Nuit de mardi à mercredi, de nouveau réveillée, un peu moins longtemps. Décidé de tout recommencer. Repartie de zéro.[1]
Je travaille, j'avance lentement.
Quand j'étais étudiante, les échéances me paraissaient des murs. J'avais l'impression que j'allais me fracasser contre, que le monde n'existerait plus, cesserait de tourner, au moment où l'échéance cherrait.
L'âge et l'expérience venant, j'ai pris l'habitude de m'imaginer après, une heure après ou le lendemain, afin de maîtriser la panique, de me convaincre de l'écoulement inéluctable du temps, de relativiser tout cela (il faut dire que cela me rendait réellement malade de terreur; c'est ainsi qu'à vingt-deux ans j'ai interrompu mes études en dernière année tant l'idée du grand O me terrifiait (je les ai achevées plus tard, après avoir appris à relativiser (au moins un peu) en entreprise (à l'approche de 2000, un chef me disait encore : «Tu prends tout au tragique».)).
L'inconvénient de cette méthode, c'est que j'ai le plus grand mal à me mettre à travailler: après tout, puisque quoi qu'il arrive le temps va passer, puisque tout cela n'a pas d'importance...
Tentation de laisser tout tomber, d'abandonner. Je me retiens de le dire, de le formuler; je sais que si je prononce ces mots, la machine se mettra en route, pour accomplir ce que je désire et ne désire pas.
Seule dans la journée. H. est parti à Bovino, à la recherche du wifi (succès sur toute la ligne: wifi gratuit pour le prix d'un capuccino dans l'après-midi, 80 centimes).
18h30. Début officiel du colloque, accueil dans la cour, nous attendons des Français en retard (!), Béatrice est très inquiète que nous puissions être mécontents, nous la rassurons comme nous pouvons, il fait un temps magnifique dans un cadre superbe.
Le soir, nous dînons comme les soirs précédents à Panni, auprès de nos hôtes qui tiennent également un restaurant, La Locandia di Pan. Pas de carte, à peine un menu, on s'obstine à nous demander ce que nous voulons, barrière de la langue, nous nous efforçons de faire comprendre que nous mangerons ce qu'on nous donnera: nous ne prenons pas grand risque, tout est excellent, les produits très frais (légumes, fromage, pâtes, fruits) cuisinés le plus simplement du monde, c'est délicieux. Je me souviens avoir lu que l'essor de la cuisine bourgeoise en France, terreau indispensable à une tradition gastronomique, date du mariage de Henri II avec Catherine de Médicis qui amena ses cuisiniers d'Italie.