Billets qui ont 'Lolita' comme oeuvre.

Pour Dominique

Il faut savoir que je n'ai pas d'autre moyen de le joindre entre deux séances de l'Oulipo.

Le blog de l'éditeur singulier et une liste des Lolitas. Il faudra que je pointe par rapport à la liste que tu m'as donnée. (Il y a aussi un site).

Au féminin

Complément suite à un commentaire reçu par mail.

Il y a une auditrice, aussi. Jeune, intelligente. Blonde, forte poitrine. Je me dis que ce ne doit pas être facile tous les jours (de faire comprendre qu'on est pas une potiche). Elle n'a pas l'air d'en souffrir. Peut-être que je date.
Elle mâche du chewin-gum (très discrètement).
Elle s'appelle Annabelle, je complète "Annabelle Lee" sans même y songer, et ma pensée dérive vers Poe et Lolita. Je me demande si elle connaît. Je ne sais pas si j'oserai lui poser la question à la fin de sa mission.

Je n'aurais jamais dû

Machine à café, toujours. D'où la conversation est-elle partie? De Liliane Bettancourt et du milliard d'euros... Cash ou œuvres d'art? Garder les tableaux ou les revendre? Et cela dériva un peu, jusqu'à ce que je pense aux récentes ventes des robes d'Audrey Hepburn ou du manuscrit de Laura.

Hélas, je commençai à parler de cette seconde:
— Dans un autre genre, vous avez vu que... ma voix s'éteint, je viens de réaliser que je m'apprête à parler de Nabokov à la machine à café... Euh non, ce n'est pas très intéressant... C'est nul de s'arrêter. C'est encore pire, condescendant, un peu. Mais parler de ce qu'on aime à qui ne l'aime pas, à quoi bon. Je me maudis. La jeune consultante en face de moi me regarde, interrogative, en attente. Et si...? Allons, on ne sait jamais, tentons.
— Le manuscrit de Nabokov a été mis en vente, vous savez, son livre posthume qu'on vient de publier, Laura? Je m'entends dire ces mots, c'est n'importe quoi, quel pourcentage de chances de trouver au hasard des gens intéressés par Laura autour de la machine à café?
A ma surprise, ma joie et mon soulagement, le visage de mon interlocutrice s'anime; miracle, non seulement elle connaît, mais cela paraît l'intéresser:
— Ah Nabokov... Dire qu'on vend son manuscrit une fortune alors que Roman Polanski attend encore en prison!
Ma mâchoire pend. Court-circuit encéphalique.
— Euh... Tellement surprise que je ne réponds pas comme j'aurais pu répondre, et heureusement. Tellement surprise de tant de confusion dans les concepts et les faits que je réponds très doucement, très lentement:
— Mais enfin, ça n'a rien à voir! Nabokov, c'est un livre! Supposant bien sûr qu'elle parle de Lolita. Dans le même temps je songe au livre de Tlön.
— Oui, enfin bon, si, il a fait des choses, il suffit de lire sa biographie.
Tant d'assurance... Jamais entendu parler de ça, mais plutôt de l'inverse, Nabokov affirmant la fiction, reconnaissant cependant avoir pris sur ses genoux des amies de sa fille pour mieux décrire les impressions de Humbert... (Où ai-je lu ça? Dans The annotated Lolita? Je ne sais plus.) Je me trompe? Ou se pourrait-il qu'elle confonde avec les nouvelles de Nabokov, dans lesquelles il parle souvent d'amours enfantines? Elle aurait lu les nouvelles de Nabokov (ce qui suppose un vrai intérêt) et me sortirait de telles énormités (ce qui suppose une ignorance certaine)? Restons à quelques données factuelles:
— Oui enfin, lui il est mort, et personne n'a jamais porté plainte, que je sache.
— Oui...

Nous passons à autre chose.



Complément
Pas réussi à le vendre! Yesss! Bien fait pour Dmitri (je dois avouer que cette vente me choquait: non seulement le livre est publié contre la volonté de son père, mais le manuscrit est vendu tandis que l'encre des premiers exemplaires n'est pas sèche...)

Un de perdu

J'avais un ami multilingue qui se targuait de littérature.

Quand je lui disais que je lisais Borges, il me répondait :
— Et que lisez-vous?
— Histoire de l'infamie.
(Moue de mon ami)
— Ce n'est pas le meilleur, vous savez. Vous le lisez en espagnol?
— Non, je ne sais pas l'espagnol.
— C'est dommage, c'est bien meilleur en espagnol.

Le même :
— Ah, vous lisez le journal de Klemperer! C'est très bien Klemperer, je l'ai lu il y a vingt ans, c'est vraiment très bien.
— Vous lisez l'allemand? (NB: il n'est traduit en français que depuis dix ans environ).
— Non, je l'ai lu en anglais quand j'habitais New-York.
Mais lorsque je lui propose de lui prêter le dernier Harry Potter en anglais, il refuse, au prétexte que son anglais est trop rouillé. (Je précise qu'il le lit dès sa parution en français.)

Le même, après que j'ai lu Pale Fire en français, parce que j'avais fait au plus rapide:
— Il faut connaître le russe pour apprécier les jeux de mots russes que Nabokov traduit littéralement en anglais, c'est un grand plaisir. Mon amie américaine qui ne connaît pas le russe ne les voit pas, d'ailleurs.

Il paraît qu'il lit l'hébreu, aussi.
Je ne l'ai jamais vu lire autre chose que du français.
Il se targue toujours de littérature, mais ce n'est plus mon ami.



Pour la fonction bloc-note de ce blog, je recopie ici des lignes que j'avais déjà mises ailleurs, parce que je les aime profondément.

Il s'agit de deux postfaces écrites par Nabokov, la première pour sa Lolita anglaise (1955), la deuxième pour sa Lolita russe (1967), qu'il a traduite lui-même.

dernière phrase de la postface de Nabokov à Lolita :
«My private tragedy, which cannot, and indeed should not, be anybody's concern, is that I had to abandon my natural idiom, my untrammeled, rich, and infinitely docile Russian tongue for a secon-rate brand of English, devoid of any of those apparatuses ?the baffling mirror, the black velvet backdrop, the implied associations and traditions? which the narrative illusionist, frac-tails flying, can magically use to transcend the heritage in his own way.»
Nabokov dans la postface de sa Lolita russe :
«I am only troubled now by the jangling of my rusty Russian strings. The history of this translation is a history of disillusion. Alas, that "marvellous Russian" which, I always thought, constantly awaited me somewhere, blooming like true spring behind hermetically sealed gates to which I kept the key for so many years ? that Russian turns out to be non-existent. And behind the gates there is nothing, except charred stumps and a hopeless automn vista, the key in my hand is more like a lock-pick.»

Traduction de Irwin Weil dans TriQuaterly n°17, winter 1970, p.282

Je ne sais exprimer le sentiment de regret et de nostalgie qui naît de la confrontation de ces deux textes: avoir passé sa vie à la poursuite d'une chimère, pour découvrir qu'il s'agissait d'une chimère.
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