Billets qui ont 'maternité' comme mot-clé.

Plumeau peupliers

Huit de pointe. La première fois depuis trente-cinq ans, au moins. Ou la première fois tout court, je ne sais plus, en fait.
Il ne me reste plus que le quatre de pointe à essayer.

Caroline, ancienne internationale en train de monter dans son skiff:
— Oh, un huit, ça ne se retourne pas. Mais ça peut casser.

Franz, entraîneur : «en huit, deux règles de base: être assis sur ses deux fesses et ne pas plumer» (ce qui signifie qu'il ne faut pas tenter de trouver l'équilibre en compensant par le corps ou la pelle mais travailler la hauteur de mains).

Un peu moins beau que dimanche, mais encore jambes et bras nus.





PS : j'ai téléphoné à ma tante qui travaillait à la sécurité sociale. Anecdote:
— Un jour, il fallait aider quelqu'un à remplir la déclaration de sa femme qui était enceinte. Il a coché "oui" à la question "s'agit-il d'un accident?" Impossible de lui en faire démordre, même en lui expliquant que pour nous, cela signifiait qu'un tiers était impliqué.
— Après tout, c'était le cas. Avec de la chance, c'était peut-être lui.

Médical, suite

— Je suis venu inscrire ma femme sur ma mutuelle…
— […]
— …parce que vous comprenez, ma femme est enceinte, et le gynécologue, ça coûte 80 euros.
— Mais elle en est à combien de mois?
— Deux.
— Deux? A deux mois, un généraliste suffit, vous savez.
— On en a vu un, il a dit que tout allait bien, mais elle se sent fatiguée.
— Oui, elle est enceinte. Il y a celles que ça fait vomir et celles que ça fait dormir.
— Elle, elle dort.
— Elle a tiré le bon numéro. Vous allez aller voir un gynéco, il vous dira que tout va bien, et il vous prendra 80 euros.

Il est d'accord, il sourit timidement, à peine, je vois bien à son regard qu'il n'osera rien dire à sa femme. Elle a vingt-neuf ans, il a cinq ou six ans de plus, il ne lui refusera rien.

Mais comme je suis quand même gentille même si je n'en ai pas l'air, je lui donne quelques adresses de praticiens et de centres médicaux qui lui coûteront moins cher.

Mariage gay

H. a licencié un collaborateur. Motif officiel: refus d'obéir aux ordres.
Motif détaillé qui ne sera pas exposé davantage à moins que cela ne soit nécessaire (inspection du travail, prud'hommes, etc): refus de travailler aux adaptations nécessaires d'un logiciel suite à la possibilité de se marier pour les homosexuels. Ses convictions religieuses le lui interdisent, argue le collaborateur.

Personne ne me demande mon avis, mais je vais quand même le donner (c'est un peu le principe du blog).
Tout sonne faux dans ce que je pense, parce que mes convictions sont réactionnaires et mes conclusions progressistes. Entre les deux interviennent mes amis, mes connaissances, des cas particuliers qui font que je suis prête à reculer sur tous les fronts.

Je suis bien embarrassée, je trouve cette histoire de mariage stupide, parce que rien à faire, le mariage reste pour moi un instrument historique d'oppression [1] et je trouve étrange de le désirer.
D'un autre côté je sais que Matoo en rêve défend l'idée pour des raisons d'égalité de droits, et l'idée de voir Matoo et Colin en smoking blanc comme le Capitaine et le Lapin (non, ils ne sont pas en smoking blanc, j'ai fantasmé ou confondu) en train de se jurer fidélité et assistance (et c'est peut-être le tout du mariage: assistance, plus encore que fidélité: vieillir ensemble, le plus difficile, le plus important, ce qui fait que tout cela est une aventure et non pas un encroûtement) me réjouit et je ne vois pas très bien au nom de quoi le leur refuser.

Mariage

Il faut bien entendu distinguer mariage civil du mariage religieux.

Concernant le mariage civil, j'entends certains dire que le PACS existe. Certes, mais il est faux de croire que cela donne les mêmes droits que le mariage. Je ne vais pas faire la liste des différences juridiques parce que je ne les connais pas, mais rien n'empêche une entreprise privée de faire une différence entre ses clients mariés ou pacsés ou en union libre.
Je peux citer mon propre métier. Je travaille dans une mutuelle de santé qui intervient en surcomplémentaire pour les salariés de sept filiales du groupe, la complémentaire étant assurée par le régime de branche. J'ai eu la surprise d'apprendre que cette complémentaire, qui couvre tous les salariés des sociétés d'assurance, n'accorde aucun droit aux Pacsés. Seul le conjoint marié[2] est reconnu et remboursé de la même manière que le salarié cotisant.
D'autres citeront des circonstances douloureuses, par exemple les conjoints homosexuels ne pouvant accéder au lit de leur ami hospitalisé au motif «qu'ils ne font pas partie de la famille». (J'espère que cela a tendu à disparaître avec l'expérience du sida.)
Etc, etc. Si le mariage est une façon élégante et rapide de résoudre d'un coup tous ces dysfonctionnements, allons-y. Je songe qu'il sera accompagné de son cortège de tristesses, divorces et désillusions, mais peut-être est-ce inévitable.

Concernant le mariage religieux, je ne peux parler que du mariage catholique. (Les protestants s'y opposent moins, car chez les réformés le mariage n'est pas un sacrement. Les autres religions je ne sais pas.)
L'Eglise est contre et je ne le discute pas. J'accepte sans discuter, comme j'accepte que les femmes ne puissent pas administrer les sacrements ou devenir jésuites, que les divorcés soient excommuniés, etc, etc. (Finalement être catholique, c'est souvent s'entendre dire non, et c'est sans doute structurant aussi.) Accepter ou ne pas se dire catholique, puisque c'est justement cette acceptation qui définit une appartenance (ce qui ne veut pas dire qu'une fois le porte-parole de l'Eglise ou de l'évêque rentré dans ses appartements, la discussion ne reprend pas et que le travail d'articulation autour du mot "amour" ne bat pas son plein).
Ce qui me fait sourire, c'est que l'Eglise se retrouve face à son ambiguïté en ce qui concerne le mariage: ce qu'elle veut régir en réalité, c'est qui s'unit à qui[3] et combien de petits catholiques (le plus possible) sortiront de cette union — un enjeu de pouvoir, en somme; mais ce dont elle nous parle désormais quand il s'agit de mariage, c'est d'amour, le mariage comme sacrement étant censé représenter l'union de l'Eglise et du Christ: quand deux personnes viennent lui dire qu'elles veulent se marier devant le Christ parce qu'elles s'aiment, au nom de quoi peut-elle le leur refuser?

Un prêtre rencontré lors d'un colloque fin octobre à qui je faisais remarquer qu'il s'agissait de mariage civil et que l'Eglise n'était pas concernée m'a répondu:
— Mais quand ils auront le mariage civil, ils voudront le mariage religieux!
— Et alors?
— Et alors ils mettent en danger la famille!
— Ah non, ma famille n'est pas du tout mise en danger par le mariage homo.

(Cette idée m'a parue extravagante, et en y réfléchissant je me suis dit que c'était plutôt le contraire. Enfin non, il ne s'agit ni du contraire ni du mariage, mais la fréquentation d'homos, seuls ou en couple, enrichit ma famille et lui permet de faire cette expérience fondamentale: on ne peut rien dire, rien savoir d'une personne avant de la rencontrer et de se faire sa propre opinion, qui ne dépend ni du sexe, de la couleur, de la religion, de l'âge, de la préférence sexuelle, mais de "parce que c'était lui, parce que c'était moi".)

Tout cela pourrait faire croire que je suis pour le mariage religieux gay. Mais non, pas vraiment. En réalité, j'ai une vraie difficulté à réfléchir au mariage. Je trouve qu'il n'a aucun sens si le divorce est autorisé. En fait je ne suis pas sûre d'être favorable au mariage hétérosexuel non plus. Si, mais avec réserve. Je demande des quotas. Les mariés se rendent-ils comptent de la galère (sens premier, bateau avec des rames) dans laquelle ils embarquent? N'y allez pas, vous êtes fous!

Adoption

Là, c'est beaucoup plus simple: c'est oui. J'ai exactement la même position pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels (oui, je parle de couple. Adopter un enfant quand on est célibataire (à moins de situations très particulières qui régularisent des situations anciennes, des situations de fait) me paraît une mauvaise idée. C'est dur, on a besoin d'être deux, ne serait-ce que pour confronter ses réactions ou ses opinions. Répondre à «Et maintenant, que faire?» est plus facile à deux.)

J'avais été frappée par la phrase: «Adopter, c'est donner des parents à un enfant, pas un enfant à des parents».

Oui à l'adoption d'enfants nés ou déjà conçus, non à la procréation assistée. A quoi bon mettre au monde des enfants supplémentaires? Pour avoir le sien, le vôtre? Mais cela est la plus grande tromperie, la plus grande illusion. Ce ne sera jamais le vôtre, il sera toujours lui, il vous échappera toujours. A tous ceux qui s'imaginent "leur" enfant comme un prolongement d'eux-mêmes, je demanderai s'ils ont l'impression d'être le prolongement de leurs propres parents.
(Et puis ce sujet-là fait ressortir mon côté féministe: la PMA, c'est se servir du corps des femmes pour faire de la recherche, avec leur consentement plus ou moins inconsciemment contraint (quand on vous demande au moment du prélèvement d'ovules, alors que vous êtes déjà sur la table d'opération: «Ça ne vous dérange pas qu'on en prélève un peu plus pour des couples stériles?», que voulez-vous répondre? Et que dire des femmes stimulées hormonalement alors que c'est l'homme qui est stérile ou hypofertile? (Combien de cancers chez ces femmes-là?) Et quel est le statut des embryons congelés? (un sacré casse-tête juridique, mais je ne peux que frissonner en imaginant des embryons issus de moi être utilisés pour des expériences scientifiques.))

Mais bien entendu, une fois encore, l'amitié me fait taire: comment ne pas être heureuse pour Rémi et sa fille Julie née en septembre?

Notes

[1] Pourquoi s'être mariée alors? Question très compliquée, mais certainement pas pour des raisons sentimentales ou symboliques. La réponse contenant le plus d'exactitude serait "pour quelque chose de l'ordre du pari de Pascal". Mais laissons mes névroses de côté et poursuivons.

[2] Vous aurez compris que ce masculin ne fait qu'appliquer la grammaire française et couvre les deux genres du genre humain.

[3] J'ai trouvé ce terme moins violent que "qui baise avec qui", mais c'est bien de ça qu'il s'agit.

Une rencontre

Dix heures et demie, les Halles, je suis en retard pour mon cours d'allemand, je vais prendre la ligne 4, pas à la station les Halles mais à Chatelet en prenant le couloir de la ligne 14; il faut connaître l'astuce car la direction "porte d'Orléans" n'est pas indiquée dans le couloir. Direction réservée aux initiés.

Contre le mur du couloir de la ligne 14 je remarque une très jeune femme asiatique, menue, en manteau gris et toque noire à la Audrey Hepburn. Elle se tient au mur, elle titube, j'hésite, je m'approche, que vais-je pouvoir faire, il n'y a rien pour s'assoir (c'est le lieu où arrivent les immenses tapis roulants des Halles, pour ceux qui connaissent):
— Ça va? Vous voulez de l'aide?
Elle me sourit, elle est toute pâle, elle me répond en français mais je ne comprends pas très bien, son accent est fort, elle parle de Louvre, je crois.

Oui elle a mangé quelque chose ce matin, elle ne comprend pas ce qu'elle a, elle paraît se ressaisir, j'aimerais la conduire jusqu'aux quais, en général il y a de quoi s'y assoir. Je finis par comprendre que c'est la ligne 14 qu'elle veut prendre, la station Pyramide, deviné-je. Elle s'accroche à mon bras, elle ne pèse rien, elle est si menue, elle sourit bravement, elle est pâle. Il lui faudrait du sucre, je n'ai rien sur moi, pas un seul de ces petits gâteaux que je récupère quand je prends un café au café.
Non, elle a mangé, du riz et des gâteaux (du riz au petit déjeuner? C'est une idée d'asiatique, ça!), elle ne comprend pas. Une inspiration me vient, je crains un peu de la choquer:
— Vous n'êtes pas enceinte? pregnant?
L'idée semble atteindre son cerveau au ralenti. Ses yeux s'arrondissent, sa bouche sourit, la lumière éclaire son visage comme si elle comprenait enfin (ouf, elle n'est pas choquée):
— j'ai oublié… le mois dernier… le bébé…
(Elle a oublié quoi? sa pilule? Elle a fait une fausse-couche le mois dernier? Elle a oublié qu'elle est enceinte? Non, ça, ce n'est pas possible, elle paraît trop surprise.)
Je suis soulagée, la nouvelle n'a pas l'air de la catastropher, elle semble heureuse, j'ai envie de rire:
— Vous savez, ça arrive…

Je l'accompagne sur le quai de la 14, lui trouve un siège.
— Reposez-vous avant de partir.
Elle est confuse, a peur de m'avoir mise en retard:
— Si vous tombez dans le métro (je fais avec les mains le geste de s'évanouir avec grâce), il y aura les pompiers… firemen… beaucoup de monde, beaucoup de bruit… Reposez-vous. Je peux vous laisser?
Elle dit oui, elle est encore sous le coup de la nouvelle, je l'abandonne, lumineuse sur le quai.


Je me demande si elle était vraiment enceinte, si mon intuition était juste. C'est dommage, je ne le saurai jamais.

Fail

«Aujourd'hui on devait avoir un cours sur la contraception, mais il a été annulé parce que l'intervenante est tombée enceinte.»

Responsabilité

— C'est déjà terrible de donner la vie, mais alors la mort !

Souvenirs vétérinaires

Je commence Les demeures de l'esprit, Grande-Bretagne, Irlande II et j'ai la surprises de tomber sur James Herriot : ça alors, je ne savais pas que c'était un auteur célèbre.

Toutes les créatures du bon dieu est un livre que j'avais découvert en farfouillant dans la bibliothèque de mon oncle vétérinaire, je ne sais pas trop quand, au début des années 80, sans doute. Plus tard, j'avais eu le plaisir de le découvrir aux éditions L'école des loisirs; c'est le livre, avec Embrasser une fille qui fume, que j'ai offert à une amie pour faire vingt-deux heures d'avion. (Elle ne le sait pas, mais elle possède ainsi deux livres rares, épuisés tous les deux).

C'était un livre joyeux, plein d'optimisme et d'anecdotes incroyables sur le métier de vétérinaire.
Mais je les croyais, parce que mon oncle était vétérinaire.

C'est avec lui que j'ai appris ce qu'était l'urgence : il prenait son café, un coup de fil affolé l'interrompait pour réclamer sa présence auprès d'un vêlage qui se passait mal, il disait «J'arrive», se rasseyait, et finissait son café.
Il soignait ses enfants avec les produits vétérinaires, il suffisait de connaître leur poids et d'appliquer la posologie destinée au porc.
Il se contemplait calmement, diagnostiquait ses maladies: «Je savais que mes accès de fièvre signifiaient que le foyer était infectieux». (Cette phrase a été prononcée alors qu'il racontait une opération qui avait failli lui coûter la vie, après plusieurs mois en réanimation suite à un coup de pied de cheval qui lui avait éclaté le foie.)

Un jour il perdit son alliance dans une vache. Le plus étonnant, c'est qu'à la visite suivante, il enfonça sa main pour palper le veau et réenfila son alliance.
Depuis il la porte à une chaîne autour du cou.


PS: Par hasard, j'ai trouvé un vêlage. Ça ne se passe pas toujours aussi bien (voix pleine de regrets de mon oncle: ce jour-là il avait emmené un de ses jeunes fils avec lui), mais je vais vous épargner ça.
C'est à ces contacts vétérinaires que je dois ma façon de considérer la santé en général et tout ce qui touche à la maternité en particulier (les vaches et les chattes font ça très bien, on doit pouvoir s'en sortir sans tout ce foin et tout ce marketing (d'un autre côté, l'accouchement sans douleur, quand vous voyez la tête de la vache ou de la chatte... On ne nous prendrait pas pour des andouilles par hasard?))

Entraves

Une vie de fille / de femme se caractérise par un ralentissement du pas : basketts et jeans, on court, illusion qu'il en sera toujours ainsi, mini-jupe et joie des jambes libres, grossesse, on ralentit, poussette, enfant de deux ou trois ans à guider, jupes serrées, talons hauts...
(Ne disons rien des burqas ou kimonos traditionnels.)

Je ne supporte pas les hommes qui encouragent les talons hauts et ne prennent pas la peine de régler leur pas sur le nôtre — ralenti.

L'affaire Courjault

Tout m'effraie dans cette histoire :
- de si bien comprendre le non-désir de maternité de cette femme, sa terreur à l'idée d'un nouvel enfant, sa sensation «d'être débordée» (sic);
- d'imaginer sa folle solitude (trois grossesses sans que personne ne se doute de rien?), son autisme affectif; et le lien entre cette solitude et cette terreur de maternité;
- de ne pouvoir imaginer, et de ne pas souhaiter imaginer, ce que ressentent les enfants vivants: se sentent-ils vraiment aimés, "choisis", ou se disent-ils que leur mère est folle, qu'ils l'ont échappé belle?

Je songe à Beloved, de Toni Morisson.

Relevons le niveau

Je me suis souvenue qu'au lieu de désespérer mes lecteurs sérieux à parler d'Harry Potter, j'aurais pu évoquer la lecture à haute voix que je fis avant-hier au cours du dîner: quelques pages de L'Apocalypse, afin de vérifier le nombre des cavaliers (quatre, sortant des quatre premiers sceaux: un cheval blanc, un noir, un rouge comme le feu, un verdâtre pour la mort).

Et tandis que je poursuivai ma lecture, sautant des lignes pour me concentrer sur la structure numérique (combien de sauvés, sachant que le premier fléau détruit un tiers, le suivant un tiers (soit un tiers de deux tiers?), etc) du texte, je songeais à cette vidéo effrayante et ces photos troublantes.

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