Ami ? Ou ennemi ? Les humains adultes évaluent en un instant leurs semblables pour distinguer le danger potentiel que peut représenter un individu. Pour cela, ils intègrent et traitent de manière automatique différents signes comportementaux, physiques et sociaux. Loin d'être le fruit d'une acquisition sociale, cette aptitude serait innée si l'on en croit Kiley Hamlin et coll. (Yale University) : dès l'âge de 6 mois, l'enfant est capable de jauger un comportement. « Nous montrons que des nourrissons de 6 et 10 mois prennent en compte une action individuelle (bonne ou mauvaise) envers un autre pour déterminer si l'individu est sympathique ou antipathique : le nourrisson va préférer un individu qui en aide un autre à accomplir une action à un individu neutre ; il va préférer l'individu neutre à un individu qui gêne l'autre dans son action. Â»
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Soit un paradigme de choix, selon lequel un nourrisson indique ses préférences en faisant des mouvements pour aller vers celui qu'il choisit; soit un paradigme d'attente, dans lequel le nourrisson regarde plus longuement un événement inattendu ou qui le surprend. Premièrement, on a habitué les enfants à la présence d'un personnage en bois, avec de gros yeux collés, qui tente de grimper une colline, le «grimpeur». Deuxièmement, on a fait intervenir d'autres personnages. L'«aidant» qui pousse le grimpeur vers le haut et dont l'action alterne avec celle de l'«empêcheur» qui, au contraire, repousse le grimpeur vers le bas. Encouragés à faire un choix entre les deux derniers intervenants, en les incitant à aller vers eux, les enfants ont clairement exprimé leur préférence : ceux de 6 mois comme les autres vont vers l'aidant (association forte, p = 0,002), indiquant «qu'ils ont une impression distincte des deux personnages uniquement sur la base de leur action vis-à-vis d'un autre».
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L'expérience initiale du grimpeur avec son aidant et son empêcheur leur a été montrée, mais ces personnages n'étaient plus seuls. Des personnages « neutres Â», grimpant ou descendant la colline sans interagir avec les autres, faisaient partie de la scène. Ce qui a permis aux nourrissons de manifester leur préférence de l'aidant versus le neutre et du neutre versus l'empêcheur, révélant des aptitudes à l'évaluation du bien et du mal : ils marquent leur affection pour les personnages capables d'aider un autre à atteindre son objectif et montrent une aversion pour ceux qui l'en empêcheraient. Selon Hamlin et coll., une aptitude d'adaptation biologique se serait conservée de manière préférentielle au cours de l'évolution. Un comportement coopératif est utile à des activités de chasse en groupe, de partage des ressources alimentaires, de protection en cas d'attaques.

Le Quotidien du médecin, 22 novembre 2007, Béatrice Vuaille

Peu après avoir lu cet article, j'ai découvert que les singes capucins avaient un sens inné de la justice. Comment réagiraient les capucins à l'expérience des gentils versus les neutres versus les méchants ? Voilà qui m'intéresserait. Préférer un personnage qui aide à un personnage neutre, c'est préférer davantage que la justice; quelle relation chronologique ou quelle hiérarchie existe-t-il entre le stade de la justice et le stade de la bienveillance, le deuxième présuppose-t-il le second, etc.?