Billets qui ont 'Gilles' comme oeuvre.

Lire Drieu


Gilles, ligne 14, vers 7h45 à Châtelet.

Encore un conseil d'administration. L'un des administrateurs est fou furieux, je ne comprends rien à sa logique, il se bat deux réunions de suite pour une cause et défend l'inverse la troisième fois alors que nous venons de voter une modification des statuts conforme à ses souhaits précédents…
Nous nous perdons en conjectures: peut-être voulait-il savoir en prêchant contre ses convictions quelle position l'entreprise allait prendre dans des négociations de branche (mais ce n'est pas le lieu pour ce genre de finasserie politique), ou alors, beaucoup plus simplement, comme il vient de province, veut-il faire durer les débats suffisamment longtemps pour justifier son déplacement…
C'est très fatigant.

Pas dans mon assiette ce soir. Je regarde Benjamin Button (première fois que je vois Edgar Cayce cité dans une œuvre grand public). La vie comme une parabole (trajectoire en parabole). Puis Bullitt. Etonnante bande-son. Pas envie d'aller en cours toute la journée demain.

Le procès de Charlotte Corday à l'Epée de Bois

Rendez-vous à Vincennes, je sors devant le château, je ne sais plus à l'angle de quel carrefour je dois les retrouver. Heureusement j'ai mon téléphone:
— Prends à l'est.
— Mais il fait nuit, comment veux-tu que je sache où est l'est?

Discussion à bâtons rompus. Pessoa en livre de voiture comme il y a des livres de chevet. De quoi avons-nous parlé dans la voiture, Prague déjà? Je ne crois pas.

Soupe, tarte salée, assiette de fromage, une bouteille pour trois. Le foyer de ce théâtre est très chaleureux, lambrissé, j'ai un coup de cœur pour cette pièce.

Nous parlons lectures. Aragon et Drieu La Rochelle, lire Gilles en même temps qu'Aurélien, histoire d'une bagarre de rue entre Aragon et ?? Cocteau??, deux folles brune et blonde, et la foule qui se met à parier (dans Gilles).
— Mais Aragon, c'était tout de même un salaud, un sacré menteur.
— J'ai eu la chance de le lire dans l'édition de ses œuvres dans les années 70; il écrivait des préfaces démesurées, c'était complètement fou, quatre cents pages de préface pour une vingtaine de pages comme Le Paysan de Paris.
— Celui que j'aime bien, c'est Breton, il ne s'est jamais compromis.

— Dans les années 70 je voyageais en Ukraine (je n'avais même pas vraiment conscience d'être en Ukraine). J'avais acheté le Monde à Varsovie. Je laisse ma voiture quelques instants, et quand je reviens, un homme me dit: «J'aimerais Le Monde».
— Vous parliez en quelle langue?
— En français, il parlait un français parfait, en Roumanie aussi, d'ailleurs. Je lui fais remarquer qu'il y a des poules sur la nationale et il me répond: «Ici, les poules sont libres.»
— C'est génial! Je me souviens quand j'ai pris le transsibérien de m'être arrêté dans un hôtel paumé de Bouriatie, et la femme qui le tenait parlait un français parfait. Nous avons raté beaucoup d'occasions il y a une dizaine d'années; c'est comme au Vietnam…
— Oui, nous étions aimés… Nous n'avons pas été à la hauteur de l'amour qu'on nous portait.

Se joue à l'Epée de Bois Cyrano de Bergerac.
— Un de nos désaccords.
Je suis surprise. Je ne m'en souvenais pas. Cyrano ne serait pas une grande œuvre? Mais quelle importance? Les trois mousquetaires non plus, et pourtant je défendrai toujours d'Artagnan. D'Artagnan ou Cyrano donnent une ardeur que ne donne pas Mallarmé, c'est important aussi. «— Et c'est? — Mon panache.»

Biographie de Casement par Vargas Llosa (Le rêve du Celte). Voyage d'étude, enquête, comment dire sans être anachronique, au Congo belge. Horreur, "le musée des mains coupées" à Bruxelles, on estime à dix millions les morts congolais («ce qui est beaucoup avec les moyens de l'époque»); c'est suite au rapport de Casement, indépendant, non-belge, que le Congo cessa d'être la propriété personnelle du roi.
— Il connaissait très bien Conrad. Sa fin fut dramatique. Il est parti en Allemagne au début de la [première] guerre mondiale et a été débarqué sur le sol irlandais juste avant le soulèvement de Pâques. Les Anglais ont fait un massacre et Casement a été condamné à mort. Conrad et Shaw ont refusé de signer la pétiton qui demandait sa grâce.

Pièce de Benoît, Le procès de Charlotte Corday. Plus tragique, plus violente, moins psychologique, moins nuancée que dans sa première mouture de 2009.

Encore un verre dans une brasserie de Vincennes. Le temps passe trop vite, beaucoup trop vite. Les serveurs commencent à ranger vers minuit, nous plaisantons avec eux, «on travaille demain» nous disent-ils. Je ne réponds pas que moi aussi, et plus tôt qu'eux.
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