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Pâques

Le réveil sonne à 6h45. J'ai prévu large, afin d'assister à la messe de Pâques à Saint-Marc à huit heures. J'avais repéré la veille l'entrée sur la place dei Leoni; je pensais que cela donnait accès à une salle secondaire.
Non, c'est à la nef que l'on accède. Je suis en avance de quelques minutes, je regarde un prêtre déplacer son escabeau pour allumer une à une les vraies bougies sous la coupole. Au fond, la pala d'oro brille tant qu'elle est indistingable.
Ne pas trop regarder, rester discrète.
Je ne me souvenais pas de tant de splendeur.
Sur chaque siège, un livret en cinq ou six langues donne la liturgie du jour, les lectures bien sûr, mais l'ensemble du rite. J'hésite à en emporter un, mais qu'en ferais-je?


Agenda:
Arsenal, île San Pietro, le pont de bois est en réfection (sera-t-il remplacé?) l'église est fermée; ici il règne un parfum de bout du monde, de prairie et d'air salé.
Musée de l'arsenal fermé.
Froid à saint François des Vignes, déçue par l'église, j'en gardait un souvenir bien plus lumineux.
Il fait un temps magnifique. Coups de soleil. Les lions de l'arsenal, le linge sur les cordes, etc.

Buona Pasqua a tutti

Samedi soir, j'ai assisté à la veillée pascale à l'église des Carmes. Un cardinal officiait. Je suis arrivée un peu tard, trop tard pour le feu et la distribution des cierges, fins, très fins, beaucoup plus fins qu'en France.

J'aime assister à la messe en langue étrangère. Le rite prend toute sa puissance, les rythmes permettent de reconnaître le sens, l'extérieur apporte la forme, le fond est intérieur.
Je ne connais pas bien les rites de la veillée pascale, ce n'était pas une tradition familiale, on allait plutôt à la messe le dimanche matin. Je n'ai assisté qu'à deux veillées dans ma vie, et il m'a semblé que celle-ci, la troisième, se passait de façon légèrement différente, le nombre de lectures m'a surprise.
L'assemblée se lève, le texte est lu, je me concentre le temps de reconnaître le texte grâce à quelques mots, puis je m'endors, épuisée. L'assemblée s'assoit, un prêtre commente le texte, je ne comprends pas, je dors profondément, l'assemblée se lève et chante, bien sûr je ne comprends pas le numéro des chants, je repère de loin la forme imprimée des strophes chez mes voisins et trouve la page adéquate, le chant est presque fini, c'est joli, plus joli qu'en France, plus doux et plus mélodieux (je déteste en France ces chants dont il faut bien reconnaître que La Vie est un long fleuve tranquille donne une image assez exacte), je chante, le texte suivant commence, je me rendors.
Combien de fois? Dix fois, quinze fois? Je ne sais pas, je ne pensais pas que ce serait aussi long, je ne savais pas que j'étais si fatiguée, une fois mon genou fléchit tandis que je suis debout, mon sommeil était devenu trop profond.

Qu'est-ce que je fais là? Ce matin j'étais à Paris, à midi dans l'avion, à six heures sur les Zattere à manger une glace… Qu'est-ce que je fais là? Je pense à Matoo, à Guillaume, à Veuve Tarquine, à leur fureur anti-Dieu, à la tristesse que cela provoque en moi parce qu'il n'y a rien à dire, d'une certaine façon ils ont raison mais moi aussi, mais il y a déjà un moment que j'ai décidé de ne plus réfléchir, de ne plus rationaliser tout cela.
S'il n'y a rien nous ne le saurons pas (et c'est une bonne farce, réellement l'idée me fait rire); mais s'il y a quelque chose (ou "quelqu'un") cela ne fera pas grande différence d'avoir été croyant ou pas. L'important sera la vie menée. Et les critères de jugement ne seront pas humains, ce qui est profondément rassurant (et me fait regarder avec condescendance ces croyants si sûrs de savoir où est le Bien et le Mal: relisez les Evangiles, vous verrez, c'est surprenant, personne n'est jamais jugé comme il l'attend).

Enfin bon. Je pense à Jules, à sa veillée de Noël à Saint-Marc (mais que faisait-il là?), finalement ce ne serait pas si difficile à organiser.

Le cardinal nous libèrera d'un joyeux "Buona Pasqua a tutti", les gens se rassemblent, s'embrassent, sont heureux, c'est un village, une fête de famille.
Je m'éclipse.
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