Billets qui ont 'Journal de Travers' comme oeuvre.

Pour Dominique : le 26 novembre 1976

— Tu sais que je possède toute la collection du Monde depuis les années 70 ?
— Ah bon ? Mais alors... Tu vas pouvoir m'aider à trouver un article que Camus a écrit à la mort de Malraux?
Air surpris, coup d'œil circulaire pour appeler à l'aide. Deux ou trois voix s'élèvent en chœur :
— Mais ce n'est pas possible, Camus était mort!
Je mets une seconde à comprendre puis m'exclame avec soulagement:
— Mais non, pas votre Camus, mon Camus!

Merci d'avance.

[Vendredi 26 novembre 1976
RC, Journal de Travers, p.1280

[Samedi 27 novembre, cinq heures. [Chron. du retard: jétais en train de découper trois exemplaires du Monde pour conserver autant de copies du petit entrefilet sur Malraux, qui est paru finalement hier [...]
Ibid., p.1287

Entre-temps j'étais allé jusqu'au Drugstore pour acheter Le Monde, parce que Samia m'avait signalé que mon commentaire sur Malraux y figurait alors que j'imaginais qu'il ne paraîtrais plus, maintenant, que dans le prochain Monde des livres, jeudi.
Ibid., p.1289

Avant Noël

Après-midi dans les gradins d'un dojo, à regarder des enfants passer leurs grades de karaté. J'ai mon Mac, mes Doc Martens, je suis plongée dans la reconstitution compliquée de certaines journées estivales.

Un petit garçon de sept ans environ se précipite hors d'haleine vers ses sœurs à côté de moi, adolescentes arabes au visage triste, patient, d'un ennui silencieux.
Le petit garçon suffoque, ravagé par l'information qu'il apporte:
— Y en a qui... y en a qui... y en a qui disent que le Père Noël n'existe pas!


Et je suis si triste de n'avoir rien à dire pour le consoler.


(Ce matin, O. m'a dit avec réalisme: «Il fallait lui dire qu'il passera quand même»).


Hier soir, Z. passant à côté d'un parc contenant des sapins à vendre, en face de Saint-Eustache :
— Ça sent le sapin !

Et je pense aux métaphores réanimées de RC (mais personne ne reconnaît jamais mes citations (d'autant plus que je ne me souviens plus de la citation)).

11/01/2009

Si voilà: «Je le remercie de "réinsuffler du sens dans les métaphores éculées"». Journal de Travers, p.634

Cerisy, la campagne de France

La perspective d'aller à Cerisy avec ceux qui sont peut-être, après tout, "mes pairs", me paraissait parfaitement fastidieuse. Tout envie de voyage s'estompe — des villes et encore des villes : je me suis rendu compte que, désormais, j'aimais mieux draguer que de visiter quoi que ce soit; les villes ce sont avant tout des corps, pour moi, des visages, des poils, des peaux, des lèvres, des voix, des caresses, des draps sous la lampe (on verra après...).
RC, Journal de Travers, p.1518

Il faut avouer que draguer dans les profondeurs de la campagne normande... à moins de trouver son bonheur parmi les participants du colloque, c'est assez compliqué. (M'a fait rire cet Australien qui m'a confié, tandis que le car négociait comme il pouvait les routes du bocage: «J'ai l'impression que le terriroire français est beaucoup plus ouvert, beaucoup plus accessible, qu'il y a beaucoup plus de routes qu'en Australie.» (Well... yes.))

Je suis rentrée de Cerisy reposée, avec une envie de déménager. Pour la première fois depuis une éternité (depuis combien d'années, en fait? avant la construction de l'autoroute passant par Vierzon), j'avais dormi une semaine dans des nuits silencieuses et noires. Point de routes, point de lampadaires. Le froid lui-même, que j'avais redouté, était accueillant, le corps s'adaptait sans effort à l'air frais mais propre.
Et moi qui m'étonnais il n'y a pas si longtemps d'être devenue si citadine, je me suis aperçue que c'était faux: ce dont je n'ai pas envie, c'est de la demie-ville, la ville avec tous les inconvénients de la ville sans ses avantages, ses cinémas, ses expositions, ses conférences, ses concerts, ses bibliothèques...
Mais j'appartiens à la vraie campagne, à la solitude, sans voiture et sans lampadaire.
J'ai envie d'y retourner. Quand et où? (La Sologne? Les bords de Loire? Le Nivernais? Le plateau de Langres?)

Dimanche, en sortant de la voiture à l'orée d'un bois, l'odeur et la nuit m'ont brutalement rappelé la ferme de ma grand-mère. Sept ans qu'elle est morte et ça ne passe pas. Pire, cela semble revenir. Dieu qu'elle me manque, mes souvenirs sont si vivants qu'il me semble les ressentir physiquement.

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