Billets qui ont 'Sense8' comme oeuvre.

Féerique mais froid

Ce matin en ouvrant les volets les arbres sont blancs de givre, un spectacle que je désespérais revoir alors qu'il était courant dans mon enfance. Sans doute le brouillard persistant des derniers jours a-t-il imprégné la végétation; feuilles et brindilles, tout est ourlé de givre. Il fait froid. Le spectacle le long de la A5 pour aller à Melun est féerique.

Au club il y a plus de monde qu'il y a une semaine. Nous sommes six "loisirs", Virginie propose gentiment de faire de l'ergo (ergomètre: le rameur des salles de sport) si je ne veux pas sortir en skiff.
Je prends donc un skiff même si ce n'est guère prudent. Mes doigts se réchauffent lentement au bout de deux kilomètres (pas mes orteils). Je ne transpire pas ou à peine, j'ai presque froid (mouchoir noué autour du cou en foulard), l'effort ne réchauffe pas les muscles engourdis. Une péniche courant vers l'aval paraît sombrer avec lenteur, le vent balaie des voiles de brume au ras de l'eau, les arbres sur le côteau flottent coupés de terre. Il n'y a aucun courant, les oiseaux préfèrent être dans l'eau, les mouettes dorment sur la Seine plumes gonflées, les cygnes plongent leur cou entier, les hérons d'ordinaire sur une branche basse sont aujourd'hui les pieds dans l'eau, plus chaude de quatre ou cinq degrés que le sol. Comment vont-ils manger par ce temps? Comment survivre?
Je monte jusqu'au point G (quinze kilomètres, un jour je photographierai le panneau), doublée par les cadets en pair-oar. Je ne vois plus la yolette, elle a fait demi-tour.

En rentrant je passe chercher les pains et les bûches. Je suis frigorifiée. Premier aller-retour à la voiture sans rien renverser, deuxième aller-retour pour aller chercher le saumon fumé (entier non coupé). Dernier jour de la charcuterie, elle ferme ce soir. Fin précipitée quelque peu amère pour deux célébrités du village: monsieur a l'âge de partir en retraite et le RSI n'offre son aide que s'il a fermé sa boutique au plus tard le 31 au soir. Départ si précipité que le fond de commerce n'est pas vendu et qu'il y a des frais et des dettes non couverts. Le fils a ouvert une cagnotte sur Leetchi.

Je rentre, j'ai froid. Déjeuner, Sense8, premier épisode de la saison 2. C'est la première fois que je regarde une série en même temps que le reste de la planète et non deux ans après. Quel dommage, l'acteur Aml Ameen n'est plus là, j'aimais la joie spontanée de son visage. J'ai froid. Je n'arrive pas à surmonter le stress de ce matin, mental et calorique. Je reste sur le divan dans une sorte de catalepsie tandis que H. s'affaire dans la cuisine.

Nous fêtons le Nouvel An avec les voisins.

Troisième jour après Noël

H. arrive dans la cuisine. Il fait une drôle de tête, il est blanc.
— Ça va ?
— Non.
(Mon cœur se serre: ses parents? sa famille? Les décès sont brutaux, inattendus, de son côté.)
— J'ai eu un coup de fil de Grégory. B. a disparu. Il s'est disputé avec son frère et il a disparu. Les gendarmes le recherchent.

Je tente de le rassurer comme je peux, de rationaliser. Je ne comprends pas comment il est possible de lancer un avis de recherche sur une personne majeure disparue depuis quelques heures seulement (cela m'inquiète mais je ne le dis pas). Je souligne à quel point cela n'est rien par rapport à un problème de santé dans la famille. Mais il pense à la fois à leur propre dispute de vendredi dernier et aux projets en cours, aux Etats-Unis, etc.: comment prendre des décisions légales avec un patron disparu? Le côté feuilleton américain est si prégnant qu'il en est irréel: est-il possible que cela soit vraiment en train de se passer?

Je classe des papiers, range un peu, non plus les pièces de la maison, mais les documents, autre sorte de pièces. Il fait un temps magnifique, nous pensons aller visiter le château de Fontainebleau mais il est déjà trop tard (il est 15 heures pour une fermeture à 17), je déroute les projets vers le club de Melun et nous suivons (à pied) la Seine rive gauche à Chartrettes. Il fait beau, froid, un skiff, un pair-oar, un double: les "compèts". La route cycliste dont l'indice quand je rame sont les vélos suit apparemment un conduit d'hydrocarbure (puits de pétrole en Brie, péniches et réservoirs à la sortie de Melun). O. et H. discutent de la nature des fils électriques: fibre ou pas fibre?
Il faudrait fibrer la France tout entière pour mieux répartir la population. C'est un argument de choc pour un village: «nous avons la fibre».

Coup de fil, B. est retrouvé, il a fallu cinq équipages de gendarmerie (dix gendarmes) pour le maîtriser (je pense à la colère de Valérie Trierweiler), il est à l'hôpital: ouf, il n'est pas mort d'hypothermie dans un fossé. Risque-t-il d'être déclaré irresponsable? Et dans ce cas, que se passera-t-il? un juge de tutelle, un conseil de famille? Comme nous sommes peu préparés à ce qui ne devrait arriver que dans les films. Comme nous oublions que la fiction s'inspire de la réalité et ne constitue pas un monde en soi.

Cahier des charges pour le film vespéral: «quelque chose de gai». J'ai repéré Ciel d'octobre il y a quelques jours. Ce n'est pas gai mais encourageant, plein d'espoir: un garçon fils de mineur veut sortir de son trou et se passionne pour les fusées. Le ciel d'octobre est celui du Spoutnick. Le jeune garçon, c'est Jake Gyllenhaal.

Episode 11 de Sense8 saison 1.

Deuxième jour après Noël

Il fait beau et froid.
A. part. Foins et débris (le lapin, le lapin !) jusqu'au milieu de la chambre. La maison paraît étrangement vide après ces derniers jours. Nous avons désormais des habitudes de vieux couple.
Classement de papiers (remontant à un an et même novembre 2014), échange d'écrans, premières cartes de vœux. Je m'astreins à ne pas regarder de films avant que le soleil ne se couche (ce qui nous amène aux alentours de cinq heures, ce n'est pas si terrible).

Episodes 9 et 10 de la saison 1 de Sense8

Les voisins à dîner. Organisation du 31. Lui est en arrêt pour burn-out. Autrefois, on aurait simplement dit que son patron pervers a eu sa peau, ou encore qu'il est épuisé nerveusement. Extension du vocabulaire. Un autre voisin est à l'hôpital pour burn-out "familial": il a demandé à ne sortir que le dimanche, pour éviter sa femme (ambiance. L'une de ses filles en est à sa deuxième tentative de suicide. Qu'est-ce qu'un burn-out? demandé-je. C'est quand on n'arrive plus à faire face, me répond-on).

Au moment de me coucher, j'apprends que Carrie Fisher est morte. Absurdement j'évoque le malaise ressenti à "la"1 voir à la fin de Rogue one. Je me souviens que je ne savais pas qui c'était quand j'ai lu un article qui l'interviewait (quand était-ce? il y a longtemps, peut-être était-ce pour ses quarante ans, donc en 1996), dans lequel elle parlait de sa façon de gérer son poids (oui, un magazine féminin sans doute chez le coiffeur. Un beau magazine, genre Elle ou Vogue, je me souviens de belles photos). Elle disait: «Ce n'est pas moi que l'on aime, c'est la princesse Leia». Mais je ne savais pas qui était la princesse Leia (et je découvrais Carrie Fisher dont je n'avais jamais entendu parler).
Morte à soixante ans. Incroyable. Pour reprendre une question de RC, comment peut-on mourir à soixante ans?



1: "la" entre guillemets car c'est une reconstruction technologique. Le problème est le suivant: soit un film tourné en 2016 racontant une action intervenant quelques jours ou semaines avant un film de 1976: comment y faire intervenir des acteurs ayant quarante ans de plus alors que leurs personnages a un an de moins?

Dernier jour avant Noël

Quatre: Emmanuel, Dominique, moi, Pascal. Emmanuel m'a corrigé un défaut: j'enfonce trop mes pelles, il faut avoir la sensation de ramer la moitié de la pelle hors de l'eau pour être à la bonne profondeur. Le bateau devient alors très léger et s'équilibre (je me dis qu'à ramer seule, j'ai pris l'habitude de ramer en force, soit exactement ce que je déteste chez les autres: so proustien1). Je suis enchantée d'avoir enfin une piste de travail. J'ai hâte de l'expérimenter avec d'autres équipages.

Journée à vider ma boîte mail. Par moments j'écris des dissertations sur la prévoyance et la santé (être née en 1992 et vouloir une sur-surcomplémentaire… non, ce n'est pas normal d'être à ce point obsédé par la sécurité à cet âge-là, même pour une juriste! (on va encore me dire que j'émets des jugements de valeur: oui, et j'assume (cependant (rassurez-vous), je ne fais jamais que fournir des éléments de réflexion aux personnes qui m'interrogent. "L'appétence au risque" est quelque chose de très personnelle, personne ne peut décider à la place de quelqu'un d'autre à quel niveau il doit se protéger. Je donne des informations, pas des conseils. Ici, sur ce blog, je me défoule (si un blog ne sert pas à ça, à quoi sert-il?))

Je rejoins H. chez Ladurée, décomposé. Son patron ne veut plus ouvrir de filiale aux Etats-Unis alors que tout est prêt pour mars prochain. Un Américain est embauché, un local choisi. H. a fait une ou deux erreurs psychologiques de base en ne prenant en compte que les faits, sans faire attention à la susceptibilité de B., son patron (travers que ma fille et moi partageons).

Zut. B. va encore réussir à nous pourrir nos vacances. (Je parais ainsi peu compatissante aux affres de H.: c'est que je ne suis pas inquiète, H. va trouver une solution. D'autre part, B. était si charmant depuis plusieurs moi que j'attendais le contrecoup. Je n'en imaginais pas la forme, mais je savait qu'il aurait lieu.)

A. arrive en voiture avec son lapin nain malgré tout beaucoup plus grand qu'il y a quelques mois. Il est même énorme dans la mesure où il est angora. Il n'a pas l'air effrayé (je redoutais la crise cardiaque pour son petit cœur de lapin).

Le soir, O. m'explique comment utiliser la recherche de kodi et je regarde le premier épisode de Sense8 dont Matoo et Ricroël ont parlé sur Twitter.


1 : «Et à la mauvaise habitude de parler de soi et de ses défauts il faut ajouter comme faisant bloc avec elle, cette autre de dénoncer chez les autres des défauts précisément analogues à ceux qu’on a. Or, c’est toujours de ces défauts-là qu’on parle, comme si c’était une manière de parler de soi, détournée, et qui joint au plaisir de s’absoudre celui d’avouer. D’ailleurs il semble que notre attention toujours attirée sur ce qui nous caractérise le remarque plus que toute autre chose chez les autres.» A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Noms de pays: le pays
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