant que nous sommes tous appelés.
2: assassinat de trois enfants et un adulte devant une école juive à Toulouse par Mohammed Merah.

Difficile adaptation

Cours le matin (en retard, en retard), "confesse" (comme on disait en prépa) l'après-midi (c'est assez drôle, quand on y pense (mal à l'aise, impression d'avoir cabotiné)), La taupe ensuite (très bien. J'avais peur de ne rien comprendre, mais très bien, juste assez peu bavard pour qu'il reste de l'indécidable).

Atmosphère détestable quand je rentre, je sens que les week-ends de mars vont être durs. (L'agenda se charge. Combien de personnes à table au repas suivant, combien de personnes à dormir à la maison, ça varie tout le temps, au gré du sport, des scouts, des films, de l'oulipo, des rendez-vous professionnels, j'aime bien ce tranquille va-et-vient, les gens qui se croisent sans obligation, H. ne supporte pas ça, il est si peu à la maison qu'il faudrait que tous soient là quand il est là.)

Samedi

Vendredi soir Bartok, samedi matin le discours de Paul aux Athéniens, samedi après-midi La Colline aux coquelicots.

Bibliothèque verte ou rose (Paul-Jacques Bonzon), très grande beauté du dessin, des arrières-plans, les carreaux de la paillasse dans la cuisine, le gros plan sur le brûleur de la cuisinière, les beignets de poisson qui cuisent, la mer, les arbres, le feuillage des arbres. Je n'aime pas les visages des mangas, ces expressions qui se résument à deux ou trois, larmes, sourire, rire et cri (ça fait quatre).

Deux paires de gants.

. Il y a deux semaines, je suis arrivée aux Halles à 22h48 (à peu près), je suis descendue sur le quai du RER D pour m'apercevoir qu'il était désert et en déduire qu'il fallait que j'aille gare de Lyon, j'ai aperçu une rame de RER A sur un autre quai (tous les quais sont parallèles, tous les trains sont visibles d'un quai à l'autre) et j'ai couru à perdre haleine pour avoir cette rame — le RER D part à 23h08 de gare de Lyon.
J'ai réussi à monter dans la rame du RER A. Quand elle a démarré, j'ai compris qu'elle allait dans le mauvais sens. A Auber j'ai aperçu (de nouveau) une rame qui arrivait dans l'autre sens, j'ai couru, je l'ai eue (c'était beaucoup plus facile). L'enjeu était toujours 23h08.
Gare de Lyon, je suis montée d'un étage pour prendre le RER D. Quai désert. Un panneau expliquait que suite à des travaux sur la ligne D, les trains partaient des grandes lignes ("gare de surface").
J'ai couru, remonté un étage, traversé la gare, monté un escalier, un deuxième, tenté de déchiffrer le panneau central (sans mes lunettes, et avec, c'est en train de devenir compliqué).
Je suis arrivée sur le quai pour voir s'éloigner les phares arrières de la dernière rame.
J'ai attendu une demi-heure et je suis rentrée à minuit passé.

Le même soir, j'ai laissé une paire de gants dans une salle. J'y suis retourné le lendemain, le samedi et lundi suivant, et encore aujourd'hui: rien. Je suppose que comme j'ai perdu les deux à la fois, ils ont fait l'objet d'une adoption...
Je suis triste car c'était un cadeau de Paul Rivière.




. Il y a une semaine je me suis appliquée. J'ai pris le RER A aux Halles dans le bon sens, je suis directement montée en gare de surface et je me suis installée à 23h03 dans un RER direction Melun, après avoir profondément vexé un employé de la SNCF parce que je me suis mise à rire quand il a qualifié d'exceptionnelles les perturbations actuelles (ce fut ainsi d'octobre en décembre, déjà, avec une interruption à Noël, d'où ma naïve confiance le lundi précédent).
J'attendais que le train parte à 23h08. Il n'est pas parti. J'attendais et j'attendais — jusqu'à ce que j'entende des passagers discuter et que je me précipite hors de la rame au moment où les portes se fermaient (des passagers m'ont aidée en retenant les portes): je m'étais trompée, c'était un direct Melun. Je n'étais pas montée dans le bon train.
J'ai attendu une demi-heure et je suis rentrée à minuit passé.

. Ce soir je me suis appliquée mieux. J'ai eu le train de 23h08.
Et ma collègue m'a offert une paire de gants, un peu plus beurre un peu moins crème. C'est vraiment gentil.

J'espère que c'est la fin d'un cycle. Depuis trois jours je ne fais que des mauvais choix et il me faut m'y reprendre à plusieurs fois pour tout.

***

Deux heures pour commenter Ac, 2, en reprenant les sources vétérotestamentaires et en effleurant la tradition juive — le soupçon (la certitude) vient qu'une vie à plein temps n'y suffirait pas et que c'est folie de tenter l'aventure à coup de deux heures par semaine. Dans ces moments-là, je mets vite des œillères à mon âme: surtout ne pas penser.

Acheté en novembre à Nantes

A Nantes se tient une kermesse de la paroisse dans laquelle sont dispersés les bibliothèques des prêtres décédés au cours de l'année. C'est assez mélancolique.

Un ami nantais m'avait choisi des livres un peu à l'aveugle, puisque je n'ai pas grande idée de mes besoins. Ils sont parfaits, ce sont des livres de fond de bibliothèque.

Code de droit canonique (latin-français)
Nouveau testament (en grec)
Concile Vatican II, constitutions, décrets, déclarations (français et latin)
— Congar: Jalons pour une théologie du laïcat
— Congar: Vraie et fausse réforme dans l’Église
— Congar: je crois en l’Esprit saint
— Saint Augustin: Commentaire de la première épître de saint Jean (bilingue)
— Auguste Valensin: Textes et documents inédits



Par ailleurs, reçu Témoins de la Parole de la Grâce de Philippe Bossuyrt et Jean Radermakers.

Règle d'humilité

« Un exégète n'écrit pas de commentaires au début de sa vie. Certains n'en ont même jamais écrits. »

Paradoxe temporel

J'ai quelque chose à faire pour le 10 janvier.
Je n'ai pas commencé, ou pas vraiment, même si j'y pense depuis les vacances de Noël.
Je sais que ce sera fait.
Je suis tellement persuadée que ce sera fait qu'il en devient inutile de s'y mettre, puisque cela sera fait.

Cela ressemble à Harry Potter 3, quand il explique que s'il a été capable de produire un patronus, c'est parce qu'il s'était vu produire un patronus et donc se savait capable d'en produire un: Harry produit un patronus à un instant t parce qu'il s'est vu produire ce patronus pendant qu'il s'observait à partir d'une boucle parallèle du temps?

Sauf que chez moi cela produit un effet inverse: Harry a pu produire son patronus, moi je ne me mets pas au travail.



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Six ans plus tard, janvier 2018, j'explique : il s'agissait du premier contrôle de connaissance de toutes les années à venir dans mon cursus de théologie. En l'occurence il s'agissait d'un oral d'histoire. Nous devions choisir un sujet qui couvrait la période du catholicisme de Luther à la Révolution. En songeant à certaines allusions lues dans L'autorité contre les lumières, j'avais choisi comme sujet "le gallicanisme". J'avais commandé un livre de Martimort, Le gallicanisme de Bossuet, que je n'ai pas pris le temps de lire (un livre magnifiquement relié sans doute dans un atelier tenu par des religieuses). J'ai saboté ma préparation d'oral. Je ne savais plus du tout travailler, m'imposer des horaires, avoir une idée de la forme, de la composition, à atteindre. Ces six ans de théologie (vus de janvier 2018) m'auront servi au moins à cela : apprendre à me mettre à travailler à temps pour rendre compte à des maîtres sérieux (par opposition à pipoter au dernier moment face à des dirigeants incompétents).

Juste pour moi, pour ne pas ne pas écrire

Journée pleine et vide. La suite est pour mémoire, pour moi seule. (Cela risque d'arriver de plus en plus souvent, j'en ai peur. Ça passera.)

? Je ne lis qu'utile. Ça horrifie les enfants: «Tu ne lis jamais pour le plaisir?»
Nous rions.
? Ils ne peuvent pas comprendre.
? Non, ils ne peuvent pas. Mais c'est vrai que je lis toujours avec une raison. Je ne lis plus jamais sans raison.
? [?]

Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale, direction Monique Canto-Sperber. Ce n'est pas ce que je cherchais mais ça tombe bien. Et Martimort. Un peu gros mais ça devrait aller.

Marie Tudor et Elizabeth Ière. Qu'est-ce que c'est qu'être reine quand votre mère a eu la tête coupée? Vivre dans la peur ou dans la vengeance.
Le concile de Trente, un concile provincial méditerranéen.

Il est 1h39. J'ai encore trois cents mots à écrire ? et je ne sais pas lesquels.


4h34 : fait.

Saint Joseph

Des notes en vrac, vite, de mémoire. (En réalité il y en a huit pages manuscrites).

— Il est le patron de la bonne mort, ce qui va sans doute vous étonner.
— Pourquoi devrions-nous être étonnés?
— Parce que la bonne mort n'est pas ce qu'on envisage aujourd'hui. A l'époque [XVIe au XVIIIe siècle], c'est celle qui vous permet de vous préparer, celle qui ne survient pas brutalement.



Durant le Moyen-Âge, le pauvre est une figure du Christ. Mais à partir de 1520, dans les pays du Nord, va se produire une évolution, il va devenir louche, facteur de troubles et être marginalisé. D'abord il s'est produit un rattrapage démographique suite à la peste noire, et nous sommes dans un pays plein, que l'on parvient tout juste à nourrir (et je songe à L'Oeuvre au noir). D'autre part nous assistons à une évolution de l'aumône. Jean-Louis Vivès écrit le De subventione pauperum, il plaide pour une organisation de l'aide et la fin (du moins la raréfaction) de l'aumône individuelle, inefficace (l'aumône individuelle était destinée à assurer votre salut: le pauvre priait pour vous).

Une définition du bon et du mauvais pauvre apparaît: le "bon" pauvre, c'est le pauvre malade ou le pauvre honteux, celui qui voudrait travailler mais ne le peut pas, celui qui a honte de sa misère; le mauvais pauvre, c'est le paresseux (et je souris en pensant que cette distinction avait de l'avenir devant elle).



Avant la révolution de l'imprimerie, il y a eu la révolution du papier, quelques années avant.

Première Bible (catholique) traduite intégralement en français : celle de Lefèvre d'Etaples en 1532. Publiée en petit format, destinée à la pastorale, pour les fidèles. Une transformation de l'Eglise chrétienne était sans doute en cours, la Réforme est venue interrompre le processus et l'histoire a pris un autre cours.

Discussion

Ça marche !

Je n'en reviens pas. Une dizaine d'inconnus réunis autour de treize textes. Et ça marche: il est possible de discuter, possible d'avancer, de découvrir le texte à travers les yeux de son voisin. Je n'aurais pas parié un kopek là-dessus.

Il me reste à déterminer les conditions du succès: un maître du jeu, qui sache résumer ce qui vient d'être, ouvrir de nouvelles pistes et faire respecter la parole de chacun, jusqu'au bout.


Appris : au XVIe siècle, on apprenait à lire, pas à écrire (d'où les croix sur les contrats: on savait les lire, pas les signer).

Malade

Mon médecin est rentré mais il ne peut pas me prendre. Trop de monde. Il présente des excuses, sa voix est blanche.

Institut Arthur Vernes, six heures. Consultation sans rendez-vous. Nous sommes au moins six ou sept à attendre, je ne sais dans quel ordre, posés au hasard sur les chaises. Le silence est profond, impressionnant, comme si nous étions oubliés du monde tandis que la nuit tombe. Cela dure une heure. Je finis Sesbouë et je m'endors.

Virus grippal. Ce n'est pas la grippe, ce n'est rien en fait: dormir et boire. Je sais bien que c'est une réaction à jeudi.

Visite de la bibliothèque sous les toits. Dans la journée elle doit être admirable. J'en profite pour vérifier que JA n'est pas référencé dans la revue Études. (Ouf. Parfois la Terre se remet à tourner sur son axe.)

Histoire. Les peurs de l'Occident. «A fame, a peste, a bello, liberanos Domine.» Je m'ennuie doucement, je me dis que ce doit être nécessaire, ce doux ennui, nécessaire aux courses de fond, pas de précipitation. L'Occident toujours en guerre, au XVIe et XVIIe siècle, la paix une exception, les armées sous la protection d'un saint (et je me dis que nous ne sommes pas si loin de L'Iliade et des dieux de l'Olympe), la victoire comme une justification, la défaite comme une malédiction, un grain de blé en donne cinq, il faut en garder un ou deux pour les semences, et encore c'est une bonne année, si un grain en donne deux, c'est une catastrophe.

(A une époque, il courait le bruit que c'était une question à l'oral de l'ENA: combien de grains sur un épi? J'avais posé la question à mon père, qui avait pris le problème logiquement: un épi mesure quatre à cinq centimètres, chaque grain mesure sept à huit millimètres, ils sont attachés sur quatre rangs… Bref, nous arrivions à un nombre entre vingt et trente. A vérifier.)

Les sorcières, l'astrologie, le purgatoire, les limbes,… une jeune noire, dont je ne sais si elle vient des Dom ou d'Afrique, pose plusieurs questions: visiblement elle n'arrive pas à imaginer que l'Occident ait pu être aussi "attardé". (Et j'ai un peu honte, je me demande ce qu'elle a appris, je me dis que "nous" n'avons pas été honnêtes.)

Je savoure ce que je n'ai finalement jamais connu: un professeur qui lit des thèses, et qui est donc au courant des dernières recherches. Ses affirmations ressemblent à des lieux communs, mais chaque question provoque des précisions bien au-delà de ce que nous attendions.

Longue haleine

Nous sommes quarante-cinq. Combien seront encore là dans huit ans? Je n'ai encore jamais passé autant d'années avec un groupe, ni avec des camarades d'université, ni avec des collègues de bureau.

Matin

Il fait si froid que les oiseaux ne chantent pas. Fini de ranger un étage (ou persque). Il reste l'aspirateur à passer. Ceci est ma pause.

Reçu hier le dossier d'inscription pour un cycle de huit ans. Ça fait un peu peur, il ne faut pas y penser. (Ai-je une photo d'identité récente dans mon bordel? Comment le savoir vite puisque c'est le bordel?)

Fini Le Temps immobile 3. La fin exactement contemporaine de ma première rentrée scolaire en France. Impression qu'on m'explique (enfin) mon enfance, la rumeur de la radio, mes parents (jamais de politique, jamais de sexe) échangeant des regards en entendant parler de Franco (exactement comme ils commenteront la maladie de Tito en février 1980: «la Yougoslavie va éclater à sa mort»).

A peu près

Pieds gelés, bateau moteur sur la Seine sous la pluie deux heures, j'ai froid.

Knacki purée, un thé à la menthe.

Une bonne nouvelle, une revue, une plaquette, une carte postale.

Commandé L'Illiade et L'Odyssée en MP3 (car hier A. a confondu Archimède et Œdipe (WTF?) (par ailleurs la question n'était pas facile: citer un prénom avec l'e dans l'o (je n'en connais qu'un second: Œnone))). C'est très agréable à écouter, je le sais parce que je possède la deuxième partie de L'Odyssée en cassettes, données par Paul Rivière.




(Attente terminée. Et réponse favorable (mais pourquoi avais-je si peur?) Envie de pleurer de soulagement.

- et le 15 juin. Non, je ne raconte pas le 15 juin, mais ce soir je suis soulagée: j'ai enfin reçu une réponse positive (je crois, mais oui, positive. J'en parlerai un jour, forcément, mais pas maintenant. Je suis juste trop contente pour ne pas le noter.))

Deux cent cinquante six écrous

Remonté les huit yolettes entre midi et deux, huit portants par yolette, quatre écrous par portant. Que de souvenirs dans le simple fait de visser et dévisser des boulons. Je ne pensais pas refaire cela de ma vie, je pensais ne jamais remonter (ou démonter) de bateaux. Mais je reviens toujours sur mes pas, et la fin de la journée l'a encore prouvé.

Ecoutez la première minute (entendre une cornemuse sur l'eau au petit matin en face de Saint-Marc… Une envie de rire et de pleurer tout à la fois).



————————————— Agenda
Entretien avec Mme Cholvy à l'institut catholique pour le cycle C. Evoqué tous mes souvenirs, de Saint Augustin à Agadire à Stanislas Lalanne à Versailles.
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