Billets qui ont 'wasted life' comme mot-clé.

Mode lapin blanc

- Démonté une poignée de fenêtre (pas encore remontée à l'heure qu'il est) ;
- ramassé des feuilles (eh oui, ce n'est toujours pas fait) ;
- coupé les tiges noircies des pivoines (ce devrait être fait depuis juin) ;
- rangé les boîtes contenant les décorations de Noël (mais le sapin est "démonté" depuis une semaine: pas si mal) ;
- pas écrit à ma grand-mère (94 ans hier) ;
- pas écrit une poignée de cartes de vœux ;
- pas fini le billet pour Elisabeth.


Pas encore dîné.

Le temps se fait court

Dernière semaine dans mon poste actuel, je viens de réaliser qu'elle ne va comprendre que quatre jours: le temps de boucler les échéances habituelles, à peine le temps de me pencher sur un document que j'ai eu la folie de proposer de préparer pour lundi en huit, dans un domaine que je ne connais qu'en théorie, une théorie étudiée il y a vingt ans.

Aucune nostalgie, aucun regret. Etrange de ressentir à ce point le désir de partir. La seule chose qui me manquera sera mon scanner.

Du regret comme mesure de l'action

Je lisais mardi dans Biba (si si) "10 conseils avant de se lancer" (ou quelque chose comme ça, à vrai dire, je n'ai pas fait très attention).
J'ai retenu ce témoignage : « Ma mère me disait à chaque rentrée, quand il s'agissait de choisir entre le petit cahier à petits carreaux et le grand cahier à spirales: "Ma fille, ne fais rien que tu risques de regretter". »

Je prends mes décisions sur le mode inverse :«Fais ce que tu vas regretter de ne pas avoir fait» (ce qui me fait penser qu'il faut que je réserve un billet pour Nice).

Hier soir

A vingt heures, tandis que je traverse le parc du Luxembourg, l'orchestre des gardiens de la paix joue le final du thème d' Indiana Jones. Le soleil joue dans les feuilles, j'ai les larmes aux yeux. Du milieu de mes pensées sombres, je souris à ce clin d'œil.
Plus tard, un son de trompette dans la rue qui monte vers la chapelle du Val-de-Grâce illuminée par le soleil donne à Paris un air italien, la Strada en couleur.

Soirée parmi des executive women: carrières et voyages, thèmes des conversations. Je suis surprise d'être aussi loin de tout cela, j'aurais dû être comme elles, en bonne logique. Que s'est-il passé? Mais si le modèle est attirant de loin (avec des impressions d'avoir "raté ma vie", comme on dit), de près il me laisse froide, à me demander si ce n'est pas elles qui passent à côté de quelque chose.
Ces questions sont vaines, ou théoriques: je sais désormais que les deux (ou quatre) possibilités sont toutes aussi exactes (finalement la physique quantique est facile à se représenter).

Mon amie F. m'inquiète: à ce que j'ai compris, elle a mené l'année dernière trois emplois de front, un par obligation, un dans l'espoir d'échapper (dans le futur) au précédent, un dernier parce que les deux premiers ne rapportaient pas assez. Je comprends mieux que nous ne nous soyons pas vues pendant quinze mois et qu'il soit si difficile de trouver une date pour déjeuner ensemble.

Ne faites pas lire les enfants

Vous connaissez la BD Mafalda. Un strip fait fureur en ce moment à la maison:

Première case : Mafada voit sa mère assise sur une chaise, pensive.
Deuxième case: Elle s'approche de sa mère et lui dit : «Ne t'inquiète pas maman, je vais faire des études et je ne serai jamais une femme médiocre et frustrée comme toi».
Troisième case : Mafalda a quitté la pièce. Elle déclare avec un grand sourire: «Ça fait du bien de rassurer sa maman».
(Dernière case : la mère seule et désespérée se tient la tête à deux mains).

C'est fou ce que j'entends souvent «Ça fait du bien de rassurer sa maman» ces derniers jours.

La plus blâmable

Fais-le, mon cher Lucilius: revendique tes droits sur toi-même, et le temps qui, jusqu'à présent, t'étais enlevé, soutiré, ou qui t'échappait, ressisis-le et ménage-le. Sois convaincu qu'il s'en va comme je l'écris: il est des instants qu'on nous arrache, il en est qu'on nous escamote, il en est qui nous filent entre les doigts. La plus blâmable est la perte par négligence. Aussi, si tu veux bien y prêter attention, la plus grande partie de la vie se passe à mal faire, une large part à ne rien faire, la totalité à faire autre chose que ce qu'on devrait.

Sénèque, Lettres à Lucilius, début de la lettre I. traduction de P. Guisard, Bréal éditions.

C'est la faute à Embruns. C'est à cause de lui que j'ai perdu mon temps à jouer à splash.

Complainte ménagère

L'un des charmes de la lecture de Renaud Camus, c'est qu'à peu près tous les sujets sont abordés au détour d'une page.

Ainsi ce matin j'arrive au §125 de P.A. page 52 (première version du futur Vaisseaux brûlés, mis plus tard en ligne) :
125. Avant même d'être une incapacité à gérer l'espace, le désordre domestique (au moins dans mon cas) me paraît être une incapacité à gérer le temps (796-797) : on sait bien qu'avant d'entreprendre ceci, il faudrait en finir avec cela, ranger ses vêtements de la veille avant d'enfiler ceux du jour, clore ce dossier avant d'aborder cet autre, finir cette phrase avant d'ouvrir cette parenthèse, ou de lui infliger cette note [*3]. Mais l'urgence vous tenaille (ne serait-ce que sous la forme du désir : on est impatient de faire ceci, de faire cela, on se dit que mieux vaut profiter de cette envie que l'on a de cet accomplissement particulier à ce moment donné pour se débarrasser du labeur qu'il implique, on saute les préliminaires, on choisit de les ignorer […], on effectue ce que nous invite à effectuer la détermination idoine que nous trouvons en nous, on se dit que ce sera toujours cela de fait), le téléphone retentit, quelqu'un sonne à la porte, vous allez être en retard à votre rendez-vous et vous ne pouvez pas laisser partir le courrier sans avoir répondu à ce malheureux réfugié algérien qui sollicite votre aide, ni écrit aux Duchemin qui viennent de perdre leur mère : tant pis, vous rangerez vos chaussures après, vous plierez plus tard ce pull-over abandonné, vous remettrez une autre fois ce disque dans son coffret (quant à faire votre lit, n'en parlons même pas !).
L'ordre et le ménage représentent une forme de lutte contre l'entropie, finalement. C'est fou comme le chaos semble être l'état naturel du monde. Ce qui me laisse rêveuse dans le ménage, c'est la façon dont il est facile d'en faire une activité à temps plein : il y a toujours quelque chose de plus à faire, un placard à vider, une vitre à briquer, et puis les chaussures n'ont pas été cirées depuis longtemps, etc. Il suffit d'être un peu perfectionniste pour être englouti, ou au moins éternellement insatisfait.
Est-ce plus facile quand on est myope? (Souvent je me dis que les myopes doivent être protégés des laideurs superficielles du monde. Voir moins, cela doit être reposant, quand il s'agit de poussière sur les meubles.)

J'ai rapporté de Stokholm un magnet qui proclame : "A clean house is a sign of a wasted life". Mais le contraire ? Une maison en désordre approximativement propre est-elle le signe d'une vie réussie?

2007-0107-A_Clean_House_wasted_life.jpg
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.