Claude Lanzmann
Par Alice, mardi 24 mars 2009 à 23:57 :: 2009
J'ai vu Claude Lanzmann au Collège de France cette après-midi. J'appréhendais ce moment, il a la réputation d'être tranchant et prétentieux, or c'est un de mes héros personnels à cause de son œuvre.
Je me souviens de la première fois que j'ai vu Shoah, loin dans un quartier de l'ouest parisien, en 1986, et mon retour à pied dans les rues désertes, traversant la moitié de Paris jusqu'à la rue Cardinal Lemoine pour tenter de me remettre du choc (et la semaine suivante, recommençant pour la deuxième partie).
Je découvrais l'extermination. Jusqu'ici je ne connaissais que les camps de concentration (confusion encore bien répandue, qui fait dire à Paul, 87 ans «On n'exagère pas un peu? Beaucoup sont revenus, non? » Et le cœur serré devant cette trace vivante d'antisémitisme français à la Bernanos, j'explique: «Non, ce n'était pas la même chose. Très peu sont revenus des camps d'extermination, on a des listes quasi-exhaustives, de trente à trois cents noms…» Mais je ne sais s'il me croit.).
Je lisais mal l'anglais, à l'époque. J'ai repéré le nom de Raul Hilberg. J'ai tenté (en vain) de commander son livre chez Brentanos.
Il est sorti l'année suivante, en 1988 (La destruction des Juifs d'Europe). Je travaillais chez Mollat, je l'ai lu aussitôt. Je me souviens de ma lecture hallucinée, des sondernkommandos, des bus, des trottoirs, du soleil, de tout ce mélange irréel, des gestes quotidiens qui occupaient toujours la même place.
J'ai revu Shoah deux fois, en Dvd désormais, chez moi, toujours seule, la nuit. C'est un film que je trouve insupportable de regarder à plusieurs. (Et cette après-midi, malaise à ce que les extraits soient projetés sans que la lumière ne soit éteinte). Désormais j'en comprends la structure, qui m'avait échappée lors de sa diffusion en salle. Désormais je comprends les accusations de montage, la colère des historiens qui me fait rire. Désormais je considère que Lanzmann a été insupportablement violent avec les gens qu'il a filmés, provoquant les larmes, n'arrêtant jamais la caméra.
Ce film est monstrueux.
Et je bénis Lanzmann de l'avoir fait.
Je me souviens de la première fois que j'ai vu Shoah, loin dans un quartier de l'ouest parisien, en 1986, et mon retour à pied dans les rues désertes, traversant la moitié de Paris jusqu'à la rue Cardinal Lemoine pour tenter de me remettre du choc (et la semaine suivante, recommençant pour la deuxième partie).
Je découvrais l'extermination. Jusqu'ici je ne connaissais que les camps de concentration (confusion encore bien répandue, qui fait dire à Paul, 87 ans «On n'exagère pas un peu? Beaucoup sont revenus, non? » Et le cœur serré devant cette trace vivante d'antisémitisme français à la Bernanos, j'explique: «Non, ce n'était pas la même chose. Très peu sont revenus des camps d'extermination, on a des listes quasi-exhaustives, de trente à trois cents noms…» Mais je ne sais s'il me croit.).
Je lisais mal l'anglais, à l'époque. J'ai repéré le nom de Raul Hilberg. J'ai tenté (en vain) de commander son livre chez Brentanos.
Il est sorti l'année suivante, en 1988 (La destruction des Juifs d'Europe). Je travaillais chez Mollat, je l'ai lu aussitôt. Je me souviens de ma lecture hallucinée, des sondernkommandos, des bus, des trottoirs, du soleil, de tout ce mélange irréel, des gestes quotidiens qui occupaient toujours la même place.
J'ai revu Shoah deux fois, en Dvd désormais, chez moi, toujours seule, la nuit. C'est un film que je trouve insupportable de regarder à plusieurs. (Et cette après-midi, malaise à ce que les extraits soient projetés sans que la lumière ne soit éteinte). Désormais j'en comprends la structure, qui m'avait échappée lors de sa diffusion en salle. Désormais je comprends les accusations de montage, la colère des historiens qui me fait rire. Désormais je considère que Lanzmann a été insupportablement violent avec les gens qu'il a filmés, provoquant les larmes, n'arrêtant jamais la caméra.
Ce film est monstrueux.
Et je bénis Lanzmann de l'avoir fait.