Billets qui ont '2023-11-05' comme date.

Camus par Enthoven

Camus «l'autre», ou Camus «le seul», selon les personnes qui connaissent les deux.

Je ne suis pas une fan d'Enthoven, j'hésite sur ce qu'en penser et j'ai tendance à le confondre avec André Enegren (la malédiction des assonances); en un mot je ne vais pas écrire un dythirambe, mais la mise en scène est solide, la démonstration impeccable, avec des illustrations filmiques inattendues qui font sourire. Par moments Enthoven a des faux airs de Belmondo. Devant le succès, le spectacle est prolongé jusque fin décembre.

J'ai lu tout le théâtre de Camus entre la première et la terminale (je lisais beaucoup de théâtre, Anouilh, Giraudoux, Camus, Sartre, Claudel, Péguy, tous ceux qu'on trouvait dans le Lagarde et Michard du XXe siècle). Je ne me souviens de rien et pourtant je l'aimais beaucoup. J'aimais moins les romans: rien compris à L'Etranger (j'ai toujours pensé que les profs nous le faisaient lire uniquement parce qu'il était mince), peu de souvenirs de La Peste lu les jours d'ennui chez ma grand-mère.

Séance de questions à la fin du spectacle. Réponse à un spectateur:
— Il est trop tard pour entreprendre le procès de Sartre. […] Vous savez que Sartre se moquait de Camus en l'appelant un «philosophe pour terminales». En fait, c'est un grand compliment: Camus est clair, il n'y a pas besoin de bagage conceptuel pour l'aborder. D'ailleurs Camus répondait: «certains ont des commentateurs; moi, j'ai des lecteurs.»

Il y a une erreur courante qui m'agace: non, il n'y a pas dans les évangiles de lien entre culpabilité et souffrance ou mort. (Si l'on prend le cas du Christ, c'est même l'inverse.) Les catholiques et les protestants ont propagé cette interprétation, mais ce n'est pas dans les évangiles.
Ce qu'implique les évangiles, c'est l'inverse: qu'il n'y a pas de raison de souffrir ou de mourir, il n'y a pas de lien logique entre les deux: «Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem?» Luc 13, 4.

Il faudrait peut-être que je relise Camus. Ça me semble moins urgent que lire les témoignages du XXe siècle. Je peine désormais à m'intéresser à la fiction.

Remords

Hier mercredi, sms d'A-C: «[…] est ce que l'on peut échanger d'ici vendredi 😇 ..., car j'ai une visio pour une mission dans l'assurance et j'aurais besoin de me rafraîchir la mémoire !»

Je le contemple avec fatalisme: cela fait une éternité qu'elle n'a pas donné de nouvelles (après recherche dans ce blog: janvier 2024), j'étais suffisamment agacée pour ne plus envoyer de carte postale (preuve que je suis très très agacée). J'en ai finalement envoyé une de Chartres; trois semaines plus tard elle m'a remerciée en me demandant comment ça allait à…Blois (euh non, moi c'est Moret).

Bref, je réponds «oui bien sûr, ça me fait toujours plaisir de parler assurances» (ce qui est vrai), et donc ce soir, longue conversation autour de l'assurance, la famille, la santé.

Quand je l'avais vue en 2022, elle était sans arrêt au bord des larmes. J'avais attribué cela au chagrin, à la mort de sa mère deux mois plus tôt. En fait elle était déjà arrêtée («mais comme je pensais que c'était un break de deux semaines, je n'en parlais pas»). Cela a duré dix-huit mois, «je ne sais pas où passaient mes journées, je ne sais pas ce que j'ai fait tout ce temps. On me disait d'être patiente, maintenant ça va mieux, il faut que je recommence à travailler».

Je m'en veux. Je sais bien que cela n'aurait rien changé, mais j'aurais pu prendre des nouvelles comme je l'ai toujours fait, tous les six mois environ. La seule fois où je ne le fais pas correspond à une dépression de dix-huit mois.
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