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Le silence ou la forme

J'ai froid aux pieds.

Parmi tous les découpages possibles de la population blogueuse, il y a les blogueurs qui pensent qu'il vaut mieux se taire quand on n'a rien à dire (nous les nommerons "la mouvance Montherlant" par rapprochement très lâche avec une citation retrouvée par Zvezdo à partir d'une piste donnée par Gvgvsse) et ceux qui pensent qu'il faut écrire quoi qu'il arrive, qu'on trouve toujours quelque chose à dire (ceux-là se rapprochent de Paul Valéry, qui trouvait stupide de répondre qu'on n'écrivait pas "parce qu'on n'avait rien à dire" (citation à retrouver dans Pour une théorie du Nouveau Roman de Ricardou, que j'ai trop froid pour aller chercher)).[1]

Ce n'est pas que je n'ai rien à dire, c'est que je n'ai pas le courage de le mettre en forme.

Ce que j'aime bien quand je rencontre des blogueurs, c'est la petite curiosité des jours suivants: en parlera, en parlera pas, et en quels termes s'il en parle?
La première fois, j'étais plutôt inquiète.
Depuis, je savoure l'espèce d'étiquette qui règne, non écrite, qui fait que dans ce monde éminemment indiscret (sans compter les commères qui adorent les potins) chacun reste plutôt discret.
Je n'ai fait promettre qu'une seule fois à quelqu'un le silence sur ce dont nous allions discuter. C'était une erreur: il était suffisamment bien élevé pour que ce soit inutile; à ma décharge, je ne l'avais que très peu lu puisqu'il n'était pas blogueur mais intervenait sur un forum.

Tout cela me permet de rire quand j'entends les non-initiés faire des grands discours sur l'impudeur et l'exhibition des blogs: c'est un peu vrai et beaucoup faux. Cela ressemble plutôt à un jeu d'ombres et de lumière.
Le plus grand plaisir, c'est tout de même que les héros soient "vrais" et sortent de leurs textes. Et qu'à l'occasion ils puissent compléter des histoires.

Notes

[1] voir ici.

Manque de curiosité

Je suis peu curieuse, je crois que je ne l'ai jamais vraiment été. Lorsque j'étais petite, je pouvais attendre très longtemps avant d'ouvrir les cadeaux de Noël; mes parents louaient cette sagesse qui permettait d'attendre que ma sœur fût levée pour prendre les photos familiales. Cela ne me coûtait pas, je savais déjà que les cadeaux étaient plus beaux non déballés, ils permettaient de rêver, ils contenaient tout tant qu'ils n'était pas ouverts.

Je ne pose pas beaucoup de questions, ou du moins j'essaie, pas de questions personnelles ou trop personnelles, et plus je rencontre de gens, plus j'écoute d'histoires différentes, plus il me semble que le nombre de questions susceptibles d'être posées diminue, que tout finalement peut être l'occasion de gaffes.%%% Je suis très douée pour les gaffes, à ce niveau-là, c'est presque de l'instinct.


Je me souviens de deux occasions de curiosité: vers sept ans, j'ai repéré dans l'armoire de mes parents ce qui devaient être mes cadeaux d'anniversaire, et je les ai lus. Non seulement mes parents furent très peinés, mais en plus je m'aperçus que cela gâchait totalement la fête quelques jours plus tard: il n'y avait plus de surprise, plus de cadeau, plus rien.

La deuxième fois, je devais être au lycée et ma sœur au collège. J'ai lu son journal intime dans lequel elle écrivait qu'elle souhaitait ma mort, que je gâchais toujours tout, qu'elle espérait voler du poison en cours de chimie pour se débarrasser de moi. J'ai refermé son journal (je me souviens de la lumière tamisée, ce devait être le début de l'été) et je suis sortie doucement de sa chambre.

Vous pouvez laisser traîner n'importe quoi devant moi, je ne le lirai pas. Je ne fouillerai ni dans vos poches, ni dans vos sacs, je n'ouvrirai aucun calepin. Ce n'est pas de la discrétion, c'est de la prudence.
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