Billets qui ont 'jeune homme' comme mot-clé.

Il avait les yeux bleus et lisait Kerouac.

— Tiens, j'ai encore photographié un jeune homme ce matin.
— Toi, tu vas mal finir !



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Festival

19h38. Le RER démarre devant mon nez au moment où j'arrive sur le quai gare de Lyon. Le suivant est indiqué "retardé", et le suivant, supprimé.

Comme j'ai le temps, je décide de retourner attendre aux Halles, afin de pouvoir monter dans le train quand il arrivera (car c'est le deuxième effet KissCool: quand des trains sont supprimés, il y a tant de monde à vouloir monter dans les trains qui circulent que vous ne pouvez y accéder et restez sur le quai (avec une petite centaine de personnes, nothing personal). L'une des solution consiste à remonter la ligne d'une station en amont, car beaucoup de voyageurs descendent aux Halles, ce qui fait de la place (logique: je me dis que ceux qui connaissent ne vont pas comprendre pourquoi je précise, et que ceux qui ne connaissent pas ne comprendront pas quoi que j'écrive. Les expériences sont intransmissibles.)

A partir de là, cela a tourné à la mauvaise farce. Je ne sais plus combien de variations deceptives (décevantes et trompeuses) la SNCF/RATP (la ligne D est SNCF, mais les Halles sont RATP, donc je ne sais pas) a réussi à nous donner. Si j'avais su, j'aurais pris des notes, mais évidemment, quand ça commence, on ne sait pas encore que l'on va avoir droit à un show exceptionnel.

Au fur à mesure je songeais à Gordon Pym, à son sauvetage éternellement remis, tant et si bien qu'à la fin, on n'attend plus qu'il soit sauvé, mais quel tour Poe va bien pouvoir inventer pour une fois de plus décevoir notre attente.

Les trains se sont succédés, allant tous à Corbeil (je suis sur la ligne de Melun).

Nous avons eu (à peu près, de mémoire):
- l'annonce d'un train pour Corbeil tandis que l'affichage sur le quai disait Melun (ce fut Corbeil);
- l'affichage d'un train pour Corbeil tandis que l'annonce nous promettait Melun (mais nous avons cru l'affichage car il correspondait à ce qui était inscrit sur la locomotive elle-même);
- l'annonce d'un train pour Melun et l'arrivée d'un train vide et non éclairé. Il a ralenti le long du quai, nous nous sommes réjouis à la perspective d'être tous assis, et il a commencé, très lentement, à accélérer et à prendre de la vitesse sans s'arrêter : «ce train ne prend pas de voyageurs, veuillez vous éloigner de la bordure du quai». (Les trains fantôme me donnent l'impression d'être dans des western);
- l'annonce d'un train pour Melun dans lequel nous sommes montés (chauffé!: quel plaisir après les quais froids) avant d'en descendre quand le conducteur nous a prévenus qu'il allait à Corbeil (deux hommes m'ont demandé: «Vous êtes sûre qu'il va à Melun? ? Non, mais je le prends pour y aller.» Ils sont montés, nous sommes redescendus ensemble);
- un train annoncé pour Melun, mais dont on nous a précisé quand il fut arrêté à quai, comble du raffinement sadique, qu'il allait à Melun mais aurait exceptionnellement pour terminus Paris gare de Lyon, «par suite des retards accumulés» (et là sur le quai, nous avons commencé à envisager sérieusement d'aller étrangler la tête de linote qui déclamait les annonces).
- le conducteur de ce train nous a promis que le train suivant irait à Melun. Cependant nous ne l'avons pas cru, et nous avons eu raison.


M'en fiche, une fois dans le wagon (plutôt vide), j'ai choisi ma place. (Bon évidemment il a bougé, et vu le temps de pose de mon téléphone, ce n'est pas exactement la photo que je voulais.)






Arrivée chez moi deux heures plus tard, à 21h30. Plus de bus avec la neige. Mais je ne prend pas le bus :p

J'ai trouvé la paire

J'avais la fille en rose, ce soir j'ai trouvé le garçon.





Opium

Hier, en rentrant de l'Oulipo, à presque minuit.





Il y a quelques semaines, j'ai découvert que je ne pouvais me permettre de ne pas avoir de sommeil en retard: c'est la seule façon de supporter les transports en commun, léthargie comateuse, esprit fermé égaré absorbé par un recoin de ma mémoire.

Deux silhouettes

Matin, dans le RER A.

A ma droite, un jeune homme dort dans le coin, entre la fenêtre et la paroi. Visage poupin, très pâle, manteau bleu en laine, riche et lourd, chaussures noires pointus et cirées. Tant de jeunesse et une telle garde-robe, je songe à un jeune consultant. Il a posé ses pieds sur le rebord près du mur, sous la fenêtre, remontant les genoux vers sa poitrine. Instinctivement il a replié ses mains vers le creux de son ventre et tendu son dos en arc.
Il me semble voir le fœtus qu'il a été, entre abandon et abandon.

A ma gauche, dans le couloir, une belle femme d'une cinquantaine d'années, yeux très bleus, grande, blonde, fines rides, air d'ennui, porte un manteau en peau retournée coupé très large. Comme elle se tient à la barre centrale le bras assez haut, le manteau se déploie, et je songe à l'Afghanistan et Annemarie Schwartzenbach.

Préjugé ou constat ?

— Les premières filles furent admises à Sciences Po l'année du Congrès de Tours. Il y avait eu des résistances, l'un des directeurs soutenait qu'une fille, c'était cinq garçons qui ne travaillaient pas.
— Il avait raison à double titre: si la fille est jolie, elle les déconcentre pour les raisons qu'on imagine, et si elle ne l'est pas, elle se lance dans l'agitation politique !

Souvenir du Collège de France




photo de téléphone. local aveugle.

Séparation

Je regarde une jolie jeune fille et une beau jeune homme se séparer devant la station de métro. Il se penche pour l'embrasser, elle recule un peu avant d'avancer les lèvres, ils se bécotent.
Et je me surprends à penser: «Mais vas-y, sotte, roule-lui un patin à lui ramoner l'âme!»

Je descends l'escalier.

Discrimination

Je feuillette négligemment Le Figaro qui traîne sur la table. Des filles en robe de bal. J'adore. Je regarde les robes, les prénoms, je lis.

— Oh, la fille de Carrie Fisher au bal des débutantes !
Je relève la tête. Ma collègue me regarde, interrogative.
— Ah oui, tu ne sais pas qui c'est... La fille de la princesse Leia, mais si, dans le premier Star Wars!

Avec qui dansent-elles, ces jeunes filles? Où sont les hommes? Pourquoi n'avons-nous jamais quelques post-ados en smoking pour nous rincer l'œil?

Que fait la Halde?

Soupçon

Je crois que ce jeune homme-ci



est le même que ce jeune homme-là.



Avec ça, j'ai de quoi commencer un roman. (Et je viens de me rendre compte qu'il tient un œillet sur les deux tableaux.)

Laurea

Jeudi nous sommes réveillés par un défilé continu de gens sous nos fenêtres. (Les rues étroites sont très sonores, un pas dans la rue paraît un pas dans le couloir ou l'escalier.) Ces personnes sont italiennes, endimanchées, de tous âges, elles portent des bouquets ou des présents, mais que se passe-t-il et où vont-elles?

Le défilé ne tarit pas. Petit déjeuner, fatigue générale, nous souffrons tous, qui de douleurs musculaires, qui de douleurs articulaires, ou de légère insolation, ou de rhume, j'abandonne ceux qui souhaitent se reposer et je sors avec C.
Bien entendu, nous décidons de suivre le flot, aussi discrets qu'Astérix et Obélix camouflés suivant une légion romaine. Il fait très beau, il est dix heures, il souffle la perpétuelle brise vénitienne (je n'avais jamais pris conscience avant ce séjour plus long de l'aspect portuaire, maritime, pêcheur, de Venise. Venise sur l'eau, c'était un exotisme, une curiosité, un miracle architectural, Venise empire maritime, c'était de l'histoire et de la géographie et du commerce, mais la vie quotidienne et actuelle de Venise, une vie ressemblant à celle de n'importe quel port, je ne l'avais jamais ressentie avant ce séjour). La file s'étire le long du Dorsoduro jusque devant l'Académie d'architecture, là, sur le pont menant à Saint-Nicolas-des-Mendiants, un jeune homme et une jeune fille préhistoriques couverts de peaux de bêtes se font tartiner de mousse à raser ou de nutella et sont soumis à quelques épreuves. Deux personnes tiennent de grandes couronnes de lauriers.
«Du bizutage!» soufflé-je à C. Mais cela n'a pas grand sens: un bizutage en fin d'année? La remise des diplômes? L'ouverture des inscriptions pour l'année prochaine? Et pourquoi les parents sont-ils là? Une affiche sur l'église utilise le terme "Laurea" : fête des lauriers ou fête des lauréats?

Nous en profitons pour visiter Santa-Nicolo (premier baroque, agréable par sa dimension intime qui change de la volonté de spectaculaire des églises visitées jusqu'ici) et rentrons tranquillement. Sur notre chemin, plusieurs cafés annoncent qu'ils participent à ce qui me paraît l'équivalent d'un "pot de thèse": un pot de thèse généralisé dans tout un quartier? C'est décidément mystérieux.

Nous rentrons. H. est finalement sorti lui aussi, et lui aussi a suivi le flot. Il a discuté (en anglais) avec un professeur: la tradition a trois cents ans, il s'agit de la remise des diplômes de fin d'année, les lauréats sont ainsi fêtés et gentiment chahutés tandis que discours et conférences sont prononcés à l'intérieur de l'université.

Après le déjeuner H. et moi sortons prendre un café sur la place au bout de la rue, le long du canal. Sont attablés un lauréat, ses amis et sa famille.
Le lauréat a une chevelure brune, lourde et bouclée de chérubin, il porte la couronne de lauriers sur les épaules, son sourire est éclatant. Il est nu, à l'exception d'un boxer blanc rendu transparent par endroits par la sueur, de hautes chaussettes crème et de fines chaussures italiennes.

Une tête de circonstance

Jeudi soir, RER. Ils montent au dernier moment, il n'y a plus de place, ils restent debout. Ils sont jeunes, quinze ou seize ans, et joyeux. Elle est petite, vive, souriante, les dents blanches, les cheveux et les yeux très noirs, il est café au lait, le visage tavelé, intimidé, visiblement heureux d'être là avec elle qui est jolie et parle tout le temps.
Je n'écoute pas mais j'entends, comme tous les voyageurs sur la plateforme. Peu à peu nous écouterons, nous sourirons.

— … une vraie geule d'enterrement !
— … (sourire interrogateur et embarrassé de qui ne comprend pas)
— Tu ne sais pas ce que c'est qu'une gueule d'enterrement ?
— Non, dit-il dans un souffle, sans perdre le sourire qui ne le quitte pas, mais gêné de son ignorance.
— Mais c'est facile à comprendre, quand même!
— …
— Quelle tête tu ferais à un enterrement ?
— …
Il secoue la tête, souriant, non vraiment, il ne sait pas. J'ai dans l'idée qu'elle l'éblouit trop pour qu'il réfléchisse. La plateforme sourit, nous pensons tous la même chose.
Elle éclate de rire :
— (Incrédule) Tu ferais cette tête-là à un enterrement? (Moqueuse et définitive) Eh bien, je ne t'inviterai pas à mon enterrement !

Hic !

Le jeune homme blond avec le hoquet qui est descendu à la même gare de RER que moi à une heure passée ne sait pas que j'ai failli me retourner pour lui crier "Hou!".
Cela ne m'a pas empêchée, après avoir récupéré ma voiture, de le rattraper et de lui proposer de le déposer à sa destination.
Je l'ai regardé regarder ma voiture qui s'éloignait après l'avoir déposé. J'aime bien interloquer les jeunes hommes blonds.
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