Billets qui ont 'Burn after reading' comme oeuvre.

Mauricette

Cela faisait plusieurs fois que je croisais ce prénom sur la toile et j'avais cru à une appellation générique désignant du vintage ou de l'obsolète (les deux faces d'une même réalité), comme Simone, la voix de la SNCF, qui aurait pu aussi s'appeler Jessica ou Cessyle, au gré des marketteux (mais qui s'appelle peut-être réellement Simone, c'est le plus beau).

Eh bien non, Mauricette existe, et plus important, elle est vivante, je l'ai appris ce matin en écoutant la radio: Mauricette, c'est la première Française vaccinée, le 27 décembre dernier. Des rumeurs ont couru sur sa mort dès le lendemain. Tout les matins vers 8h20 RTL consacre quelques minutes à démonter une fake news ou des chiffres bidonnés.
Ce qui m'a intéressée ce matin, c'est que le journaliste a précisé que de nombreuses personalités sont intervenues, dont le maire de Sevran, pour démentir cette rumeur.

Trump aura au moins servi à cela: après les événements du Capitole, plus personne ne croit que les fake news sont inoffensives (ce qui était vaguement mon cas: laissons dire, quelle importance, les stupides seront toujours stupides, etc.).
Elles ont des conséquences, et si la vérité finit toujours par triompher (phrase qui n'est qu'un acte de foi, car comment savoir qu'elle n'a pas triomphé si l'on ne connaît que la version mensongère sans savoir qu'elle est mensongère?), il vaut mieux la faire triompher tout de suite plutôt que laisser se développer tout un ensemble de catastrophes qui auraient été évitables (cf. le film des frères Coen Burn after reading et son dernier dialogue: «— Qu'avons-nous appris? — Rien»; un film désopilant ou désolant par sa bêtise constante (une spécialité des frères Coen)).

Burn after reading, des frères Coen

Attention, spoiler.

Les frères Coen traitent toujours l'un des deux sujets suivants: la bêtise ou le mal, les deux se rejoignant parfois. (On peut noter un cas où ils ont plutôt traité de l'intelligence: dans Intolérable Cruauté et peut-être dans Miller's Crossing (sans doute leur film le plus indécidable).)

Le dernier n'échappe pas à la règle: il s'agit d'une sorte de remake de Fargo plus absurde encore (car faisant bien plus de morts pour une raison bien plus futile (mais quelle raison? même cela est difficile à définir)).
C'est un film dont l'avancée totalement cahoteuse (difficile d'imaginer moins rigoureusement tragique) n'a pas grande importance. Tout est tellement sous-déterminé, déterminé à la seconde qui passe et non par un mécanisme implacable remonté dès le début du film, qu'on s'intéresse à peine à la trajectoire du film.
L'intérêt n'est pas là, il est dans ses dimensions horizontales. Chaque image ou presque renvoie vers des références. C'est un pastiche précis des films d'espionnage américains contemporains (The Good Sheperd: les chefs, les réunions d'anciens, le père, la voix du maître-chanteur au téléphone qui imite les films qu'il a vus (imitation de fictions dans la fiction, stéréotype reconnaissable en ce que nous, spectacteurs, partageons les mêmes références que le personnage), etc) tant et si bien que je doute qu'aucun réalisateur sérieux n'ose en tourner un dans la même veine désormais. C'est également le catalogue habituel des références aux propres films des frère Coen, les portes, les murs, les enfilades de couloirs, la vision à claire-voie dans le placard, les têtes en gros plan, les boucles d'oreille qu'on rajuste, les mêmes phrases, les mêmes gestes, les jeux de miroirs. Tout le monde ment.
C'est un film totalement immoral : les hommes, bons ou méchants, meurent, les femmes, menteuses ou avides, survivent, il n'y a aucune raison à cela.

J'aime beaucoup la fin, le fatalisme du ponte de la CIA, qui n'y est pour rien, qui n'a rien décidé, n'est pas intervenu, a juste demandé d'être tenu au courant "quand tout cela prendrait sens", qui constate les dégâts, les éponge, les oublie, et demande:
— Qu'avons-nous appris?
— Rien.

C'est si proche des conclusions tellement plus ampoulées de Bodie of lies ou The Good Sheperd.


edit

A la réflexion, cela me rappelle mon père quand j'avais huit ans:
Papa, pourquoi il y a des guerres?
Pourquoi te disputes-tu avec ta sœur?

Les frères Coen ont décidé d'illustrer la dispute avec la sœur plutôt que la guerre.


edit bis

Un blog (trouvant le film mauvais) à explorer.

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