Billets qui ont 'bonheur' comme mot-clé.

Ainsi soit-il

Quai de la 14 gare de Lyon. Je vais prendre le RER A.

Foule et cohue. En bas des escaliers, un homme âgé et barbu, croisement entre un nain de jardin habillé en ciré beige et un clochard propre, des sacs très pleins à la main et une sorte de parapluie coloré, jaune, avec un manche fait d'une tige de parasol. Il ne bouge pas, tourne sur lui-même, regarde en l'air comme s'il cherchait un panneau pour s'orienter.

J'hésite mais je ne suis pas pressée:
— Je peux vous aider? Vous cherchez quelque chose?
Il me répond avec un grand sourire :
— Je cherche le bonheur des autres.

Vous ne me rattrapperez pas

En février 2007, j'avais été très frappée par cette devise trouvée chez Rémi: «Il faut être heureux ne serait-que pour montrer l'exemple».
Cette phrase impliquait que le bonheur (je n'aime pas ce mot qui résonne un peu gnangnan à mes oreilles, je dirais plutôt l'énergie, la joie, la décision de ne pas se morfondre, d'avancer) n'était pas un passe-temps égoïste, mais un devoir, un impératif moral.

Depuis je me suis aperçue que cela recouvrait chez moi des motivations un peu plus perverses:
- Il faut être heureux comme une revanche, comme une vengeance, contre tous les oiseaux de malheur, ceux qui semblent d'abord vous mettre en garde pour vous protéger mais qui tout compte fait paraissent tout déçus quand vous vous en sortez (ce n'est pas par méchanceté, c'est juste que ça les prive de leur pouvoir d'être votre dernier recours. Ils vous aiment à leur manière: la dépendance);

ce qui m'amène à mon second point:
- Il faut être heureux pour être libre, pour être hors d'atteinte.


Et cependant, ce vocabulaire de fuite et d'évasion me laisse perplexe. Y a-il vraiment risque d'enfermement?

Gratitude

Encore un blog qui m'enchante : thx, thx, thx, merci, merci, merci, un mot de remerciement par jour.
La mise en page, le design, me plaisent beaucoup.
Je traduis quelques billets (post-its).

  • Cher papier toilette en cours
Merci d'être exactement de la douceur qui convient. Ni trop épais comme ces sweats pelucheux, ni trop fin que le papier crépon qu'on utilise pour décorer les salles des fêtes. Tu es le Boucle d'or des papiers toilette, le papier toilette "juste comme il faut". A bientôt et merci encore. Amitiés, Leah.

  • Chère conférence sur l'intersectionalité
Je n'ai pas assisté à ta session et je n'ai pas vraiment compris quelle était ton objet, mais je te remercie d'avoir été l'occasion pour Patrick de séjourner chez moi à L.A. Tu as précipité la transformation de nos liens vagues en une amitié pleinement épanouie. Je ne peux te remercier assez pour cela. De tout mon cœur, Leah.

  • Cher miel,
Merci d'adoucir ma gorge quand je suis malade et mes oreilles quand quelqu'un m'appelle par ton nom. Amitié sincère, Leah.

  • Cher rhume,
Merci d'être venu avant mes vacances plutôt que pendant. Cela faisait un moment que nous ne nous étions vus et j'espère que tu quitteras bientôt mon corps. Bye! Leah

  • Chère honnêteté,
Merci de nous avoir autorisé à dire que nous ne regrettions rien quelles que soient les conséquences. C'est si important pour moi. Tendresses, Leah.

  • Cher stabylo jaune fluo,
Merci de m'aider à être attentive à ma lecture en cours, et dans le même temps de me ramener dans les années 80 quand tout avait ta couleur. Quel talent tu as! Amitiés, Leah.

Quelques secrets de l'âge adulte

Pas envie (ou plutôt peur) d'être trop perso. J'ai l'impression de sentir des pans entiers de moi-mêmes se détacher et flotter, partir à la dérive. Je les regarde s'éloigner sans rien ressentir, je me retourne avant même qu'ils n'aient disparu, je ne comprends pas trop ce qui se passe. Très très marre à nouveau, de nouveau.

Afin de maintenir étanches les compartiments de la schizophrénie, je reprends l'exercice de cet été, un peu de traduction de blog en anglais. J'ai choisi un billet de The happiness project, nom que je ne sais même pas traduire (Objectif bonheur? un petit côté Martine pas pour me déplaire. Objectif: me coucher avant minuit.)

Les phrases sont plus ou moins terre à terre, plus ou moins abstraites. Elles sont livrées en vrac, et c'est volontaire, je suppose.
A classer du plus au moins vrai, de la préférée à la plus désagréable, de la plus à la moins utile, etc.
  • La meilleure lecture est la relecture.
  • L'ordre extérieur contribue au calme intérieur.
  • L'opposé d'une grande vérité est aussi une vérité.
  • On contrôle ce qu'on mesure.
  • Un peu chaque jour permet d'accomplir beaucoup.
  • Les gens remarquent moins vos erreurs et vos défauts que vous le pensez.1.
  • Il est confortable d'avoir beaucoup d'argent.
  • La plupart des décisions ne nécessitent pas d'intenses réflexions.
  • Faites attention à ne pas être affamé.2.
  • Même si vous pensez que c'est une imposture, fêter la fête des Mères et celle des Pères est un geste plein d'affection.
  • Si vous ne trouvez pas quelque chose, il est temps de ranger.
  • Les jours sont longs mais les années sont courtes.
  • Quelque part conservez une étagère vide.
  • Eteindre et rallumer son ordinateur plusieurs fois (sans précipitation) résout la plupart des problèmes informatiques (hardware).
  • Il n'y a pas de mal à demander de l'aide.
  • Vous pouvez choisir que faire; vous ne pouvez choisir ce que vous AIMERIEZ faire.
  • Le bonheur ne rend pas toujours joyeux.
  • Ce que vous faites CHAQUE JOUR a plus d'importance que ce que vous faites DE TEMPS EN TEMPS.
  • Personne n'exige que vous soyez parfait en toutes choses.
  • L'eau et le savon enlèvent la plupart des tâches.3.
  • Il est important d'être gentil avec TOUT LE MONDE.
  • Vous en savez autant que la plupart des gens.
  • L'auto-médication, c'est très efficace.
  • Mangez mieux, mangez moins, bougez plus.
  • Ce qui plaît aux autres peut ne pas vous plaire — et inversement.
  • Tout compte fait, les gens préfèrent que vous choisissiez leur cadeau de mariage dans leur liste.
  • Les plantes vertes et les albums photos prennent beaucoup de temps.
  • Si vous ne vous plantez pas, c'est que vous n'y mettez pas assez de cÅ“ur.
  • Ni repris, ni échangé.



1 : M. de Norpois contredit ce point.
2 : parce que cela rend hargneux (c'est le cas de l'auteur du billet, je le sais puisque j'ai lu son blog).
3 : Est-ce une phrase à prendre au premier degré?

Espace temps

Parfois le temps se dilate, se contracte,
en une seule diastole systole
et me semble qu'est tenue
la promesse déniée vingt ans plus tôt
et je ne comprends pas.





Cours sur Finnegans Wake avec Daniel Ferrer.

Addict

Le plus simple, pour réussir à écrire un billet, est encore d'avouer à quoi je passe mon temps actuellement: à lire des blogs de self-help. J'en ai déjà parlé, c'est quelque chose que j'adore, d'absolument addictif, je peux passer des heures à apprendre comment ne pas perdre mon temps.

Et donc le dernier en date, c'est The happiness project, trouvé à partir de Zen habits.
Je me sens un peu ridicule à avouer ce penchant, mais après tout, c'est moins grave que les fraises Tagada.
Je me sens un peu ridicule à avouer ce penchant, et je me demande pourquoi : est-ce à cause du côté simpliste des recommandations, "Rangez votre tiroir et vous serez heureux"? Oui, bien sûr, c'est puéril. Nous sommes, nous cartésiens, au-dessus de ça. Et notre tristesse et notre mauvaise conscience proviennent de choses bien plus importantes qu'un tiroir…
Ou est-ce parce que ce sont souvent des blogs emplis de bons sentiments, "souriez à votre voisin, faites trois bonnes actions par jour", morale de boyscout?

Et cependant, ranger un tiroir me libère l'esprit. Ecrire mes cartes de vœux, téléphoner à Paul Rivière…
Se libérer l'esprit, se concentrer sur l'essentiel. C'est si évident que cela va sans dire. Et je me sens ridicule à avouer que j'aime le voir écrit. Parce qu'après tout, cela va sans dire, mais je l'oublie si souvent.

Je devrais vraiment proposer à ces blogeurs de traduire leurs blogs, je me demande s'il y a une "clientèle" en France pour ce genre de blogs.

Le blog du jour focalise sur le devoir d'être heureux. Et prend pour modèle… Ste Thérèse de Lisieux (en français ici).

Beaucoup d'autres citations dans ce blog, mais je ne vais tout de même pas pousser le crime jusqu'à citer Goethe ou Colette en anglais.


A la réflexion (écris-je quelques heures plus tard), il est possible que l'impératif "Soyez heureux" ait pour nous, Européens, un relent totalitaire. Le bonheur, n'est ce pas la promesse du Meilleur des mondes, n'est-ce pas le leitmotiv de Demolition Man?

Mais quel rapport entre ce bonheur-là et la joie d'Etty Hillesum ou de Ste Thérèse ?
Et avec ranger un tiroir, écrire une carte, éviter de s'énerver ?
Les petites choses… Il faut bien commencer par quelque chose.

Folle semaine

Difficile réacclimatation. La foule de Saint-Lazare, les rues bouchées, l'atmosphère lourde. Les herbes folles du jardin, le courrier pas relevé depuis mercredi, la machine à linge à faire tourner.

Dormir. On a beaucoup ri, beaucoup bu, beaucoup fumé, un peu trop mangé, et c'était un soulagement, cette absence de pisse-froids venant vous faire la morale pour vos poumons/leurs kilos/la planète.

J'ai eu pour compagne de chambre Elisabeth Chamontin, joyeuse commère et extraordinaire réciteuse de vers, folle anagrammateuse (parmi ceux qu'elle a trouvés pour moi (j'ai oublié un deuxième que j'aimais bien), il y a "slave glaciaire": brrr...)).

Mercredi ou jeudi (je ne sais plus), concours improvisé un "p'tit coup d'Queneau"/"un p'tit coup de Vian" dans cette cave aménagée suite aux éclats de 1968 (afin de s'amuser sans déranger ceux qui veulent dormir). Elisabeth nous donne un truc pour apprendre les alexandrins : les chanter sur l'air de "La mère Michel qui a perdu son chat" (et enchaîne aussitôt sur Molière ou Corneille, je ne sais plus).
J'ai hâte d'essayer, moi qui suis incapable de citer trois mots sans me tromper.


Et maintenant que va-t-il se passer? Sans doute pas grand-chose: lire et encore lire, trouver des lectures de poésie sonore, se mettre en chasse pour trouver les livres épuisés et les revues introuvables.

Le bonheur

L'année de la naissance de ma sœur (en septembre), mes parents ont passé l'été au Maroc.

Cette photo est pour moi l'image du bonheur.



Je me souviens que ma tante m'a dit un jour: «tes parents étaient faits l'un pour l'autre. Ils ont eu raison de s'éloigner de la France après leur mariage».
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