Billets qui ont 'destin' comme mot-clé.

En 2017, vous êtes la reine des contrats

H. est parti tôt pour éviter les éventuels bouchons dus aux manifestations contre les ordonnances Macron : rendez-vous à Montrouge, le contrat de cession du logiciel et sa propre négociation devaient être signés à onze heures et demie. Nous sommes convenus qu'il se débrouillera pour m'envoyer un SMS dès que ce sera signé, y compris en prétextant de l'encre sur les doigts pour quitter le bureau cinq minutes.

Attente.

11h44 : sms qui m'annonce la signature de la vente du logiciel.

Attente.

Je n'ose pas envoyer de sms, j'ai peur que son téléphone ne tinte à un moment inadéquat.

14:13 : sms pour me dire que la signature de son départ négocié est prévue à quinze heures. En attendant, les négociations sont âpres pour faire baisser le montant transactionnel (en février, sans aucun avertissement, H. a été brutalement désavoué face à ses équipes, il y a lieu de le dédommager. Par ailleurs, l'entreprise qu'il quitte a encore besoin de lui, d'où son intérêt à se séparer en de bons termes. (Mais alors pourquoi ne le garde-t-elle pas ? Parce qu'il le refuse : on ne reste pas sous-fifre dans une entité où l'on a été DG : on n'a plus aucune autorité)).

Attente.

16:43 : je reçois un sms d'un autre directeur pour me dire que c'est signé. H. n'a pas pu se libérer pour écrire quelques mots.


Voilà, c'est fait. Et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête, B. ne s'est pas réveillé au dernier moment (le nouveau DG avait prévu depuis deux jours de ne plus lui répondre au téléphone, ambiance), le méchant ex-salarié n'a pas eu vent de la transaction.
C'est fait.


J'envoie alors à H. et au directeur messager (qui fait partie des neufs "vendus" dans la transaction), tous les deux nés mi-avril, une photo de l'horoscope de Biba 2017 qui a donné lieu en janvier à quelques lectures désopilantes dans la cuisine. Je recopie tel quel, mais c'est à mettre au masculin, bien entendu.
BELIER - du 21 mars au 21 avril
Viva la liberta
En 2017, vous voilà à la fois libre et dans le désir profond de vous engager. Après un temps d'adaptation, vous finirez par combiner ces énergies opposées de manière complémentaire et bénéfique dans la sphère intime et pro.
[…]
Les autres surprises
Ça, vous allez adorer…
Prête à renouveler votre vie en signant un bon accord ? Vous allez être imbattable pour dénicher la location d'appart de vos rêves ou acheter à bon prix et à taux d'intérêt ultra-concurrentiel votre future maison. Vous avez un manuscrit qui a pris la poussière ? Un éditeur accepte de vous publier. En 2017, vous êtes la reine des contrats tous azimuts.
Mais faites gaffe à…
Un triangle assez agressif entre Jupiter, Uranus et Pluton peut créer de sacrées surprises dans votre job : entre mauvaise ambiance et réorganisation de poste, ayez le nez fin et n'hésitez pas à passer des entretiens d'embauche pour éviter de passer par la case chômage.
Pour le plaisir, j'ajoute ce qui me concerne et qui nous à bien fait rire aussi dans la perspective du voyage qui s'annonçait :
VERSEAU- du 20 janvier au 19 février
A fond dans la life !
En 2017, la vie va à votre rythme : mouvementée, active, pleine de rencontres et de gaieté. Votre entourage aura peut-être du mal à vous suivre, mais vous, qu'est-ce que vous êtes bien. Amour, job, amitié, quand ça va, ça va !
[…]
Les autres surprises
Ça, vous allez adorer…
Vous avez la bougeotte ? Ça tombe bien, 2017 est l'année des (grands) voyages. Remplissez votre agenda de petits week-ends en France et de voyages exotiques à l'étranger. […] Foncez ! Votre cœur sera chargé de souvenirs inoubliables.
Mais faites gaffe à…
L'amitié est très importante pour vous, mais attention aux apparences. Vous allez ouvrir les yeux et vous apercevoir que votre entourage est parsemé de faux amis. Vous resserrerez alors les liens avec ceux qui le méritent. Un mal pour un bien.
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Agenda
Seven Sisters. Pas mal. Peu fouillé mais curieux par moments.
A. revient de Lisieux en train avec deux lapereaux pour le voisin.
Tard le soir, je finis Camille revient en jouant à Candy Crush puis je regarde je ne sais combien d'épisodes de Stranger Things dont j'ai entendu parler le matin même sur Twitter tout en rédigeant un long mail.
(Je me couche à trois heures du matin, ce qui va faire peu d'heures de sommeil.)

Vent

Il n'y a plus que des histoires de trains et d'aviron à raconter. Ce n'est pas si mal, une vie sans histoire. C'est reposant. Raconter rien. Une contrainte comme une autre.

Quatre à midi. Dominique, Dominique, Patricio, moi au un, barre au pied. Beaucoup de vent mais pas de péniche.

Journée à traiter des mails. Je consacre trois quarts d'heure par jour à ranger le bureau, en prévision du déménagement. J'ouvre les cartons, les chemises, je jette, je classe, je rationalise. Mercredi, le délégué syndical qui distribuait le compte rendu du CE nous a dit que les résultats étaient catastrophiques mais que «la bonne nouvelle c'est qu'il n'y aura pas de casse sociale, ils (comprendre "le groupe") nous gardent».
Euh…

Décidément, il faudrait que je trouve ma voie.

Encourageant

— Parfois j'ai l'impression de porter malheur : chaque fois que je travaille pour une boîte, elle fait faillite ou elle est rachetée.
— C'est le signe que tu n'as pas encore trouvé ta voie.


(Ça a beau être une boutade, quel renversement de point de vue. Je n'aurais jamais pensé cela sous cet angle. Ce serait peut-être bien que je la trouve (ma voie) avant que cette boîte ne coule aussi.)

Le sens de l'honneur et du devoir

Nous avons fini par voir Les sept samouraïs à Montreuil, où j'ai découvert qu'étaient programmés pour l'été Grease et Les Avengers: yeah!!

Film assez différent de mes souvenirs (un peu lointains) des Sept mercenaires: pas de tension ou de rivalité entre les samouraïs, un aspect farce qui m'a fait songer à Shakespeare.

En sortant, A. exprime son incompréhension devant le geste de la femme de Rikichi, préférant mourir que retourner avec son mari.
— C'est parce qu'elle a honte. Elle a été violée par les bandits, elle est déshonorée.
— Mais pourquoi? C'est pas de sa faute.

De même elle ne comprend pas l'attitude de Shino tout à la fin.

La même me disait il y a quelques semaines à propos de Vacances romaines: «C'est pas un film, il n'a pas de fin, pas de happy end, rien.
— Tu sais, les happy end, il faut les abandonner à partir d'un certain âge. Mais si, c'est une très belle fin, ils ne sont pas du même monde, elle a des responsabilités, elle représente plus qu'elle-même, elle se sacrifie par sens du devoir et conscience de sa place, et lui le comprend très bien, il l'a toujours su.»
Evidemment, je ne l'ai pas convaincue.

Dans le même temps je songe au prince des Asturies et à son épouse et je me dis qu'il ne serait plus possible de tourner Vacances romaines. Est-ce que pour autant mille à deux mille ans de récits sont devenus incompréhensibles?
Ce qui me fait sourire parfois, c'est de me dire que la culture musulmane telle qu'elle subsiste encore aujourd'hui en Occident est sans doute la plus à même à comprendre "naturellement" certains textes de la littérature occidentale.


Pour mémoire:
Appris que la maison de mon oncle était en vente. Encore du passé qui devient définitif. J'en suis très affectée.

Monstres Academy

Ce n'était pas le film que j'aurais aimé voir avec O., mais ça lui faisait plaisir, alors pourquoi pas.

Rites et traditions des campus américains, cela m'a fait pensé à Hit Girls (! je suppose qu'il est rare que les mêmes personnes voient ces deux films), dans l'ensemble c'est assez ennuyant (mais O. a aimé).

Cependant, il aborde un sujet que j'ai rarement vu évoqué en littérature ou dans des films: le fait que le travail ne fait pas tout, il faut aussi des aptitudes (généralement, le sujet est traité dans l'autre sens: un personnage avec aptitudes qui ne travaille pas). Il s'agit donc d'un dessin animé où le personnage principal échoue. C'est inhabituel (le spectateur attend jusqu'au bout le coup de théâtre qui permettra le happy end. Il n'y a pas de coup de théâtre. La fin est réaliste, sans coup de théâtre, mettant en avant ce que rend possible le travail).

Curieusement, je venais de finir un livre qui abordait à la marge le même sujet: Paul Fournel racontant son amour pour Anquetil: «J'avais dix ans, j'étais petit, brun et rond, il était grand, blond et mince et je voulais être lui.» (Anquetil tout seul, Points Seuil, p.12) Pour Paul Fournel non plus, il n'y aura pas de coup de théâtre. Il y aura déplacement, il découvrira la littérature.

Trois biscuits chinois

O: «Dieu vous aidera à surmonter toutes les difficultés.»

H: «Gardez les pieds sur terre quelles que soient les flatteries de votre entourage.»

moi: «Vous trouvez de la beauté dans les choses les plus ordinaires. Ne perdez pas cette faculté.»

Départ à la retraite d'un directeur

Je n'aime pas les départs, jamais.
Et puis c'était un homme que j'aimais bien. Toute la direction générale va partir dans les années à venir, je me sens déjà orpheline (j'aime qu'on me raconte des histoires, les histoires de l'entreprise. Quand tout le monde sera plus jeune que moi, qui me racontera des histoires?).
Premier discours, niveau groupe; deuxième discours, niveau entreprise; réponse du futur retraité, tout cela si rituel que cela console, avec juste ce qu'il faut d'anecdotes pour mesurer le chemin parcouru (dans l'assurance, notre pain quotidien est le malheur, nous avons donc des souvenirs).

Ce qui m'a fait sourire, c'est le récit des origines: comment cet homme "publiciste" (comprendre " étudiant le droit public) était-il "tombé" dans l'assurance?

«J'avais fini ma maîtrise, je préparais divers concours dont celui de directeur des hôpitaux, je faisais du vélo dans les environs de Marly quand je suis arrivé devant le site de Drouot, absolument magnifique. Alors je suis entré; la secrétaire, très aimable mais un peu dépassée, sans doute une stagiaire d'été, a appelé le DRH, qui a cru que j'avais plus ou moins rendez-vous avec lui… Il était en train de plancher sur un plan de formation de jeunes embauchés, cela m'a intéressé et… […]
Comme dirait mon ami Patrice qui n'a pas pu venir ce soir, on n'est jamais à l'abri d'un coup de pot. J'aurais pu mal tomber, dans la banque, qui sait (rires d'effroi dans la salle), ou dans l'immobilier… (Etc.)»

Allégorie de l'orchidée

J'avais l'occasion de passer dans mon ex-bureau et j'en ai profité pour faire des scans (dur dur: je m'y suis reprise à trois fois (corruption de fichier au moment de la sauvegarde, jpeg au lieu de pdf, etc.) et je me suis aperçue qu'il me manquait neuf feuilles, de la page 171 à 187. Il va falloir que je revienne).

Le bureau que je partageais avec Sylvie est encombré de plantes vertes. Elle me raconte que la personne qui m'a remplacée a la passion des plantes et ne supporte pas qu'on s'en débarrasse, qu'on les jette. Régulièrement elle ramasse sur le trottoir des orchidées abandonnées là par la DRH.
«J'y pense souvent, me dit Sylvie: quand on a fini de fleurir, hop, sur le trottoir!»


Sylvie avait encore quatre ans à travailler. Avec la réforme c'est devenu cinq ans quatre mois.

Que faire ?

R. plus d'une heure au téléphone. Après Lille, Cabourg, Fontainebleau, Nemours, voilà qu'il songe à s'établir à Bordeaux. Il a le même problème que moi, il ne sait pas ce qu'il veut, il cherche ce qu'il veut, ce qu'il doit, faire du reste de sa vie.
Chez moi l'incertitude conduit à une certaine immobilité, au moins mentale, une attente et un qui-vive; chez lui à une perpétuelle agitation, à une suractivité qui donne le vertige.
Cette question en cache une autre: il ne sait pas ce qu'il veut car il n'est pas sûr de ce qu'il vaut.

Une exécution ordinaire

Vu ce film par hasard, c'est le billet que m'a délivré l'automate UGC, je ne sais pourquoi. Ma première pensée a été, oh non, c'est en VF, même les voix sonnent faux quand on se mêle de doubler (je veux dire: aussi faux que le jeu des acteurs français), le cinéma français c'est quand même quelque chose !
Mais finalement, apparemment, c'est un film français, et les acteurs ne jouent pas faux, ils ne laissent pas s'établir cette impression d'éternité entre les gestes, comme s'ils se demandaient toujours "Zut, j'ai oublié ce que je dois faire ensuite" (le jeu des acteurs français : des trous de mémoire non pas à propos du texte, mais à propos des corps).
Oui, un bon film s'agissant des acteurs. S'agissant de l'histoire… un peu mince, mais bon.

« La mort d'un homme est une tragédie, la mort de millions d'hommes une statistique. » Ce serait de Staline.

Cela me fait penser à internet, tous ces blogs, tous ces twitters, tous ces "statuts, toutes ces photos, juste pour oublier que nous somme mortels, juste dans l'espoir d'attirer l'attention, "Regardez-moi, regardez-moi" écrit Bonnefoy.

Nous ne sommes pas une statistique, nous sommes poussière.
Tout cela n'a pas beaucoup d'importance.
C'est finalement ce qui me sidère le plus: l'importance que nous accordons à des événements, des actions, oubliées dans la semaine, dans le mois. Il faudrait tout vivre comme un souvenir anticipé, pour sa beauté de souvenir futur.
Seul ce qui a la capacité à former un beau souvenir vaut la peine d'être vécu.
Le reste est inutile.

La mort de près

Quatre hommes discutent à déjeuner :

— Avec la tyrolienne, tu descends la montagne le plus vite possible...
Un noir, hésitant: — Et si ça casse ?
— Au pire, ça casse.
Les autres, riant: — Oui, après tout, c'est fait, c'est fait.

Un autre reprend: — Vous avez entendu l'histoire de ce couple qui a raté l'avion brésilien? Eh bien, il a pris l'avion suivant, et à l'arrivée, la femme s'est tuée dans un accident de voiture.



(Je songe aux derniers films vus, entre le jeune homme qui veut vivre une vie non écrite et le jeune homme dont le film conclut à propos de sa vie: «C'était écrit».)

Fatalisme

Mes parents font du tourisme animalier. Cela les amène à prendre souvent de minuscules avions sur des lignes intérieures en Afrique ou en Amérique du Sud.

Un jour mon père a vu une femme monter dans leur avion avec un sac, en redescendre sans.
C'était peu après septembre 2001.
Il a décidé de ne rien dire, ennuyé à l'avance d'attirer l'attention sur lui à propos de ce qui était probablement un incident sans importance.
Il n'en a parlé à ma mère que lorsque l'avion s'est posé indemne, qui a été furieuse, incapable de comprendre cette tranquille acceptation des choses.

Une vie en trois lignes

Au JO de ce jour, longue litanie des noms de personnes mortes sans héritier. Un nom, un prénom, une situation maritale et une profession, une date et un lieu de naissance (ou l'absence de date et de lieu, cette mention "inconnue" (et la date trace un arc de cercle par-dessus le XXe siècle)), une filiation, une adresse, à quoi bon écrire des romans?
166 Jugements d'envoi en possession provisoire

Par jugement en date du 9 novembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a, sur la requête du directeur de la direction nationale d?interventions domaniales, dont les bureaux sont à Saint-Maurice (Val-de-Marne) Les Ellipses 3, avenue du Chemin-de-Presles, ordonné les publications et affiches prescrites par l?article 770 du code civil préalablement à l?envoi en possession des successions de :

1. Mme Escudier (Angéline, Joséphine, Françoise), veuve de Piereimend (Auguste), propriétaire, née à Khenchela (Algérie), le 26 décembre 1879, fille de Escudier (Michel, Paulin, Marie) et de Navelle (Elisa), domiciliée à Paris (8e), 11, rue de Rome, décédée en son domicile, Paris (8e) le 4 janvier 1966 (ordonnance du 13 avril 1988).

2. Mme Ribreau (Séraphine), veuve Jay (Jules, Edouard), retraitée, née à Oyré (Vienne), le 3 septembre 1906, fille de Ribreau (Achille) et de Berger (Marguerite), domiciliée à Paris (10e) 7, rue René-Boulanger, décédée à Châtellerault (Vienne) le 24 mars 1988 (ordonnance du 19 mars 2003).

3. M. Jay (Jules, Edouard), époux de Ribreau (Séraphine), sans profession, né à Saint-Martin-de-Belleville (Savoie) le 3 novembre 1901, fils de Jay (Emmanuel) et de Eybord (Julie, Célestine), domicilié à Paris (10e) 7, rue René-Boulanger, décédé à Paris (10e) le 23 septembre 1970 (ordonnance du 19 décembre 1996).

4. M. Truong (Ky), célibataire, retraité, né à Dai Teit (Vietnam) le 24 février 1919, fils de Truong (Dinh), domicilié à Paris (12e), 76, rue de Picpus, décédé à Paris (12e), le 28 septembre 1995 (ordonnance du 16 décembre 1997).

5. M. Kaminer (Michel), situation matrimoniale inconnue, retraité, né à Kharkov (Russie) le 1er février 1901, fils de Kaminer (Abraham) et de Wassilieff (Tatiana), domicilié à Paris (16e), 4, rue Parent-de-Rosan, décédé en son domicile le 25 février 1992 (ordonnance du 23 octobre 1996).
Il y en a quarante-cinq pages.

J'ai ri

Paul, 87 ans :

— Ça ne m'était jamais arrivé, mais maintenant, je me demande certains jours ce que je fais sur terre.

Colle

Un soir de ce mois, j'ai eu beaucoup de mal à me débarrasser d'un homme qui posait ce genre de question : « Est-ce que ce qui est arrivé devait arriver ? Â»

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